Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, M. Jean-Claude Luche, qui devait intervenir au nom du groupe UDI-UC, avait préparé quelques notes que je vais vous résumer.
Notre collègue souhaite que nos collectivités puissent intervenir dans un cadre non pas de concurrence, mais de complémentarité. Il souhaite également que nous puissions concentrer nos efforts sur la question des compétences, sur les conséquences de la mise en œuvre des transferts pour les finances et les personnels avant de redécouper la carte territoriale. Il est donc plus favorable à un travail sur les compétences que sur les seules questions périmétriques.
Enfin, selon lui, les régions doivent avoir des missions transversales, sur des équipements structurants, sur les solidarités avec l’ensemble de leurs territoires et, particulièrement, les territoires ruraux, qui ne pourront survivre si les métropoles leur tournent le dos.
Vous avez compris que notre collègue est particulièrement attentif au maintien de l’échelon départemental.
Ces observations, auxquelles j’adhère, étant formulées, je souhaiterais intervenir essentiellement sur la proposition de la commission spéciale concernant le secteur sud-ouest et l’autonomie de chacune des régions Aquitaine, Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon par rapport aux deux autres.
Comme nous avons préparé, avec mes collègues de Midi-Pyrénées, un amendement à l’article 1er qui me permettra d’intervenir de nouveau sur la question, je vais très brièvement vous exposer notre point de vue.
Nous sommes partis de la situation de ces trois régions : l’Aquitaine compte 3 206 137 habitants sur une surface de 41 283 kilomètres carrés, contre respectivement 2 862 707 habitants et 45 347 kilomètres carrés pour Midi-Pyrénées, et 2 670 046 habitants et 27 375 kilomètres carrés pour Languedoc-Roussillon.
Première observation : les deux premières régions ont une superficie très supérieure à celle de la Belgique, à savoir 30 528 kilomètres carrés, tandis que Languedoc-Roussillon a une superficie quasiment équivalente.
Deuxième observation : chacune de ces régions dispose d’une métropole. Pour l’Aquitaine, il s’agit de Bordeaux, avec, au 1er janvier 2015, 727 256 habitants ; en Midi-Pyrénées, Toulouse compte 714 332 habitants ; en Languedoc-Roussillon, Montpellier abrite 409 000 habitants.
Vous voyez donc qu’il serait cohérent, au regard des principes de la loi dite MAPAM – modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles –, que ces trois régions puissent poursuivre leur action de façon autonome.
De surcroît, chacune de ces régions a une identité forte, une histoire commune et une géographie « vécue ».
Hier soir, M. le ministre de l’intérieur nous a indiqué qu’il n’approuvait pas cette proposition en développant trois arguments.
Tout d’abord, il a estimé que nous devions prendre en compte l’ouverture avec l’Espagne et les liens avec la Catalogne, liens que partagent Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon. Certes, mais il faut bien voir que ces liens existent pour les trois régions qui se partagent les Pyrénées. Nos régions sont limitrophes de la Catalogne, mais aussi de l’Aragon et du Pays Basque. D’ailleurs, l’État structurait le travail entre toutes ces régions au travers de la communauté de travail des Pyrénées.
M. Cazeneuve nous a également expliqué que Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon avaient des pôles de compétitivité communs. C’est vrai avec DERBI – Développement des énergies renouvelables dans le bâtiment et l'industrie – sur la mobilité et le pôle EAU, mais c’est inexact en ce sens que les pôles de compétitivité principaux de nos régions sont entre Aquitaine et Midi-Pyrénées : il y a un pôle de compétitivité de rayonnement mondial avec l’aéronautique, à savoir Aerospace Valley, l’aéronautique militaire étant sur le Bordelais, tandis que l’aéronautique civile se trouve sur la région toulousaine ; il y a également un pôle agroalimentaire commun à ces deux régions.
Enfin, M. Cazeneuve a déclaré que, démographiquement, il fallait unir les deux régions Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon pour atteindre une population de 5, 7 millions d’habitants. C’est vrai, mais il faut savoir que la seule région Languedoc-Roussillon, avec 2, 670 millions d’habitants, a une population supérieure à la région Centre, qui en compte 2, 56 millions, et encore n’ai-je pas pris la moins peuplée des régions pour établir ma comparaison.
Vous l’aurez compris, nous demandons que soit respectée la cohérence régionale en permettant à Aquitaine, Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon de poursuivre leur trajectoire. Tenez compte de l’avis de nos collègues de Languedoc-Roussillon, qui ont une position très tranchée sur la question. À cet égard, rappelons-nous que notre assemblée a rendu hommage, hier, à l’ancien président de cette région, dont chacun d’entre vous connaissait le point de vue sur ce sujet.
Je terminerai en évoquant un possible amendement de repli, auquel je prie le Gouvernement de réfléchir en vue de la discussion qu’il aura avec l’Assemblée nationale.
Dans cette assemblée, nous ne sommes pas passéistes et nous pouvons entendre la nécessité d’aller vers de grandes régions de taille européenne. Mais, à ce moment-là, créons la région Sud-Ouest, composée de l’Aquitaine, de Midi-Pyrénées et de Languedoc-Roussillon.
Le Sud-Ouest existe autour de la vallée de la Garonne et du canal du Midi, que nous nous partageons, de même qu’une histoire commune depuis la période romaine ; nos activités économiques sont imbriquées ; notre culture et notre mode de vie sont très proches. Nous sommes les pays du rugby, de la tauromachie, des langues occitano-romanes. Nous partageons exactement la même culture et vous ne faites guère de différence, malgré de petites nuances, entre des Landais, des Béarnais, des Gascons, des Audois, des Héraultais, des gens du haut pays ou du bas pays, comme on dit chez nous.
Cela signifie, monsieur le secrétaire d’État, que nous sommes les enfants du même territoire, le Sud-Ouest. Si, demain, vous deviez faire un choix différent de celui que propose notre commission spéciale, ou si l’Assemblée nationale devait envisager le choix d’une grande région, ce serait une faute historique de casser notre appartenance commune au Sud-Ouest.
C’est la raison pour laquelle je vous demande, mes chers collègues, de suivre la position de la commission spéciale. Toutefois, si vous préfériez retenir une approche privilégiant de grandes régions de taille européenne ou des régions encore plus grandes – dans l’hypothèse où nous engagerions une course à la taille avec nos partenaires européens –, ne nous enlevez pas le Sud-Ouest : c’est notre vie, c’est notre culture !