Intervention de Christian Manable

Réunion du 29 octobre 2014 à 14h30
Délimitation des régions et élections régionales et départementales — Article 1er

Photo de Christian ManableChristian Manable :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la nouvelle architecture des institutions de notre République décentralisée est souhaitable, guidée qu’elle est par le souci de simplifier l’organisation de notre pays afin que celle-ci devienne plus lisible, plus compréhensible et encore plus efficace.

Cette réforme des collectivités doit résolument s’inscrire dans la modernité et porter les principes de solidarité et de proximité, encore plus indispensables sur nos territoires ruraux. Nous voulons une réforme territoriale cohérente et au service de tous, pour libérer l’intelligence et les énergies locales, permettant ainsi l’émergence de projets de développement locaux dans tous les domaines que sont l’économie et l’emploi, la vie associative ou encore les services publics de proximité.

Il nous faut donc répondre à cette question essentielle : Qui, demain, exercera ces missions de service public dans la proximité ?

Cela signifie qu’il faut rendre plus fortes nos collectivités territoriales, en clarifiant leurs compétences et les moyens de leur autonomie financière, en approfondissant la démocratie locale.

Nos intercommunalités doivent être renforcées. Je suis élu dans un département où il existe des intercommunalités de 5 000 habitants en milieu rural. Quand vous fédérez de la misère, vous générez de la misère, et vous ne remplissez pas la mission essentielle qui est le développement économique en milieu rural. §

Nous devrons cependant être vigilants sur cette « montée en puissance » : en effet, tant sur le plan de la population concernée que du point de vue des compétences, il nous faut préserver la proximité et la cohérence de leur action.

Comme M. le Premier ministre l’a souligné hier, il faudra tenir compte de la densité de population, de la topographie et de l’accès au service public ? Tous ces éléments devront être pris en compte pour les intercommunalités.

Quant à l’échelon départemental, c’est un échelon essentiel pour les solidarités sociales et territoriales de proximité, surtout en milieu rural, et pour tenir compte de la taille des futures grandes régions. Les départements restent pertinents, en particulier entre des régions agrandies et des intercommunalités renforcées.

Je voudrais maintenant en venir à un problème de découpage local.

Une première proposition faite pour le périmètre de notre région Picardie a été abandonnée au profit d’une proposition qui me paraît plus cohérente sur les plans historique, culturel, linguistique, économique et écologique.

La fusion du Nord–Pas-de-Calais et de la Picardie s’inscrit dans ces logiques. Il y a dans ce rapprochement une véritable cohérence. La langue picarde illustre parfaitement cette identité commune : elle est parlée par plus de 500 000 personnes sur un vaste territoire qui comprend nos cinq départements et la province de Hainaut en Wallonie. D’ailleurs, le « chtimi » n’est que la déclinaison du picard dans le Nord–Pas-de-Calais.

Notre patrimoine commun dépasse largement ces considérations linguistiques. J’illustre d’ailleurs ce destin commun en présidant le parc naturel des estuaires picards et de la mer d’Opale. C’est une raison supplémentaire d’unir nos régions, car la question de la protection du littoral, notamment des zones côtières basses, dans la perspective du réchauffement climatique et du rehaussement du niveau marin, doit se traiter chez nous à un échelon conjoint suprarégional.

Le sujet des infrastructures et de l’aménagement du territoire plaide également pour ce rapprochement, qu’il s’agisse des questions ferroviaires – liaisons classiques ou à grande vitesse –, de l’autoroute A1, comme, demain, du canal à grand gabarit Seine-Nord Europe, qui réunira nos territoires de la Picardie et du Nord–Pas-de-Calais.

Cette région Picardie–Nord-Pas-de-Calais atteint la taille européenne adéquate en termes d’aménagement du territoire et de développement économique. En effet, avec la fusion, c’est une région de 6 millions d’habitants, avec un produit intérieur brut de 149 milliards d’euros, que nous allons créer, soit la quatrième des nouvelles régions, avec cinq départements, 137 EPCI, 3 836 communes et le troisième budget derrière l’Île-de-France et Rhône-Alpes–Auvergne. Si notre passé industriel nous réunit déjà, avec une histoire commune forte sur le textile, l’automobile ou l’agroalimentaire, notre avenir commun est déjà une réalité : le pôle de compétitivité mondial autour d’I-Trans ou la troisième révolution industrielle avec les éco-activités et la transition énergétique témoignent de ce destin commun.

Pour stabiliser cet ensemble, il nous faut effectivement un peu de temps et de travail, notamment autour de notre organisation administrative et dans l’équilibre de nos territoires. La place et le rôle de l’agglomération d’Amiens, actuelle capitale de la Picardie, doit être renforcée, en écho avec la métropole lilloise.

En outre, cette réforme territoriale doit s’accompagner d’une indispensable réforme de la place de l’État dans nos régions et nos départements. Il s’agit de mettre fin aux doublons entre services de l’État et services des collectivités territoriales, et ainsi peut-être dégager des moyens nouveaux. En tout cas, si l’objet de la réforme est de faire des économies, il y a là, à travers les doublons des services de l’État et des différentes collectivités territoriales, une véritable piste à suivre.

Enfin, mes chers collègues, pour illustrer cette nécessaire optimisation de nos énergies et de nos moyens, notamment à l’échelle des picards et des ch’tis, je reprendrai ce proverbe populaire picard : « Si tous chés gins i pourrottent s’arranger insann, i fodrot pon tant d’masons »… Je le traduis en français : « si tous les gens pouvaient s’arranger ensemble, il ne faudrait pas tant de maisons ! »

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