Au cours d'une première séance tenue le matin, la commission procède tout d'abord à l'examen du rapport de M. Francis Delattre, rapporteur spécial, sur la mission « Santé ».
La mission « Santé » est une petite mission qui représente environ 1,2 milliard d'euros du budget de l'État. Elle suit une approche binaire, avec un premier volet consacré au programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins », qui regroupe les subventions de l'État aux agences sanitaires et les crédits destinés à la politique de prévention des agences régionales de santé (ARS), et un second volet constitué par le programme 183 « Protection maladie », dédié au financement de l'aide médicale d'État (AME). Si le programme 204 était majoritaire il y a quelques années, l'AME y tient désormais une place prépondérante. Sans tenir compte des modifications de périmètre, les crédits de la mission diminuent de 7 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2014. Cependant, un certain nombre de transferts vers l'assurance maladie sont prévus en 2015 - en particulier concernant le financement de la formation médicale des internes effectuée en dehors des centres hospitaliers universitaires (CHU) - ce qui affecte le périmètre de la mission. Les raisons de ces transferts sont peu expliquées ; seul l'argument de la clarification du financement est avancé. Si l'on neutralise ces mesures de périmètre, l'enveloppe de la mission progresse de 3,3 % en 2015. De même, sur le triennal 2015-2017, les crédits progresseraient de 2,2 %. La programmation proposée aboutit à une augmentation en valeur du montant des crédits, alors que l'État s'impose pour l'ensemble de ses dépenses, hors charge de la dette et pensions, une évolution « zéro valeur ». Prise dans son ensemble, la mission ne contribue pas au plan d'économies annoncé par le Gouvernement.
En analysant plus en détail le contenu de la mission, on constate que des efforts de maîtrise de la dépense sont prévus dans le champ des opérateurs sanitaires. Le montant global des subventions pour charges de service public des huit opérateurs financés par la mission diminue de 4,4 % en 2015 et de près de 13 % à l'horizon 2017, par rapport aux crédits inscrits en loi de finances initiale pour 2014. Le plafond d'autorisation d'emplois des opérateurs diminue de 2 % en 2015 et les années suivantes du triennal, ce qui est conforme aux objectifs fixés par la lettre de cadrage du Premier ministre. Un certain flou demeure quant aux effets de la création du nouvel Institut national de prévention, de veille et d'intervention publique, issu de la fusion de trois agences sanitaires relevant de la mission : l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (INPES), l'Institut national de veille sanitaire (InVS) et l'Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS). La ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, Marisol Touraine, a confirmé son souhait de solliciter l'habilitation du Parlement dans le cadre du projet de loi relatif à la santé pour fusionner ces trois agences par ordonnance.
Au vu de l'évolution à la baisse des crédits du programme 204 (- 5,8 % à périmètre constant), la hausse des crédits de la mission « Santé » pour 2015 provient uniquement de la progression des dépenses d'AME. Ce dispositif assure l'accès gratuit aux soins des étrangers en situation irrégulière ; il ne faut pas le confondre avec le dispositif en vigueur pour les demandeurs d'asile, qui ont droit à la couverture maladie universelle (CMU). Depuis sa création en 2001, les dépenses d'AME ont augmenté de 90 %. En 2002, 140 000 personnes étaient concernées, contre plus de 280 000 en 2013. La situation est particulièrement tendue dans les grands hôpitaux de la région parisienne.
En 2013, les dépenses totales d'AME ont atteint 846 millions d'euros - État et assurance maladie confondus - soit une hausse de 20 % par rapport à 2012, pour environ 282 000 bénéficiaires. Le projet de loi de finances pour 2015 propose une augmentation de 12 % des crédits de l'AME par rapport aux crédits programmés pour 2014. Cette prévision se fonde sur des hypothèses optimistes concernant le nombre de bénéficiaires, prévoyant notamment un impact de la réforme du droit d'asile sur les effectifs. Le Gouvernement a donc fait le choix de sanctuariser les dépenses de l'AME tandis que des efforts de plus en plus importants seront demandés aux familles en 2015. Certaines de ces familles n'arrivent plus à payer d'assurance maladie complémentaire ou de mutuelle, alors même qu'elles travaillent et payent leurs cotisations. À l'inverse, des personnes qui ne cotisent pas bénéficient d'une couverture santé gratuite. Que faire pour remédier à cette situation ?
Certaines missions de l'AME ne peuvent pas être remises en cause, comme celle qui touche à la prise en charge des soins urgents, lorsque le pronostic vital est engagé, mais aussi celle qui traite des mesures de prophylaxie. En revanche, il faudrait réétudier les conditions de prise en charge par l'AME des malades chroniques, qui peut s'étendre sur plusieurs années. Le problème est à la fois politique, économique et social. Si les conditions d'accès à l'AME ne sont pas révisées, le budget qui y est consacré atteindra certainement le milliard d'euros d'ici dix-huit mois. Nous ne pouvons pas laisser courir ces dépenses à l'infini. C'est pourquoi, je vous propose de réserver la position de la commission des finances sur l'ensemble des crédits de la mission.
Votre demande est faite suffisamment tôt pour que nous puissions prendre position ultérieurement. Il nous arrive souvent, l'année d'un renouvellement, de réserver notre avis en début de session.
Je tiens à dire combien je suis sensible au rapport spécial qui vient de nous être présenté. J'ai souvenir d'avoir posé le problème de l'AME en termes clairs, ici-même, en juin dernier, lors de l'audition de la ministre Marisol Touraine, et d'avoir obtenu des réponses dilatoires. Il est clair qu'en exécution pour 2015 le budget de l'AME risque d'avoisiner le milliard d'euros, alors qu'il était de 80 millions d'euros, en 2001, lors de sa création. Il a été multiplié par douze ! Il est urgent de corriger la situation. Beaucoup d'étrangers en situation irrégulière sont venus en France pour bénéficier de soins hospitaliers. Il n'y a qu'à entendre les directeurs d'hôpitaux, notamment ceux d'Île-de-France, protester : « nous sommes saturés ! ». À l'étranger, des réseaux font savoir que pour être soignés, il suffit d'aller en France ! La situation n'est pas tenable. Le Gouvernement a envoyé un signal terrible en supprimant le droit de timbre. Certes, il rapportait peu, 5 à 10 millions d'euros, mais c'était un signal disant qu'il n'était pas possible d'avoir tout gratuitement. Les autres pays européens ont révisé leurs dispositifs de soins à l'égard des étrangers en situation irrégulière. L'Espagne ou le Royaume-Uni notamment, ont imposé un droit d'accès plus contraignant. Si la France reste le seul pays attractif, les dépenses exploseront. J'espère beaucoup des deux textes à venir sur le droit d'asile et la politique migratoire. Le Gouvernement devra y prendre acte du besoin de contrôle. Les citoyens qui voient leurs dépenses de santé augmenter n'accepteront pas que les cotisations servent de plus en plus à financer l'AME.
Monsieur le rapporteur, je vous félicite pour votre exposé exhaustif. Naguère, un maréchal qui portait votre nom avait pour devise « ne pas subir ». Nous sommes en train de subir. Je le dis en tant que parlementaire, citoyen et professionnel de santé. Nous craignions la mise en place d'une médecine à deux vitesses. Nous y sommes, mais sous une forme que nous n'imaginions pas : d'un côté, ceux qui arrivent sur notre territoire et bénéficient de notre vertu, de l'autre, les classes moyennes, dont la couverture médicale se restreint. La dernière campagne sénatoriale a montré que notre vertu pouvait devenir une faiblesse. La candeur fait le terreau des extrêmes et donne des arguments au Front national. On soigne ces étrangers et en même temps on les ostracise, on les transforme en boucs émissaires. En tant que professionnel de santé, j'ai été confronté au trafic des cartes vitales distribuées à tout-va et à la surcharge des hôpitaux. Par vertu, on a voulu aligner l'AME sur la CMU : ce fut une erreur. La CMU est réservée aux résidents qui ont de faibles moyens, je trouve cela normal. Mais à cause de l'AME, la France devient un pays attractif pour les candidats à l'exil. Un Premier ministre disait que la France ne pouvait accueillir toute la misère du monde. Actuellement, la France est attractive pour toute la misère du monde, aux dépens de la population. Comme humaniste, je dirai que c'est bien de soigner toutes les personnes qui en ont besoin, mais il faut fixer des limites : l'AME est une bombe à retardement budgétaire et sociale. La France doit rester un pays d'ouverture, mais nous devons nous garder de tout angélisme et nous inspirer de l'exemple des pays voisins.
Je partage les remarques de bon sens de mes deux collègues. Voilà deux ans que nous relevons le dérapage des dépenses et le laxisme du Gouvernement. Quelles mesures ont été prises et quel impact ont-elles eu ? Visiblement, aucun. Je ne comprends pas qu'on laisse filer l'argent public sans réagir. Est-ce un problème de principe, un problème de fond ? S'agissant des chiffres, je ne comprends pas la différence entre les 744 millions d'euros dépenses en 2013 sur le programme 183 « Protection maladie » et les 715 millions d'euros consommés pour l'AME.
Les 715 millions d'euros auxquels vous faites référence correspondent aux dépenses effectives d'AME de droit commun constatées en 2013 (dont 13 millions d'euros de dette de l'État vis-à-vis de l'assurance maladie), tandis que les 744 millions d'euros correspondent aux trois types d'aide médicale d'État financés par l'État en 2013 (702 millions d'euros pour l'AME de droit commun, 40 millions d'euros de subvention à l'assurance maladie pour l'AME soins urgents et environ 2 millions d'euros pour l'AME humanitaire).
Le Gouvernement prévoit qu'en 2015 les dépenses seront inférieures à celles de 2013.
Comment approuver des crédits lorsque l'évaluation n'est pas sincère ? Par ailleurs, cette année, 10 millions d'euros sont inscrits dans le programme 183 « Protection maladie » pour les victimes de l'amiante. À quoi ces crédits correspondent-ils ?
Effectivement, l'AME pose problème. La Cour des comptes a rappelé qu'en exécution pour 2013, la prévision avait été trop imprudente par rapport à l'évolution du nombre des bénéficiaires. L'exécution 2013 porte le poids d'une opération de cavalerie, à savoir le report d'un certain nombre de mois de facturation hospitalière de 2012 sur 2013. Pour cela, des crédits complémentaires ont été dégagés pour l'exercice 2013 qui se sont révélés insuffisants, tout comme en 2014. À la fin 2012, l'État enregistrait une dette de 38,7 millions vis-à-vis de la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAMTS), cette dette montant à 51,7 millions en décembre 2013. Comment évoluera-t-elle en 2014 ? L'existence de cette dette montre que le programme est impossible à exécuter dans les conditions présentées. Même si nous stabilisons le nombre de bénéficiaires de l'AME, il restera à apurer la dette de l'État vis-à-vis de l'assurance maladie. Non seulement le budget n'est pas soutenable, mais il doit encore porter les irrégularités du passé, car la loi de finances initiale pour 2014 n'avait pas prévu de couvrir cette dette.
Lors de sa venue au Sénat, Marisol Touraine a constaté de fortes disparités régionales pour l'ouverture des droits à l'AME. Si ces différences ne sont pas justifiées d'un point de vue géographique ou démographique, l'ouverture des droits serait mieux gérée dans certains territoires que dans d'autres. Cela signifie que de bonnes pratiques existeraient, qui demandent à être développées. Enfin, la disparition du droit de timbre a effectivement pu constituer un signal négatif.
Effectivement, les crédits sont sous-évalués. Je remercie le rapporteur pour sa comparaison avec les autres pays européens : une harmonisation européenne est indispensable. Nous pouvons conserver les prestations médicales de base et les interventions médicales urgentes, mais les prestations ne sont pas sans limite. Voilà des années - six ans maintenant ! - que j'entends la même chose sur ce dossier. Il est temps d'agir, surtout quand on constate que les crédits sont sous-évalués.
Chaque année, le sujet est traité de la même manière. Les chiffres figurant dans votre note montrent que le tourisme médical n'est pas si marquant. En revanche, l'AME de droit commun est en forte hausse, sans doute à cause du transfert des dépenses d'une année sur l'autre. Il y a un ou deux ans, un débat avait montré l'importance de traiter les populations étrangères arrivant en France dans un état de santé dégradé : les soigner permet notamment d'éviter la recrudescence des maladies pulmonaires. Enfin, je lis, dans votre note de présentation, que les fraudes en matière d'AME sont surtout liées aux conditions de ressources. Pourriez-vous être plus précis ?
Tout en saluant le travail du rapporteur, je souhaiterais l'interroger sur la réorganisation des agences sanitaires dont il est fait état dans sa note. Des remarques pertinentes sont faites sur le coût de ces agences, qui représentent plus de 2 500 emplois. Comment imaginer leur avenir ? Elles ont leur utilité tout en menant parfois une action inadaptée. L'INPES, par exemple, a envoyé des affiches de prévention contre la canicule dans les petites communes d'un département où le risque est très réduit. Le coût de ces agences m'interpelle. On est en droit de s'interroger sur leur efficacité sur le terrain.
Dans une commission spéciale du Sénat, nous travaillons actuellement sur la carte territoriale. Je m'interroge souvent sur le manque de courage des élus en matière de cartographie hospitalière.
Souvent, un CHU qui fonctionne bien est mis en péril par l'ouverture de nouvelles unités dans un établissement voisin, et cela avec des coûts supplémentaires. De même, on installe certains appareils de manière irresponsable. À quoi peuvent servir deux appareils d'imagerie par résonance magnétique (IRM) dans un rayon de quarante kilomètres, s'il n'y a pas de radiologue pour les faire fonctionner ? La multiplication des transports héliportés n'est pas non plus souhaitable, si l'on considère leur efficacité relative en termes de conditions climatiques et de géographie, et surtout leur coût. Enfin, le rapporteur nous demande de surseoir momentanément à notre vote sur les crédits de la mission. A-t-il lui-même des solutions à nous proposer ?
Je voudrais revenir sur la réorganisation des agences sanitaires. Le projet de loi de finances pour 2015 est sous forte pression budgétaire. Pourtant, la restructuration annoncée n'est toujours pas en place. Notre commission peut-elle vraiment contribuer à l'efficacité de la gestion budgétaire ? Le sujet des épidémies est transversal et nécessite la mobilisation de tous. Or, il est traité de façon médiocre. L'INPES, pour des raisons budgétaires a décidé d'interrompre le financement alloué à un réseau médical traitant le H1N1. Il y a Ebola, la tuberculose et le Chikungunya, très présent dans les îles françaises. Les contraintes budgétaires font en général disparaître tout ce qui est transversal... Les agences sanitaires sont éclatées, trop éloignées de la direction générale de la santé (DGS), ce qui nuit à leur efficacité.
Tous les départements ne sont pas concernés au même titre par l'AME ! La Seine-Saint-Denis, par exemple, est particulièrement touchée. Beaucoup de ses hôpitaux ont été mis en difficulté par le délai de remboursement des dépenses de l'AME par l'État. Existe-t-il des indicateurs sur la situation des hôpitaux et les délais de paiement ?
Monsieur Bouvard, le rapporteur se doit d'être modéré. Pourtant, je l'ai dit, les prévisions du projet de loi de finances pour 2015 sont irréalistes. Elles ne correspondent pas à la réalité des besoins. Il est possible, effectivement, qu'il y ait un problème de sincérité.
Les fraudes existent, Madame Beaufils. Certains prétendent avoir moins de 700 euros de ressources alors que ce n'est pas vrai. La fraude est aussi variable selon les régions ; la région parisienne et la Guyane, qui concentrent un grand nombre de bénéficiaires, semblent également concentrer les cas de fraude.
Monsieur Patriat, j'ai dit que nous ne pouvions pas transiger sur deux points : les soins urgents et la prévention des épidémies. Mais il y a tout le reste... Pour encadrer le système de prestations, il faudrait se mettre d'accord sur une catégorie de soins à couvrir et surtout sur la durée de leur couverture. L'AME devrait être ponctuelle ; elle dure parfois des années. La France est le seul pays à être aussi généreux. L'Espagne et le Royaume-Uni ont réduit la voilure : nous devrions nous inspirer de ce que ces pays ont fait. Plutôt que de nous opposer simplement au vote des crédits de la mission, nous devrions obliger le Gouvernement à prendre des engagements débouchant sur des résultats.
Quant à la fusion des agences sanitaires, la ministre s'est engagée à poursuivre le processus. Les agences pullulent. Il faut rationaliser leur fonctionnement pour que celles qui sont en charge des épidémies s'en occupent plus efficacement.
Bien sûr. La solution ne se trouvera pas en trois jours. Mais le processus de rapprochement semble engagé.
À l'issue de ce débat, la commission décide de réserver sa position sur les crédits de la mission « Santé ».
Puis la commission procède à l'examen du rapport de M. Hervé Marseille, rapporteur spécial, sur la mission « Administration générale et territoriale de l'État » (et articles 45 et 46).
La mission « Administration générale et territoriale de l'État » comprend le programme 307 « Administration territoriale », qui a pour objet les moyens alloués aux préfectures, aux hauts commissariats et aux sous-préfectures, pour la métropole et l'outre-mer. Elle comporte également le programme 232 « Vie politique, cultuelle et associative », composé principalement des crédits relatifs au financement de la vie politique. Enfin, elle comprend aussi le programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur » qui correspond aux moyens logistiques de plusieurs missions pilotées par le ministère de l'intérieur. Dans son ensemble, la mission bénéficie d'une enveloppe de 2,78 milliards d'euros de crédits de paiement, en diminution de 1,4 % par rapport aux crédits ouverts en loi de finances initiale pour 2014, sous l'effet principalement d'une réduction des dépenses de personnel.
S'agissant du programme 307, il est proposé de supprimer 180 postes en 2015, compte tenu des changements mis en oeuvre dans le cadre de la réorganisation de l'administration territoriale de l'État (Réate). Plusieurs remarques s'imposent. Les baisses d'effectifs ne sauraient conduire à des déserts sous-préfectoraux ; la distinction accrue du grade et de la fonction devrait permettre de pourvoir davantage de postes de sous-préfets territoriaux par les administrateurs civils, qu'ils relèvent ou non du ministère de l'intérieur, ou qu'il s'agisse de hauts fonctionnaires de police ou de gendarmerie. Dans le cadre du recueil des données personnelles relatives au permis de conduire, il est prévu une saisine de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) par les photographes, alors qu'elle pourrait être effectuée par l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS) en tant qu'opérateur de l'État ayant pour mission de développer et d'assurer la production de titres. Enfin, le montant de la dotation versée aux mairies pour l'enregistrement des demandes de passeport et la remise de ce titre n'a été réévalué que de 30 euros (soit 0,6 %) en cinq ans, ce qui est très inférieur à l'inflation (8 % sur la période 2009-2014) et ne correspond donc qu'à la compensation partielle d'un transfert de charges important pour les collectivités territoriales.
Le programme 322 enregistre une baisse de 3,1 % de ses crédits de paiement qui s'établissent à 303,1 millions d'euros en 2015, sous l'effet d'une baisse de plus de 10 millions d'euros des crédits de financement public des partis qui soulève des interrogations, au regard des nécessités du bon exercice de la vie démocratique. C'est ce programme qui porte les crédits des élections prévues en 2015 - principalement les élections départementales et régionales.
Le programme 216 est doté, hors fonds de concours, de 718,9 millions d'euros en autorisations d'engagement, soit une baisse de 18,5 %. Cette diminution traduit le cycle d'investissements du ministère, alors que l'année 2014 avait été marquée par la rationalisation du pôle judiciaire à Nanterre et la poursuite du regroupement des directions transversales et des services de soutien du ministère. Les crédits de paiement du programme s'établissent à 758,5 millions d'euros, en baisse de 2,9 % du fait d'une réduction des dépenses de personnel traduisant l'effet de mesures de transfert et de périmètre et la suppression de 85 postes. On relève, une nouvelle fois, la sous-dotation des frais de contentieux (stables par rapport à 2014), ce qui pose un problème de sincérité budgétaire. Certes, des économies sont attendues pour les dépenses prévues au titre des refus de concours de la force publique, mais elles ne suffisent pas à expliquer la différence de 24 millions d'euros entre les niveaux constatés en exécution en 2013 et en 2014 et la prévision de dépenses inscrite dans le projet de loi de finances pour 2015.
Deux articles sont rattachés à cette mission. L'article 45 opère un prélèvement de 14 millions d'euros sur les ressources disponibles sur le fonds de roulement de l'Agence nationale de traitement automatisé des infractions (ANTAI) au profit de l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS). L'ANTAI contribue à la lutte contre l'insécurité routière, en procédant à la gestion du message d'infraction. L'ANTS, quant à elle, développe et assure la production de titres tels que le passeport, la carte nationale d'identité et le permis de conduire. L'ANTS a un besoin de financement de 46 millions d'euros au titre du nouveau permis de conduire au format européen. Il s'agit de dépenses informatiques et surtout du coût de production et de fabrication par l'Imprimerie nationale, ainsi que d'acheminement par voie postale, des nouveaux passeports.
De son côté, le fonds de roulement de l'ANTAI va augmenter, en raison de moindres dépenses au titre du procès-verbal électronique (PVE), un certain nombre de communes ne s'étant pas dotées des matériels nécessaires, dont l'acquisition est facultative, à l'établissement des PVE.
Le transfert de 14 millions d'euros du fonds de roulement de l'ANTAI vers l'ANTS est donc financièrement supportable pour l'ANTAI et nécessaire pour l'ANTS. Mais cette solution de court terme exige de définir un nouvel équilibre des ressources de l'ANTS, comme l'avait déjà observé notre collègue Michèle André, alors rapporteure spéciale des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État », lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2014. Comme elle, je pense qu'il convient de faire mieux coïncider le coût réel d'établissement des titres et les droits à la charge des usagers.
L'article 46 supprime l'envoi à domicile de la propagande électorale sous format papier pour les élections régionales, départementales et des assemblées de Guyane et de Martinique qui seront organisées au cours de l'année 2015. Comme pour un dispositif d'inspiration analogue, visant à la dématérialisation partielle de la propagande électorale pour les élections européennes, déjà rejeté par l'Assemblée nationale et le Sénat l'an passé, je vous propose de supprimer cet article car la réception de la propagande électorale constitue la principale, et parfois, la seule information des électeurs sur l'organisation d'un scrutin. La supprimer risque d'encourager l'abstention. En outre, nos concitoyens n'ont pas tous Internet, et les zones blanches affectant la couverture d'une partie du territoire accroissent encore les inégalités d'accès à l'information électorale qui résulteraient de ce dispositif, notamment pour les personnes âgées et celles qui maîtrisent mal le français. L'exercice de la démocratie a un coût qu'il convient d'accepter. Le seul motif budgétaire ne saurait justifier la création d'inégalités entre les citoyens dans la participation à la vie politique. J'ajoute que le mode de scrutin des élections départementales sera modifié.
Sous le bénéfice de ces observations, je vous propose d'adopter sans modification les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État », ainsi que l'article 45 rattaché et de supprimer l'article 46 rattaché.
J'allais moi aussi demander la suppression de l'article 46. Nous nous plaignons tous de l'abstentionnisme lors des élections locales et comme les élections départementales et régionales n'auront pas lieu le même jour, la mobilisation sera d'autant plus difficile. Enfin, je crains que les électeurs n'aient pas compris les subtilités du scrutin pour les départementales avec l'élection d'un binôme dans chaque canton élargi. Face à ces changements, le Gouvernement veut supprimer la propagande papier : est-ce pour proposer, lorsque plus personne ne votera, la suppression des départements et des régions ? Pour gagner quelques dizaines de millions d'euros, nous risquons de remettre en cause les élections elles-mêmes. C'est inacceptable.
L'année dernière, j'ai proposé le même amendement alors qu'était envisagée la suppression de l'envoi à domicile de la propagande électorale pour les élections européennes. La position de la commission des finances est constante : les électeurs doivent être informés, quelles que soient les élections.
Des sous-préfectures du Bas-Rhin et de Moselle seront supprimées. A-t-on une idée des autres sous-préfectures menacées ? De telles disparitions se font au détriment de la nécessaire proximité de l'État avec les habitants mais aussi avec les élus.
Le maintien des documents électoraux est nécessaire pour que vive La Poste : le virtuel a pris trop d'importance, ce qui se fait au détriment des services publics de proximité.
Comme Roger Karoutchi, j'estime impossible de mener cette réforme à l'heure actuelle. Cela dit, nous devrons proposer des solutions à moyen terme afin d'adapter notre démocratie aux évolutions de la technologie. Certains électeurs le demandent, d'ailleurs. Entre le tout papier et le zéro papier, il y a peut-être des voies moyennes à explorer.
Lors des élections sénatoriales, l'inquiétude des territoires ruraux a été manifeste devant la cure d'amaigrissement prévue par le Gouvernement. La semaine prochaine, le Premier ministre viendra nous présenter la réforme territoriale qui se caractérise, aujourd'hui, par son flou. Disposons-nous d'indications concernant l'avenir des sous-préfectures et des départements ruraux ?
On ne peut pas opposer des arguments comptables à l'expression de la démocratie. Ou alors, on fera bientôt comme à la télévision, en votant de chez soi et en appuyant sur les touches 1 ou 2.
L'activité courrier de La Poste diminue d'année en année : il ne faut pas en rajouter en supprimant la propagande électorale.
J'exprimerai un point de vue différent : l'envoi papier ne résout pas tous les problèmes et ce n'est pas parce que l'électeur reçoit des professions de foi qu'il va voter. D'ailleurs, pour les élections des représentants des Français de l'étranger, les envois papier ont été supprimés et la propagande électorale a été adressée par Internet. Nous n'avons pas encore pu tirer le bilan de ces élections, mais je suis persuadé que c'est l'avenir.
Il est bien trop tôt pour cette réforme et il serait malvenu de priver aujourd'hui les électeurs des documents papier.
Le permis de conduire européen doit entrer en vigueur, mais il en coûtera 46 millions d'euros : est-ce vraiment une priorité ?
Dans certaines régions, l'État a essayé de faire des économies en faisant sous-traiter les mises sous pli lors des dernières élections : les résultats ont été catastrophiques. Pourquoi ne pas continuer à faire travailler les employés municipaux ? Cela leur permet de gagner un petit peu d'argent et les résultats sont corrects.
Il faut, comme le dit Richard Yung, envisager des évolutions, mais pas à l'occasion des élections départementales : ce serait le pire moment.
J'ai entendu dire que l'enveloppe consacrée au remboursement des dépenses électorales n'était pas suffisante, ce qui explique l'avalanche de questions anodines posées par les préfectures, afin de faire basculer les remboursements sur l'année prochaine. Des crédits suffisants sont-ils prévus pour l'année des élections ?
La prolongation de la durée de validité de la carte d'identité a été annoncée, mais allez expliquer à un douanier grec que votre carte est périmée mais qu'elle est encore valable ! Résultat, de plus en plus de nos concitoyens déclarent le vol de leur carte d'identité pour en obtenir une nouvelle, si bien que les économies escomptées ne sont pas au rendez-vous.
Le Sénat avait demandé en son temps à l'ANTS d'améliorer son modèle économique afin de diminuer le coût du passeport biométrique. Qu'en est-il ?
J'avais demandé à la Cour des comptes de se pencher sur le coût des passeports biométriques. Si j'ai bonne mémoire, le droit de timbre s'élève à 89 euros pour un adulte, mais le coût réel est de l'ordre de 50 euros. Le vrai problème, c'est que le passeport est payant, mais pas les autres titres que l'ANTS produit, notamment la carte d'identité.
L'an dernier, j'ai fait voter un amendement par le Sénat pour réduire le droit de timbre sur les passeports, mais comme l'examen du budget n'a pas été mené à son terme, il n'a pas eu de suite et le problème demeure.
J'avais soutenu cet amendement, car le coût des passeports en France est plus élevé que dans les autres pays de l'Union, mais l'ANTS est obligée de se rattraper puisque les autres documents sont gratuits. Aujourd'hui, les enfants mineurs ne peuvent plus être inscrits sur les passeports de leurs parents et même s'ils sont facturés moitié moins, ils ne sont valables que cinq ans. De nombreuses préfectures sont engorgées si bien qu'à Paris, par exemple, vous devez attendre cinq semaines avant de déposer votre dossier puis encore cinq semaines pour obtenir votre passeport. C'est inadmissible.
Ce matin, nous avons eu un vif débat sur les quelques millions d'euros consacrés à l'aide médicale d'État (AME) ; maintenant, nous sommes prêts à annuler une économie de 131,5 millions d'euros.
Pourquoi ne proposerions-nous pas une date pour passer de la propagande papier à la mise à disposition sur Internet ? Dans beaucoup de villes, les journaux municipaux sont diffusés sur Internet ; le tirage papier, envoyé notamment aux retraités, est devenu marginal : les économies réalisées sont considérables. Nous ne pouvons en rester à un simple rejet de l'article 46.
Nous sommes quasi-unanimes pour dire que le moment n'est pas venu de supprimer la propagande électorale sous forme papier. Pourquoi ne pas expérimenter à l'occasion de certaines élections, comme pour la présidentielle, ce qui nous permettrait de réaliser des économies ? À l'évidence, nos concitoyens sont informés à l'occasion de cette élection, ce qui n'est pas toujours le cas pour les élections locales.
En outre, le haut débit est présent dans les zones urbaines, mais moins à la campagne. Pas de problèmes à Lyon, à Marseille, à Lille ou à Paris. En revanche, les choses sont plus compliquées à Saint-Flour, dans le Cantal ou le Larzac.
Le cas des Français de l'étranger évoqué par Richard Yung ? Mais la participation est de l'ordre de 23 % pour les élections à l'Assemblée des Français de l'étranger ! L'Association des maires de France (AMF) et toutes les grandes associations d'élus sont opposées à ce que ce changement intervienne aujourd'hui.
Pour ce qui est des suppressions des sous-préfectures, j'indique que le Gouvernement a procédé à des expérimentations et le ministre estime que « l'objectif est de définir une méthodologie de rénovation de la carte des sous-préfectures qui pourrait être mise en oeuvre progressivement ». En clair, la réforme va avoir lieu, mais nous ne savons pas à quel rythme ni où. Reste que 75 préfets sont hors cadre et qu'il est indispensable que l'État soit représenté a minima dans certains territoires. Nous questionnerons le ministre.
Le coût du permis de conduire européen, qui doit éviter la falsification et les fraudes, est élevé, mais nous ne pouvons pas nous affranchir de sa mise en oeuvre puisqu'il s'agit de la mise en oeuvre d'une directive européenne.
En attendant la mise en place de la carte nationale d'identité électronique, il a été décidé de prolonger la durée de vie de l'actuelle carte d'identité. Il appartenant au Quai d'Orsay de signer des conventions avec les pays concernés, ce qui n'a pas été encore le cas, notamment avec la Turquie, si bien que des touristes ont été refoulés cet été.
Pour ce qui est de la fabrication des passeports, le droit de timbre doit correspondre au coût d'établissement du document et abonder à due concurrence le budget de l'ANTS.
À l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État » et de l'article 45 du projet de loi de finances pour 2015.
La commission adopte l'amendement de suppression de l'article 46 proposé par M. Hervé Marseille, rapporteur spécial.
La commission procède ensuite à l'examen du rapport de M. Claude Raynal, rapporteur spécial, sur la mission « Sport, jeunesse et vie associative » (et article 61).
La mission « Sport, jeunesse et vie associative » devrait suivre une trajectoire budgétaire atypique d'ici à 2017. C'est une petite mission car les crédits demandés pour 2015 ne s'élèvent qu'à 422,3 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et à 434,2 millions d'euros en crédits de paiement (CP). Ces crédits ne reflètent d'ailleurs que de façon très partielle les moyens réellement consacrés par l'État à ces politiques publiques. Le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2015 à 2019 en fait néanmoins une priorité pour les années à venir, en prévoyant une augmentation des crédits de 77 millions d'euros d'ici à 2017 du fait de la poursuite de la montée en puissance du service civique, qui devrait disposer d'un surcroît de ressources de 100 millions d'euros en 2017 par rapport à 2014. Encore faudra-t-il que ces intentions se traduisent dans les prochains budgets. En effet, malgré cette hausse attendue de 15 %, la programmation 2017 reste inférieure à ce qu'aurait dû être l'annuité 2014 de la mission selon la loi de programmation en vigueur, adoptée il y a deux ans.
La mission ne rémunère pas de personnel : les crédits correspondants, soit 400 millions d'euros, sont inscrits dans un programme de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».
Pour ce qui concerne le programme « Sport », les crédits sont relativement stables, soit 228,3 millions d'euros en CP. De fait, l'essentiel a été préservé. On note ainsi le maintien intégral des crédits et des emplois des centres de ressources, d'expertise et de performance sportive (CREPS), malgré l'effort demandé à la plupart des opérateurs de l'État, dans la perspective de leur probable transfert aux régions au 1er janvier 2016. On note aussi la poursuite à un rythme adéquat des investissements sur le site de l'Institut national du sport, de l'expertise et de la performance (INSEP) afin que les travaux soient quasiment terminés lors de la prochaine olympiade, le maintien au niveau de 2014 des crédits de l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) et la quasi stabilité des aides aux fédérations sportives, petites et grandes. Je vous proposerai d'ailleurs un amendement à ce sujet.
Le budget du principal opérateur du programme, le Centre national pour le développement du sport (CNDS), s'élève à 270 millions d'euros, et il provient presque exclusivement de taxes affectées. Plusieurs mesures significatives de ce projet de loi de finances concernent cet établissement public. D'un côté, l'article 61, rattaché à la mission, propose d'allonger de deux ans le prélèvement supplémentaire exceptionnel sur les mises de la Française des jeux (FdJ) afin de compenser, à l'euro près, l'aide de l'État, supporté par le CNDS, aux travaux de construction ou de rénovation des stades devant accueillir l'Euro 2016 de football. De l'autre, l'article 15 tend à diminuer de 2,2 millions d'euros le montant des taxes affectées au CNDS dans le cadre du financement de ses actions ordinaires. Celui-ci passerait ainsi de 272,2 à 270 millions d'euros. Mais l'effort réel demandé au CNDS est bien supérieur puisque ce chiffre net intègre la prise en compte, pour 10,8 millions d'euros, des frais d'assiette et de recouvrement des taxes prélevés par l'État, frais qui, jusqu'à présent, n'étaient pas appliqués. La véritable diminution des moyens du CNDS atteindra donc 13 millions d'euros. En somme, le CNDS porte l'essentiel de l'effort demandé au monde sportif dans le cadre du redressement des comptes publics. Sur trois ans, cet effort devrait s'élever à 33 millions d'euros. D'après les informations dont je dispose, et sous réserve de la décision du conseil d'administration, l'enveloppe du soutien aux projets d'investissements des collectivités territoriales dans les infrastructures sportives subira l'intégralité de cette coupe. Nous en reparlerons lors de la présentation de mon amendement, mais je vois là un vrai danger pour les investissements locaux en matière d'équipements sportifs, contraire aux demandes réitérées des parlementaires visant à soutenir l'investissement local.
Pour l'autre programme de la mission, « Jeunesse et vie associative », les crédits de l'année sont presque stables à périmètre constant (+ 0,3 %, à 205,9 millions d'euros en AE et en CP). De nombreuses dépenses fiscales sont rattachées au programme, et représentent un montant cumulé estimé à 2,6 milliards d'euros : il s'agit, pour l'essentiel, de réductions d'impôts au titre des dons aux associations. En outre, l'ensemble des crédits d'État consacrés à la jeunesse dans toutes les missions, notamment « Enseignement scolaire » et « Recherche et enseignement supérieur », atteint 84,8 milliards d'euros.
Sur le programme, les crédits considérés comme les plus structurants (emplois associatifs au travers du Fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation populaire (FONJEP), office d'échanges internationaux de jeunes) seront préservés en 2015. L'effort budgétaire du programme portera essentiellement sur les aides directes aux associations, en diminution d'un million d'euros à périmètre constant. Quant au service civique, qui représente plus de 60 % des crédits, sa faible augmentation optique en 2015 (+ 2,4 %, à 125 millions d'euros) n'empêchera pas la poursuite de la montée en puissance du dispositif grâce à l'octroi de fonds communautaires à hauteur de 18 millions d'euros. Le nombre de volontaires devrait ainsi passer de 35 000 à 40 000. Bien entendu, la gestion de l'objectif de 100 000 volontaires effectuant un service civique en 2017, fixé par le Président de la République, est la clé de la soutenabilité financière de ce programme. L'accroissement programmé de 100 millions d'euros d'ici à 2017 de l'enveloppe consacrée au service civique y contribuera, mais ne suffira pas à elle seule.
Je vous invite à approuver les crédits de la mission, sous réserve de l'adoption d'un amendement que je vais maintenant vous présenter et qui a pour objet d'éviter de trop pénaliser l'investissement des collectivités territoriales dans des structures sportives, que soutiennent les aides du CNDS à des projets locaux. À cette fin, je vous propose de diminuer de 2,2 millions les crédits du programme « Sport » à l'action n° 2 « Développement du sport de haut niveau ». Cette diminution s'appliquera aux subventions versées aux fédérations les plus riches, qui disposent d'importantes recettes propres et pour lesquelles le financement de l'État ne constitue qu'une part minime du budget, généralement moins de 1 %. Cette moindre dépense permettra de réduire la baisse des aides du CNDS aux collectivités.
Je proposerai, en parallèle, un amendement à l'article 15 du projet de loi de finances pour 2015 pour éviter le rabotage de 2,2 millions d'euros des taxes affectées au CNDS et les maintenir au niveau de 2014, soit 272,2 millions d'euros. Si cet amendement n'est pas adopté en séance publique, nous pourrions demander la réduction de 2,2 millions d'euros du fonds de concours du CNDS au programme « Sport ».
Merci pour cet exposé précis. Je vais maintenant passer la parole à Jean-Jacques Lozach et Jacques-Bernard Magner, rapporteurs pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication sur cette mission.
Ce petit budget subit la contrainte du plan de redressement du CNDS qui a failli disparaître en 2011, du fait de programmations délirantes. Son plan de redressement a été mis en place en 2012.
Avec cette mission, les priorités demeurent : le sport pour tous, la réduction des difficultés d'accès au sport, le financement de l'AFLD - la commission de la culture y est très attachée - et la préparation de l'Euro 2016. Le Premier ministre réunit d'ailleurs demain son comité de pilotage. Je m'inquiète de constater qu'une quinzaine de fédérations sportives sont en difficulté financière. En outre, le CNDS dispose, depuis quatre ans, de crédits extrabudgétaires supérieurs aux crédits ministériels.
Enfin, la réforme territoriale aura un impact important sur le sport, notamment avec le transfert des CREPS aux régions. Il faudra veiller à ce que les dirigeants associatifs conservent quelques interlocuteurs locaux, ce qui milite en faveur du maintien de l'échelon départemental.
Sur le programme 163, 60 % des crédits sont absorbés par le service civique qui devra toucher 100 000 jeunes en 2017 ; cette augmentation du nombre de bénéficiaires implique une augmentation considérable des crédits à mobiliser. Il ne faudrait pas que cette montée en charge se fasse au détriment des autres secteurs de la vie associative.
La réforme territoriale va avoir un impact certain sur les associations, puisque les communes risquent d'être bientôt les seules à les financer. La commission de la culture crée d'ailleurs un groupe de travail pour voir comment les choses vont se passer.
Faut-il encore un grand ministère de la jeunesse et des sports ? La question est loin d'être théorique, car cette politique a été massivement transférée aux collectivités territoriales : l'État se désengage mais il veut continuer à contrôler. Ainsi, Paris et l'Île-de-France sont candidats à l'organisation des Jeux olympiques de 2024. L'État regarde, soutient, mais ne finance pas.
La fédération française de rugby demande un très grand stade dans l'Essonne : elle apporte une partie du budget, demande des soutiens financiers privés et souhaite que les infrastructures desservant ce grand stade soient payées par la région. L'État encourage, mais refuse de participer. Pour le Stade de France, dont le budget n'est pas à l'équilibre, la région est sommée de participer à des opérations de promotion ! Si l'État se désengage du sport, les collectivités n'ont pas à subir l'incitation, le contrôle, voire la décision de l'État. Les payeurs doivent être les décideurs !
Je voterai l'amendement du rapporteur spécial, car il est normal de réduire les subventions des grandes fédérations qui n'en ont pas besoin, mais il faudra en discuter avec elles.
Pour l'Euro 2016, les collectivités territoriales vont débourser 1,7 milliard d'euros et l'État 150 millions d'euros. À l'article 61, faisons en sorte que l'engagement de l'État soit tenu pour ne pas mettre les plans de financement des collectivités en difficulté. Les négociations n'ont pas encore abouti entre l'UEFA, l'État et les dix villes concernées par l'Euro 2016. Il serait souhaitable que des retombées plus importantes qu'initialement prévues pour les villes et pour l'État puissent être négociées. Ce sera néanmoins difficile au vu des engagements et accords passés par l'État pour obtenir l'organisation de l'épreuve.
La subvention d'équilibre du Stade de France existe-t-elle toujours ? C'est une histoire absurde....
Est-il bien normal que les CREPS soient transférées aux régions alors qu'il s'agit de former des professeurs d'éducation physique ? Les régions entretiendront-elles les locaux ?
L'athlétisme coûte cher aux collectivités locales et ne rapporte rien en termes publicitaires, alors que lors de chaque grand évènement sportif, les noms d'Areva ou d'EDF sont omniprésents. Est-ce bien normal ?
Je suis très favorable à l'amendement du rapporteur spécial. Les fédérations les plus riches nous imposent sans cesse des normes nouvelles. J'ai inauguré une salle omnisports de 3 000 places et, dans le mois qui a suivi, les normes de la fédération de handball ont changé.
En ce qui concerne le CNDS, j'ai souvenir de son prédécesseur, le Fonds national pour le développement du sport (FNDS), alias « feu nos deniers sportifs ». Souvenez-vous comment il a été ponctionné pour les Jeux olympiques d'Albertville : il ne restait rien aux collectivités territoriales ni aux clubs. Néanmoins, s'agissant de l'amendement proposé, comment être sûr que la baisse de 2,2 millions d'euros concernera bien les grosses fédérations qui bénéficient d'importantes ressources complémentaires ?
Le budget de ce ministère se réduit désormais à quelques missions.
Sur le terrain, les derniers personnels en charge de la jeunesse et des sports font beaucoup de réglementaire, souvent en télescopage avec les caisses d'allocations familiales (CAF) comme pour l'agrément des centre des loisirs sans hébergement (CLSH). Or, les règles d'agrément ne sont pas les mêmes, ce qui plonge les communes dans la difficulté.
On évoque la réorganisation de l'État. Ce ministère, qui risque de perdre encore plusieurs missions avec la délégation des CREPS aux régions. Ne gagnerait-il pas à être rapproché d'un autre ministère, comme la santé ou l'éducation, afin de lui permettre d'assurer ses missions ?
Les coupes de 13 millions d'euros dans les crédits du CNDS porteront uniquement sur l'aide aux investissements des collectivités territoriales déjà frappées par la baisse des dotations. En outre, l'effort budgétaire du programme portera essentiellement sur les aides directes aux associations. Les victimes seront les associations sportives qui participent au dynamisme des territoires, à la formation des jeunes. Certains maires ont déjà réduit leurs subventions. Des clubs seront en difficulté. Ces décisions mettent en danger la vie locale.
Serait-il possible d'obtenir un tableau récapitulant l'évolution des crédits depuis 2013, afin de disposer d'un éclairage rétrospectif et d'apprécier dans quelle mesure cette mission est sollicitée pour participer à l'effort financier de l'État ?
Augmenter les crédits du service civique c'est bien, mais je regrette la suppression du service militaire, grave erreur que la création du service civique n'a pas compensé.
Je n'étais pas favorable à ce que nous dépensions autant pour l'Euro 2016. Pour les collectivités territoriales concernées le retour sur investissement n'est pas évident. Enfin, on ampute le CNDS de 13 millions d'euros sur les sommes destinées à soutenir les collectivités territoriales. Ces 13 millions s'ajoutent à la baisse de 3,7 milliards d'euros des dotations de l'État. Ne pourrait-on revenir dessus dans le cadre des arbitrages internes du CNDS ? Pourquoi l'amendement du rapporteur se limite-t-il à 2,2 millions d'euros ?
J'ai suffisamment dénoncé sous d'autres gouvernements les transferts aux collectivités territoriales sans compensation pour ne pas regretter aujourd'hui le transfert des CREPS aux régions. Alors que l'État demande à la région Bourgogne des économies de fonctionnement de douze à treize millions par an pendant trois ans, le transfert du CREPS de Dijon représente un coût de de deux millions par an ! C'est inacceptable.
Le budget des sports se réduit comme peau de chagrin : les collectivités territoriales devront prendre le relai. En même temps on nous demande de nous recentrer sur nos compétences obligatoires. « Faites ce pour quoi vous avez été élus ! », disait Monsieur Copé. Or ni le sport, ni la culture ne sont des compétences obligatoires des régions. Cette année, j'ai baissé les crédits de fonctionnement de ma région de treize millions d'euros pour préserver l'investissement. Or la baisse des crédits du CNDS concerne l'investissement. Il est possible d'économiser sur le fonctionnement et ne pas diminuer l'investissement, mais cela devient de plus en plus difficile.
Vous dites dans votre note de présentation que le montant des crédits votés en 2014 intègre l'effet de la réserve parlementaire. S'agit-il de la somme des crédits que chaque parlementaire affecte au sport, ou existe-t-il une enveloppe spécifique ?
Le transfert des CREPS est inacceptable. Cette mesure modifie le partage des compétences entre l'État et la région, alors que nous devons examiner bientôt un texte sur cette question.
Vous présentez un tableau qui dresse un bilan des dépenses fiscales. Autant je suis favorable à la franchise en base pour les activités lucratives accessoires des associations sans but lucratif lorsque les recettes correspondantes n'excèdent pas 60 000 euros - concrètement, c'est la buvette -, autant la réduction d'impôt sur le revenu au titre des dons, la réduction d'impôt sur les sociétés pour les dons faits par les entreprises et les exonérations d'impôt de solidarité sur la fortune, qui représentent 2,3 milliards d'euros de dépenses fiscales, doivent faire l'objet d'une évaluation de leurs effets. Beaucoup d'activités, y compris le service civique, supposent l'existence d'associations qui vivent de dons. Il serait intéressant d'établir le lien entre ces dépenses fiscales et les dépenses budgétaires. En fait, cette mission n'est modeste qu'en apparence, puisqu'elle repose sur des dépenses fiscales spectaculaires.
Le Président de la République a annoncé son intention de porter à 100 000 le nombre de volontaires du service civique. Mais avec 3 000 euros en crédits budgétaires pour chaque volontaire, le compte n'y est pas. Espérons que le marché de l'emploi se sera redressé...
Enfin, je dirai amicalement à Vincent Delahaye que l'armée est faite pour combattre, non pour éduquer. La conscription implique d'envoyer des appelés combattre à l'étranger dans les opérations extérieures. L'opinion ne l'acceptait plus : c'est pourquoi il a fallu renoncer au service militaire, mesure sur laquelle, à mon avis, nul gouvernement ne reviendra.
Je suis inquiète du poids du financement de cette mission par le recours aux dépenses fiscales rattachées. Il s'agit d'une forme d'externalisation du financement de l'activité. Comment sont réparties les sommes collectées grâce aux dépenses fiscales ? Quel est le nombre des foyers fiscaux concernés ?
En premier lieu, je dirai à Roger Karoutchi qu'il ne m'appartient pas de décider s'il convient de conserver un ministère de la jeunesse et des sports.
L'augmentation des crédits du service civique ne se fait pas au détriment de l'aide à la vie associative. Les aides directes aux associations baissent d'un million d'euros, pour s'élever encore tout de même à 18,9 millions d'euros, mais il faudra être vigilant pour les années à venir.
S'agissant du service civique, je rencontrerai le directeur de l'Agence du service civique pour examiner les pistes permettant de diminuer les coûts du dispositif et le reste à charge de l'État.
Le projet de grand stade de rugby à Évry ne peut recevoir d'aides de l'État car, lors de la construction du Stade de France, l'État s'est engagé, dans le contrat qui le lie au consortium d'exploitation, à ne verser aucune aide à une structure concurrente. Par ailleurs, ce consortium ne perçoit plus désormais l'ancienne pénalité pour absence de club résident au moins jusqu'en 2017, à la suite d'un accord conclu l'année dernière avec l'État.
Mon amendement est clair. Le CNDS ne doit pas reporter la réduction de ses crédits sur l'investissement sportif. Nous devons soutenir l'investissement local. De plus, l'aide du CNDS, souvent de l'ordre de 15 % du coût du projet, a un effet de levier. En nous privant de cette aide, nous nous priverions aussi des subventions des autres acteurs, comme les conseils généraux ou régionaux. Quant au montant choisi, je note que le projet de loi de finances prévoit une baisse de 2,2 millions d'euros du montant nominal des taxes affectées au CNDS. Mon amendement le rétablit.
La baisse de treize millions concerne les dépenses. Les 2,2 millions concernent les recettes. Nous proposons de maintenir à 272,2 millions d'euros le montant des recettes affectées au CNDS. Certes, dorénavant, l'État percevra des frais, de 10,8 millions d'euros, liés à la collecte de ces taxes. Lors du débat en séance publique, nous préciserons que cette diminution de 2,2 millions d'euros des crédits du programme « Sport » devra s'appliquer sur les fédérations les plus importantes ; c'est le bon sens car beaucoup de petites fédérations sont très fragiles. Le ministère objecte que le lien financier entre l'État et les grandes fédérations est nécessaire. Mais ces dotations ne représentent qu'un pour cent du budget des grosses fédérations. L'État conserve une faculté de contrôle et il continue à leur verser encore une aide de plusieurs millions d'euros. En outre, notre débat a aussi pour objet d'orienter la décision du conseil d'administration du CNDS pour qu'il entende la voix des élus et des territoires.
Monsieur Vincent, je rencontrerai le préfet Lambert au sujet des retombées de l'Euro 2016 sur les collectivités territoriales.
Je précise par ailleurs que le projet de loi de finances ne procède pas au transfert des CREPS aux régions. Ce débat aura lieu dans le cadre du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République. Il se contente de prévoir le maintien des ressources des CREPS, afin que, si un transfert vers les régions était décidé, il s'accompagne du transfert des ressources correspondantes.
Dans le passé nos collègues ont essayé, sans succès, d'obtenir une analyse des dons et de l'efficacité des dépenses fiscales associées. Mais je remettrai cette question sur le tapis. La réduction d'impôt sur le revenu grâce aux dons concerne 5,6 millions de ménages ; 32 000 foyers bénéficient d'une réduction de l'impôt de solidarité sur la fortune. L'essentiel des montants a une finalité caritative. Je demanderai à Bercy de me préciser leur répartition.
Enfin, pour répondre à Vincent Delahaye, l'évolution des crédits depuis 2013 est retracée dans la note de présentation.
La commission adopte l'amendement proposé par M. Claude Raynal, rapporteur spécial, puis décide de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » ainsi modifiés.
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, de l'article 61 du projet de loi de finances pour 2015.
Puis la commission entend une communication de M. François Marc, sénateur, sur les perspectives d'évolution de la dotation globale de fonctionnement (DGF).
L'an dernier notre commission avait lancé la réflexion sur l'évolution de la dotation globale de fonctionnement (DGF). François Marc, rapporteur général, avait organisé une série d'auditions d'experts, ouverte à tous les commissaires. Il nous présente un compte rendu de ces auditions.
La DGF représente une part importante des concours financiers de l'État aux collectivités territoriales : 40 milliards d'euros en 2014 sur environ 100 milliards d'euros. La question de sa juste répartition est au coeur de tous les questionnements portant sur les moyens financiers consentis aux collectivités.
Son mode de distribution apparaît à beaucoup décalé voire injuste. Il résulte de sédimentations de l'histoire qui ont conduit à cristalliser des situations acquises dont il est parfois très malaisé d'expliquer les fondements.
Ce sujet avait été débattu au Sénat l'an passé lors de la discussion de la proposition de loi de notre ancien collègue Gérard Le Cam qui visait à modifier les modalités de répartition de la dotation de base aux communes. Le débat avait montré qu'il était opportun de se pencher au plus vite sur les perspectives de réforme de cette dotation dont la complexité n'échappe à personne.
Le gel puis la baisse de l'enveloppe, à partir de 2014, rend encore plus légitime cette réforme. En période de disette budgétaire, les inégalités risquent en effet d'être encore plus douloureusement ressenties... sans compter que le dispositif lui-même révèle des limites arithmétiques surprenantes : ainsi en 2014, une commune et quatre établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) se sont vus octroyer une DGF « négative » ; l'État a prélevé une partie de leurs ressources.
Dans le souci d'alimenter le débat de notre commission sur ce sujet sensible, j'avais, en tant que rapporteur général, initié une réflexion sur ce sujet début 2014. Nous avons entendu quinze experts : hauts fonctionnaires, universitaires spécialisés en finances locales, géographes, économistes...
Le Gouvernement a récemment annoncé sa volonté de mettre en chantier en 2015 une réforme de la DGF pour une traduction législative dans le projet de loi de finances pour 2016. La commission des finances du Sénat aura à apporter son utile contribution dans le déroulement de ce chantier, ambitieux mais très difficile.
Je souhaite à ce stade vous présenter un compte-rendu des auditions réalisées depuis début 2014. Il ne s'agit pas de débattre ici du projet de loi de finances pour 2015. Nous aurons tout le loisir de le faire le moment venu !
Le constat est partagé : il est presque impossible de fournir une justification scientifique et objective des critères de répartition de la DGF. Les auditions menées ont tout d'abord été l'occasion de dresser un tableau du « paysage territorial » et d'aborder la question des inégalités entre territoires. Celles-ci n'ont cessé de diminuer au cours des cinquante dernières années, si l'on se place au niveau des aires urbaines, des départements ou des régions. À l'inverse, à un niveau plus fin, elles ont en moyenne plutôt augmenté, par exemple entre deux communes de la même intercommunalité. Les comparaisons entre grandes régions ne doivent pas nous faire oublier la situation de ces collectivités, dont la prise en compte est fondamentale et pose la question du maillage du territoire.
En outre, nos interlocuteurs nous ont fait part de la nécessité de dépasser le clivage entre urbains et ruraux. Il n'y a pas d'opposition entre les deux : leur destin est lié et l'on n'observe jamais une périphérie prospère si le centre ne l'est pas. Sur ce sujet de la ruralité, c'est donc à nouveau la question du maillage du territoire qui est posée.
On manque, en France, de travaux scientifiques sur la décentralisation en général et sur les finances locales en particulier. Ce manque est criant pour la mesure des charges des collectivités territoriales, qui se révèle particulièrement complexe : pour assurer une mesure objective, il faut pouvoir distinguer ce qui relève des charges d'une collectivité et ce qui relève de ses choix en matière de services publics, et donc de neutraliser les « choix politiques ». Or, pour y parvenir, il est nécessaire de manier une quantité très importante d'informations. Ce constat est également vrai quand il s'agit de mesurer les effets de la péréquation, qu'elle soit verticale ou horizontale, ou l'évolution des inégalités territoriales.
Ce « vide universitaire » résulte en grande partie de l'impossibilité pour les chercheurs d'accéder à des données brutes. Si la direction générale des finances publiques (DGFiP) a récemment annoncé qu'elle ouvrirait très largement les données dont elle dispose en matière de fiscalité, la direction générale des collectivités locales (DGCL) montre en revanche une certaine frilosité pour rendre accessibles ses données sur la DGF et sur la péréquation. À ce propos, l'Assemblée nationale a adopté un amendement à la loi de programmation des finances publiques, qui prévoit qu'une annexe jointe à la loi de finances détaillera les attributions individuelles versées aux collectivités territoriales au titre de l'année précédente. Ces données seront également rendues publiques.
De plus, les informations relatives aux dépenses des collectivités territoriales ne sont pas exploitables par les chercheurs. Les travaux de référence sur le sujet, d'Alain Guengant et Guy Gilbert, commencent à dater : ils sont basés sur des données de 1993 à 2004 et ne prennent notamment pas en compte le développement de l'intercommunalité.
En raison de cette quasi-absence de travaux scientifiques, le Parlement ne peut pas toujours mesurer le bien-fondé des décisions qu'il prend. Ainsi le montant de dotation de base par habitant varie dans un rapport de un à deux selon la taille de la commune, au nom de la prise en compte des « charges de centralité ». Ce choix, critiqué par les communes rurales, repose sur une étude qui a maintenant plus de dix ans. Est-il toujours justifié ? Aucun travail objectif récent ne permet de trancher. C'est pourquoi il serait opportun, pour alimenter notre réflexion, que la commission des finances sollicite des chercheurs sur ces sujets.
La répartition de la DGF doit reposer sur une juste évaluation des charges et des richesses des collectivités territoriales. Mais, en l'absence de travaux de recherche incontestables et récents, la mesure des charges des collectivités est très difficile et constitue le point le plus polémique actuellement. Nous connaissons bien les débats qui peuvent surgir sur ce sujet... Chaque collectivité est dans une « situation spécifique » qui nécessiterait la prise en compte de tel ou tel critère particulièrement favorable... Néanmoins, un certain consensus est apparu parmi les personnes entendues pour utiliser le revenu par habitant comme critère de charges, en tant que moyen de mesurer la « vulnérabilité » d'un territoire. Ceci peut sembler contre-intuitif, puisque le revenu par habitant n'est pas, par définition, un critère de charges. Mais l'on observe, statistiquement, qu'un territoire dont le revenu des habitants est faible aura plus de besoins en termes de services publics. Dès lors, ce critère peut être utilisé comme un indicateur de charges, simple à manier et accessible - ce qui rend acceptables les dispositifs qui y feraient référence.
Mais, comme l'a souligné une des personnes entendues, il ne faut pas que ce critère soit utilisé seul, car « ce n'est pas un critère universel ». Par exemple, le niveau de dépenses des communes est corrélé à la démographie - plus la population augmente et plus le coût de production des services augmente - ou à la part des logements sociaux. Les dépenses des départements seraient fortement corrélées au revenu par habitant, notamment pour des territoires au potentiel fiscal élevé mais au revenu faible, comme la Seine-Saint- Denis.
Deux universitaires nous ont néanmoins indiqué qu'ils n'étaient pas favorables à la prise en compte du revenu par habitant comme critère de charges, car cela revient à introduire le point de vue des ménages dans une réflexion relative aux collectivités locales.
Deux idées méritent d'être mentionnées, bien qu'elles restent à expertiser. D'une part, le niveau de dépenses d'une collectivité pourrait être apprécié par rapport au niveau moyen de sa strate, afin d'essayer d'identifier de façon simple celles qui auraient fait le « choix » d'un niveau de dépenses « supérieur au nécessaire ». D'autre part, pour chaque type de collectivité, pourrait être créé un « référentiel des services minimums » ; à chaque service serait associé un coût sur la base duquel seraient ensuite répartis les concours financiers de l'État.
La mesure de la richesse d'un territoire est en principe plus aisée : le potentiel fiscal a été considéré par nos différents interlocuteurs comme un bon outil conceptuel. Mais ils ne se sont pas privés d'en critiquer l'évolution récente.
Plusieurs des personnes entendues ont considéré que le potentiel fiscal était biaisé, depuis qu'y ont été intégrés des produits et non plus seulement des potentiels : la compensation de la suppression de la part « salaires » de la taxe professionnelle en 2004, puis le fonds national de garantie individuelle des ressources (FNGIR) et la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP). Ainsi, les taux se sont retrouvés en quelque sorte intégrés au potentiel fiscal, alors que cet outil devrait être totalement neutre vis-à-vis des choix en matière de taux. En effet, il s'agit de mesurer la richesse d'un territoire et non sa politique fiscale. Dès lors, le potentiel fiscal a perdu son caractère de « potentiel », au détriment des collectivités qui avaient des bases faibles mais un taux élevé.
En ce qui concerne le bloc communal, se pose également le problème de « l'imbrication luciférienne des entités du bloc communal », selon l'expression de Yann Le Meur. L'existence de multiples transferts financiers entre communes et EPCI rend le calcul d'un potentiel communal extrêmement complexe et peu significatif.
Un certain consensus est apparu sur la nécessité de prendre en compte un nombre réduit d'indicateurs. Il s'agit de simplifier le système et d'éviter que les critères ne s'annulent entre eux. Un de nos interlocuteurs nous disait ainsi qu'à force de multiplier les critères contradictoires, on aboutissait à la même répartition de la DGF que si on l'avait répartie en fonction de la population...
Nous avons également abordé la question du « maillage territorial ». Le nombre important de communes rend difficile les comparaisons : appliquer les mêmes critères à une commune de 200 habitants et à une ville de 100 000 habitants pose des problèmes.
Les experts entendus nous ont indiqué que raisonner au niveau des intercommunalités rendrait les comparaisons plus pertinentes, à condition sans doute d'augmenter leur taille minimale. Cela garantirait également une répartition plus juste de la richesse au niveau du territoire, en créant une solidarité communautaire de fait. Les innombrables et complexes fonds de péréquation seraient moins indispensables. La plupart des intervenants ont ainsi plaidé en faveur d'une DGF intercommunale.
Certes, la question de la répartition d'une telle dotation au sein de l'EPCI serait extrêmement sensible. Néanmoins, le fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC) a préparé cette évolution en créant des outils - notamment le potentiel financier agrégé (PFIA) - et en habituant à raisonner au niveau intercommunal.
Cette perspective de globalisation des dotations a suscité le débat parmi les sénateurs présents à ces auditions : la dimension « politique » du problème apparaît en effet clairement en arrière-plan car la question de la capacité d'action financière de la commune est posée. Nos experts ont reconnu que la mise en oeuvre d'une telle globalisation imposerait de recourir à des mécanismes de garantie, au moins les premières années, mais ils ont souligné qu'il ne faudrait pas qu'ils perdurent, au risque de rendre la réforme inopérante. En outre, le calendrier de la mise en place d'une DGF territoriale devrait s'articuler, le cas échéant, avec celui du déploiement de la nouvelle carte intercommunale, voire de la révision des valeurs locatives.
Merci pour cet exposé sur ce serpent de mer à hauts risques. La réforme de la DGF a partie liée avec la décentralisation, l'avenir de la commune, etc. Les élus ont besoin de clarté et de visibilité ; l'annonce d'une réforme de la DGF n'y contribue pas. Comme le temps est à la baisse des dotations, toute réforme incite à la prudence : il est à craindre que Bercy ait une logique baissière. Il est vrai que c'est au moment où les richesses sont comptées qu'il faut réformer. « Quand on coupe la queue du chien il faut le faire d'un coup sinon cela lui fait encore plus mal » dit le proverbe. Il faut fixer un cap et non raisonner par petits morceaux.
Vous avez évoqué, parmi les critères, les charges imposées aux collectivités et les choix politiques. Il faut aussi tenir compte de l'histoire des collectivités. Ma commune, Le Bourget, accueillait un établissement industriel important. Lorsqu'il a fermé, il y a vingt ans, les recettes de taxe professionnelle ont chuté de 35 %. Puis la part salaires a été supprimée... En dépit d'une certaine réindustrialisation, nous n'avons jamais retrouvé le même niveau de recettes. Comme la ville était riche, les services étaient importants et les dépenses sont rigides à la baisse.
La population a augmenté de 20 % en quatre ans et nous peinons à ouvrir les crèches ou les écoles nécessaires. Le Premier ministre a évoqué l'idée d'une prime aux villes qui bâtissent. Il faut y réfléchir.
Réfléchir par strates n'est pas suffisant. Il existe une grande disparité entre une collectivité de 15 000 habitants en Seine-Saint-Denis, qui doit par exemple, disposer d'une police municipale importante faute de quoi les gens s'en vont, et une ville de taille équivalente en province. Il faut appréhender la réalité des situations.
Enfin soyons prudents sur l'intercommunalité. Si tous les financements passent par les intercommunalités, c'est la mort des communes.
Le Gouvernement veut nommer deux parlementaires en mission qui devraient rendre leurs conclusions en février 2015 pour qu'une réforme de la DGF soit inscrite dans le prochain budget. Vu la complexité du sujet, ce délai est très court. Si l'on réforme la DGF, il faut revoir aussi l'ensemble des dotations de péréquation car tout est lié. La DGF territorialisée est depuis longtemps dans les têtes. Le risque est alors que l'on supprime la péréquation, à charge pour les territoires de l'assurer. Comment réaliser la péréquation en Seine-Saint-Denis si on la découpe en plusieurs morceaux ? Il faudrait aussi harmoniser les taux de la taxe d'habitation ou de la taxe foncière. Sans compter que les dotations baissent... Il aurait fallu réformer il y a dix ans. Au lieu de cela, on a multiplié les dispositifs de péréquation pour aboutir à un système d'une complexité inouïe. Il est absurde qu'une commune d'Île-de-France puisse percevoir la dotation de solidarité urbaine (DSU), contribuer au FPIC, tout en ayant une contribution neutre au fonds de solidarité des communes de la région Île-de-France (FSRIF).
Il faut que notre commission se saisisse de cette question pour préparer le débat à venir. Ne laissons pas le Comité des finances locales (CFL) décider à notre place.
Merci pour votre exposé très clair. La complexité de la DGF est assez inquiétante. Chaque année Bercy adresse aux communes une fiche technique et financière, constituée d'un tableau récapitulatif de deux pages qui détaille avec lisibilité et pédagogie les critères de calcul. C'est un outil précieux pour les élus.
La réforme de la DGF peut difficilement être menée indépendamment de la réflexion sur la répartition des compétences. Selon la place que l'on souhaite accorder aux communes, aux départements, aux régions ou aux intercommunalités, la solution optimale varie. Il n'est pas certain que nous puissions conserver un système uniforme sur tout le territoire. La région d'Île-de-France a une organisation très spécifique. La réforme sera longue. Elle ne sera sans doute pas terminée en février mais il faut lancer le mouvement. La DGF est devenue très opaque.
Le bilan de l'intercommunalité est mitigé. Son principal échec tient aux coûts de personnel. Les charges des communes en la matière n'ont pas été allégées. Les élus en sont responsables. Mais, attention, les dotations n'augmenteront plus avant longtemps !
Enfin comment définir la notion de « dépenses d'un niveau supérieur au nécessaire » ? Telle équipe municipale considérera une dépense comme nécessaire, une autre pas ! Bien malin qui peut trancher dans l'absolu...
Merci pour cette synthèse. Les propos de François Marc montrent que les politiques doivent rester décisionnaire. Méfions-nous de certains raccourcis. Peut-on considérer qu'il existe une corrélation entre le niveau des charges, la richesse de la commune et le revenu par habitant ? Pourtant, dans les territoires frontaliers, les revenus par habitant ont beau être très élevés, la voirie ne s'entretiendra pas toute seule ! Notre commission doit se saisir de ce sujet. Il importe de définir la réalité des charges en fonction d'une typologie de communes. Ensuite, il convient de trouver la méthode pour neutraliser ce qui relève des choix politiques et ce qui dépend de charges imposées. Ces critères sont essentiels pour ajuster la DGF. Il faut aussi répondre aux attentes des populations dans les territoires en forte croissance démographique. Enfin, le cas des collectivités touristiques, réputées riches, doit être traité. Elles fonctionnent parfois comme des entreprises et sont soumises à la concurrence, avec des emplois à la clef.
En cette période troublée, je souscris aux conseils de prudence. Mais il faut avancer. Il serait judicieux de développer notre expertise afin de ne pas être dépendants des informations glanées auprès des associations d'élus, du CFL, etc.
Pour modifier les choses, soit on prend en considération la réalité, soit on élabore des indices synthétiques. Ceux-ci resteront toujours perfectibles mais chacun a naturellement tendance à considérer qu'un critère qui le désavantage est imparfait...
La DGF ne peut être réformée sans vision globale du système, de la fiscalité et de l'évolution des ressources des collectivités. Je suis un partisan de la territorialisation, seul moyen de partager équitablement les ressources. Faut-il traiter à l'identique deux communes de 25 000 habitants et 50 communes de 1 000 habitants ? Les communes rurales n'ont pas nécessairement les mêmes charges en termes de sécurité mais elles supportent d'autres charges liées à la distance et à l'éloignement.
Enfin, la révision des valeurs locatives constitue une arlésienne mais est essentielle pour une juste répartition de la DGF. La sous-estimation des valeurs locatives conduit à une surestimation de l'effort fiscal. Difficile de faire une péréquation sur cette base.
Comme Jean Germain, je suis dubitative à l'égard de la notion de dépenses « supérieures au nécessaire ». Comment distinguer des services dits « politiques » de services indispensables ? Quoi que l'on en dise, les élections locales ont un sens politique : les électeurs y expriment des choix.
Il ne faut pas faire fi de la situation des populations : en période de crise, les plus modestes ont encore plus besoin de la collectivité que les plus aisés. Nous n'avons pas non plus assez mesuré les conséquences de la suppression de la taxe professionnelle dans les territoires très industrialisés. Les conséquences sont lourdes. Les collectivités ont à payer le prix de cette histoire tout en disposant de recettes amoindries. C'est pourquoi il importe d'intégrer l'héritage dans l'état des lieux.
Je suis perplexe à l'égard de la DGF territorialisée. Les intercommunalités sont très diverses et fonctionnent toutes très différemment. Les solidarités s'y expriment selon des canaux très variés. On risque de fragiliser certains territoires. Soyons attentifs à nous doter de tous les outils pour bien apprécier la situation des territoires. La révision des valeurs locatives est à ce titre fondamentale.
Il faut que le Sénat, représentant des collectivités territoriales, se saisisse de cette question. Je suis élu d'une zone rurale et j'ai le sentiment que nous sommes moins bien traités qu'en zone urbaine. Il faudrait en effet des données chiffrées précises et récentes pour nous faire un avis objectif. Quant à la DGF territoriale, je crois qu'il faut prendre en compte le fait que la montée en charge du FPIC n'est pas terminée, s'agissant de sa répartition. Il est très difficile d'obtenir l'unanimité des conseils communautaires, et pourtant, nous avons tout intérêt à développer l'intercommunalité. Une réforme de la DGF devra être examinée à l'aune des compétences confiées aux collectivités.
Mes collègues m'ont facilité la tâche en ouvrant des pistes pour le travail qu'il nous faut mener. Je crois savoir qu'un sénateur sera désigné par le Gouvernement pour participer à une mission sur ce thème, ainsi qu'un député. Nous sommes tous conscients que la réforme des finances locales est à traiter de façon globale et dans une perspective d'avenir prenant en compte les collectivités, leurs compétences, leurs élargissements et leurs fusions. Espérons que la situation se clarifiera d'ici quelques semaines. D'ici septembre 2015, nous devrions disposer de tous les points de repère nécessaires à l'élaboration d'un jugement pertinent.
Je fais écho à mes collègues Jean Germain et Marie-France Beaufils pour dire qu'il ne faut pas empiéter sur l'autonomie de décision des communes. Ce que souhaitaient dire nos interlocuteurs, c'est qu'au fond, il y a une forme de délégation de la République aux communes pour qu'elles exercent certaines missions. Cela nécessite d'identifier le coût de ces missions pour prévoir les sommes allouées. L'État doit se pencher sur ce qui est nécessaire et sur le coût associé ; les missions supplémentaires doivent être délibérées par les conseils municipaux et , dès lors, financées par la fiscalité locale.
Dans une certaine mesure. L'idée de traiter différemment les territoires nous entraîne sur un terrain encore plus glissant...
C'est une bonne question. Je reconnais là le talent universitaire de Jean Germain. Dans cette période de disette budgétaire, les inégalités sont durement ressenties. Le Sénat a un rôle à jouer pour que « le chien n'ait mal qu'une fois » : nous devons trouver la bonne formule du premier coup.
C'est un travail que nous devrons poursuivre ; la commission des finances doit rester au coeur du dispositif.
La réunion est suspendue à 12 h 55.
La réunion est ouverte à 15 h 05.