Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le fait de changer les limites des territoires de nos régions relève bien de la loi. Nous avons donc toute légitimité pour le faire.
Encore faut-il respecter les règles fixées par le législateur, qui ont été codifiées par la loi n° 96-142 du 21 février 1996 relative à la partie législative du code général des collectivités territoriales, en application de l’article 2 de la loi n° 72-619 du 5 juillet 1972, et modifiées par la loi d’avril 2013 relative à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral.
Les procédures ont donc été fixées dès les lois de décentralisation de 1982, qui faisaient des régions de nouvelles collectivités territoriales de plein exercice, et nous sommes dans l’obligation de les respecter.
Or, comme nous venons de le voir, si l’article L. 4122-1 précise bien en son premier alinéa que « les limites territoriales des régions sont modifiées par la loi », il poursuit, au même alinéa et dans la même phrase, par les mots : « après consultation des conseils régionaux et des conseils départementaux intéressés. » Dès la première lecture, j’avais attiré l’attention sur ce point, considérant que, tant que la loi n’était pas adoptée, il était encore temps de procéder à cette consultation.
Notre rapporteur d’alors, notre collègue Michel Delebarre, avait relevé lui aussi cet écueil dans la procédure législative. C’est la raison pour laquelle il avait alors écrit aux présidents de régions et de conseils généraux intéressés par ces modifications de délimitations régionales, afin de leur demander leur avis, qu’il nous avait transmis, y compris au cours de nos débats en séance.
Force est pourtant de constater que tous les présidents n’ont pas répondu à cette sollicitation et que la plupart des réponses n’exprimaient souvent que leur propre avis, et non celui de leurs assemblées. Rares sont les régions et les départements intéressés à avoir formellement délibéré à ce sujet. Certes, des débats ont eu lieu dans la plupart de ces assemblées et certaines réponses de président, trop peu nombreuses, étaient des comptes rendus de séance.
Hormis au travers de cette démarche qui est volontaire, bien qu’elle soit partielle, de notre rapporteur, que nous devons saluer, l’avis des conseils régionaux et généraux n’a pas été réellement sollicité ni recherché.
Il nous semble même que, compte tenu de cet article du code général des collectivités territoriales, le résultat de cette consultation obligatoire aurait dû figurer dans l’étude d’impact accompagnant ce projet de loi, sur l’indigence de laquelle il est préférable de ne pas revenir.
Nous n’avons finalement pas obtenu les avis exhaustifs de toutes les collectivités, départements et régions susceptibles d’être affectés par ces modifications territoriales.
Il nous semble donc que c’est à bon droit que nous déposons cette motion d’irrecevabilité sur l’article 1er, qui tend à modifier le périmètre de certaines régions, afin que cette consultation, prévue dans notre code, puisse se dérouler avant que cet article ne revienne devant nous. Il n’en sera peut-être pas modifié, mais sa justification sera enrichie du résultat de ces consultations.
Si les pouvoirs publics et le législateur ne respectent plus la légalité des procédures, il ne faut plus s’étonner du développement de la crise de la représentation politique qui sévit dans notre pays. Le Parlement n’est pas un appendice du pouvoir exécutif. Il est le législateur, et sa mission est aussi de rappeler à l’exécutif, quand c’est nécessaire, l’obligation de respecter les lois.
La semaine dernière, du haut de cette tribune, le président du Sénat a rappelé la place et le rôle de notre Haute Assemblée. Il a particulièrement insisté sur sa mission spécifique de représentation des collectivités territoriales. Notre Sénat est donc particulièrement bien placé pour rappeler le droit attaché à celles-ci, quand un texte ou une procédure s’en affranchit.
Adopter cette motion, qui tend finalement à ce que les collectivités territoriales soient respectées dans leurs missions et leurs prérogatives, serait une bonne manière de passer de la parole aux actes !