Voilà la raison pour laquelle je crois profondément que le plus dur pour vous reste à faire et que les départements risquent d’être, en effet, la réponse de bon sens. Car ces intercommunalités, que je respecte, que je défends et souhaite encourager, ont des limites.
Prenons l’exemple de la politique sociale. Ces intercommunalités peuvent-elles gérer une politique sociale ? Oui, s’il s’agit de distribuer. S’il s’agit d’imaginer et de contrôler une politique sociale dans un espace plus vaste, la réponse est non parce que, sur un espace plus vaste, il faut organiser une politique d’ensemble, une péréquation, une solidarité. Or les seules intercommunalités que vous acceptez de préserver, celles qui ont plus de 20 000 habitants, se limiteront au guichet et à la distribution sans se préoccuper d’élaborer une politique sociale globale.
J’ai bien entendu le Premier ministre, M. Valls, nous dire que tout cela pouvait être réexaminé. Je crois que c’est l’ensemble du texte qui devrait l’être, car, derrière l’apparence de la réorganisation régionale, vous déclenchez un processus dont vous ne contrôlez pas les effets faute d’en avoir mesuré les enjeux.
Je conclurai mon propos en évoquant l’exemple alsacien.
Je veux dire à ma collègue et amie Catherine Troendlé qu’elle n’a pas raison de poser ce débat à cet instant. Qu’il y ait création d’une collectivité sui generis en Alsace, c’est parfait, c’est exemplaire. C’est d’ailleurs, au fond, ce que nous souhaitions faire avec la réforme de 2010, en rapprochant départements et régions au travers de la mise en place du conseiller territorial.
Comme l’a rappelé très pertinemment notre rapporteur, François-Noël Buffet, nous avons été « coincés » par la règle de l’entonnoir. La nouvelle majorité sénatoriale et le président du groupe UMP, Bruno Retailleau, n’ont donc pas pu défendre notre conception d’ensemble, entravés qu’ils étaient dans leur élan par les règles parlementaires, des règles que, naturellement, nous respectons.
Si nous avions pu défendre en totalité notre projet, nous aurions rappelé à Catherine Troendlé que celui-ci visait bien à rapprocher régions et départements, si toutefois ceux-ci sont conservés. C’est du Krattinger-Raffarin dans le texte : soit on élargit les régions et on garde les départements, soit on maintient les régions et on les rapproche des départements au sein d’une même coopération. C’est ce que vous voulez faire, ma chère collègue, et je serai le dernier à vous contredire sur ce point.
Je veux toutefois attirer l’attention de mes collègues alsaciens. Peut-on dire avec certitude à quoi serviront les régions ? À remplacer les départements ? Je ne le crois pas. À remplacer les intercommunalités ? Pas plus. Leur rôle sera de débattre avec Paris et Bruxelles, ce qui est déjà de leur responsabilité et le sera plus encore demain.
Or, face à Paris et Bruxelles, le Grand Est, en tout cas les trois régions qui nous sont proposées par l’Assemblée nationale – je n’ai rien inventé ! –, connaît la même réalité européenne : les axes nord-sud qui nous structurent et qui sont nos axes de développement.
Allez faire comprendre à un Parisien l’importance des axes nord-sud en Alsace, dans les vallées du Rhin et de la Moselle, en Wallonie, en Lorraine, axes qui se prolongent jusqu’à la Bourgogne et la région Champagne-Ardenne ! C’est impossible, en raison de l’ethnocentrisme parisien.
Nous qui avons en commun des ambitions européennes, une réalité transfrontalière, le bilinguisme – pour ce qui concerne la Lorraine et l’Alsace –, un rôle d’articulation au sein de l’espace européen entre l’Europe germanique et l’Europe romane, nous avons le devoir d’être solidaires pour défendre nos intérêts communs à Bruxelles et à Paris.
C’est la raison pour laquelle, chers collègues, je vous suggère de soutenir cette réalité européenne du Grand Est et de patienter jusqu’au débat sur les compétences pour parler de l’organisation de la communauté alsacienne, laquelle est exemplaire et fera, j’en suis persuadé, des émules. Tout vient à point à qui sait attendre ! §