Commission de la culture, de l'éducation et de la communication

Réunion du 22 octobre 2014 : 3ème réunion

Résumé de la réunion

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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Nous accueillons M. Bruno Racine, président de la Bibliothèque nationale de France (BnF). La BnF, qui a reçu cette dénomination en 1994, est l'héritière de la Librairie royale créée par Charles V, et à laquelle François Ier a donné un élan décisif en posant les jalons du dépôt légal. Cette vénérable maison se trouve à présent dans un contexte inédit, celui d'une crise du livre et d'une certaine crise des bibliothèques traditionnelles à l'ère du numérique.

Premier opérateur du ministère de la culture en termes d'effectifs et de budget, la BnF absorbe près de 85 % des crédits du programme 334 de la mission « Médias, livre et industries culturelles », et bénéficie d'un soutien de l'État près de trois fois supérieur à celui accordé aux plus de 4 000 autres bibliothèques françaises.

Le contrat de performance pour 2011-2013 s'est achevé. Notre commission n'a toutefois pas été destinataire du rapport d'évaluation, réalisé par l'Inspection générale des affaires culturelles (IGAC). Un nouveau contrat triennal a été conclu, qui resserre les priorités. Monsieur le président, vous nous en direz davantage, et préciserez le poids de la contrainte budgétaire sur vos priorités et sur vos ambitions. Mme Colette Mélot, rapporteur pour avis de la mission, vous interrogera ensuite puis le débat s'engagera avec les autres membres de la commission.

Debut de section - Permalien
Bruno Racine, président de la Bibliothèque nationale de France

Je vous remercie de votre accueil et de l'intérêt que vous portez à la BnF. Avec 2 300 emplois et une dotation globale de 212 millions d'euros, elle est en effet le plus gros établissement sous la tutelle du ministère de la culture.

La BnF est implantée sur sept sites : François-Mitterrand, le quadrilatère Richelieu, la bibliothèque-musée de l'Opéra, la bibliothèque de l'Arsenal, le centre technique de conservation de Bussy-Saint-Georges, la bibliothèque de Sablé-sur-Sarthe et la maison Jean Vilar à Avignon.

L'histoire de la BnF est longue et riche ; le dépôt légal pour la presse et les livres, dont l'origine remonte au XVIe siècle, a des assises solides et a progressivement été étendu à d'autres supports : phonogrammes, vidéogrammes, et, depuis 2006, Internet. La BnF a la charge générale du dépôt légal, à l'exception du cinéma, qui ressortit au Centre national de la cinématographie, et des médias audiovisuels, dont la charge est confiée à l'Institut national de l'audiovisuel (INA).

Une mutation majeure a eu lieu dans l'histoire de la BnF au tournant du siècle, par la volonté du Président François Mitterrand de créer une bibliothèque nationale d'un genre nouveau. L'ancienne n'attirait qu'un public limité ; désormais, la BnF reçoit un million de visiteurs par an, manifestations culturelles comprises. Elle a été pionnière en matière de bibliothèque numérique : Gallica, créée en 1997, est l'une des plus grandes du monde avec 3 millions de documents en libre accès.

Nous vous ferons parvenir le rapport d'évaluation du précédent contrat de performance. Il est globalement positif ; les objectifs ont été jugés atteints, notamment en matière numérique. Notre actuelle feuille de route triennale résulte du contrat de performance en vigueur, signé en 2013, qui met davantage en avant la stratégie de l'établissement. Celle-ci est guidée par trois valeurs clés : confiance d'abord, pour ceux qui déposent leurs documents chez nous ; partage ensuite, de nos compétences et savoir-faire avec notre réseau de 250 pôles associés, dont le Sénat, pour sa bibliothèque patrimoniale ; innovation enfin, car les contraintes budgétaires et technologiques nous imposent de repenser nos modes d'action.

Quatre grands chantiers sont devant nous. D'abord, la rénovation du quadrilatère Richelieu, conduite par l'Opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la culture (OPPIC). Une première phase de ce chantier lancé en 2010 sera achevée en septembre 2015. Une fois la rénovation terminée, nous ouvrirons largement le site au public. Ses espaces seront partagés entre la BnF, l'Institut national d'histoire de l'art (INHA) - dont la bibliothèque occupera la plus belle salle du bâtiment - et l'École des chartes, afin d'en faire le premier pôle mondial d'histoire des arts et de l'image. Le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche contribue assez largement à cette première phase.

Deuxième chantier : le numérique. Gallica en est le fer de lance, mais il ne se réduit pas à la numérisation des documents. Maintenir le rythme de celle-ci impose de diversifier les financements. Nous bénéficions pour l'heure de ceux du Centre national du livre (CNL), de notre budget propre, du mécénat et de partenariats public-privé signés dans le cadre des programmes d'investissements d'avenir (PIA). Nous assurons en outre la mise en oeuvre de ReLire, grand projet de numérisation des ouvrages indisponibles mais sous droit du XXe siècle, la conservation des données de long terme et la diffusion de toutes ces richesses. Nous développons également notre coopération aux plans international et national, en redistribuant une partie de nos crédits à nos pôles associés. La BnF est enfin l'un des plus gros contributeurs au projet Opendata, grâce à la mise à disposition d'Etalab de plusieurs millions des notices qui constituent un considérable capital intellectuel.

Troisième chantier : la redéfinition de nos publics. Plus le numérique prend d'ampleur, plus la question de la venue des publics sur nos sites se pose. La maintenance de nos implantations physiques coûte cher. Nous engageons donc une conquête ou une reconquête de nos publics en chair et en os.

Quatrième et dernier chantier : la modernisation de notre gestion, dans un contexte de diminution de nos moyens. La BnF est avec le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) le seul établissement public à avoir entièrement dématérialisé sa chaîne de dépenses et de recettes. Reste que son département immobilier pèse lourd ; le site François-Mitterrand vieillit - il a vingt ans. Nous sommes passés près de la catastrophe l'année dernière avec l'inondation de certains espaces. Paradoxalement, jamais autant de livres n'ont été imprimés qu'à l'ère du numérique, ce qui place la BnF au bord de la saturation de ses capacités de stockage.

Depuis 2010, nous suivons une programmation budgétaire triennale, avec l'objectif de maintenir la soutenabilité de nos finances et de garder un niveau minimal de fonds de roulement. Ce n'est pas facile, car celui-ci finance traditionnellement nos grands investissements ; il a par exemple soutenu, à hauteur de 12 millions d'euros, la rénovation du quadrilatère Richelieu. Nous nous efforçons de ne pas sacrifier l'acquisition et la conservation de documents.

En 2015, la subvention de fonctionnement de l'État est reconduite, après plusieurs années de baisse. Mais l'effet du surgel de crédits nous contraindra à trouver 750 000 euros. Nous avons alerté notre ministère de tutelle sur le vieillissement du site François-Mitterrand, et aurons dans le triennal à venir un surplus de crédits d'investissement destinés à financer, notamment, un nouveau plan de sécurité incendie.

Nos marges de manoeuvre étant faibles, nous lançons peu d'actions nouvelles. Elles concernent essentiellement le logement social de nos agents et les bourses de recherche. En effet, nous avions 2 510 emplois en 2008 ; ils seront 2 267 en 2015, soit une baisse de près de 10 % en six ans : c'est considérable. Sans cela, nous n'aurions pu absorber la baisse des dotations de l'État. Le glissement vieillesse-technicité de notre personnel fait à lui seul augmenter notre masse salariale de 2 à 2,5 millions d'euros par an. Nos baisses d'effectifs se font au prix de tensions réelles, qui nous contraignent à une gestion extrêmement attentive et précautionneuse.

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Mélot

En 2009, l'Inspection générale des finances avait formulé des propositions, que vous avez manifestement suivies. Quelques précisions sont toutefois utiles : avez-vous en projet de réduction de la voilure en matière immobilière ? Le site de Bussy-Saint-Georges se trouve dans mon département : est-il plus utilisé qu'auparavant, y a-t-il des projets le concernant ?

De quels leviers disposez-vous pour assurer le bouclage financier à long terme de vos établissements ? Disposez-vous de réserves du côté de votre fonds de roulement ?

Quelles sont les raisons de la création de BnF-Partenariats ? Quels engagements financiers avez-vous pris ? Sont-ils flexibles ?

Quel est le statut du domaine de la BnF, et comment le valorisez-vous ? Les partenariats envisagés avec les géants du numérique ont-ils évolué ? Plus globalement, comment voyez-vous les défis auxquels fait face la chaîne française du livre ? Enfin, quels impacts pensez-vous que le traité de libre-échange transatlantique aura sur le livre ?

Debut de section - Permalien
Bruno Racine, président de la Bibliothèque nationale de France

Le resserrement du quadrilatère Richelieu consiste à abandonner ses annexes. Cela concerne le bâtiment de l'École des chartes ainsi que le bâtiment situé à l'angle des rues Louvois et de Richelieu qui abrite le département de la musique. Un autre devait être cédé ; il logera finalement les organisations syndicales du ministère de la culture. Le bâtiment Louvois est bourré d'amiante, il n'est pas question de dépenser vingt millions d'euros pour le rénover. Sa valeur vénale est assez élevée. Nous trancherons ultérieurement la question de l'affectation de cette somme.

Le site de Bussy-Saint-Georges est dédié à la conservation, à l'analyse et au stockage. Dessiné lui aussi par Dominique Perrault, il a été conçu pour accueillir des modules supplémentaires ; s'il est éloigné du RER, il est également occupé par le Centre technique du livre de l'enseignement supérieur. C'est un très beau site, amené à jouer un rôle majeur pour le développement de la BnF.

Nous nous séparons également de l'hôtel de Nevers, en piteux état. Frédéric Mitterrand envisageait de le transformer en une maison de la photographie, usage peu approprié en vérité. Nous sommes désormais en discussion avec une grande communauté d'universités parisiennes, qui veut y implanter une unité de recherche musicologique, ce qui garantira la continuité de ses usages.

Nos ressources propres augmentent sur le triennal. Nous avons beaucoup perdu par la seule baisse des taux d'intérêt qui limite le produit du placement de la dotation annuelle, mais la réouverture de la première moitié du site Richelieu nous donne l'occasion de refacturer à l'INHA et à l'École des chartes une quote-part des charges d'entretien du bâtiment. Nous valorisons nos espaces au moyen d'autorisations d'occupation temporaire du domaine public, délivrées par exemple au cinéma MK2 ou à la Ville de Paris. J'ai de plus créé une délégation au mécénat pour rationaliser notre politique en la matière. Cela concerne toutefois principalement des trésors nationaux, acquisitions majeures mais guère retracées dans notre budget. Nous avons bénéficié d'un don important d'un mécène américain. L'essentiel en sera placé pour créer un fonds de dotation, dont nous avons constitué le conseil d'administration, et qui accueillera des dons et legs d'importance. Nous sommes de plus actionnaires de l'agence France Muséums et partenaires du Louvre Abu Dhabi, ce qui procure des recettes affectées essentiellement aux grandes acquisitions patrimoniales.

La création de la filiale BnF-Partenariats était une condition posée au bénéfice de crédits du programme d'investissements d'avenir (PIA), auxquels les autorités administratives n'étaient pas éligibles. Cette filiale a reçu une dotation de 10 millions d'euros, qui couvre les trois premières années de fonctionnement, et finance des opérations - qui n'auraient pas vu le jour sinon - sur les livres les plus anciens comme des incunables du XVe siècle ou des imprimés du XVIe siècle, et sur nos collections sonores : nous avons achevé la numérisation de 45 000 microsillons et réfléchissons à celle des 78 tours. Nous finalisons un partenariat destiné à développer la numérisation de nos collections de presse, car notre principale source de financement, le CNL, exclut la presse de son périmètre. Le Sénat a pendant plusieurs années apporté un complément de 100 000 à 150 000 euros pour développer les programmes désormais en ligne.

Les partenariats obéissent à une logique économique propre : les crédits du PIA ne sont affectés qu'aux projets dont la viabilité économique est démontrée et vérifiée par la Caisse des dépôts et consignations, qui en contrôle l'utilisation. Les partenariats sont, de plus, conclus dans le respect des directives européennes, la durée d'exploitation ne devant pas dépasser dix ans.

Le partenariat avec Google était une préconisation de l'Inspection générale des finances en 2009. Les discussions ont été interrompues ; l'entreprise n'est plus intéressée. Les collections francophones en ligne sur Google books paraissant suffisantes, la question n'est plus d'actualité.

J'ignore quel sera l'impact du traité transatlantique. La remise en cause des positions des acteurs de la chaîne du livre est rapide et brutale. Elle est moins le fait de Google que d'entreprises comme Amazon, car Google a trouvé un accord avec l'édition française sur le sort des livres français sous droit numérisés aux États-Unis. Amazon déstabilise le rapport entre les auteurs et les éditeurs, autant que la chaîne de distribution. Nous avons un pare-feu : le prix du livre numérique. Le commerce électronique est un phénomène de société majeur, auquel la librairie devra s'adapter si elle veut survivre, ce qui est hautement souhaitable pour la diversité éditoriale. L'équilibre économique des librairies est précaire ; les éditeurs ont longtemps comprimé leurs marges. Amazon les menace désormais davantage que les grandes surfaces...

Une récente étude de l'École normale supérieure sur les pratiques culturelles des Français révèle que le prix du livre n'a pas augmenté davantage que l'inflation, mais qu'il s'est éloigné de celui des autres biens culturels, comprimé par la révolution numérique. Cette évolution pose le problème de certains effets du prix unique du livre qui pourraient n'être pas tous favorables. En France, le livre électronique, lui, n'a pas décollé, contrairement au marché américain ou britannique, en raison de son prix élevé. Le chiffre d'affaires de l'édition est encore mauvais cette année ; le secteur approche d'un point de rupture. La fréquentation des bibliothèques est également inquiétante. Nous avons modernisé nos services à destination de tous les publics, mais notre bibliothèque de recherche perd en attractivité depuis avril, ce que nous n'avions pas anticipé. Ce n'est pas propre à la BnF, mais pose des questions : est-ce un accident ou l'amorce d'une nouvelle tendance ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Grosperrin

Le travail que vous menez depuis des années n'est pas facile. Les débats relatifs aux durées d'exploitation des partenariats sont désormais derrière nous. Sur la numérisation des collections de toute nature, documents sonores compris, je vous rejoins : c'est extrêmement important.

Le site François-Mitterrand n'est pas très heureux esthétiquement - Dominique Perrault n'est pas Richelieu... De loin, les touristes se demandent si le site est ouvert ou en travaux. Vous n'en êtes certes pas responsable. Bref, recentrer votre activité sur le site Richelieu n'est pas une mauvaise idée et votre association avec l'INHA et l'École des chartes est intéressante. Avez-vous des relations fortes avec d'autres grandes bibliothèques françaises, comme la Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg, et avec vos homologues, suisses ou canadiens par exemple ?

J'ai visité, comme nouveau sénateur, la bibliothèque Médicis : est-elle numérisée ? Je parle bien sûr de celle du Sénat, pas de celle de Florence, qui l'est déjà...

Debut de section - Permalien
Bruno Racine, président de la Bibliothèque nationale de France

Le monde des bibliothèques nationales est un monde de collaboration plus que de concurrence. C'est inscrit dans nos gènes. Il existe une fondation des bibliothèques nationales européennes, dont j'assume la présidence, ainsi qu'une conférence des bibliothèques nationales au niveau mondial, plus informelle, qui se réunit une fois par an. La Conference of European National Librarians (CENL), que je préside, a financé et mis en oeuvre un catalogue commun des bibliothèques nationales, qui a pris une importance telle qu'il devient une structure indépendante.

La coopération entre bibliothèques francophones est plus poussée. Elle a donné lieu à la création du réseau francophone numérique par les bibliothèques nationales des pays riches : Canada et Québec, France, Belgique, Luxembourg, Suisse, auxquelles la bibliothèque d'Alexandrie s'est rattachée. Ce réseau, qui peut être un instrument de solidarité nord-sud, mène peu d'actions de numérisation, davantage d'actions de formation, de conseil, voire de suppléance, pour la gestion du patrimoine khmer par exemple, dont les composantes imprimées sont plus à Paris qu'à Phnom Penh.

L'action menée avec nos pôles associés est triple. Il y a d'abord les marchés de numérisation de masse, qui concernent 9 à 10 millions de pages chaque année, soit 70 000 livres. Le nouveau marché triennal qui entre en application concerne à hauteur de 30 % des livres fournis par des bibliothèques partenaires : selon des thématiques (histoire de l'art, médecine...) ou par région - les revues régionales savantes sont des mines précieuses - 30 % des crédits du CNL vont ainsi à nos partenaires.

Des conventions répartissent, en outre, chaque année 2,3 millions d'euros de crédits du ministère entre nos pôles associés, pour financer des actions liées au numérique : numérisation de catalogues ou opérations ponctuelles. Enfin, nous testons avec la Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg, et bientôt sans doute, avec celle de Côte d'Ivoire, un service appelé Gallica marque blanche.

Le Sénat fait partie de nos pôles associés. Nous avons conduit des opérations de numérisation avec lui, ainsi qu'avec l'Assemblée nationale et divers ministères, dont la Défense.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Bouchoux

Quel est l'avenir du site de Sablé-sur-Sarthe qui, je précise, n'est pas dans mon département ? La numérisation a un coût, comme l'avait rappelé notre ancien collègue Yann Gaillard. L'Union européenne recommande cependant de nous engager dans cette tendance lourde qu'est l'offre de service non payant, même lorsqu'elle procède d'un partenariat public-privé. Comment voyez-vous l'avenir en ce domaine ? Un accès spécifique à vos collections est-il prévu pour les établissements scolaires, en vertu d'un principe que l'on pourrait qualifier de gratuité pédagogique ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Pierre Monier

Enseignante jusqu'au 27 septembre dernier, ces questions m'intéressent également... Avez-vous des statistiques sur l'âge de vos visiteurs et, plus généralement, sur le public qui fréquente la BnF ? Menez-vous des actions spécifiques à l'attention de la jeunesse ? Accordez-vous des prêts internationaux ? Quel est le budget correspondant ?

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Je rejoins M. Grosperrin : avez-vous une politique internationale, à destination du réseau francophone ? Existe-t-il des projets européens dans ce domaine ? Nous avons tous été très attentifs au projet Europeana : où en est-il ?

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Mélot

Le projet de Google n'a pas eu de suite. Le considérez-vous comme un concurrent ? La baisse de fréquentation de la BnF est-elle liée à Google ? Et que devient le marché passé entre Google et la grande bibliothèque de Lyon ?

Debut de section - Permalien
Bruno Racine, président de la Bibliothèque nationale de France

Le site de Sablé-sur-Sarthe a une histoire récente. Ce château a été donné à la Bibliothèque nationale du temps de Joël le Theule. La BnF y a des ateliers de restauration et de numérisation ; ils mobilisent une cinquantaine d'agents, qui y sont très heureux. L'Inspection générale des finances estimait que la rationalité économique commandait d'abandonner le site. De ce strict point de vue, c'est exact. Monument historique, le château de Sablé a mobilisé une certaine quantité d'argent public pour sa rénovation. L'adéquation entre le coût d'entretien du lieu et l'utilisation qui en est faite pose un vrai problème. Néanmoins, le site fonctionne ; sa dynamique responsable a noué avec la mairie des accords pour dégager des espaces et accueillir des événements culturels, lesquels requièrent toutefois des mises aux normes : c'est un cercle vicieux. Or la priorité des investissements de court terme a été donnée aux sites Richelieu et François-Mitterrand, où une catastrophe a manqué de se produire il y a peu. Bref, nous sommes attachés au site de Sablé ; il faudra discuter de l'utilisation du château avec les collectivités territoriales.

Les ressources dans le domaine public sont en accès gratuit sur Gallica dès lors que nous les avons numérisées à l'aide des crédits de l'État, du CNL ou de notre budget propre. Le partenariat sur le livre ancien constitue une exception, car les ressources numérisées dans ce cadre seront libérées par tranches tous les dix ans, mais ces éditions originales du XVe et du XVIe siècles intéressent toutefois principalement des chercheurs pourvus de carte d'accès à la BnF... Les documents du domaine protégé ne sont en revanche pas accessibles, sauf si les ayants droit en disposent par ailleurs.

Les ressources web qui entrent chez nous par le dépôt légal tombent dans le domaine de la propriété intellectuelle ; elles ne peuvent donc être mises en libre accès. Nous sommes en train de développer avec la bibliothèque de Montpellier, avant de l'étendre à toutes les bibliothèques en région chargées du dépôt légal imprimeur, un accès au dépôt légal de l'Internet. Nous souhaitons une couverture généreuse du territoire national en points d'accès...

Nous avons conclu un accord avec Arte pour offrir aux médiathèques, à un tarif extrêmement bas, un bouquet dans lequel on trouvera les collections sonores, les livres sur tablette. Une petite bibliothèque devra débourser quelques centaines d'euros par an pour avoir accès à ces collections, sans restriction du nombre d'usagers. Une partie de ces recettes ira aux sociétés de gestion des droits.

La fréquentation de la bibliothèque publique du Haut de jardin est à près de 80 % le fait de lycéens et d'étudiants et la bibliothèque de recherche est fréquentée par des doctorants, mais aussi par des étudiants de master 2 et parfois même de master 1.

Des échanges ont lieu avec des bibliothèques étrangères. La BnF prête beaucoup lors des expositions. Ainsi en est-il pour l'exposition Sonia Delaunay au Musée d'art moderne de la Ville de Paris où la moitié des pièces viennent de la BnF. Même remarque pour l'exposition Saint Louis à la Conciergerie.

Nous avons un site « Classes BnF » : l'action pédagogique, née il y a vingt ans, utilise désormais pour l'essentiel le canal du numérique. Nous travaillons avec les rectorats, notamment Versailles et Créteil, en mettant l'accent sur les publics défavorisés ou éloignés de la culture, pour lesquels le Fonds européen d'intégration nous a versé 250 000 euros sur deux ans.

Il n'est plus question, comme l'avait envisagé l'Inspection des finances, de demander à Google de s'intéresser à la numérisation d'une partie de nos collections. Google books, qui ne donne accès qu'à des livres numérisés par Google, a numérisé les meilleures bibliothèques de la planète. Pour un chercheur français, ce site constitue une ressource incontournable. Désormais mieux référencée par le moteur de recherche de Google, Gallica propose un champ plus large avec 500 000 livres, mais aussi des collections de presse, d'images et de documents sonores. En outre, les critères de qualité et de catalogage privilégient l'excellence, de sorte que les deux outils sont plus complémentaires que concurrents. Une plus grande ouverture de Google Books marquerait une grande avancée pour la BnF. Nous sommes en discussion avec la bibliothèque de Lyon pour que Gallica puisse référencer sa magnifique collection de livres antérieurs au XXe siècle.

La BnF a été co-organisatrice avec la ville de Lyon du congrès mondial des bibliothèques en août. De nombreuses conventions bilatérales ont été conclues : demain, je serai à Rabat pour signer avec la Bibliothèque nationale du Maroc, qui est d'une grande qualité, une nouvelle convention très importante.

Europeana est né de la prise de conscience du projet Google, mais le site est de nature différente : il entend fédérer les ressources numériques culturelles de tous les domaines, que ce soit les livres, les musées, les archives, le son, l'audiovisuel. Il s'agit essentiellement d'un portail d'accès. La Commission européenne a axé le projet sur le quantitatif : Europeana référence une trentaine de millions d'objets, mais sans principe d'ordonnancement et avec une qualité très inégale d'image ou de description.

La fréquentation d'Europeana est très décevante, quatre fois plus faible que celle de Gallica. Europeana va se développer comme une plateforme favorisant l'émergence de projets innovants. Son financement est assuré à court terme grâce au mécanisme européen d'interconnexion censé être doté de 9 milliards d'euros mais qui n'en compte plus qu'un et qui finance des projets d'infrastructures autres que numériques. Son financement pérenne n'est donc pas encore assuré et il est surprenant que ce projet ne soit pas davantage soutenu par le secteur éducatif et culturel de la Commission. En tant que président du conseil d'administration d'Europeana pendant encore quelques mois, je vais relancer ce projet au niveau politique et diplomatique.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Vos lecteurs vous font-ils part d'éventuelles imperfections du site Internet de la BnF ?

Debut de section - Permalien
Bruno Racine, président de la Bibliothèque nationale de France

La reconnaissance optique des caractères n'est jamais efficace à 100 %. Les lecteurs peuvent identifier les erreurs et nous demander de les corriger. Je vous dirai ce qu'il en est.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Merci pour ces échanges. La BnF a de nombreux défis à relever, dont l'équation financière n'est pas le moindre. Enfin, j'accepte volontiers l'invitation que vous avez lancée à la commission de se rendre sur site à la BnF.

La réunion est levée à 16 h 45.