C'est en effet votre rôle... Notre troisième recommandation vise à limiter la rente et à revenir à une situation plus normale. Une activité doit générer un profit, mais à l'intérieur de certaines limites. L'État pourrait envisager l'instauration de clauses de réinvestissement partiel, voire de partage des bénéfices au-delà d'un seuil convenu. Il serait ainsi en mesure de financer d'autres travaux utiles à la collectivité en y affectant les produits de ces monopoles qui dépasseraient un taux convenu.
Afin de préserver les conditions d'une concurrence équilibrée dans les appels d'offres, nous recommandons d'abaisser de deux millions à 500 000 euros le seuil d'obligation de publicité et de mise en concurrence ; qu'un avis de pré-information soit systématiquement publié six mois avant le lancement de l'appel d'offres pour ne pas avantager les filiales du groupe ; que la procédure restreinte soit mieux cantonnée. Nous proposons enfin, dans le souci de mieux assurer le contrôle du juge, notamment sur la pondération du critère prix et les formules de notations, de donner à la Commission nationale des marchés des sociétés concessionnaires d'autoroutes, présidée par un magistrat de la Cour des comptes, la possibilité de saisir le juge administratif d'un appel d'offres dont elle estimerait la légalité douteuse. En effet, dans ce petit milieu où les marchés sont tellement importants, les entreprises craignent des représailles si elles les contestent.
Le plan de relance autoroutier, négocié par L'État avec les sociétés d'autoroutes, consistera à engager pour 3,6 milliards d'euros de travaux de construction, de création de portions nouvelles d'autoroute et de réintégration dans le réseau de portions de routes nationales. Nous percevons les rumeurs annonciatrices d'une prochaine acceptation conditionnelle de l'actuelle Commission européenne. Personne ne conteste l'utilité d'une politique volontariste ; mais si l'État ne contribue pas financièrement à ce plan de relance, la contrepartie en sera la prorogation des concessions de deux à six ans. Leur fin marquerait au contraire le retour à l'État de la totale propriété de l'infrastructure et de la maîtrise de son exploitation. Il aurait alors le choix d'en conserver la gestion ou bien, fort de l'expérience acquise au cours des trente dernières années, de la concéder à nouveau sous des conditions fixées par lui en toute souveraineté. Il n'est pas étonnant que les SCA cherchent à repousser cette échéance, comme elles l'ont déjà obtenu pour un an au titre du paquet vert.
L'État n'est fort que par éclipses, aux moments où il attribue les concessions ; il est ensuite lié pour toute la durée de la concession par la loi tarifaire et les règles du jeu qu'il a négociées. Repousser la fin des concessions, c'est priver l'État de sa capacité à les redéfinir en fonction de ses intérêts et de ceux des usagers. Le coût en sera d'autant plus important que ces deux à six années supplémentaires seront d'une exceptionnelle rentabilité.
Si nous optons pour un financement intégral de ce plan par les SCA, que l'État en profite tout au moins pour renégocier la formule d'évolution des péages et imposer l'insertion de clauses de réinvestissement partiel. Si elle n'est pas utilisée, cette fenêtre d'opportunité se refermera jusqu'en 2027. L'État a pu être naïf, voire défaillant. Il doit reprendre la main à l'occasion de ce plan.