Intervention de Bruno Lasserre

Commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire — Réunion du 22 octobre 2014 : 1ère réunion
Avis de l'autorité relatif au secteur des autoroutes — Audition de M. Bruno Lasserre président de l'autorité de la concurrence

Bruno Lasserre, président de l'Autorité de la concurrence :

Je me réjouis de vous rendre compte de notre travail. L'avis rendu public le 18 septembre par l'Autorité de la concurrence répondait à une demande de la commission des finances de l'Assemblée nationale, qui m'a auditionné il y a un mois. Une mission constituée au sein de cette assemblée nous a également entendus.

Comptant plus de cent cinquante pages, notre avis est le résultat de plusieurs mois d'enquêtes et d'auditions des responsables des sociétés concessionnaires et autres parties prenantes. Si ce travail n'a pas toujours plu à ceux qu'il vise, je n'ai pas entendu dire que nos chiffres soient inexacts, et pour cause : ils nous ont été fournis par les sociétés d'autoroutes elles-mêmes.

Depuis son origine dans les années 1960, le réseau autoroutier français a été construit et exploité sous le régime de la concession de service public. D'autres pays ont fait des choix différents. En raison de l'ampleur des investissements nécessaires, l'application de ce régime aux autoroutes présentait certaines spécificités : la pratique de l'adossement, par laquelle les recettes issues des sections les plus rentables du réseau étaient affectées au financement de nouvelles sections moins rentables ; l'attribution de gré à gré, sans mise en concurrence, des sections d'une même zone géographique à un unique concessionnaire jouissant ainsi d'un monopole géographique ; le recours systématique à l'endettement pour construire ces infrastructures ; enfin l'indifférence aux résultats financiers à court terme permise par une dérogation comptable autorisant les concessionnaires à immobiliser en charges différées les pertes résultant du paiement des charges financières.

Ces spécificités ont été remises en cause au début des années 2000 pour se conformer au droit européen et afin de préparer l'ouverture du capital des sociétés concessionnaires.

Le réseau autoroutier s'étend aujourd'hui sur 11 882 kilomètres, dont 9 048 sont attribués à dix-neuf sociétés concessionnaires (SCA). Nous nous sommes intéressés plus particulièrement aux sept concessionnaires historiques, qui représentent à elles seules 92 % du chiffre d'affaires du secteur, lequel s'élevait en 2013 à 8,9 milliards d'euros.

À l'exception de Cofiroute, filiale de Vinci, privée depuis son origine, les SCA historiques ont été privatisées en 2006 au profit des groupes Vinci (ASF et Escota), Eiffage (APRR et Area) et Abertis (Sanef et SAPN). Le produit de la vente s'est élevé à 14,8 milliards d'euros.

Le Conseil de la concurrence avait rendu in extremis, en décembre 2005, un avis à la demande d'entreprises du BTP indépendantes. Nous y disions notre crainte qu'une fois les concessions acquises, les groupes concessionnaires préfèrent confier les travaux de construction et d'entretien à leurs filiales, sans appel d'offres, quitte à compenser les surcoûts consécutifs à ce défaut de concurrence par des hausses des péages, sans impact sur leur compétitivité puisqu'ils jouiraient de monopoles géographiques. Nous avions donc demandé le maintien d'obligations de publicité et de mise en concurrence pour l'attribution de ces travaux, et le gouvernement avait suivi nos préconisations.

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