Bien sûr, nous connaissons les conditions d’établissement de cette carte des grandes régions, dans la plus grande subjectivité, sur un coin de table, en un après-midi ou une matinée, sous les hauts cris ou les coups de gueule des plus en cour, comme Mme Royal ou M. Le Drian, ou contre ceux qui étaient tombés en disgrâce, comme M. Ayrault.
La position n’était pas tenable, tant et si bien qu’elle a cédé devant des rapports de forces, mais elle n’a jamais été revue dans une cohérence globale. Je le répète, il aurait été infiniment souhaitable de laisser la parole aux territoires, aux départements et aux régions. Je pense particulièrement à certains départements qui peuvent aujourd’hui se retrouver totalement excentrés dans une grande région par rapport à leur situation actuelle. Le Gouvernement aurait été bien inspiré de s’inspirer des méthodes adoptées pour la coopération intercommunale pour redéfinir cette carte régionale.
Monsieur le président Hyest, monsieur le rapporteur, quelle que soit la qualité du travail réalisé par la commission spéciale, je ne peux me satisfaire de la correction autorisant, par exemple, l’Alsace à continuer à vivre sa vie seule en mettant en œuvre un processus, certes souhaitable, mais pour toutes les régions, inverse de celui qui a été retenu pour ses voisines et presque toutes les autres régions de France.
J’ai écouté attentivement les arguments, et, à mon sens, ce qui vaut pour l’Alsace vaut pour la Lorraine et pour bien d’autres régions : c’est le choix de l’approfondissement plutôt que de l’élargissement. À cet égard, nous pourrions faire un parallèle entre cette réforme territoriale et la construction européenne au cours de ces dernières décennies, les deux péchant par les mêmes défauts, c’est-à-dire qu’elles tendent à privilégier le choix de l’élargissement plutôt que celui de l’approfondissement et qu’elles s’inscrivent à l’inverse même du principe de subsidiarité.
Il a souvent été donné dans le débat l’exemple des régions européennes ou des Länder allemands, que je connais bien pour en être le voisin. En l’occurrence, le problème n’est pas tant la taille du territoire ni même l’importance de la population que l’étendue des compétences et des budgets. Je ne prendrai pas l’exemple du Luxembourg, limitrophe de la Moselle, s’agissant d’un État souverain présentant des caractéristiques économiques exceptionnelles, mais celui de la Sarre : ce Land, qui compte moins de 1 million d’habitants, est donc moins peuplé que la Moselle, mais, en bénéficiant des compétences et budgets réunis du département, de la région et d’une partie de l’État central, il dispose de leviers d’action publique infiniment supérieurs à ceux de mon département. C’est de cet exemple-là que nous aurions dû nous inspirer.
Les grandes régions que vous appelez de vos vœux n’ont de sens que pour gérer l’université à la place de l’État ou pour avoir la pleine et entière responsabilité du domaine économique et social, mais certainement pas pour s’occuper des collèges à la place des départements. Or nous savons que c’est ce que vous préparez, monsieur le ministre.
Mais si nous voulons que les compétences et les moyens correspondent bien à l’échelle des régions, il faut qu’elles soient toutes à la même échelle, soit l’actuelle, soit une supérieure : Languedoc-Roussillon avec Midi-Pyrénées, Picardie avec Nord–Pas-de-Calais, Bretagne avec Pays de la Loire, et, bien sûr, Alsace avec Lorraine et Champagne-Ardenne.
Tous les arguments que j’ai entendus afin de justifier le choix des Alsaciens pour l’approfondissement plutôt que pour l’élargissement, au nom de principes généraux mais aussi de spécificités, notamment son identité et son caractère frontalier, valent tout autant pour la Lorraine.