Intervention de Bruno Racine

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 22 octobre 2014 : 3ème réunion
Audition de M. Bruno Racine président de la bibliothèque nationale de france bnf

Bruno Racine, président de la Bibliothèque nationale de France :

Le resserrement du quadrilatère Richelieu consiste à abandonner ses annexes. Cela concerne le bâtiment de l'École des chartes ainsi que le bâtiment situé à l'angle des rues Louvois et de Richelieu qui abrite le département de la musique. Un autre devait être cédé ; il logera finalement les organisations syndicales du ministère de la culture. Le bâtiment Louvois est bourré d'amiante, il n'est pas question de dépenser vingt millions d'euros pour le rénover. Sa valeur vénale est assez élevée. Nous trancherons ultérieurement la question de l'affectation de cette somme.

Le site de Bussy-Saint-Georges est dédié à la conservation, à l'analyse et au stockage. Dessiné lui aussi par Dominique Perrault, il a été conçu pour accueillir des modules supplémentaires ; s'il est éloigné du RER, il est également occupé par le Centre technique du livre de l'enseignement supérieur. C'est un très beau site, amené à jouer un rôle majeur pour le développement de la BnF.

Nous nous séparons également de l'hôtel de Nevers, en piteux état. Frédéric Mitterrand envisageait de le transformer en une maison de la photographie, usage peu approprié en vérité. Nous sommes désormais en discussion avec une grande communauté d'universités parisiennes, qui veut y implanter une unité de recherche musicologique, ce qui garantira la continuité de ses usages.

Nos ressources propres augmentent sur le triennal. Nous avons beaucoup perdu par la seule baisse des taux d'intérêt qui limite le produit du placement de la dotation annuelle, mais la réouverture de la première moitié du site Richelieu nous donne l'occasion de refacturer à l'INHA et à l'École des chartes une quote-part des charges d'entretien du bâtiment. Nous valorisons nos espaces au moyen d'autorisations d'occupation temporaire du domaine public, délivrées par exemple au cinéma MK2 ou à la Ville de Paris. J'ai de plus créé une délégation au mécénat pour rationaliser notre politique en la matière. Cela concerne toutefois principalement des trésors nationaux, acquisitions majeures mais guère retracées dans notre budget. Nous avons bénéficié d'un don important d'un mécène américain. L'essentiel en sera placé pour créer un fonds de dotation, dont nous avons constitué le conseil d'administration, et qui accueillera des dons et legs d'importance. Nous sommes de plus actionnaires de l'agence France Muséums et partenaires du Louvre Abu Dhabi, ce qui procure des recettes affectées essentiellement aux grandes acquisitions patrimoniales.

La création de la filiale BnF-Partenariats était une condition posée au bénéfice de crédits du programme d'investissements d'avenir (PIA), auxquels les autorités administratives n'étaient pas éligibles. Cette filiale a reçu une dotation de 10 millions d'euros, qui couvre les trois premières années de fonctionnement, et finance des opérations - qui n'auraient pas vu le jour sinon - sur les livres les plus anciens comme des incunables du XVe siècle ou des imprimés du XVIe siècle, et sur nos collections sonores : nous avons achevé la numérisation de 45 000 microsillons et réfléchissons à celle des 78 tours. Nous finalisons un partenariat destiné à développer la numérisation de nos collections de presse, car notre principale source de financement, le CNL, exclut la presse de son périmètre. Le Sénat a pendant plusieurs années apporté un complément de 100 000 à 150 000 euros pour développer les programmes désormais en ligne.

Les partenariats obéissent à une logique économique propre : les crédits du PIA ne sont affectés qu'aux projets dont la viabilité économique est démontrée et vérifiée par la Caisse des dépôts et consignations, qui en contrôle l'utilisation. Les partenariats sont, de plus, conclus dans le respect des directives européennes, la durée d'exploitation ne devant pas dépasser dix ans.

Le partenariat avec Google était une préconisation de l'Inspection générale des finances en 2009. Les discussions ont été interrompues ; l'entreprise n'est plus intéressée. Les collections francophones en ligne sur Google books paraissant suffisantes, la question n'est plus d'actualité.

J'ignore quel sera l'impact du traité transatlantique. La remise en cause des positions des acteurs de la chaîne du livre est rapide et brutale. Elle est moins le fait de Google que d'entreprises comme Amazon, car Google a trouvé un accord avec l'édition française sur le sort des livres français sous droit numérisés aux États-Unis. Amazon déstabilise le rapport entre les auteurs et les éditeurs, autant que la chaîne de distribution. Nous avons un pare-feu : le prix du livre numérique. Le commerce électronique est un phénomène de société majeur, auquel la librairie devra s'adapter si elle veut survivre, ce qui est hautement souhaitable pour la diversité éditoriale. L'équilibre économique des librairies est précaire ; les éditeurs ont longtemps comprimé leurs marges. Amazon les menace désormais davantage que les grandes surfaces...

Une récente étude de l'École normale supérieure sur les pratiques culturelles des Français révèle que le prix du livre n'a pas augmenté davantage que l'inflation, mais qu'il s'est éloigné de celui des autres biens culturels, comprimé par la révolution numérique. Cette évolution pose le problème de certains effets du prix unique du livre qui pourraient n'être pas tous favorables. En France, le livre électronique, lui, n'a pas décollé, contrairement au marché américain ou britannique, en raison de son prix élevé. Le chiffre d'affaires de l'édition est encore mauvais cette année ; le secteur approche d'un point de rupture. La fréquentation des bibliothèques est également inquiétante. Nous avons modernisé nos services à destination de tous les publics, mais notre bibliothèque de recherche perd en attractivité depuis avril, ce que nous n'avions pas anticipé. Ce n'est pas propre à la BnF, mais pose des questions : est-ce un accident ou l'amorce d'une nouvelle tendance ?

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