Intervention de Bruno Racine

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 22 octobre 2014 : 3ème réunion
Audition de M. Bruno Racine président de la bibliothèque nationale de france bnf

Bruno Racine, président de la Bibliothèque nationale de France :

Le site de Sablé-sur-Sarthe a une histoire récente. Ce château a été donné à la Bibliothèque nationale du temps de Joël le Theule. La BnF y a des ateliers de restauration et de numérisation ; ils mobilisent une cinquantaine d'agents, qui y sont très heureux. L'Inspection générale des finances estimait que la rationalité économique commandait d'abandonner le site. De ce strict point de vue, c'est exact. Monument historique, le château de Sablé a mobilisé une certaine quantité d'argent public pour sa rénovation. L'adéquation entre le coût d'entretien du lieu et l'utilisation qui en est faite pose un vrai problème. Néanmoins, le site fonctionne ; sa dynamique responsable a noué avec la mairie des accords pour dégager des espaces et accueillir des événements culturels, lesquels requièrent toutefois des mises aux normes : c'est un cercle vicieux. Or la priorité des investissements de court terme a été donnée aux sites Richelieu et François-Mitterrand, où une catastrophe a manqué de se produire il y a peu. Bref, nous sommes attachés au site de Sablé ; il faudra discuter de l'utilisation du château avec les collectivités territoriales.

Les ressources dans le domaine public sont en accès gratuit sur Gallica dès lors que nous les avons numérisées à l'aide des crédits de l'État, du CNL ou de notre budget propre. Le partenariat sur le livre ancien constitue une exception, car les ressources numérisées dans ce cadre seront libérées par tranches tous les dix ans, mais ces éditions originales du XVe et du XVIe siècles intéressent toutefois principalement des chercheurs pourvus de carte d'accès à la BnF... Les documents du domaine protégé ne sont en revanche pas accessibles, sauf si les ayants droit en disposent par ailleurs.

Les ressources web qui entrent chez nous par le dépôt légal tombent dans le domaine de la propriété intellectuelle ; elles ne peuvent donc être mises en libre accès. Nous sommes en train de développer avec la bibliothèque de Montpellier, avant de l'étendre à toutes les bibliothèques en région chargées du dépôt légal imprimeur, un accès au dépôt légal de l'Internet. Nous souhaitons une couverture généreuse du territoire national en points d'accès...

Nous avons conclu un accord avec Arte pour offrir aux médiathèques, à un tarif extrêmement bas, un bouquet dans lequel on trouvera les collections sonores, les livres sur tablette. Une petite bibliothèque devra débourser quelques centaines d'euros par an pour avoir accès à ces collections, sans restriction du nombre d'usagers. Une partie de ces recettes ira aux sociétés de gestion des droits.

La fréquentation de la bibliothèque publique du Haut de jardin est à près de 80 % le fait de lycéens et d'étudiants et la bibliothèque de recherche est fréquentée par des doctorants, mais aussi par des étudiants de master 2 et parfois même de master 1.

Des échanges ont lieu avec des bibliothèques étrangères. La BnF prête beaucoup lors des expositions. Ainsi en est-il pour l'exposition Sonia Delaunay au Musée d'art moderne de la Ville de Paris où la moitié des pièces viennent de la BnF. Même remarque pour l'exposition Saint Louis à la Conciergerie.

Nous avons un site « Classes BnF » : l'action pédagogique, née il y a vingt ans, utilise désormais pour l'essentiel le canal du numérique. Nous travaillons avec les rectorats, notamment Versailles et Créteil, en mettant l'accent sur les publics défavorisés ou éloignés de la culture, pour lesquels le Fonds européen d'intégration nous a versé 250 000 euros sur deux ans.

Il n'est plus question, comme l'avait envisagé l'Inspection des finances, de demander à Google de s'intéresser à la numérisation d'une partie de nos collections. Google books, qui ne donne accès qu'à des livres numérisés par Google, a numérisé les meilleures bibliothèques de la planète. Pour un chercheur français, ce site constitue une ressource incontournable. Désormais mieux référencée par le moteur de recherche de Google, Gallica propose un champ plus large avec 500 000 livres, mais aussi des collections de presse, d'images et de documents sonores. En outre, les critères de qualité et de catalogage privilégient l'excellence, de sorte que les deux outils sont plus complémentaires que concurrents. Une plus grande ouverture de Google Books marquerait une grande avancée pour la BnF. Nous sommes en discussion avec la bibliothèque de Lyon pour que Gallica puisse référencer sa magnifique collection de livres antérieurs au XXe siècle.

La BnF a été co-organisatrice avec la ville de Lyon du congrès mondial des bibliothèques en août. De nombreuses conventions bilatérales ont été conclues : demain, je serai à Rabat pour signer avec la Bibliothèque nationale du Maroc, qui est d'une grande qualité, une nouvelle convention très importante.

Europeana est né de la prise de conscience du projet Google, mais le site est de nature différente : il entend fédérer les ressources numériques culturelles de tous les domaines, que ce soit les livres, les musées, les archives, le son, l'audiovisuel. Il s'agit essentiellement d'un portail d'accès. La Commission européenne a axé le projet sur le quantitatif : Europeana référence une trentaine de millions d'objets, mais sans principe d'ordonnancement et avec une qualité très inégale d'image ou de description.

La fréquentation d'Europeana est très décevante, quatre fois plus faible que celle de Gallica. Europeana va se développer comme une plateforme favorisant l'émergence de projets innovants. Son financement est assuré à court terme grâce au mécanisme européen d'interconnexion censé être doté de 9 milliards d'euros mais qui n'en compte plus qu'un et qui finance des projets d'infrastructures autres que numériques. Son financement pérenne n'est donc pas encore assuré et il est surprenant que ce projet ne soit pas davantage soutenu par le secteur éducatif et culturel de la Commission. En tant que président du conseil d'administration d'Europeana pendant encore quelques mois, je vais relancer ce projet au niveau politique et diplomatique.

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