La finalité de cette réforme territoriale est d’organiser les nouvelles institutions autour de deux niveaux : de grandes régions entraînant la suppression des départements et de grandes intercommunalités ayant vocation à absorber les communes. C’est un non-sens total, car, dans l’exercice de leurs compétences, ces deux niveaux n’auraient plus aucune proximité avec le terrain.
Si l’on veut créer de grandes régions à l’étendue tentaculaire, il devient indispensable de conserver un échelon de proximité, c’est-à-dire de conserver les départements. Si, au contraire, on veut supprimer les départements, il faut alors des régions qui soient à taille humaine, c'est-à-dire qui correspondent au découpage actuel.
De même, les communes, notamment en zone rurale, assument des fonctions indispensables pour la vie au quotidien, et leur absorption par des intercommunalités serait catastrophique. Si l’on s’obstinait dans cette voie, le bon sens commanderait de préserver un minimum de proximité, avec des intercommunalités de petite taille, qui garderaient alors le contact avec les réalités du terrain – tout le contraire de ce que propose le Président de la République et le Gouvernement, qui veulent un minimum de 20 000 habitants pour chaque intercommunalité !
Les départements exercent des compétences de proximité – routes départementales, aide sociale, collèges – qui ne pourront pas toutes être gérées correctement dans le cadre de ces nouvelles grandes régions à l’étendue tentaculaire. À l’évidence, si l’on crée de très grandes régions, il faut parallèlement maintenir les structures existantes au niveau du département ou, éventuellement, créer de grands départements de taille intermédiaire.
Cela ne justifie pas, pour autant, un statu quo des départements. En effet, ceux-ci ont été découpés en 1790, à une époque où les moyens de déplacement et de communication étaient rudimentaires. Comme le préconisait Michel Debré en 1947 dans son livre La Mort de l’État républicain, une cinquantaine de grands départements suffirait pour remplacer la centaine actuelle.
Pour réduire le millefeuille territorial, on peut donc soit supprimer une couche, soit réduire le nombre de collectivités à l’intérieur de chaque couche. Si l’on augmente la taille des régions, il faut en effet conserver cet échelon intermédiaire indispensable pour la proximité avec le terrain qu’est le département. Une réforme réaliste du millefeuille territorial passerait alors par la création de grandes régions subdivisées en grands départements. L’objectif serait d’en réduire le nombre environ de moitié.
En revanche, si l’on tient vraiment à supprimer les départements, les régions ne doivent pas être trop étendues et il importe donc, comme je l’ai dit, de maintenir leur découpage actuel. Une opération de ce type permettrait, notamment, de tenir compte des spécificités locales. Pour cela, lorsqu’une région a une identité forte, il faudrait la conserver, mais en la fusionnant alors avec les départements concernés. C’est d'ailleurs ce que proposent – à juste titre, selon moi – nos collègues alsaciens.
En conclusion, ce projet de réforme territoriale relève du bricolage et du cafouillage, car les choix ont été improvisés sans réflexion d’ensemble. Il n’est donc pas surprenant que les protestations se multiplient, aussi bien à l’encontre des futures institutions locales que, plus encore, à l’encontre de la nouvelle carte des régions…
Je n’entrerai pas dans le débat consistant à savoir s'il fallait d'abord découper les régions et ensuite fixer les compétences des différentes collectivités, ou l’inverse. Pour ma part, je crois qu’il ne fallait faire ni l’un ni l’autre !
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce qu’il fallait, c'était une proposition de loi regroupant l’ensemble des deux textes de loi qui nous sont soumis. Ainsi, nous discuterions globalement de la situation pour adapter, finalement, les choix de découpage retenus en fonction des compétences. En particulier, j’y insiste, la suppression des départements pose véritablement problème avec la création de ces régions très étendues : si l’on tient à supprimer les premiers, il faut conserver les secondes à l’identique.
C'était la finalité de la création du conseiller territorial sous la précédente législature, et je crois qu’il serait pertinent que la commission spéciale se penche sérieusement sur cette option consistant à garder les régions actuelles et à les fusionner, en leur sein, avec les départements, de manière à regrouper les institutions, débouchant ainsi sur des économies. C'est pourquoi j’ai déposé cette motion de renvoi en commission.