La mission « Santé » est une petite mission qui représente environ 1,2 milliard d'euros du budget de l'État. Elle suit une approche binaire, avec un premier volet consacré au programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins », qui regroupe les subventions de l'État aux agences sanitaires et les crédits destinés à la politique de prévention des agences régionales de santé (ARS), et un second volet constitué par le programme 183 « Protection maladie », dédié au financement de l'aide médicale d'État (AME). Si le programme 204 était majoritaire il y a quelques années, l'AME y tient désormais une place prépondérante. Sans tenir compte des modifications de périmètre, les crédits de la mission diminuent de 7 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2014. Cependant, un certain nombre de transferts vers l'assurance maladie sont prévus en 2015 - en particulier concernant le financement de la formation médicale des internes effectuée en dehors des centres hospitaliers universitaires (CHU) - ce qui affecte le périmètre de la mission. Les raisons de ces transferts sont peu expliquées ; seul l'argument de la clarification du financement est avancé. Si l'on neutralise ces mesures de périmètre, l'enveloppe de la mission progresse de 3,3 % en 2015. De même, sur le triennal 2015-2017, les crédits progresseraient de 2,2 %. La programmation proposée aboutit à une augmentation en valeur du montant des crédits, alors que l'État s'impose pour l'ensemble de ses dépenses, hors charge de la dette et pensions, une évolution « zéro valeur ». Prise dans son ensemble, la mission ne contribue pas au plan d'économies annoncé par le Gouvernement.
En analysant plus en détail le contenu de la mission, on constate que des efforts de maîtrise de la dépense sont prévus dans le champ des opérateurs sanitaires. Le montant global des subventions pour charges de service public des huit opérateurs financés par la mission diminue de 4,4 % en 2015 et de près de 13 % à l'horizon 2017, par rapport aux crédits inscrits en loi de finances initiale pour 2014. Le plafond d'autorisation d'emplois des opérateurs diminue de 2 % en 2015 et les années suivantes du triennal, ce qui est conforme aux objectifs fixés par la lettre de cadrage du Premier ministre. Un certain flou demeure quant aux effets de la création du nouvel Institut national de prévention, de veille et d'intervention publique, issu de la fusion de trois agences sanitaires relevant de la mission : l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (INPES), l'Institut national de veille sanitaire (InVS) et l'Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS). La ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, Marisol Touraine, a confirmé son souhait de solliciter l'habilitation du Parlement dans le cadre du projet de loi relatif à la santé pour fusionner ces trois agences par ordonnance.
Au vu de l'évolution à la baisse des crédits du programme 204 (- 5,8 % à périmètre constant), la hausse des crédits de la mission « Santé » pour 2015 provient uniquement de la progression des dépenses d'AME. Ce dispositif assure l'accès gratuit aux soins des étrangers en situation irrégulière ; il ne faut pas le confondre avec le dispositif en vigueur pour les demandeurs d'asile, qui ont droit à la couverture maladie universelle (CMU). Depuis sa création en 2001, les dépenses d'AME ont augmenté de 90 %. En 2002, 140 000 personnes étaient concernées, contre plus de 280 000 en 2013. La situation est particulièrement tendue dans les grands hôpitaux de la région parisienne.
En 2013, les dépenses totales d'AME ont atteint 846 millions d'euros - État et assurance maladie confondus - soit une hausse de 20 % par rapport à 2012, pour environ 282 000 bénéficiaires. Le projet de loi de finances pour 2015 propose une augmentation de 12 % des crédits de l'AME par rapport aux crédits programmés pour 2014. Cette prévision se fonde sur des hypothèses optimistes concernant le nombre de bénéficiaires, prévoyant notamment un impact de la réforme du droit d'asile sur les effectifs. Le Gouvernement a donc fait le choix de sanctuariser les dépenses de l'AME tandis que des efforts de plus en plus importants seront demandés aux familles en 2015. Certaines de ces familles n'arrivent plus à payer d'assurance maladie complémentaire ou de mutuelle, alors même qu'elles travaillent et payent leurs cotisations. À l'inverse, des personnes qui ne cotisent pas bénéficient d'une couverture santé gratuite. Que faire pour remédier à cette situation ?
Certaines missions de l'AME ne peuvent pas être remises en cause, comme celle qui touche à la prise en charge des soins urgents, lorsque le pronostic vital est engagé, mais aussi celle qui traite des mesures de prophylaxie. En revanche, il faudrait réétudier les conditions de prise en charge par l'AME des malades chroniques, qui peut s'étendre sur plusieurs années. Le problème est à la fois politique, économique et social. Si les conditions d'accès à l'AME ne sont pas révisées, le budget qui y est consacré atteindra certainement le milliard d'euros d'ici dix-huit mois. Nous ne pouvons pas laisser courir ces dépenses à l'infini. C'est pourquoi, je vous propose de réserver la position de la commission des finances sur l'ensemble des crédits de la mission.