Nous sommes tous en train de procéder aux mariages nécessaires pour répondre à ces rapprochements d’intercommunalités, qui vont conduire des gens qui ne se connaissent pas aujourd’hui à se retrouver pour administrer des territoires comptant parfois plus de soixante-dix communes et s’étendant sur plus de 70 kilomètres. Des élus qui ne se connaissent pas vont être amenés à travailler ensemble. Est-ce vraiment cohérent d’aller vers de telles intercommunalités, dont les conseils seront peut-être encore plus importants que les conseils régionaux ? De pareilles évolutions risquent de compromettre le sentiment d’appartenance.
C’est la raison pour laquelle, si l’on veut respecter les territoires ruraux, il faut encore avancer et prendre en compte un certain nombre de critères.
Certes, la densité est importante, mais le nombre de communes l’est également. Je crois que c’est dans cette voie qu’il faut s’engager. Nous pourrons alors éventuellement trouver des solutions constructives qui répondront aux besoins de nos concitoyens.
Je voulais aussi vous alerter sur un autre point, monsieur le secrétaire d’État : nous devons veiller à ne pas organiser une France à deux vitesses. En effet, dans le schéma que vous nous proposez, certaines régions seront « génétiquement modifiées », d’autres non. Dans les cas de fusion entre régions dépourvues d’identité commune et qui n’avaient pas forcément la volonté de travailler ensemble, on va passer un certain temps à organiser et mettre sur pied la future grande région, avec par conséquent un handicap par rapport à des régions qui sont déjà organisées, qui ont l’habitude d’avoir un budget structuré, des relations interdépartementales, et qui seront efficaces dès le lendemain de l’élection.
Nous devons aussi tenir compte des départements qui abritent un chef-lieu de région. Je voudrais insister sur ce point, car il peut y avoir là une source de difficultés tout à fait réelles. Ainsi, la capitale administrative de la région Champagne-Ardenne, c’est Châlons-en-Champagne. Cette ville de 50 000 habitants vient déjà de perdre un régiment et, par voie de conséquence, 1 200 emplois. Demain, si elle n’est plus chef-lieu de région, ce sont 1 000 emplois de plus qui seront délocalisés dans une autre ville : tant mieux pour celle-ci, mais cette perte créera un certain nombre de difficultés dans le territoire d’origine qui méritent d’être prises en considération.
Enfin, toujours sur le chapitre de la France à deux vitesses, monsieur le secrétaire d’État, je veux évoquer la sous-représentation des départements ruraux qui, avec deux ou trois représentants, ne pourront pas se faire entendre comme ils le souhaiteraient dans la future organisation. Là aussi, nous devons réfléchir à des solutions. Si nous les trouvons ensemble, nous pourrons avancer sur cette réforme.
Permettez-moi maintenant de parler quelques instants de ma région, Champagne-Ardenne, qui a été ballottée au gré des vents, ou plutôt des personnalités politiques, tantôt à l’ouest, tantôt à l’est. Il n’y a là rien que de très normal puisqu’on veut la mettre sous la coupe de métropoles alors qu’elle est à trois quarts d’heure de Paris. Autrement dit, sa capitale métropolitaine, ce n’est ni Lille ni Strasbourg, c’est Paris !