La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Claude Bérit-Débat.
La séance est reprise.
Dans la suite de l’examen de l’article 1er, la parole est à M. Antoine Lefèvre, sur l’article.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’article 1er, qui est le cœur de ce texte, a pour objet de proposer une nouvelle carte des régions.
Il s’agit d’un projet d’envergure pour des régions plus grandes, donc moins nombreuses et théoriquement plus puissantes et, au bout du compte, génératrices d’économies à tous niveaux, quoique à ce jour nous n’ayons eu aucune étude d’impact qui tienne la route.
Cette réforme de grande ampleur devra être adaptée aux nouveaux défis auxquels nous devons faire face : mondialisation de l’économie, éducation, transport, numérique, etc.
Nous savons tous ici, en particulier depuis le rapport Raffarin-Krattinger, déjà souvent cité, qu’une telle réforme est indispensable.
La carte dont nous débattons tend à fusionner Nord–Pas-de-Calais et Picardie, mais, en réalité, je crains plutôt que nous n’assistions à l’absorption de la Picardie par Nord–Pas-de-Calais...
Il s’agit d’un mariage forcé, puisqu’il a même été dit, monsieur le ministre, par certains de vos collègues socialistes de ces deux départements : « Nous ne souhaitons pas que la région Nord–Pas-de-Calais fusionne avec la Picardie, deux régions qui connaissent de très grandes difficultés. Fusionner, en l’état, serait une aberration économique et sociale que nous condamnons. » Vous imaginez comment les Picards se sentent bien accueillis, notamment par celle que le président Gaudin appelle « la Dame du Nord » !
Quel manque total d’esprit républicain et de solidarité entre les territoires !
Pour ma part, je plaiderai pour une autre formule, mais évidemment pas pour les mauvaises raisons évoquées à l’instant. Je parle de la Picardie parce qu’il s’agit de mon territoire, mais aussi en tant que parlementaire du département de l’Aisne. Or ce département, dans sa plus grande partie, regarde plus naturellement vers la Champagne-Ardenne, grande région agricole, que vers le Nord–Pas-de-Calais, de tradition industrielle.
Pour une majorité des habitants de l’Aisne, les études universitaires se font à Reims et les patients se tournent vers le CHU de Reims. Même les passionnés de football vont au stade de Reims.
Et je ne parle pas de l’aspect viticole, avec l’appellation Champagne, qui ancre la plupart des territoires de l’Aisne dans cette dynamique.
Deux tiers des territoires de ce département se sont d’ailleurs engagés, depuis plusieurs années, dans une politique de métropolisation autour de la ville de Reims, en créant le G10, qui rassemble les agglomérations de Laon, Soissons, Château-Thierry pour l’Aisne, Rethel, Sedan, Charleville-Mézières pour les Ardennes, et Vitry-le-François, Châlons-en-Champagne, Épernay et, bien sûr, Reims pour la Marne.
Par ailleurs, je ne crois pas trahir mes collègues des deux autres départements picards en disant que la Somme se tourne vers le Nord–Pas-de-Calais, ainsi que notre collègue Christian Manable l’a rappelé tout à l’heure – même si je tiens à lui préciser que les Axonais, dans leur grande majorité, ne sont pas des Chtimis –, cependant que l’Oise regarde plus vers l’Île-de-France.
C’est pourquoi j’ai cosigné l’amendement de notre collègue de la Marne, René-Paul Savary, qui tend à fusionner Picardie, Champagne-Ardenne et Lorraine en un arc Nord-Est entre les métropoles de Paris, Lille et Strasbourg, cette dernière étant consolidée en sa position européenne par la proposition de notre commission de conserver une région spécifique Alsace.
Dès l’origine, vous n’avez pas accepté la possibilité de détacher des départements de leur région, alors qu’une telle possibilité aurait permis d’apporter des réponses concrètes, non seulement pour la Picardie, mais aussi pour d’autres départements.
Comme je crains fort que la version finale du découpage régional retenue ne soit, au bout du compte, celle que vous persistez à proposer aujourd’hui, le droit d’option, consolidé à l’article 3, revêt alors tout son sens.
Nous sommes tous d’accord, ici, pour réformer, pour gagner en modernité et en efficacité, mais nous souhaitons le faire en respectant la cohérence de chacun des territoires, cohérence qui est le gage d’une bonne acceptation de la réforme par nos concitoyens. §
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’article 1er dessine la nouvelle carte des régions.
Le Sénat, ou du moins sa majorité, est confronté à un dilemme : ou bien refuser ces grandes régions, parce que, contrairement aux propos du Premier ministre hier, la seule réforme qui engendrait des économies et qui préservait la proximité était bien celle du conseiller territorial, ce qu’il a occulté ; ou bien accepter le principe des grandes régions, à contrecœur et, provisoirement peut-être, pour corriger les dispositions les plus absurdes imposées par le Gouvernement ou par l’Assemblée nationale.
C’est plutôt dans cette disposition d’esprit que nous sommes, et notre vote sur l’ensemble du texte dépendra des amendements qui auront été acceptés ou non.
Les cartes électorales et/ou administratives sont toujours contestables et contestées, mais admettez que, jamais, l’exercice n’aura été mené de façon aussi « gribouille » que par cette majorité présidentielle. Elle a quand même réussi le tour de force de nous imposer une carte cantonale en totale contradiction avec les cartes des SCOT et de la coopération intercommunale qui venaient pourtant d’être définies.
Bien sûr, nous connaissons les conditions d’établissement de cette carte des grandes régions, dans la plus grande subjectivité, sur un coin de table, en un après-midi ou une matinée, sous les hauts cris ou les coups de gueule des plus en cour, comme Mme Royal ou M. Le Drian, ou contre ceux qui étaient tombés en disgrâce, comme M. Ayrault.
La position n’était pas tenable, tant et si bien qu’elle a cédé devant des rapports de forces, mais elle n’a jamais été revue dans une cohérence globale. Je le répète, il aurait été infiniment souhaitable de laisser la parole aux territoires, aux départements et aux régions. Je pense particulièrement à certains départements qui peuvent aujourd’hui se retrouver totalement excentrés dans une grande région par rapport à leur situation actuelle. Le Gouvernement aurait été bien inspiré de s’inspirer des méthodes adoptées pour la coopération intercommunale pour redéfinir cette carte régionale.
Monsieur le président Hyest, monsieur le rapporteur, quelle que soit la qualité du travail réalisé par la commission spéciale, je ne peux me satisfaire de la correction autorisant, par exemple, l’Alsace à continuer à vivre sa vie seule en mettant en œuvre un processus, certes souhaitable, mais pour toutes les régions, inverse de celui qui a été retenu pour ses voisines et presque toutes les autres régions de France.
J’ai écouté attentivement les arguments, et, à mon sens, ce qui vaut pour l’Alsace vaut pour la Lorraine et pour bien d’autres régions : c’est le choix de l’approfondissement plutôt que de l’élargissement. À cet égard, nous pourrions faire un parallèle entre cette réforme territoriale et la construction européenne au cours de ces dernières décennies, les deux péchant par les mêmes défauts, c’est-à-dire qu’elles tendent à privilégier le choix de l’élargissement plutôt que celui de l’approfondissement et qu’elles s’inscrivent à l’inverse même du principe de subsidiarité.
Il a souvent été donné dans le débat l’exemple des régions européennes ou des Länder allemands, que je connais bien pour en être le voisin. En l’occurrence, le problème n’est pas tant la taille du territoire ni même l’importance de la population que l’étendue des compétences et des budgets. Je ne prendrai pas l’exemple du Luxembourg, limitrophe de la Moselle, s’agissant d’un État souverain présentant des caractéristiques économiques exceptionnelles, mais celui de la Sarre : ce Land, qui compte moins de 1 million d’habitants, est donc moins peuplé que la Moselle, mais, en bénéficiant des compétences et budgets réunis du département, de la région et d’une partie de l’État central, il dispose de leviers d’action publique infiniment supérieurs à ceux de mon département. C’est de cet exemple-là que nous aurions dû nous inspirer.
Les grandes régions que vous appelez de vos vœux n’ont de sens que pour gérer l’université à la place de l’État ou pour avoir la pleine et entière responsabilité du domaine économique et social, mais certainement pas pour s’occuper des collèges à la place des départements. Or nous savons que c’est ce que vous préparez, monsieur le ministre.
Mais si nous voulons que les compétences et les moyens correspondent bien à l’échelle des régions, il faut qu’elles soient toutes à la même échelle, soit l’actuelle, soit une supérieure : Languedoc-Roussillon avec Midi-Pyrénées, Picardie avec Nord–Pas-de-Calais, Bretagne avec Pays de la Loire, et, bien sûr, Alsace avec Lorraine et Champagne-Ardenne.
Tous les arguments que j’ai entendus afin de justifier le choix des Alsaciens pour l’approfondissement plutôt que pour l’élargissement, au nom de principes généraux mais aussi de spécificités, notamment son identité et son caractère frontalier, valent tout autant pour la Lorraine.
Si l’Alsace a deux frontières, la Lorraine en à trois, et c’est l’économie transfrontalière qui la fait survivre après l’effondrement de la sidérurgie et du charbon. Je ne dis pas qu’il faut la même solution partout, mais je pense qu’il faut les mêmes possibilités pour toutes les régions et pour tous les départements. §
À cette condition et à elle seule, nous pourrions plus tard permettre, par d’autres textes sur les compétences, sur les moyens et même sur les départements, poser les actes d’une réforme qui pourrait enfin avoir un sens et un intérêt.
Mais si nous imposons des fusions à des régions plus grandes que celles qui pourraient rester seules
Nouvelles protestations sur les mêmes travées.
… cette réforme restera incohérente et irrationnelle, quelles que soient les futures lois.
Je demande à chacun de respecter le temps de parole imparti, faute de quoi tout le monde ne pourra pas s’exprimer.
La parole est à M. Michel Raison, sur l’article.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici au plat de résistance de ce fameux texte de réforme des collectivités territoriales. Mais il s’agit d’un plat indigeste, car, même si l’on peut discuter de telle ou telle stratégie, les règles de base n’ont pas été respectées pour mettre en place une telle réforme.
Prenons l’exemple de deux entreprises qui souhaitent se rapprocher : elles vont commencer à réfléchir pour savoir si ce rapprochement peut leur apporter une clientèle supplémentaire, réduire leurs charges de structures, leurs charges opérationnelles. Elles vont prendre des mois et des mois pour étudier cette possibilité.
Or, en l’occurrence, cette première règle de base n’a pas été respectée, et nous assistons, depuis un certain nombre de mois, à une réforme au coup par coup : un jour, on supprime les conseillers territoriaux ; quelques mois après, on met en place des nouveaux cantons découpés soi-disant pour renforcer les départements et instaurer la parité – entre parenthèses, ces nouvelles circonscriptions cantonales ont été découpées avec un logiciel non pas économique et logique, mais électoral ; encore quelques mois après, les départements sont supprimés ; quelques mois plus tard, une nouvelle carte régionale est rapidement dessinée – M. le ministre s’est félicité au moins à quatre reprises de cette rapidité. Pour ma part, je ne suis pas content, car c’est justement allé trop vite. §
Une réforme d’une telle ampleur, qui engage l’avenir de notre pays, doit respecter les règles non seulement de la logique, mais également de la lenteur.
Plus de deux siècles après la mise en place des cantons, nous aurions au moins pu prendre quelques semaines pour débattre d’un dossier aussi important !
Venons-en au dossier qui m’intéresse, celui de la Franche-Comté… §On nous propose une fusion avec la Bourgogne. Dieu sait si j’adore la Bourgogne : elle produit un des vins les meilleurs au monde, comme quelques autres régions…
J’adore les Bourguignons et j’adore ma Franche-Comté, mais figurez-vous que mes voisins du Territoire de Belfort, comme les habitants du nord de la Haute-Saône, sont reliés avec la Lorraine et l’Alsace par des routes à 2x2 voies et par une ligne de chemin de fer qui part de Belfort, passe par Épinal et va jusqu’à Nancy, en desservant ma belle ville de Luxeuil-les-Bains. Nous sommes donc reliés par la route et le chemin de fer à la Lorraine et à l’Alsace, mais je n’entrerai pas dans le débat qui occupe les Lorrains et les Alsaciens, ils savent le mener mieux que moi.
Vous comprendrez donc qu’un territoire déjà en difficulté, comme celui du nord de la Franche-Comté, lorsqu’il se voit rattaché à d’autres avec lesquels il n’entretient aucun lien économique – il existe bien sûr des liens sentimentaux, comme nous en entretenons avec des amis d’autres régions –, ne peut pas accepter une fusion aussi absurde qui, non seulement, ne lui apportera rien, mais le fera mourir !
On aurait pu l’éviter, si on en avait pris le temps et si on avait choisi de faire une réforme sans doute un peu plus complexe – parce que la Franche-Comté n’est pas la seule concernée par un rapprochement avec des parties d’autres régions. Personne ne connaît la Haute-Saône…
Quelques-uns seulement…
On aurait pu découper un morceau de Haute-Saône pour le relier à un autre département, les Vosges, par exemple.
M. Jackie Pierre applaudit.
Je vous assure que la barrière administrative qui existe entre les Vosges et la Haute-Saône empêche, aujourd’hui déjà, un certain développement. Avec cette réforme, la situation sera non seulement aggravée, mais ridicule !
Autre remarque : la fusion entre la Bourgogne et la Franche-Comté sera-t-elle source d’économies ? J’adore notre présidente de région, j’ai beaucoup d’estime pour elle : elle est venue à Vesoul expliquer la fusion. Aucun de ses arguments n’a pu me convaincre du bien-fondé de cette fusion ! Nous ne savons pas quel type d’économies pourrait en résulter ni quel type de développement futur serait envisageable. Nous savons simplement que nous aurons des charges supplémentaires – les promoteurs de la réforme le reconnaissent eux-mêmes –, mais nous ne savons pas du tout à quelle fin.
Lorsque je ne suis pas en mesure d’expliquer à mes concitoyens pourquoi on engage une réforme, je ne peux pas la voter. Vous comprendrez donc que je vote contre l’article 1er.
Applaudissements sur plusieurs travées de l’UMP. – M. Daniel Dubois applaudit également.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après une première lecture en juillet dernier par notre assemblée, il est manifeste que beaucoup de questions et d’inquiétudes soulevées par ce projet de loi consacré à la carte régionale et au calendrier électoral de 2015 demeurent.
Amendée par la commission spéciale de notre assemblée – il faut en féliciter ses membres qui se sont particulièrement investis ces dernières semaines –, la quatrième mouture de la carte est un peu plus satisfaisante, avec ces quinze nouvelles régions redessinées.
Notre mission consiste à représenter les collectivités territoriales, et donc celles du territoire dont nous sommes issus, mais aussi à adopter une vision nationale cohérente au service de l’intérêt général. Aussi, en dépit d’un certain nombre de réserves, notamment sur la méthode employée, je voterai cet article 1er, parce qu’il présente, selon moi, un dispositif plus équilibré, mais surtout parce qu’il entérine la réunification de la Normandie.
Au demeurant, on en conviendra, la méthode employée par le Gouvernement, qui continue à saucissonner en textes successifs le projet d’une réforme territoriale qu’il faudrait pourtant appréhender globalement, ne facilite pas notre appréciation de la situation. Après de nombreux atermoiements et retours en arrière, rarement une réforme aura été tant attendue et finalement construite dans une véritable précipitation.
Nous revenons de loin : la carte régionale du Gouvernement aura ainsi été dessinée dans le huis clos de l’Élysée, le 2 juin dernier, beaucoup l’ont rappelé ces derniers jours. Pas de concertation, aucune discussion sérieuse, aucun fondement rationnel pour cette carte, modifiée jusqu’à la dernière seconde précédant le bouclage des quotidiens régionaux ! Monsieur le ministre, on ne peut commencer à construire une maison en commençant par le toit.
La réorganisation des collectivités territoriales doit avoir un préalable, je le dis à mon tour après de nombreux collègues : la réflexion sur le rôle de l’État et la redéfinition de ses missions ainsi que celles qui relèvent des collectivités territoriales. Ensuite devrait venir une réflexion sur les compétences et leur logique de répartition, et non pas seulement sur la délimitation du périmètre des collectivités territoriales, notamment celle qui s’annonce, hélas, pour les intercommunalités auxquelles vous voulez appliquer dogmatiquement un seuil minimal de 20 000 habitants.
Cette réorganisation doit également prendre en compte les populations, les logiques de bassin de vie, le fonctionnement des entreprises et des acteurs économiques pour atteindre un maximum de complémentarité, de cohérence et d’efficacité. Bref, la méthode doit être tout le contraire de celle qui a présidé au redécoupage souvent aberrant des cantons pour les futures élections départementales.
Enfin, point fondamental, les élus locaux doivent être acteurs de la stratégie de développement de leur territoire, qu’ils connaissent particulièrement bien. C’est pourquoi ils doivent enfin être entendus.
Cela dit, en tant que sénatrice de la Seine-Maritime et ancienne conseillère régionale de Haute-Normandie jusqu’en mars dernier, également militante, depuis plus de dix ans, au sein de l’Association pour la réunification de la Normandie présidée par Hervé Morin, je me réjouis aujourd’hui de la création, ou plutôt de la recréation, de cette collectivité normande unique. Rappelons-le : pour le coup, il ne s’agit pas d’une nouvelle région, mais d’un juste retour à une entité culturelle et historique artificiellement scindée au début des années 1950.
Cette réunification de la Haute-Normandie et de la Basse-Normandie est pertinente, elle peut s’appuyer sur des coopérations préexistantes multiples, entre acteurs économiques, associatifs et institutionnels. Elle peut aussi s’appuyer sur des axes forts, tels que les ressources et les compétences en matière d’énergie, l’excellence logistique et portuaire, la valorisation de l’eau et du littoral ou encore le potentiel touristique et culturel.
J’ai fait deux campagnes pour les élections régionales sur ce thème de la réunification de la Normandie ; je l’ai toujours défendu avec Hervé Morin, puis avec Bruno Le Maire. Jusqu’à une date récente, ce sujet a, hélas, toujours suscité l’indifférence, voire le mépris, de la majorité socialiste de Haute-Normandie, qui est allée jusqu’à refuser d’en débattre !
Cette situation n’est pas étonnante puisque, antérieurement, lors du débat parlementaire de 2010 relatif à la réforme territoriale, les amendements que j’avais défendus avec mon collègue Hervé Maurey, tendant à faciliter l’organisation de débats dans les conseils régionaux au sujet des fusions de région, n’avaient pas recueilli le soutien de nos collègues socialistes hauts normands. Ils auront donc beau jeu de se targuer du très probable aboutissement de l’idée de la réunification de la Normandie, alors qu’elle leur est imposée par le Gouvernement, là où elle aurait pu être envisagée et donc préparée depuis bien longtemps localement, s’ils n’en avaient pas fait une prosaïque question de lutte partisane.
Je profite donc de l’occasion qui m’est donnée, monsieur le ministre, pour appeler solennellement mes collègues à mettre leurs actes en cohérence avec leurs propos, afin que le chantier de la réunification s’ouvre enfin, dans l’intérêt des Normandes et des Normands.
Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et sur de nombreuses travées de l’UMP.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est proposé au Sénat d’adopter cet article qui modifie sensiblement celui qui a été voté par les élus du groupe socialiste à l’Assemblée nationale.
Vous ne serez pas surpris si je vous parle de l’Alsace.
En effet, l’article proposé permet de ne pas mettre à mal le projet de création d’une collectivité unique sur lequel les Alsaciens travaillent sans relâche depuis maintenant plusieurs années. Ce projet a mûri dans les esprits et dans son contenu.
Cette approche vise à fusionner les conseils généraux du Bas-Rhin et du Haut-Rhin avec le conseil régional d’Alsace. Elle a recueilli le soutien de plus de 90 % des élus des trois collectivités et plus de 58 % des voix des Alsaciens lors d’un référendum organisé en mai 2013, même si, malheureusement, le seuil de participation n’a pas été atteint.
Le 11 octobre dernier, plus de 12 000 personnes, alsaciennes depuis longtemps ou depuis plus récemment, se sont réunies pour appuyer l’idée d’une collectivité unique d’Alsace.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, nous savons tous dans cette assemblée comme il est paradoxalement bien complexe de simplifier notre organisation territoriale, comme il est difficile de prendre des initiatives et de faire avancer des idées nouvelles.
Notre région a avancé dans sa démarche, malgré les obstacles, sur la voie de ce projet de fusion des collectivités locales. Nous souhaitons que le travail engagé depuis plusieurs années ne soit pas rayé d’un trait de plume.
Élus du Sénat, nous ne craignons pas les territoires, nous les accompagnons. Si l’Assemblée nationale nous a transmis un travail prenant en compte des considérations plus « politiques », je souhaite aujourd’hui que le Sénat fasse preuve de cette hauteur de vue et de cette indépendance qui lui permet aujourd’hui de défendre une carte des régions plus pragmatique, une carte de France qui saura reconnaître l’intérêt supérieur de notre pays, sans pour autant que nous restions sourds à la voix des territoires.
C’est ainsi que je vous propose, mes chers collègues, de voter en faveur de la carte des régions telle qu’elle a été envisagée lors de la réunion de la commission spéciale du mardi 21 octobre, comme je vous propose d’adopter ce texte dans la philosophie qui ressort des travaux de cette commission.
Enfin, une dernière raison me semble importante. Beaucoup d’entre nous ont récemment fait campagne et ont parfois entendu les électeurs douter du rôle et du sens du Sénat. Eh bien, mes chers collègues, cette carte des régions, très médiatisée depuis une semaine, est désormais considérée par les Français comme « la carte du Sénat ».
Cette carte, comme le texte dans son ensemble, prouvera notre indépendance, notre plus-value. Elle démontrera que nous pouvons avoir un autre regard sur les territoires que celui que voudrait nous imposer le Gouvernement – le Premier ministre l’a dit avec brutalité hier – ou le groupe socialiste de l’Assemblée nationale. Oui, cette carte donne du sens à notre action et à notre engagement, mes chers collègues, et c’est pourquoi je vous propose de l’adopter ! §
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avons déjà beaucoup argumenté sur notre rejet de cet article 1er au cours de la discussion générale et lors de l’examen de la motion de procédure que nous avons déposée. Nous le ferons de nouveau avec notre amendement de suppression.
Un aspect cependant n’a pas encore été abordé, alors qu’il a pourtant une certaine importance. En effet, les seuls arguments avancés par ceux qui soutiennent la nécessité de regroupement des régions sont en fait des subterfuges qui masquent mal l’objectif, à terme, d’un changement de régime.
Le premier argument avancé a été, et est toujours, celui de la réduction des dépenses, réalisée si possible sans douleur et mécaniquement, du fait même de ces regroupements.
Tout d’abord, si tel était réellement l’objectif visé, pourquoi alors laisser certaines régions telles qu’elles sont actuellement, sans les regrouper ?
Soyons sérieux : tous les instituts ou organismes d’analyse, y compris les agences de notation, ont dit, au contraire, que ces regroupements conduiront d’abord, dans un premier temps, à une hausse certaine des dépenses et que les économies futures n’étaient pas assurées. Dans le contexte de crise très grave que le pays vit et dont la population souffre, le risque est très lourd.
Certes, monsieur le ministre, vous affirmez qu’il est toujours possible d’économiser 10 % de la dépense, en oubliant de dire que, pour ce faire, les politiques publiques doivent être rognées, c’est-à-dire les services à la population ou bien les investissements, à coup sûr. C’est un leurre de laisser croire que l’on peut faire plus avec moins. Chaque citoyen, gestionnaire de son budget familial, le sait bien : quand les rentrées diminuent, il faut réduire les dépenses. Or c’est ce qui va se passer avec la baisse amorcée des dotations, baisse continue et renforcée année après année. Les collectivités locales vont vivre une période dramatique, hélas !
Ainsi, ce double phénomène de regroupements entraînant des dépenses supplémentaires et de baisse des dotations va obligatoirement contraindre les régions à réduire leurs actions dans les domaines de compétences qui sont aujourd’hui les leurs mais aussi de celles dont elles vont hériter avec le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, dit projet de loi NOTRe, que nous examinerons plus tard.
L’autre argument, très fragile et incertain, laisse entendre qu’il suffirait de faire grandir les régions actuelles pour les rendre plus fortes et plus attractives. En quoi un territoire élargi renforce-t-il sa valeur ? En quoi deux territoires désertifiés ou en souffrance vont-ils se densifier du fait de leur agrandissement ou de leur fusion ? En quoi ce qui nous est présenté comme regroupement régional va-t-il transformer l’attractivité de leur territoire ? Tout est ici proclamé mais rien n’est démontré, rien n’est évalué, d’autant que le périmètre des compétences n’est pas défini.
Enfin, qu’il me soit permis une remarque. Bon nombre d’organismes publics et parapublics sont organisés par région. Que deviendront-ils dans les régions redécoupées ? Devront-ils eux aussi revoir leur organisation territoriale ? Rien n’est précisé à ce propos dans ce texte et, pourtant, cette question va obligatoirement se poser. §
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’ai envie de vous faire entendre une autre voix de l’Alsace, celle de l’Alsace qui croit dans sa région dans la République.
L’Alsace doit être considérée au même titre que les autres régions de France, que les autres territoires de France au sens de l’article 1er A que nous avons tout à l’heure voté à une très large majorité. Cet article définit le rôle de nos communes, le rôle de nos départements, le rôle de nos régions. Il revient à celles-ci d’assurer, dans l’Europe construite avec de grandes unités régionales, l’aménagement du territoire et le développement économique qui ne vont pas l’un sans l’autre.
Et la question est effectivement posée de tout temps de savoir quel est le niveau de ces régions. Les régions doivent-elles atteindre une certaine taille ou peut-on conserver de petites régions ? Pour l’entendre souvent dire, je sais qu’en Allemagne il y a des petites régions. L’histoire de l’Allemagne est ainsi faite que certaines villes, comme Brême ou Hambourg, sont des Länder.§L’histoire de l’Allemagne, qui nous est si proche et qui vous inspire souvent, mes chers collègues alsaciens, nous apprend que le Bade et le Wurtemberg n’étaient pas des amis et des alliés. Cela ne les a pas empêchés de fusionner et d’avoir un développement économique exceptionnel, que nous envions tous les jours, nous, de l’autre côté de la frontière.
Dans le projet du Gouvernement, l’Alsace avait pour objectif de s’allier avec la Lorraine. Cette alliance était prévue par nos deux présidents de région, Jean-Pierre Masseret et Philippe Richert, qui avaient cette vision. Philippe Richert, qui avait, dix-huit mois auparavant, porté l’idée du conseil unique, avait bien conscience que, dans la perspective de ces régions nouvelles, il y avait du sens à faire une région qui soit l’Alsace-Lorraine.
Ah, comme j’ai aimé, monsieur le ministre, le premier projet du Gouvernement ! Et comme j’ai regretté, mes chers collègues, que vous ayez à l’époque, pour ceux qui siégeaient déjà, balayé l’article 1er sans avoir fait ce travail sénatorial qui eût été si utile et qui aurait peut-être évité que l’Assemblée nationale ne permette pas de voir se créer cette région Alsace-Lorraine.
Ce jour-là, je pense qu’un rendez-vous a été manqué pour cette région, comme pour d’autres régions, d’ailleurs. Des négociations préalables avaient eu lieu. Ensuite, une négociation a été menée avec des groupes divers, parce que certains de vos collègues, sur vos travées, sont aujourd’hui eux aussi convaincus que la très grande région est préférable. Et nous avons entendu Gérard Longuet s’exprimer aujourd’hui. Et nous avons entendu François Baroin aller dans ce sens de la grande région qui aurait une dimension européenne.
Mes chers collègues, je pense que l’eurorégion, c’est effectivement l’Alsace-Lorraine. Arrêtez avec le conseil unique ! Il n’a pas été souhaité par les Alsaciens !
Et dans votre département du Haut-Rhin, il y a eu un vote négatif ! Je me souviens encore, le soir du référendum du 13 avril 2013, du sourire hilare du président du conseil général du Haut-Rhin, qui était finalement ravi de cette situation !
Rien ne nous empêchera, mes chers collègues, si nous le souhaitons, de faire effectivement l’alliance des deux départements…
Si nous ne votons pas ici l’Alsace-Lorraine, l’Assemblée nationale nous offrira la grande région.
Ce n’est pas nécessairement désespérant mais vous savez que tel n’est pas mon souhait. J’aurais préféré que vous ayez la clarté que Philippe Richert a eue avec Jean-Pierre Masseret et que nous soyons derrière nos présidents de région. Je regrette que nous ne le soyons pas, mais il y a encore un espoir : tout à l’heure, lors de la discussion des amendements.
Pour ma part, je ne voterai pas l’amendement du Gouvernement, mais je vous invite à voter l’amendement sur l’Alsace-Lorraine parce que c’est notre seul espoir d’avoir la possibilité de voir se construire une Alsace avec une vraie région. §
Avec cet article 1er, après la discussion générale et l’examen des deux motions de procédure, nous voici entrés dans le dur ! Après la suppression de ce même article en première lecture, la commission spéciale nous propose désormais une nouvelle carte des grandes régions et entre dans le débat auquel nous convie le Gouvernement.
Que faut-il en penser ? D’abord, – puisqu’il n’y a pas lieu de se faire d’illusion sur la position qui sera prise à cet égard par l’Assemblée nationale – il faut en penser que c’est certainement le dernier moment, et j’insiste sur ce point, pour dire ici, au Sénat, ce que l’on pense de ce grand fantasme technocratique du gouvernement actuel.
Certes, l’histoire de la régionalisation française compte des dizaines de propositions de redécoupage depuis la seconde moitié du XIXe siècle. La DATAR, en particulier, vous vous en souvenez, a toujours excellé dans ce que l’on peut appeler ce « grand rêve de l’optimum dimensionnel ». Cependant, passer de vingt-deux régions métropolitaines à treize, voire, peut-être, quatorze, comme c’est proposé, est-ce que cela a bien un sens institutionnel ?
Y a-t-il un réel intérêt à revenir sur une organisation géographique et institutionnelle régionale riche de quarante ans d’expériences et de pratiques politiques et culturelles en se contentant de penser que le renforcement indispensable du pouvoir régional passe obligatoirement par la diminution du nombre des entités régionales et par l’augmentation corrélative de leur dimension géographique ? Pour moi, la réponse est non.
On nous dit qu’il s’agit de faire de ces nouvelles régions des collectivités qui vont compter à l’échelle européenne et que celles-ci sont devenues indispensables à l’échelle de la mondialisation économique.
Or les régions européennes qui comptent ne sont pas toujours les plus grandes ni les plus peuplées, mais bien celles qui disposent d’une capacité politique et financière suffisante pour faire face aux enjeux économiques et sociaux sur leur territoire. Vous le savez bien, la superficie moyenne des régions françaises est supérieure à celle des Länder allemands. En revanche, ces derniers, s’ils sont plus peuplés, disposent surtout d’un portefeuille de compétences bien plus large et de ressources financières correspondantes.
Dès lors, la France, avec ses 66 millions d’habitants, doit-elle absolument s’engager à diviser par deux le nombre de ses régions ? Cela constituerait une nouvelle exception européenne dont le gouvernement actuel s’enorgueillit régulièrement !
D’ailleurs, quel État européen, fédéral par création ou par transformation, régionalisé par restructuration, a-t-il procédé de même ? Aucun ! Quel autre État européen a-t-il décidé de procéder de manière autoritaire à des fusions obligatoires de ses territoires régionaux ? Aucun !
En procédant de la sorte à des mariages forcés, ne risque-t-on pas simplement de dégoûter les mariés du mariage, en l’occurrence de la régionalisation ? Encore que, au temps du mariage pour tous, on n’en est pas à cela près !
Mme Cécile Cukierman s’exclame.
Il est illusoire de penser que c’est la collectivité territoriale et économique qui crée, comme par enchantement, un esprit régional. Pour moi, la régionalisation n’a de sens que si elle développe et suscite la participation de la population à la vie et à l’activité régionales. On ne participe que dans des institutions à sa mesure.
Cela étant dit, et puisque nous sommes en deuxième lecture, il est heureux que, devant l’aveuglement et l’intransigeance du Gouvernement, la commission spéciale nous ait proposé le texte tel qu’il est, que je considère comme un équilibre s’agissant des dispositions relatives à la délimitation des régions.
Après l’article 1er A, que nous venons d’adopter et qui réaffirme la vocation de chaque territoire, je soutiendrai son article 1er en ce qu’il crée une carte des régions plus cohérente avec la réalité territoriale et la volonté manifestée par les élus locaux et, surtout, pour le Grand Est, dissocie l’Alsace des régions Lorraine et Champagne-Ardenne.
Voilà plusieurs années que nous travaillons, Mme Fabienne Keller l’a dit, en faveur de la création d’une collectivité territoriale unique en Alsace, fusionnant les conseils généraux du Bas-Rhin et du Haut-Rhin avec le conseil régional d’Alsace. En supprimant un niveau de collectivité, cette réforme viendrait ainsi simplifier l’organisation administrative et politique tout en permettant de faire des économies dans une région dont la taille mais aussi l’identité le justifient.
Il ne s’agit pas pour nous de se détourner de la République, pas plus que cette position n’est dirigée contre la Lorraine ou contre la Champagne-Ardenne, leurs collectivités, leurs élus ou leurs habitants. Toutefois, les Alsaciens, de façon plus générale, ont fait connaître leur scepticisme relatif à la création d’une grande région Alsace-Lorraine-Champagne-Ardenne qui ferait deux fois la taille de la Belgique, aux orientations économiques très différentes, qu’on le veuille ou non, sans que les moyens et les compétences soient à la hauteur des défis posés.
Cette position s’inscrit parfaitement dans les objectifs du projet de loi, qui est fondé sur la nécessité d’améliorer la gouvernance territoriale, ainsi que l’efficacité et l’efficience des politiques publiques mises en œuvre dans les territoires.
C’est la raison pour laquelle je vous invite, mes chers collègues, à soutenir le texte de notre commission spéciale et à voter pour le maintien de son article 1er. §
Monsieur le ministre, si je m’adresse une nouvelle fois à vous, c’est pour tenter d’avoir un certain nombre de réponses que je n’ai toujours pas obtenues.
En effet, depuis le début de la discussion de ce texte – que ce soit en juillet ou aujourd’hui – nous n’avons pas obtenu d’explication précise – en tout cas, nous ne connaissons pas la motivation – par rapport à ce qui a présidé à l’élaboration de la carte voulue par le Gouvernement.
Nous n’avons, je le répète, obtenu aucune explication sérieuse.
Nous avions dit, au mois de juillet, que l’étude d’impact était indigente, que ce découpage était le fait du prince, qu’il s’agissait en fait de découper des régions – d’autres l’ont dit avant moi – en fonction du poids plus ou moins important de tel ou tel élu.
J’en ai d’ailleurs encore apporté la preuve hier en parlant de l’évolution de la carte relative au Limousin.
En effet, à l’origine, le texte initial du Gouvernement plaçait le Limousin plutôt au Centre. Puis, sur la base des réactions d’un certain nombre d’élus du Limousin – peu nombreux, d’ailleurs –, du maire de Tulle, en particulier, il y a eu un changement total pour raccrocher le Limousin à l’Aquitaine.
Qu’on ne me dise pas aujourd’hui que ce changement est la conséquence de modifications dans les équilibres économiques, dans les flux économiques et démographiques ! C’est la stricte application de la volonté de quelques élus !
Voilà la réalité de ce découpage ! Dire autre chose ne correspond pas à la réalité. Ce que nous souhaitions et ce qui était initié à l’origine par le rapport Raffarin-Krattinger, qui proposait huit à dix grandes régions, c’était un découpage sur la base de grands équilibres, de grands bassins de vie, de flux économiques, de flux démographiques. Cela avait un sens.
Les modifications de carte que l’on nous propose aujourd’hui ne sont pas le fruit d’une véritable étude, mais de l’exercice, plus ou moins fort, de pouvoirs par les uns ou par les autres.
Lorsque notre commission spéciale a auditionné, en juin dernier, les représentants des présidents de région – ils étaient quatre ou cinq autour du président Alain Rousset –, le mot qui revenait le plus souvent dans leur bouche, cela avait frappé nombre d’entre nous présents ce jour-là, était le mot « pouvoir ».
Il fallait qu’ils exercent du « pouvoir » !
J’ai sous les yeux une interview publiée ce matin du président Martin Malvy, lequel considère, d’ailleurs, à tort, que je suis favorable à la fusion des régions Rhône-Alpes et Auvergne, et qui critique la proposition de notre commission spéciale. Lui aussi parle de « pouvoir » : il faudrait de grandes régions pour avoir plus de pouvoir... Ce ne sont pas des méthodes de découpage qui permettront de faire la France pour des décennies !
Vous nous dites que l’on va conforter la capacité d’action économique des régions. Mais comment ? Car il y a tout de même une difficulté...
Vous nous dites, comme le Premier ministre hier, qu’un certain nombre de dispositions de la loi NOTRe seront modifiées. Relisez cette loi, mes chers collègues ! Si elle était profondément changée, le projet initial n’aurait plus aucune cohérence et serait complètement déséquilibré, ...
... que ce soit sur les seuils des intercommunalités – un seuil important n’avait de sens que dans le cadre du projet initial –, les compétences ou toute autre disposition de la loi NOTRe. Si vous mettez en application ce qu’a préconisé hier le Premier ministre, ce ne sera plus la même loi !
On pourrait s’en satisfaire, à condition de savoir vraiment ce que vous allez faire. Or, une nouvelle fois, nous sommes dans le flou.
Au mois d’avril 2014, le président Didier Guillaume demandait, à juste titre, le report d’un an des élections départementales et régionales, au motif qu’il fallait y voir clair et se donner du temps. Je constate, une fois de plus, que l’on a changé de système et que l’on veut nous faire agir de façon incorrecte par rapport à la mécanique utilisée. On ne change pas les institutions de notre pays de cette manière ! §
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, plusieurs intervenants nous ont expliqué que la région Grand Est ferait le bonheur de ses composantes en général, et de l’Alsace en particulier. Or personne ne sait, à l’heure actuelle, quelles seront les compétences dévolues aux grandes régions. Il s’agit donc d’une promesse qui n’engage que ceux qui y croient.
M. le ministre de l’intérieur nous a même expliqué, hier, que Strasbourg renforcerait ainsi sa position de capitale parlementaire de l’Europe.
Si on pousse plus avant ce raisonnement, le rôle de Strasbourg serait encore mieux conforté si elle était à la tête d’une région englobant, en plus, la Franche-Comté et la Bourgogne. Et si on le suit jusqu’à son terme, on peut même dire que la position de Strasbourg capitale parlementaire de l’Europe deviendrait inexpugnable si elle était aussi la capitale de la France, comme sa concurrente Bruxelles est la capitale de la Belgique... §
Mais venons-en à l’expérimentation alsacienne.
L’histoire douloureuse de notre région nous a appris à compter d’abord sur nous-mêmes. C’est dans cet état d’esprit positif que nous avons entrepris d’ôter une couche du fameux millefeuille, en fusionnant les deux conseils généraux et le conseil régional d’Alsace pour en faire le conseil territorial d’Alsace.
Bien qu’approuvé par 58 % des votants, notre référendum n’a pas été validé, faute d’avoir atteint le double quorum. À ceux qui me rappellent volontiers cet épisode, je rappelle que le général de Gaulle, lui aussi, a été recalé par les électeurs lorsqu’il a voulu créer les régions. §
La régionalisation a néanmoins été faite ; elle est même en train d’être refaite !
Les élus locaux et nationaux alsaciens ont donc remis leur ouvrage sur le métier, car notre réforme a du sens et pourrait servir d’exemple, sous réserve, bien sûr, de conformité législative.
Plusieurs de nos collègues s’expriment très bien sur les affaires de l’Alsace, et généralement ils nous la baillent belle, pour mieux nous demander de reporter notre réforme aux calendes grecques. Vous comprendrez que l’on puisse trouver paradoxal que l’avant-garde de la réforme du millefeuille se trouve ainsi reléguée à l’arrière-garde.
Pour vous montrer à quel point notre réforme n’est pas un repli sur nous-mêmes, je vous informe que le conseil régional d’Alsace a clairement précisé que nous étions prêts à accueillir les bras ouverts, et sous réserve qu’ils le demandent, le département de la Moselle, au nom du droit local que nous avons en commun, ainsi que le territoire de Belfort, qui a été arraché à l’Alsace en 1871
M. Yves Daudigny. Mais la franchise m’oblige à vous dire que je n’ai pas été spontanément convaincu que la division par deux du nombre de régions était un élément déterminant pour relever les deux défis auxquels la France doit faire face
Mme Elisabeth Doineau applaudit.
Je vous ai écouté, entendu, et je me range à vos arguments ainsi qu’à ceux qui ont été avancés par le Premier ministre.
Cela étant précisé, je vous indique que la carte issue des travaux de l’Assemblée nationale divise le département de l’Aisne, que je représente ici avec deux autres collègues, et qu’elle y est source de perplexité.
J’ai entendu nombre de nos collègues du Nord–Pas-de-Calais dire tout le mal qu’ils pensaient de cette carte. J’ajouterai, pour ma part, que les deux tiers du département de l’Aisne sont tournés vers l’est, et que pour les habitants de ces territoires, qu’il s’agisse de santé, d’éducation, de loisirs, de culture, de sport ou de grandes zones commerciales, le centre urbain de référence est la ville de Reims et son agglomération.
De même, un rapprochement entre la Picardie et la Champagne-Ardenne serait sans aucun doute synonyme de renforcement d’activités économiques. Je pense, bien sûr, aux pôles de compétitivité, et en particulier au pôle de compétitivité « Industries et Agro-Ressources » commun aux régions Picardie et Champagne-Ardenne. J’ai aussi en tête les productions agricoles de ces deux territoires, qui sont les premières zones céréalière et betteravière de France, ainsi que le renforcement du secteur agroalimentaire.
J’évoquerai, enfin, l’AOC Champagne, laquelle se retrouverait sous une seule et même entité régionale : ce serait un atout supplémentaire pour les viticulteurs, en cohérence avec le classement des paysages de Champagne au patrimoine mondial par l’UNESCO.
Au vu de ces différents éléments, je serai donc amené à voter l’amendement n° 45 de M. Savary. §
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il faut donner acte au Gouvernement d’avoir osé bouleverser la carte territoriale de la France, laquelle, il est vrai, est ancienne : celle des départements a 200 ans et celle des régions, une bonne cinquantaine d’années.
Il est évident que ces cartes ne sont plus forcément adaptées à la réalité des territoires, des bassins de vie et des bassins économiques. Donnons donc acte au Gouvernement d’avoir osé les modifier.
Nos regrets sont d’autant plus accrus que l’on n’ait pas pris le temps nécessaire pour bâtir une réforme territoriale adaptée à ces réalités économiques et géographiques, et que l’on se soit laissé aller à supprimer purement et simplement les départements, alors même qu’un échelon intermédiaire apparaissait plus que jamais nécessaire dans la perspective d’un agrandissement des régions, ...
... quitte à regrouper les collectivités départementales. Au lieu de cela, on a voulu satisfaire le fantasme des grandes régions dites « de dimension européenne ».
Dans tous les États d’Europe, nous le savons, il y a de grandes régions et d’autres, moins importantes. Quoi de commun entre l’État libre de Bavière et le Schleswig-Holstein ? Quoi de commun entre la Cantabrie et la Catalogne ? Quoi de commun entre la riche Lombardie et la Basilicate, coincée au fin fond de la botte italienne ?
Pourquoi vouloir impérativement de très grandes régions, dès lors qu’on n’a pas voulu modifier préalablement les périmètres ni en discuter avec les élus ? Pourquoi des régions aussi grandes et si peu pertinentes ?
À cet égard, le cas de Rhône-Alpes fait figure d’exemple.
Dans un premier temps, le président du conseil régional, Jean-Jack Queyranne, membre de la majorité, a indiqué que la région Rhône-Alpes était assez grande. Il est vrai qu’il s’agit de la sixième région la plus peuplée d’Europe, dont la superficie représente un dixième de celle de la France, et une fois et demie celle de la Belgique.
Pour autant, on a proposé d’agrandir cette région, car on considérait qu’elle n’était pas assez grande !
On aurait pu l’agrandir au sud en intégrant le département des Hautes-Alpes, historiquement rattaché au Dauphiné et dont l’économie, alpine, est en partie tournée vers Grenoble. Ces territoires partagent aussi la même cour d’appel, et c’est là qu’une grande partie des étudiants haut-alpins font leurs études.
Pour réaliser cela, il aurait fallu, dans un premier temps, accepter de retoucher les périmètres des régions et ouvrir le droit d’option pour les départements non pas après la réforme de la carte des régions, mais avant, ce qui aurait permis de poser les vrais problèmes dans de nombreux territoires. Que va faire l’Oise avec Lille, …
alors que toute son économie est orientée vers l’Île-de-France ?
Je pense donc que nous avons perdu une occasion. Cette carte inadaptée posera des problèmes, demain, en termes de recherche d’économies. Or le but de la réforme était d’en réaliser davantage etd’accroître l’efficacité.
Où seront les économies quand, dans ces régions plus grandes, avec le transfert des routes départementales, on fera converger les régimes indemnitaires de douze, voire quatorze, départements ? §Qui peut croire que l’on retiendra, dans cet alignement, le régime le moins favorable ? Qui peut croire qu’il y aura une cohérence, avec des bassins économiques qui ne sont pas adaptés ?
Monsieur le ministre, à partir d’une bonne initiative – la réforme de la carte territoriale, qui s’imposait –, nous allons aboutir à quelque chose de décalé par rapport aux besoins du pays. Malgré les améliorations apportées par la commission spéciale, nous sommes donc nombreux à rester sur notre faim et à voir nos attentes déçues.
J’espère, je le dis très sincèrement, que s’agissant des adaptations futures, des fusions de départements et des mobilités de collectivités, on introduira la souplesse nécessaire plutôt que la rigidité au moment d’apporter les correctifs. C’est l’intérêt du pays.
Mme Marie-Annick Duchêne applaudit.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 74 est présenté par MM. Favier et Le Scouarnec, Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 94 rectifié est présenté par MM. D. Dubois, Delahaye et V. Dubois et Mmes Loisier et Morin-Desailly.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Christian Favier, pour présenter l’amendement n° 74.
L’article 1er est sans conteste le cœur du projet de loi, et les raisons ayant abouti à son rejet par le Sénat en première lecture restent d’actualité.
Au mois de juillet dernier, une majorité sénatoriale avait fortement dénoncé la méthode. Nous étions alors nombreux à dénoncer les regroupements proposés, car nous ne disposions d’aucun élément sérieux justifiant cette nouvelle carte régionale, à savoir une réelle étude d’impact.
L’autre argument avancé était que ce redécoupage ne pouvait se faire qu’après avoir défini les compétences et les moyens de chaque niveau de collectivités et même revisité la place et le rôle de l’État.
Or, depuis trois mois, aucun élément nouveau n’est venu dans le débat à ce propos. En ces domaines, les projets restent flous. Dans ces conditions, qu’est-ce qui pourrait justifier que le Sénat adopte cette fois l’article 1er, comme le rapporteur nous le propose aujourd’hui ?
Permettez-moi de rappeler ici ce qu’a déclaré en séance le 4 juillet dernier notre collègue Jean-Pierre Raffarin sur cet article : « Je souhaite donc que, sur ces sujets-là, on s’accorde plus de temps, on réalise plus d’études, on mène plus de débats et que l’on octroie une place plus grande à la démocratie locale, afin d’aboutir à une carte forte et légitime, qui ne serait pas contestée. Car si l’on dessine une carte pour l’histoire – c’est bien ce que nous voulons faire –, il est clair qu’elle devra être acceptée. Encore une fois, si nos décisions apparaissent comme le résultat d’arrangements entre responsables nationaux, on privera cette carte de la légitimité nécessaire. »
Pour ma part, j’ai partagé ces propos et je les partage encore aujourd’hui. Or nous n’avons pas pris le temps de réaliser des études supplémentaires ou de mener des débats, en particulier avec les citoyens eux-mêmes. La précipitation reste de mise. La seule différence entre juillet dernier et aujourd’hui, c’est le changement de majorité du Sénat.
Néanmoins, la carte qui nous est proposée comporte les mêmes insuffisances ; nos débats viennent d’en témoigner. Elle résulte cette fois d’un compromis en commission sans plus de justificatifs. Bien pis, elle porte la trace d’un lobbying particulièrement fort de nos collègues alsaciens, nous l’avons encore entendu ce soir.
Pour toutes ces raisons, nous proposons que le Sénat supprime une nouvelle fois cet article, afin de nous donner le temps de travailler davantage.
La parole est à M. Daniel Dubois, pour présenter l'amendement n° 94 rectifié.
Le 3 juillet dernier, j’évoquais ici même le « mariage forcé » de quelques régions, aboutissant à une carte dessinée à la va-vite sur un coin de table et qui ne satisfaisait personne. Trois mois plus tard, malgré les modifications apportées par l’Assemblée nationale, force est de constater que ce projet de regroupement des régions n’est toujours pas satisfaisant. Au gré de l’examen de ce texte, les mariages se font et se défont ; le débat de ce soir nous en offre un bel exemple.
Je ne suis pas certain que la carte idéale existe. En revanche, je sais que la méthode n’est pas la bonne et qu’une très grande majorité de mes collègues pensent comme moi.
Monsieur le ministre, si vous aviez suivi les propositions de nos excellents collègues Jean-Pierre Raffarin et Yves Krattinger, vous auriez lancé une concertation approfondie, vous auriez présenté une méthode globale pour réformer sereinement, laquelle aurait reposé sur trois questions.
Premièrement, quels services les régions doivent-elles rendre ? S’agit-il de collectivités de proximité qui devront gérer demain les routes et les collèges, comme le prévoit le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République – dans ce cas, les régions proposées sont trop grandes –, ou faut-il circonscrire leurs compétences aux grands domaines stratégiques, notamment en matière de développement, auquel cas les régions devraient s’appuyer sur des grands pôles économiques et leur nombre devrait se limiter à moins d’une dizaine ?
Deuxièmement, comment les régions doivent-elles exercer leurs compétences ? Cela nous renvoie aux moyens financiers dont elles devraient disposer. Au regard de la complexité de la fiscalité locale, ce n’est pas un chantier auquel nous viendrons à bout après quelques jours de débat au Parlement.
Troisièmement, quel doit être le rôle de l’État déconcentré ? Évitons les doublons entre les services de l’État et les collectivités territoriales.
Si nous avions réalisé des études d’impact répondant à chacune de ces questions et concluant à la meilleure carte des régions possible, il n’y aurait pas eu tant de débats et de rejets dans les territoires.
Pis, il nous a souvent été répondu que cette réforme entraînerait des économies. C’est, vous en conviendrez, un message fort en ces temps de déficit abyssal et de ras-le-bol fiscal des contribuables. M. le secrétaire d’État André Vallini a évoqué une « fourchette » de 12 milliards d'euros à 25 milliards d’euros. Ce montant a de quoi surprendre tous ceux qui connaissent bien les collectivités locales. Quelques millions d'euros peut-être, et encore ! Des milliards d'euros, sûrement pas ! Certains avancent même des coûts supplémentaires !
Très sincèrement, avant cette deuxième lecture, j’attendais du Gouvernement qu’il nous apporte la preuve des chiffres qu’il avance. Nous n’avons rien obtenu.
J’ai développé ces thématiques au cours des trois derniers mois dans mon département de la Somme. Si la notion très générale de réforme territoriale paraît à tous nécessaire, le « mariage forcé » de la Picardie avec une autre région est loin de faire l’unanimité.
Certains souhaitent que la Picardie reste seule, à l’instar d’autres régions comme la Bretagne ou encore l’Alsace. Certains préfèrent un rapprochement avec la Normandie ou la Champagne-Ardenne, pour des raisons géographiques. D’autres, enfin, préfèrent un mariage avec le Nord-Pas-de-Calais, pour des raisons historiques. Encore que la Picardie serait une mariée mal-aimée, si j’en crois les amendements déposés par mes collègues nordistes, toutes tendances politiques confondues.
Faute d’une étude d’impact complète et compte tenu du manque de concertation locale, beaucoup considèrent que le Gouvernement sacrifie nos régions.
Ce sont toutes ces raisons qui me conduisent à proposer la suppression de l’article 1er du projet de loi. Il convient de donner du temps à la concertation et à l’élaboration d’un projet de réforme qui engage le pays pour plusieurs décennies et qui doit être admis par tous.
Sans surprise, la commission spéciale a émis un avis défavorable. En effet, elle n’entend pas voir supprimer la carte qu’elle a établie et votée.
En première lecture, j’avais indiqué mon désaccord sur le contenu du projet de loi et sur la méthode suivie. Ma position s’expliquait par mon attachement à l’application stricte de l’engagement n° 54 du candidat François Hollande à la présidence de la République, qui, fort opportunément, fixait comme prioritaire une meilleure répartition des compétences entre les différents échelons et n’en supprimait aucun.
Je dois reconnaître que j’ai été favorablement impressionnée par les propos du Premier ministre hier, qui nous a rappelé que, en l’état des décisions du Gouvernement, il était hors de question de voir disparaître les assemblées départementales avant un hypothétique réexamen en 2020.
Exclamations sur les travées de l'UMP.
L’idée que la création de grosses régions nous permette d’être compétitifs me laisse perplexe. De nombreux exemples ont été avancés par des collègues de tous bords pour démontrer que la cohérence ou la compétitivité ne tenait pas à la taille. Par ailleurs, je reste persuadée que les filières industrielles ont besoin d’établir des stratégies à l’échelon du pays tout entier. Aucune région n’est hyperspécialisée – tant mieux, du reste – et la plupart de nos filières se développent sur plusieurs régions du territoire. C’est le cas de l’automobile, de l’agroalimentaire ou même du textile, pour ce qu’il en reste.
J’ai toujours considéré que l’argument financier ne tenait pas non plus. Je l’ai d’ailleurs toujours combattu devant tous ceux qui, à la suite du rapport Attali, nous expliquaient en bons technocrates de service ce qui était bon pour la France et le peuple.
Quand on habite la Haute-Normandie ou la Basse-Normandie, je comprends que l’on puisse être favorable au regroupement de ces deux régions. Cependant, les études financières montrent que, pendant dix ans, aucune économie ne serait réalisée. C’est au bout de la dixième année seulement qu’une baisse de 0, 8 % du budget serait constatée. Par ailleurs, la ville qui ne serait plus capitale de région perdrait environ 4 000 emplois.
Si nos collègues normands souhaitent fusionner, qu’ils le fassent. Reste que généraliser cet exemple en invoquant l’intérêt national me paraît tout à fait illusoire.
Cela étant, nous sommes en deuxième lecture. Notre responsabilité aujourd’hui est de savoir s’il vaut mieux rejeter cet article, ce qui reviendrait à accepter le texte de l’Assemblée nationale, …
… ou débattre du périmètre le plus pertinent de ces nouvelles régions, car je dois reconnaître que certaines régions souhaitent se fédérer, s’unir, se rassembler.
Pour ma part, si certaines régions sont volontaires, considèrent qu’il y va de l’intérêt général et que les populations sont d’accord, je n’ai rien contre. Je ne défends aucune théorie selon laquelle les petites régions seraient par nature meilleures que les grandes. Je dis simplement qu’il faut se méfier des idées préconçues et des visions technocratiques : la fusion n’a pas qu’un aspect technique.
Il faut que le débat sur le découpage des régions ait lieu. L’Assemblée nationale a élaboré un texte qui me plaît encore moins que le projet de loi initial du Gouvernement. Voilà pourquoi je ne voterai pas les amendements de suppression.
Mes chers collègues, il y a des moments où nous pouvons avoir des hésitations, mais, à ce stade de nos discussions, ayons deux certitudes. La première est qu’il n’est pas question que le Sénat se laisse imposer la carte de l’Assemblée nationale.
La seconde est que nous voulons discuter de cette carte.
À l’instar de la commission spéciale, je souhaite donc que les amendements de suppression soient rejetés. Ainsi, nous pourrons avancer.
Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur plusieurs travées de l'UDI-UC.
Que les choses soient bien claires : si nous proposons cet amendement de suppression, c’est parce que nous ne nous retrouvons ni dans l’esprit du texte ni dans la façon de procéder. Aujourd’hui, si deux ou trois régions souhaitent fusionner, elles peuvent déjà le faire, sans d’ailleurs se soucier des conséquences humaines de cette décision. Or, il faut bien le reconnaître, nous avons assez peu parlé des femmes et des hommes qui vivent dans ces régions.
Pourquoi une loi ? Cette méthode présente l’avantage de passer outre au référendum, que tout le monde redoute ici et qui suppose d’aller devant les femmes et les hommes qui vivent sur les territoires concernés pour leur demander leur avis sur ce que tout le monde considère comme une idée géniale et lumineuse. Je ne doute pas que les régions défendent avec beaucoup de conviction leur point de vue et qu’elles ont beaucoup travaillé et échangé sur la question. Néanmoins, il se pourrait que les habitants ne le comprennent pas et, s’ils étaient consultés, émettent un autre vote que celui que l’on attendait d’eux.
En tant que parlementaires, nous avons le pouvoir de proposer, à travers l’article 1er, un certain nombre de regroupements qui plairont aux uns, mais pas aux autres. Nous faisons depuis tout à l’heure un tour de France des qualités de chacune des régions et des raisons qui devraient pousser ou non au rapprochement de telle région avec telle autre. Mais, ce qui est sûr, c’est que nous n’avons pas le pouvoir de supprimer les gens. Or faire une loi permet de contourner l’obligation de référendum, de consultation, et d’initier une démarche – nous ne polémiquerons pas sur ce sujet ce soir – répondant à des intérêts européens, à des logiques libérales, qui veulent que notre territoire soit organisé de façon compétitive.
Compétitivité et attractivité des régions, voilà les maîtres mots ! On l’a bien vu à travers les débats de cet après-midi. Quelles que soient les statistiques invoquées, en termes de population totale, de densité démographique ou de PIB régional – je n’ose pas évoquer le taux d’ensoleillement pour ne froisser personne –, on a clairement le sentiment que certaines régions sont jugées moins attractives que d’autres. Ainsi, on se les passe gentiment, en se disant tout de même que si quelqu’un d’autre pouvait les récupérer ce serait mieux. En effet, l’objectif, ce n’est pas de construire ensemble, pour le bien-être des populations, mais d’être toujours plus compétitif pour mieux écraser l’autre et pour mieux s’en sortir dans l’affrontement qui attend nos régions demain.
Si nous proposons la suppression de cet article, ce n’est pas par manque de respect pour le travail de la commission ou, plus largement, du Sénat, c’est parce que nous sommes fondamentalement en désaccord – nous l’avons dit dès la première lecture – non pas avec telle ou telle carte mais avec la méthode consistant à imposer aujourd’hui des redécoupages territoriaux aux habitants de nos régions.
On peut penser ce que l’on veut des sondages. Reste qu’un certain nombre d’entre eux le montrent : nos concitoyens n’approuvent pas nécessairement les choix proposés, quelle que soit la carte, celle du Gouvernement, celle de l’Assemblée nationale ou celle que le Sénat va selon toute vraisemblance adopter. Voilà pourquoi notre groupe votera la suppression de l’article 1er.
Nous en sommes à un premier tournant de ce texte. Le Gouvernement a fait le choix, approuvé par certains, réprouvé par d’autres, de présenter un projet de loi sur un sujet dont notre pays débat depuis vingt ou trente ans : la réforme de l’administration territoriale.
Nous sommes tous d’accord dans cette assemblée pour dire qu’il faut réduire le nombre de régions.
Protestations sur plusieurs travées de l'UMP et de l'UDI-UC.
Nous avons voté à l’unanimité le rapport Krattinger-Raffarin, selon lequel il fallait créer de grandes régions et conserver, entre cet échelon et les communes, les conseils départementaux.
Le Gouvernement a hésité à plusieurs reprises. Les dirigeants de notre pays, qu’ils soient de droite ou de gauche, s’interrogent sur l’avenir des collectivités territoriales et notamment sur celui des conseils départementaux. Gérard Longuet a évoqué l’idée de les fusionner avec les conseils régionaux. C’est une solution. Une autre solution, celle que préconise le rapport Raffarin-Krattinger, serait de créer des grandes régions tout en maintenant les conseils départementaux.
Plusieurs mois de discussions se sont écoulés. Certains les apparenteront peut-être à des tergiversations.
Pour ma part, je les considère comme des marques d’écoute de la part du Gouvernement, en particulier du Premier ministre et du ministre de l’intérieur, des représentants des territoires. La proposition formulée in fine est très proche des conclusions du rapport que nous avons voté à l’unanimité : oui à de grandes régions stratèges, élaborant de grands schémas, associées à des collectivités de proximité au rang desquelles figurent les conseils départementaux ! Pour la première fois, ces deux solidarités humaines et territoriales seront inscrites dans la loi.
Sur la base de ce principe général, une carte a été proposée par le Président de la République. Le Sénat a raté le coche en première lecture, en ne se saisissant pas de cette réforme et en ne présentant pas de carte. Il a rendu copie blanche. De son côté, l’Assemblée nationale a dressé une carte différant légèrement de celle du Gouvernement. À présent, quelle est l’alternative ? Soit le Sénat passe de nouveau son tour : dans ce cas, nos collègues députés adopteront, en deuxième lecture, leur carte des régions ; soit nous élaborons notre propre carte.
Peut-être des divergences se feront-elles jour entre nous, selon l’opposition des groupes politiques ou – nous l’avons perçu sur toutes les travées de cet hémicycle – au sujet de telle ou telle fusion de régions. Le fait est que nous ne sommes pas tous d’accord. Mais au-delà des divergences de vues, entre l’opposition et la majorité comme au sein de tous les groupes – des différences d’appréciation s’expriment au sein de notre groupe au sujet de telle ou telle région –, il faut que le Sénat se saisisse de ce texte et qu’il présente une carte.
Même si elle n’est pas votée à l’unanimité, il faut l’adopter. C’est l’honneur et l’intérêt du Sénat.
C’est peut-être même l’avenir de la Haute Assemblée, chambre des collectivités territoriales, qui se joue. Il faut que nous adoptions une carte et que nous la transmettions, en deuxième lecture, à l’Assemblée nationale.
Voilà pourquoi, au-delà de nos divergences d’appréciation, nous devons rester concentrés sur les faits, sur le texte et non sur le contexte.
Hier, le Premier ministre a fait d’énormes avancées.
Protestations sur les travées de l'UMP.
Il est allé dans le sens que nombre d’entre nous souhaitions. Le ministre de l’intérieur nous a écoutés. Il a, lui aussi, avancé dans notre direction. Je reste persuadé que, si le Sénat adopte sa propre carte, il aura été présent au rendez-vous des territoires. Voilà pourquoi les membres du groupe que je préside ne pourront pas voter la suppression de cet article.
Bien sûr, il faut discuter. Les associations d’élus sont les représentants des territoires et des populations. Les référendums ont certainement leur utilité. Mais enfin – faut-il le rappeler ? –, l’abolition de la peine de mort n’aurait pas été adoptée par référendum !
… instituée par un texte que Mme Veil a présenté voilà quarante ans jour pour jour, n’aurait pas été votée par référendum.
M. Didier Guillaume. Nous, représentants des élus, devons prendre nos responsabilités et, en l’espèce, la responsabilité du Sénat, c’est de dresser une carte des régions pour l’avenir !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.
Exclamations sur les travées de l'UMP.
Je tiens à faire une mise au point. M. Guillaume vient d’affirmer que tout le monde, au Sénat, était favorable à une diminution du nombre des régions.
Cher collègue, je n’aime pas qu’on parle à ma place et je vous l’affirme : je ne suis pas d’accord pour qu’on réduise le nombre de régions. Voilà qui est clair et net ! Il serait bon que chacun s’exprime en son nom et se garde de parler pour les autres.
Quant au Premier ministre, il nous a peut-être entendus, mais il ne nous a pas écoutés. Il n’en a strictement rien à faire de ce qu’on peut penser ! Nous assistons à une grande mascarade : on nous parle gentiment, M. le ministre de l’intérieur multiplie les amabilités, mais, on le sait très bien, quoi que l’on dise ici, le Gouvernement fera ce qu’il voudra, et il se moque éperdument de ce qu’on peut penser, de ce qu’on peut dire et de ce qu’on peut voter.
Voilà pourquoi je ne me fais absolument aucune illusion : l’affaire est dans le sac. On va débattre durant toute une nuit d’un redécoupage des régions, puis le projet de loi va repartir à l’Assemblée nationale et le Gouvernement fera ce qu’il voudra.
Qu’on vote ou pas l’article 1er, le choix se fera de toute façon sans nous.
Le Gouvernement a sa vision des choses. Comme l’a si bien dit M. Guillaume, faute d’un vote du Parlement, telle ou telle loi n’aurait peut-être pas été adoptée. Mais poussons le raisonnement : si on dénigre le référendum sur cette base, il n’y a plus qu’à supprimer toutes les élections. Décidons que nos concitoyens n’y connaissent rien et que ce n’est pas la peine de leur demander leur avis ! En définitive, on pourrait supprimer les élections législatives et sénatoriales !
Sur un tel sujet, on ne peut pas partir du principe que le Sénat doit voter de telle manière, eu égard à la réaction de l’Assemblée nationale. Dans les faits, nous avons le choix entre deux solutions : soit faire plaisir à l’Assemblée nationale et voter comme elle ; soit dire non et, dans ce cas, nos collègues députés feront ce qu’ils voudront. Dans un cas comme dans l’autre, le résultat sera le même : l’affaire est dans le sac, et nous n’y changerons strictement rien.
Pour ma part, je voterai l’amendement de M. Dubois.
L’argument suprême a été invoqué : l’honneur du Sénat ! Mes chers collègues, gardons un peu de modération dans nos propos.
Bien sûr, il est naturel et même vital, pour la Haute Assemblée, de dessiner sa propre carte, mais j’ai le sentiment que les solutions retenues par la commission spéciale ne sont pas à la hauteur des enjeux. Il reste beaucoup de zones d’ombre.
Je ne pense pas seulement au découpage. Je songe également à l’avenir des départements. Je le répéterai en défendant un amendement dans la suite de nos débats : les conseils départementaux sont étroitement liés à l’échelon régional.
On a beau user de toutes les précautions de langage, je reste convaincu que nous traitons ce dossier d’une manière totalement morcelée. C’est la même chose pour les intercommunalités. À mon sens, l’honneur du Sénat, ce serait de dire : il y a tant d’incertitudes, tant de doutes – chacun d’entre nous s’est exprimé avec beaucoup de sincérité sur ce point –, qu’il faut donner un peu plus de temps au temps et revoir la copie.
Applaudissements sur quelques travées de l'UDI-UC.
La tournure que prend ce débat me laisse très perplexe. On le voit bien, au stade de la deuxième lecture, nous ne disposons toujours pas d’une méthodologie pour définir une carte cohérente. Voilà le problème sur lequel nous butons.
Qui plus est, la schizophrénie est presque permanente : tantôt, on s’exprime en tant qu’élu d’un territoire en exposant sa vision de ce dernier, ce qui suscite en général une réponse politique de la part de nos collègues, tantôt, les rôles s’inversant, on est guidé par une vision globale des collectivités territoriales françaises. Résultat : nous n’avançons pas !
Voilà pourquoi nous risquons fort d’adopter une carte dépendant avant tout des divers rapports de force.
Je me dois de le rappeler : en la matière, la responsabilité du Gouvernement est véritablement engagée. La stratégie initiale exposée par Manuel Valls, à savoir « je vais faire vite et fort, sans quoi vous allez bloquer ce chantier et nous n’avancerons pas », ne fonctionne pas. En effet, le Gouvernement n’a pas expliqué ce qu’étaient les nouvelles régions, quelles seraient leurs missions. Nous aurions dû disposer d’une carte établie selon ce critère des compétences, …
… et être à même d’en débattre, en la confrontant à des solutions alternatives. Or le Gouvernement a estimé que, dans certaines régions, les grands élus étaient les plus forts et qu’ils étaient en mesure de tout bloquer : c’est le cas de l’ouest de la France, où ceux-ci sont si nombreux et si influents que rien ne bouge. Cela se fait au détriment de la région Centre qui, à l’évidence, au regard de tout ce que l’on nous a expliqué, ne répond pas aux ambitions des nouvelles régions françaises sur le plan des fonctions, notamment métropolitaines.
Pour notre part, nous nous abstiendrons sur ces deux amendements, car on ne nous dit pas non plus, par ce biais, comment nous allons nous en sortir.
M. Ronan Dantec. À cet égard, je tiens à évoquer brièvement l’amendement que je défendrai dans la suite de nos débats et qui – c’est son mérite – tend à donner une méthodologie.
Exclamations sur les travées de l'UMP.
À un moment ou un autre, il faut que l’on s’interroge : cette question doit-elle être tranchée à trois, c’est-à-dire entre le Gouvernement, le Parlement et les élus régionaux ?
Au demeurant, la position du Sénat n’est pas très claire : la Haute Assemblée se prononce-t-elle en tant que chambre parlementaire nationale ou comme ensemble d’élus des territoires ? On voit bien quelle est la difficulté.
J’en suis persuadé, nous aurions gagné à ce que le Gouvernement assume ses responsabilités jusqu’au bout, en posant sur la table une carte complète, représentant l’équilibre territorial tel qu’il le voit, et explicitée par des critères objectifs. Bien sûr, il reste toujours une part de subjectivité. Mais cette démarche n’a pas été suivie.
On aurait pu débattre sur cette base. À l’inverse, on aurait pu partir de la volonté des territoires, le Gouvernement s’engageant, dans ce cas, à prendre ses responsabilités si les partenaires locaux n’aboutissaient pas à un accord.
Les méthodes suivies n’ont pas été explicitées. Nous en restons donc à une discussion au cours de laquelle, j’en suis certain, nous allons débattre très longuement de chaque fusion. Certains élus très engagés défendront une vision précise de tel ou tel territoire. D’autres, qui n’ont pas une idée très claire de toutes les régions, voteront suivant l’éloquence des uns et des autres ou selon les consignes du groupe auquel ils appartiennent.
Je suis extrêmement déçu par la tournure que prend ce débat. Je reste convaincu que, la France ayant changé, il fallait améliorer une carte datant des années 1950-1960. Cette évolution me semblait légitime, en lien avec le renforcement des pouvoirs régionaux que nous discuterons ensuite. Sur ce point, j’étais donc plutôt en accord avec le Gouvernement.
Toutefois, l’absence de méthode nous place dans une situation très difficile. Peut-être peut-on encore réussir à avancer, en nous donnant du temps. Je ne demande pas des années, ce n’est pas une manœuvre dilatoire, mais trois ou quatre mois, quitte à accepter, au terme de cette période, que le Gouvernement tranche par décret. §
Je ne m’attendais pas à susciter l’enthousiasme avec cette dernière proposition, mais, reconnaissons-le, mes chers collègues, nous n’y arrivons pas.
Relevons tout de même que ce défaut de méthodologie – il me semble que nous sommes d’accord à ce sujet – générera une carte qui provoquera beaucoup de frustrations et de désaccords et, surtout, qui sera fondamentalement déséquilibrée.
Applaudissements sur certaines travées de l'UMP et de l’UDI-UC.
Le Sénat a fait un très bon travail ces derniers jours dans le cadre de sa commission spéciale.
J’ai entendu les présidents des groupes faire part de leur souhait que le Sénat ne se dessaisisse pas cette fois-ci de cet important débat. Or chacun a compris, me semble-t-il, qu’il n’existait pas de carte parfaite. Si celle qui vous est soumise ne convient pas, essayons d’en bâtir ensemble une meilleure, au cours d’une discussion permettant, amendement après amendement, de trouver un compromis.
Si le Sénat, une deuxième fois, se dessaisit de la discussion d’un texte qui lui appartient plus qu’à tout autre, puisqu’il concerne les collectivités locales, je crains que son image n’en pâtisse auprès des Français.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées de l’UDI-UC.
Je comptais dire, en beaucoup moins bien, ce que le ministre vient d’expliquer.
Sourires.
Je voterai évidemment l’amendement communiste, ce n’est d’ailleurs pas la première fois. Nous nous retrouvons souvent sur certaines questions, notamment concernant le logement.
J’adhère entièrement aux propos de notre collègue Dantec. Alors que l’on nous explique que l’apport du Sénat, représentant des collectivités, doit apparaître dans le texte, nous nous livrons à une démonstration exceptionnelle de la capacité des uns et des autres à ne discuter que de la future région à laquelle ils veulent appartenir, sans aucune vision globale de la méthodologie.
Je le répète, ce gouvernement a commis une erreur magistrale. Sans doute a-t-il besoin de lancer des réformes structurelles, tant Bruxelles est en train de le pister, mais il aurait pu laisser un peu de temps et préparer une loi-cadre fixant un certain nombre de critères.
Je suis consterné que nous soyons en train de réformer ce pays pour les cinquante prochaines années sans aborder la problématique du rivage ni celle de la mer, alors même que l’on dit partout que la richesse des territoires s’y trouvera demain.
On ne dit pas non plus un mot de la grande région parisienne, qui représente 40 % du PIB de ce pays, ou des capitales régionales, qui devront structurer les futures régions.
La méthodologie aurait dû être le sujet majeur du jour, mais nous assistons à une bataille de chiffonniers…
M. Daniel Dubois. … pour savoir avec qui, dans quel département ou dans quelle région chacun souhaite se retrouver demain. Voilà où en est l’honneur du Sénat, mon cher Didier Guillaume ! Nous sommes plutôt témoins, ce soir, du déshonneur du Sénat !
Oh ! sur les travées du groupe socialiste.
Il est certain que le Sénat n’a pas apprécié la manière dont cette réforme a été engagée. Il a reproché au Gouvernement une forme d’improvisation et des choix faits à l’emporte-pièce, avec l’annonce, à grand renfort de tambours et de trompettes, de la suppression des départements.
Cela étant, depuis ces annonces surprenantes et précipitées, un travail a été engagé. Après avoir rejeté la carte des régions au mois de juillet, nous avons obtenu hier, grâce à l’intervention du président Larcher, un débat. Il a été riche, et j’y ai perçu la possibilité d’évolutions sur des questions fondamentales qui auraient dû être traitées en même temps qu’était tracée la carte des régions, à savoir la répartition des compétences.
Le Sénat ne peut pas se mettre à l’écart d’une réforme des territoires.
Il doit adopter une position claire et volontariste et prendre le parti de la modernisation. Il est important pour nous de ne pas accepter d’être évincés de ce débat.
Le véritable enjeu du vote sur l’article 1er est de savoir si nous continuons à peser sur cette réforme, notamment dans la perspective de la discussion du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, ou si nous décidons de laisser le champ libre au dialogue exclusif entre le Gouvernement et sa majorité à l’Assemblée nationale.
J’observe que des évolutions fortes, conformes à nos préconisations, sont possibles sur les compétences comme sur le présent et l’avenir des départements.
J’observe que nous avons toujours prôné ici la constitution de grandes régions.
J’observe que notre commission spéciale, qui n’est pas extérieure au Sénat car elle représente, avec un nombre plus limité de sénateurs que dans notre hémicycle, toutes les composantes de cette assemblée, …
… s’est accordée sur une carte. Quels que soient les débats qui ont eu lieu jusqu’à présent, il s’agit d’un pas en avant utile.
J’observe que nous avons adopté l’article 1er A, qui met en musique le deuxième paragraphe de l’article 72 de la Constitution sur le principe de subsidiarité et qui inscrit dans la loi la place des départements dans la hiérarchie des collectivités territoriales.
J’observe, enfin, que nous aurons à débattre de l’exercice d’un droit d’option pour les départements qui souhaiteront changer de région. Ce droit d’option doit être rendu opérationnel.
Pour toutes ces raisons, bien que je partage beaucoup des arguments qui ont été énoncés quant à ses défauts, cette carte, aussi imparfaite soit-elle, …
M. Philippe Bas. … ne peut être rejetée. Nous nous devons aujourd’hui de prouver notre capacité à avancer, y compris en sacrifiant certaines de nos convictions, car nous pouvons espérer que celles-ci finiront par prévaloir dans les discussions à venir sur les compétences.
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
Au mois de juillet, la majeure partie d’entre nous a dit tout le mal qu’il pensait de la méthode utilisée par le Gouvernement. À travers la motion référendaire ou la saisine du Conseil constitutionnel, nous avons fait savoir avec force que nous la désapprouvions totalement. Nous devons toutefois tous être conscients aujourd’hui qu’il ne restera rien à l’Assemblée nationale de l’article 1er A ou de la carte que nous allons adopter.
Ne vous faites aucune illusion !
Cela étant, je suis d’accord avec ce que vient de dire Philippe Bas : il y aura des évolutions au sujet des départements. Certains d’entre nous y ont d’ailleurs beaucoup contribué, par des négociations difficiles avec l’exécutif.
Reste que l’important ce soir, c’est l’expression politique du Sénat. Il est vrai que nous ne pouvons pas être absents de ce débat, même s’il nous faut rester lucides : ce texte ne contiendra rien in fine de ce que la majorité qui s’exprimera ici décidera.
En revanche, monsieur le ministre, nous avons reçu l’engagement du Premier ministre, et le vôtre, qu’il y aurait des évolutions sur le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République. Ce n’est pas neutre : nos efforts auront ainsi un effet positif.
M. Jacques Mézard. Si le Sénat décidait de tout bloquer, ce serait très difficile à expliquer. J’espère toutefois que le Gouvernement comprendra qu’il est utile et nécessaire de respecter davantage la Haute Assemblée à l’avenir.
Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur certaines travées de l'UMP.
Je mets aux voix les amendements identiques n° 74 et 94 rectifié.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici le résultat du scrutin n° 5 :
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n° 98, présenté par MM. Dantec, Placé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – 1° Au plus tard le 1er février 2015, plusieurs régions formant un territoire d’un seul tenant et sans enclave peuvent, par délibérations concordantes de leurs conseils régionaux, demander à être regroupées en une seule région.
Ces délibérations sont précédées d’une consultation des citoyens sous la forme d’un débat public.
2° L’avis du comité de massif compétent est requis dès lors que l’une des régions intéressées comprend des territoires de montagne au sens de l’article 3 de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne. Son avis est réputé favorable s’il ne s’est pas prononcé à l’expiration d’un délai de quatre mois suivant la notification par le représentant de l’État des délibérations des conseils régionaux intéressés.
Par dérogation aux articles L. 4132-8 et L. 4132-9 du code général des collectivités territoriales, la demande de regroupement des régions prévue au premier alinéa est inscrite à l’ordre du jour du conseil régional à l’initiative d’au moins 10 % de ses membres.
3° Ce projet de regroupement est soumis pour avis aux conseillers économiques, sociaux et environnementaux régionaux des régions concernées ainsi qu’aux conseils départementaux concernés. L’avis de tout conseil départemental qui, à l’expiration d’un délai de trois mois suivant sa saisine par le président du conseil régional, ne s’est pas prononcé est réputé favorable.
II. – Le 1er mars 2015 au plus tard, le Gouvernement propose une carte complète de délimitation des régions de la métropole, respectant les propositions de fusions réalisées par délibérations concordantes des assemblées délibérantes des régions.
Ce découpage est soumis pour avis aux assemblées délibérantes des régions concernées, après organisation d’une consultation des citoyens. L’avis du Conseil économique, social et environnemental régional des régions concernées et des conseils départementaux concernés est aussi sollicité.
III. – La modification des limites territoriales des régions est décidée par décret en Conseil d'État au plus tard le 31 mars 2015.
La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Mézard vient de souligner avec lucidité qu’il ne restera probablement pas grand-chose in fine de la carte régionale que nous allons adopter.
Je vous propose donc, mes chers collègues, une sorte de testament politique du Sénat sur cette réforme territoriale.
Le Sénat doit faire passer deux messages très lisibles et beaucoup plus simples.
D’une part, par la méthodologie prévue dans cet amendement, le Sénat dit haut et fort que ce sont les régions qui doivent être au centre du débat, faisant en cela écho aux propos tenus précédemment. Aussi, nous voulons commencer par demander aux régions ce qu’elles veulent pour elles-mêmes en matière de regroupement et de fusion. Puisque ce n’est pas la Haute Assemblée qui va réussir à dessiner la carte, il revient aux territoires d’essayer de se mettre d’accord sur un projet soutenu par des régions contiguës.
D’autre part, plutôt que de donner l’impression que le Parlement décide, alors que la décision appartient finalement au Gouvernement, on demande à l’État de prendre ses responsabilités en cas de désaccord des territoires. Après cette phase de discussion dans les régions – on part du bas pour remonter vers le haut –, l’État décide par décret.
L’adoption de cet amendement serait évidemment extrêmement frustrante pour la suite du débat – je ne suis d’ailleurs pas très optimiste quant au sort qui lui sera réservé –, mais cela aurait le mérite de faire passer deux messages très clairs : on s’appuie sur ce que veulent les territoires et l’État prend vraiment ses responsabilités, en nous expliquant sur quelle base il fait la carte finale.
Plutôt que de passer des heures et des heures à débattre du découpage territorial, pour un résultat bien aléatoire – un compromis entre nous sur un équilibre fragile –, faisons passer ces deux messages clairs.
Qui plus est, on fait aussi passer un message quant au calendrier. En effet, on ne mettra pas dix ans à engager cette réforme. Le dispositif est prévu sur quatre mois : au 1er avril 2015, la question sera réglée, avec une nouvelle carte. Mais on reviendra ultérieurement sur la question du calendrier.
En écho aux propos de M. Mézard, ce message politique clair portera peut-être plus que la carte fragile que nous allons élaborer durant les prochaines heures.
Cet amendement renaît de ses cendres : il avait été rejeté en première lecture par la commission spéciale et la Haute Assemblée.
La commission spéciale a émis de nouveau un avis défavorable : c’est un destin funeste que connaît donc ce testament.
La réforme de la carte régionale, qui est une mesure dont on voit l’importance et la complexité, ne saurait être retardée davantage. On ne peut prendre une nouvelle fois le risque de ne pas l’engager.
Cette réforme permettra de doter nos territoires, dès 2016, d’une organisation propre à assurer leur développement dans les meilleures conditions, afin de permettre aux régions d’organiser leur regroupement dans la plus grande transparence. Il est nécessaire que la représentation nationale décide d’une nouvelle carte, et ce sans trop tarder.
La procédure que vous proposez, monsieur le sénateur, n’aboutirait qu’au 1er mars 2015, ce qui réduit le temps de préparation nécessaire à la réussite des regroupements et dessaisit en réalité le Parlement de la définition de cette carte.
Dans ces conditions, le Gouvernement ne peut être favorable à cet amendement.
Sourires.
On sait très bien quelle est la fonction de ce projet de loi : c’est un coup politique !
Rappelez-vous, mes chers collègues, la loi MAPAM a été adoptée à la fin du mois de janvier dernier. Le Président de la République, en visite en Corrèze, dit alors tout le bien qu’il pense des départements. Deux mois après, plus de départements, et on parle de regrouper les régions…
Bon, le temps passe, toute parole inutile doit être évitée. Je me tais !
Rires et applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP.
C’est inadmissible ! C’est inacceptable !
Si l’on avait voté une loi-cadre, si l’on avait donné douze ou quatorze mois aux territoires pour choisir, avec des critères – l’importance de la mer, de la région parisienne en termes de PIB, d’avoir une métropole internationale dans chacune des régions –, et si on les avait consultés au travers d’une commission nationale mixte, qui aurait conduit le débat, on aurait pu ensuite, en cas de désaccord, procéder par ordonnance ou décret.
Voilà la méthode que prévoit cet amendement ! C’est pourquoi je le voterai.
L’amendement présenté par notre collègue Dantec est intéressant. Pour la première fois, on mentionne les citoyens, qui sont les grands absents du débat. Il n’y a pour l’instant que des arrangements entre élus.
Sur une réforme de cette importance, il est essentiel d’engager au préalable un véritable débat public dans notre pays. Pour notre part, nous aurions même souhaité aller un peu plus loin encore, en proposant un référendum : nous aurions aimé que les citoyens s’expriment sur cet enjeu, qui a d’ailleurs été souligné par tous.
Je le répète, l’amendement n° 98 propose une avancée intéressante. C’est pourquoi le groupe CRC le votera.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 75, présenté par MM. Favier et Le Scouarnec, Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
2° Après le second alinéa, il est ajouté un II ainsi rédigé :
La parole est à Mme Christine Prunaud.
L’alinéa 3 de l’article 1er supprime le second alinéa de l’article L. 4111-1 du code général des collectivités territoriales, qui dispose que les régions « sont créées dans les limites territoriales précédemment reconnues aux établissements publics régionaux ». Or il s’agit de la seule disposition du code précité faisant mention du périmètre territorial des régions. Même si cela est fait de façon indirecte, la référence aux anciens établissements publics régionaux rattache cette définition aux périmètres de ceux-ci.
Dans l’article actuel, la référence aux établissements publics régionaux renvoie à la loi du 5 juillet 1972, qui a créé ces établissements et qui précise que la délimitation des régions est définie, en application de son article 2, par un décret pris en Conseil d’État. Rappelons que ces établissements succédaient aux circonscriptions d’action régionale créées, elles aussi, par décret du 9 janvier 1970, lesquelles faisaient suite aux régions économiques de programme, qui remplaçaient elles-mêmes les comités régionaux d’expansion mis en place en 1954.
C’est ainsi que le décret n° 60-516 du 2 juin 1960 portant harmonisation des circonscriptions administratives définit le territoire des régions à partir des départements. Certes, la définition territoriale des régions est peu lisible, mais, en supprimant cette référence aux anciens établissements publics régionaux, il y a rupture avec la chaîne réglementaire passée, et il n’existe donc plus de définition territoriale des régions à partir des départements constituant leur territoire. Leur définition devient donc « hors sol », si j’ose dire.
Par ailleurs, ce texte prévoit que des départements pourront demander à changer de région. Mais si plus rien ne définit les régions, une insécurité juridique peut alors s’ensuivre.
Pour toutes ces raisons, nous vous proposons, mes chers collègues, d’adopter cet amendement.
Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 3 de l’article 1er, lequel rédige l’alinéa 4, qui fixe la date du 1er janvier 2016 pour l’application de la loi, ce qui revient à supprimer de fait l’article 1er.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 61 rectifié, présenté par MM. J. Gillot, Cornano, Desplan, S. Larcher, Patient, Karam et Antiste, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 4
Remplacer les mots :
régions d’outre-mer
par les mots :
collectivités de Guyane, de Martinique, de Mayotte, de La Réunion
II. – En conséquence, après l’alinéa 11
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« – Guadeloupe ;
La parole est à M. Jacques Gillot.
Aujourd'hui, la Guadeloupe est le seul des trois territoires français d’Amérique à ne pas avoir connu d’évolution institutionnelle. En effet, la Guyane et la Martinique ont récemment fait le choix d’être des collectivités uniques en lieu et place d’une région d’outre-mer monodépartementale.
Ainsi, la Guadeloupe demeure isolée dans la dynamique actuelle impulsée par la réforme territoriale du Gouvernement, d’un côté, et par la Guyane et la Martinique, de l’autre. Or ce seul territoire comprend trente-deux communes, six intercommunalités, une région et un département, une organisation territoriale qui est, depuis longtemps, source de doublons, de déperdition et d’enchevêtrement des politiques publiques.
Cet amendement vise à associer la région de la Guadeloupe à la réforme territoriale en cours, destinée à simplifier le millefeuille territorial, à renforcer l’efficacité des services publics et à redresser les comptes publics. Mes chers collègues, il est conforme à l’intérêt général d’associer la Guadeloupe à la réforme territoriale, pour en faire une grande région qui sera beaucoup plus efficace que l’actuelle région monodépartementale.
Sur le fond, la proposition de M. Gillot mérite tout à fait d’être débattue. Seulement, le projet de loi que nous examinons ne traite que des limites des régions, et uniquement sur le territoire métropolitain – le principe en a été clairement énoncé. Or le dispositif proposé par notre collègue ne modifierait pas le périmètre de la Guadeloupe. L’avis de la commission est donc défavorable.
Monsieur le rapporteur, je vous rappelle que, en vertu du principe d’identité législative qui s’applique aux collectivités d’outre-mer relevant de l’article 73 de la Constitution, la loi s’applique de plein droit dans les départements et régions d’outre-mer concernés, sans qu’il soit nécessaire de procéder à des adaptations.
La Guadeloupe fait partie intégrante de la nation et elle a le statut de région. Dès lors, si l’on peut opérer le regroupement de deux régions, c’est-à-dire de deux ensembles territoriaux, pourquoi ne pourrait-on pas associer le département et la région sur un même territoire ?
Mon cher collègue, l’article 73 de la Constitution porte sur les politiques publiques, tandis que, dans le présent débat, nous ne nous intéressons qu’aux périmètres.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 16 rectifié, présenté par MM. Patriat et Durain, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer la date :
1er janvier 2016
par la date :
4 janvier 2016
La parole est à M. Jérôme Durain.
Cet amendement vise à éviter, dans les régions regroupées, une vacance d’organe exécutif entre les 1er et 4 janvier 2016, qui poserait un problème majeur de continuité de l’action publique, en particulier pour les actes d’administration de nature conservatoire et urgente.
En effet, le II de l’article 1er fixe au 1er janvier 2016 l’instauration des nouvelles régions, dans les limites territoriales fixées au 31 décembre 2015. Le II de l’article 12 fixe au mois de décembre 2015 le prochain renouvellement des conseillers régionaux et, par conséquent, la fin du mandat des conseillers régionaux actuels. L’article 12 prévoit en outre que les présidents des régions regroupées assureront la gestion des affaires courantes et urgentes entre la date du scrutin et le 31 décembre 2015. Or le même article dispose aussi que les conseillers régionaux des régions regroupées tiendront leur première réunion le lundi 4 janvier 2016 pour désigner le nouvel exécutif. Il en résulte que, entre le 1er et le 4 janvier, aucun exécutif ne sera en responsabilité.
Cet amendement vise à prolonger l’existence des régions actuelles jusqu’au 4 janvier 2016, afin de satisfaire aux objectifs constitutionnels de continuité du service public et de sécurité juridique.
Je comprends parfaitement l’objet de cet amendement et l’esprit qui anime ses auteurs. Il n’en reste pas moins qu’il pose des problèmes techniques graves et très nombreux, au sujet desquels je vais donner quelques explications.
Je rappelle que le calendrier prévu, comme l’ensemble du dispositif présenté par le Gouvernement, a été arrêté après que le Conseil d’État l’eut très attentivement examiné au mois de juin dernier. Nous avons cherché à mettre en place le calendrier le plus cohérent possible : les élections régionales en décembre 2015, les mandats des conseillers régionaux et les fonctions des présidents de conseil régional étant prorogés jusqu’au 31 décembre, la création des nouvelles régions au 1er janvier 2016 et l’installation de la nouvelle assemblée, ainsi que l’élection de son exécutif, le lundi 4 janvier 2016.
Monsieur Durain, reporter au 4 janvier la création des nouvelles collectivités présenterait des inconvénients juridiques, budgétaires, fiscaux et comptables qui paraissent tout à fait hors de proportion au regard du problème juridique que vous soulevez en ce qui concerne les trois jours de vacance d’exécutif régional. Ces problèmes techniques tiennent au fait que, si votre proposition était adoptée, les anciennes régions devraient adopter un budget et payer leurs agents pour trois jours seulement ; elles devraient prendre des délibérations fiscales pour trois jours ; il faudrait également mettre en place, pour ces trois jours, un dispositif de reversement entre les anciennes régions et la nouvelle. En outre, les dispositifs de péréquation régionale devraient être calibrés pour trois jours, et il faudrait prévoir l’annulation de ces fonds du 1er au 4 janvier.
En somme, pour trois jours, il faudrait mettre en place un ensemble de dispositifs d’une complexité considérable, et dont nous pouvons être certains que le coût, même s’il n’a pas été évalué, ne serait pas négligeable.
Par ailleurs, la nature stratégique des compétences exercées par les régions ainsi que la jurisprudence administrative conduisent à estimer que la vacance de l’exécutif au cours d’un week-end, du vendredi 1er au dimanche 3 janvier, ne soulève pas de difficultés juridiques.
Évidemment, la meilleure formule aurait été de programmer l’installation des conseils régionaux des régions regroupées au 1er janvier 2016, mais, spontanément, ni le Gouvernement ni le Conseil d’État n’a suggéré cette solution.
Dans ces conditions, si le Gouvernement ne souhaite pas que la création des nouvelles régions soit reportée au 4 janvier 2016, il propose au législateur de modifier la rédaction de l’article 12 pour prévoir que le conseil régional se réunira au plus tard le 4 janvier 2016, ce qui laisserait à chaque conseil régional une possibilité de choix.
L’amendement n° 16 rectifié est retiré.
Je suis saisi de neuf amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 41 rectifié ter est présenté par MM. P. Leroy, Adnot, Baroin, Grosdidier, Huré, Husson, Laménie, Namy, Gremillet, Pierre, Longuet et Nachbar.
L'amendement n° 143 est présenté par le Gouvernement.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. – Alinéa 5
Rédiger ainsi cet alinéa :
« – Alsace, Champagne-Ardenne et Lorraine ;
II. – En conséquence, alinéa 11
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Daniel Gremillet, pour présenter l’amendement n° 41 rectifié ter.
Dès lors que le Premier ministre et le ministre de l’intérieur ont répondu à nos vives inquiétudes sur le rôle stratégique de la commune et sur le rôle de proximité des départements, essentiels à nos yeux, le dessein régional peut prendre une dimension nouvelle, ce qui donne un sens supplémentaire à cet amendement ; c’est aussi une manière de répondre à la question de nos amis alsaciens.
Il est vrai que nos débats seraient sûrement beaucoup plus faciles s’ils portaient, en même temps que sur les limites territoriales, sur le projet et les compétences des uns et des autres.
Une région regroupant l’Alsace, la Lorraine et Champagne-Ardenne serait la plus grande région transfrontalière de notre pays. Elle se fonderait sur les infrastructures communes qui relient ces trois régions ; je pense en particulier à la LGV Est, première LGV cofinancée par les collectivités territoriales.
Surtout, une telle région correspond à un territoire. Or le Sénat représente les hommes et les femmes sur nos territoires, les collectivités territoriales, mais aussi et surtout les territoires, comme l’ont rappelé notre président, le Premier ministre et le ministre de l’intérieur, et comme nous-mêmes le rappelons très souvent. En vérité, quel serait le sens d’un territoire au milieu duquel se trouverait un massif déchiré entre deux régions ? La géographie territoriale commande de prendre en compte le massif des Vosges dans sa totalité.
Enfin, nous avons la chance de pouvoir mener des coopérations transfrontalières et tirer parti d’un partage des hommes. De ce point de vue, la dimension que nous proposons de donner à cette région est aussi un signe à l’égard de l’Europe.
Le sous-amendement n° 146, présenté par MM. Guené et Sido, est ainsi libellé :
Amendement n° 41 rectifié ter
I. – Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
« - Alsace, Bourgogne, Champagne-Ardenne, Franche-Comté et Lorraine ;
II. – En conséquence, après l’alinéa 3
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… - En conséquence, alinéa 8
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Charles Guené.
Ce sous-amendement s’inscrit dans l’esprit du rapport Raffarin-Krattinger : de grandes régions stratèges et des départements qui assurent la proximité et répondent à la subsidiarité.
À titre personnel, j’aurais préféré une réforme inspirée des révolutionnaires, c’est-à-dire fondée sur une reconfiguration des départements, pour en retenir entre quarante-cinq et soixante. Ce n’est pas le choix qui a été fait, dont acte. Dès lors, le bon modèle consiste, selon nous, à retenir entre huit et dix régions aux frontières larges. C’est dans cet esprit que nous avons imaginé le Grand Est que cet amendement tend à instaurer. Il ne s’agit pas d’un Grand Est « petit bras », si je puis dire, mais d’un « Très Grand Est », déjà adopté par les avocats, certaines banques, la gendarmerie et d’autres acteurs encore : celui qui engloberait non seulement la région Champagne-Ardenne, la Lorraine et l’Alsace, mais aussi la Bourgogne et la Franche-Comté.
Il se trouve que, pour obtenir un amendement susceptible de répondre à nos vœux, nous devons utiliser le subterfuge de deux sous-amendements de repli par rapport à notre amendement n° 1 rectifié bis, qui présentent la particularité de tendre à créer un espace géographique plus large que celui proposé par les auteurs des amendements sur lesquels ils portent. Ce sont les règles de notre discussion qui nous obligent à procéder ainsi. En effet, le projet de loi procède d’une démarche un peu absconse et d’une genèse précipitée, et plus qu’incongrue. Or cette singularité rejaillit sur la procédure, puisque, pour définir les contours de nos régions, nous devons les examiner par ordre alphabétique ; notre commission spéciale, bien que très astucieuse, n’a pas pu trouver d’autre système.
C’est donc par la voie de deux sous-amendements et d’un amendement que je soumets à votre jugement, en fonction de l’évolution de nos débats, l’opportunité de constituer une région stratège. À la vérité, nous sommes déchirés entre notre conception d’une région large et le droit des Alsaciens à disposer de leur propre destin. Aussi vous laisserons-nous trancher d’abord la question de l’Alsace ; nous pourrons ensuite débattre du reste de notre proposition.
Certains esprits taquins prêtent aux représentants de la Haute-Marne, dont je suis, le dessein hégémonique de vouloir diriger cette vaste confédération de l’Est, depuis leur département situé en son centre. Je tiens à les rassurer : nous ne disposons d’aucune capitale possédant une masse critique suffisante, sauf à ce que nous décidions par consensus de choisir Colombey-les-Deux-Églises… Peut-être même, alors, nos amis alsaciens se rallieraient-ils à notre idée !
Sourires.
Nous voici au cœur des sujets délicats : ceux qui se rapportent à la carte. J’observe que les positions divergentes qui se manifestent dans cet hémicycle au sujet de plusieurs régions transcendent les clivages politiques. Ainsi, un certain nombre de sénateurs de l’UMP proposent le rétablissement de la carte souhaitée par le Gouvernement.
À l’évidence, l’Alsace est l’une des questions les plus sensibles. Je voudrais dire, après les interventions des sénateurs alsaciens, la préoccupation du Gouvernement de voir cette région reconnue dans son histoire et ses traditions. De l’Alsace, l’historien Jean-Marie Mayeur disait qu’elle est une « région mémoire », avec une identité forte qu’elle redouterait de voir disparaître si elle devait intégrer un espace plus large.
De fait, elle a le projet, qui a été porté avec beaucoup de courage par Philippe Richert, lequel a fait un travail remarquable et visionnaire, de créer une collectivité unique. Cependant, pour des raisons tenant aux dispositions législatives qui régissent ces fusions, il n’a pas été possible de le mener à bien.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Il n’y a pas que la gauche, et vous le savez très bien. Certains élus éminents du Haut-Rhin ont su compliquer la tâche du président Richert.
M. André Reichardt proteste.
Si le projet de réforme institutionnelle a un sens et s’il est de nature à préserver l’identité de l’Alsace, il faut aussi faire attention. L’un des fondements de l’identité de l’Alsace, qui fait sa force sur le plan national et plus encore sur les plans européen et international, repose sur le statut de Strasbourg, comme capitale européenne. Or je ne suis pas convaincu que Strasbourg serait mieux défendu si nous-mêmes, Français, après avoir débattu de ces questions au sein de la représentation nationale, disions que cette ville est suffisamment forte pour être la capitale de l'Union européenne mais qu’elle est trop peu sûre d’elle, avec la région qui la porte, pour devenir la capitale d’une grande région Est. Or une telle entité pourrait servir de pont vers les Länder, avec lesquels l’Alsace a l’habitude de travailler.
Beaucoup de grands élus alsaciens évoquent régulièrement la nécessité, pour l’Alsace, de travailler davantage avec les Länder limitrophes. Des coopérations transfrontalières très fortes font déjà l’objet d’orientations et d’actions portées en commun.
Je veux également rappeler aux sénateurs alsaciens de toutes tendances que le Gouvernement a engagé les moyens attendus pour Strasbourg à travers le dernier contrat triennal, …
… même s'il reste encore beaucoup à faire pour que cette ville soit accompagnée dans tous ses projets.
Pour toutes ces raisons, nous considérons qu’il n’existe aucune incompatibilité entre la volonté affirmée par les sénateurs alsaciens et la constitution d’une grande région Est, à laquelle Gérard Longuet, François Baroin et d’autres sénateurs sont favorables.
Nous voulons aussi, comme je l’ai dit précédemment, que la carte soit coproduite. Dès lors, le Gouvernement ne doit pas imposer sa volonté, comme l’a précisé Jacques Mézard. Eh bien, c’est ce que je vais faire !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Si l'amendement des sénateurs du groupe UMP tendant à rétablir la grande région Est reçoit l’assentiment du Sénat, le Gouvernement retirera le sien.
Exclamations amusées sur les travées de l'UMP.
Tous ceux qui, depuis le début de ce débat, expliquent que le Gouvernement est incapable de travailler avec le Sénat ont ainsi la démonstration du contraire. Oui, les amendements qui correspondent aux intentions du Gouvernement, même s’ils sont proposés par des sénateurs n’appartenant pas à la majorité, nous sommes prêts à les prendre en compte ! C’est le signe que le Gouvernement est dans une démarche d’ouverture et recherche le compromis.
Applaudissements sur quelques travées du groupe socialiste.
L'amendement n° 24 rectifié, présenté par MM. Barbier, Mézard, Arnell, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin et Hue, Mme Laborde et M. Requier, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 5
Compléter cet alinéa par les mots :
Bourgogne, Franche-Comté et Lorraine
II.- En conséquence, alinéa 8
Supprimer cet alinéa.
III. – En conséquence, alinéa 11
Supprimer les mots :
et Lorraine
La parole est à M. Jacques Mézard.
Cet amendement, dont le premier signataire est Gilbert Barbier, vise à fusionner les régions Alsace, Bourgogne, Franche-Comté et Lorraine. La fusion de ces quatre régions mettra en valeur l’axe Rhin-Rhône plutôt que la liaison avec Paris.
La simple fusion de la Franche-Comté et de la Bourgogne présenterait l’inconvénient de réunir deux régions très étendues et peu peuplées. Il s’agit donc de constituer une région puissante, frontalière de l’Allemagne et de la Suisse.
Le sous-amendement n° 145, présenté par MM. Guené et Sido, est ainsi libellé :
Amendement n° 24 rectifié
I. – Alinéa 3
Après le mot :
Bourgogne
insérer les mots :
Champagne-Ardenne
II. – En conséquence, alinéas 7 et 8
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Bruno Sido.
La région Alsace devrait bien réfléchir. Rester seule en misant sur une prospérité qui durera ce qu’elle durera peut être dangereux. Fessenheim fermera bien un jour !
Ce jour-là, d’où viendra l’électricité ?
Aujourd’hui, les déchets nucléaires de Fessenheim sont acheminés en Lorraine et en Champagne-Ardenne. Plus tard, où iront-ils ?
Ne l’oublions pas, il existe des solidarités entre les régions. En outre, l’Alsace, la Lorraine et Champagne-Ardenne ont des intérêts communs.
L'amendement n° 66, présenté par MM. Masseret et Bigot et Mme Schillinger, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 5
Compléter cet alinéa par les mots :
et Lorraine
II. – En conséquence, alinéa 11
Supprimer les mots :
et Lorraine
La parole est à M. Jean-Pierre Masseret.
Cet amendement vise à témoigner d’une double fidélité. Fidélité à la proposition initiale du Gouvernement faite à l’Alsace et à la Lorraine de faire chemin ensemble et fidélité à ce que j’ai réalisé avec Philippe Richert, sur la base de la proposition du Gouvernement.
Avec ce voisin alsacien, avec ce collègue président de région, alors que nous n’appartenons pas à la même sensibilité politique, nous avons examiné ensemble la réalité de la vie quotidienne de nos concitoyens en matière de mobilité, de formation, de santé, d’études. Nous avons également examiné ensemble les potentiels pour créer de la croissance et des emplois au profit de nos concitoyens.
C'est sur cette base que nous avons fait savoir à tous, notamment par le biais de conférences de presse, ce qu’il nous paraissait important de conduire ensemble, dans l’intérêt de nos concitoyens, de leur vie quotidienne, pour organiser l’avenir.
Mes chers collègues, je vous demande de répondre à cette double fidélité en émettant un vote positif sur cet amendement.
L'amendement n° 1 rectifié bis, présenté par MM. Guené et Sido, Mme Loisier et MM. Kern, G. Bailly et Houpert, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 8
Rédiger ainsi cet alinéa :
« - Bourgogne, Champagne-Ardenne, Franche-Comté et Lorraine ;
II. – En conséquence, alinéa 11
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Charles Guené.
La démarche dont procèdent notre amendement et nos sous-amendements relève de l’adhésion à des régions « stratèges », plus grandes et plus puissantes que celles qui sont souvent proposées, à l’intérieur desquelles les départements peuvent assumer la subsidiarité et la proximité dans lesquelles ils excellent.
Comme je l’ai dit tout à l'heure, nous aurions préféré une reconfiguration préalable des départements, mais, puisqu’il en est autrement, nous voulons par cet amendement ménager l’avenir dans cette optique et redonner du sens au découpage régional en rassemblant les régions dans des ensembles plus cohérents, en termes tant culturels et identitaires que de taille critique ou encore d'infrastructures. En effet, le projet de fusion entre les régions Alsace, Champagne-Ardenne et Lorraine a suscité – et suscite encore – un refus de nos amis alsaciens, qui souhaitent vivre seuls en suivant une voie originale.
Le présent amendement vise à en prendre acte. Il tire les conséquences objectives de cette situation en créant une région regroupant la Champagne-Ardenne, la Lorraine, la Bourgogne et la Franche-Comté dans un ensemble viable. Outre la puissance économique que représenterait une telle région, qui nous permettrait de rivaliser avec les plus grandes métropoles nationales et européennes, cette configuration correspond à plusieurs réalités et présente divers avantages.
Tout d’abord, elle allie deux binômes qui sont liés pour des raisons historiques, économiques et logistiques : Bourgogne et Franche-Comté, d’une part, et Champagne-Ardenne et Lorraine, d’autre part. Ils entretiennent ensemble des relations de voisinage, de services, de culture… Or force est de constater que ces deux binômes, pris séparément, seraient insuffisants pour constituer des masses critiques au niveau européen et qu’ils nous relégueraient, pour chacun d’entre eux, dans le peloton de queue des territoires.
En revanche, la mise en commun de nos potentiels est naturellement complémentaire. Elle ferait de ces quatre anciennes régions ainsi rassemblées une entité forte et un cœur de synergies. Je pense notamment aux pôles nucléaires réunissant Bure pour la Meuse et la Haute-Marne, Valduc pour la Côte-d’Or, Cattenom pour la Moselle, au futur parc national entre Champagne et Bourgogne ou encore aux pôles universitaires et médicaux de Dijon, Reims, Nancy, Troyes et Besançon.
Subsidiairement, il faut convenir que cette région serait résolument multipolaire et mettrait fin à la crise liée à la recherche d’une capitale unique.
Ensuite, une telle région laisserait toute sa place à une collaboration et à un partenariat entre les départements, qui verraient leur rôle de trame conforté.
Enfin, ce choix viendrait apporter une bouffée d’espoir et d’avenir aux zones intermédiaires de Sud Aube, Sud Haute-Marne et Nord Haute-Saône et de leurs symétriques du Nord Bourgogne-Franche-Comté et Lorraine. Ces zones intermédiaires, qui se sentent attirées l’une vers l’autre, trouveraient ainsi une place nouvelle, qui serait l’expression des réseaux que le temps leur a fait tisser au-delà des frontières d’hier.
L'amendement n° 45, présenté par MM. Savary et Détraigne, Mmes Férat et Gruny, M. Lefèvre et Mme Troendlé, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 11
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Champagne-Ardenne, Lorraine et Picardie ;
II. – En conséquence, alinéa 15
Supprimer les mots :
et Picardie
La parole est à M. René-Paul Savary.
La région Champagne-Ardenne, ballottée et refusée par certains territoires – ils ont bien tort de la bouder –, est composée de quatre départements. Le mien, la Marne, qui est au centre de ce territoire, est le symbole d’une économie performante. La production de champagne pèse 4, 2 milliards d’euros et le PIB par habitant est proche de celui de l’Alsace. De mémoire, nous sommes à 25 000 euros, contre 27 000 euros en Alsace. D’autres sont nettement en dessous…
La région Champagne-Ardenne et le département de la Marne devraient donc faire l’objet de toutes les convoitises. Or on les refuse. Voilà pourquoi j’essaie de les remettre au centre du débat et de réfléchir à un dispositif cohérent.
J’ai été sensible aux arguments de Daniel Dubois. Ce qui nous est proposé manque en effet de cohérence. C'est pourquoi je propose de retenir le principe de grandes régions et de maintenir les départements, ce qui est tout à fait essentiel, sauf dans les zones métropolitaines – m'a-t-on rabâché – où les départements devront fusionner avec la région pour rationaliser l'administration. Ce sera le cas à Strasbourg et à Lille, qui sont des métropoles européennes importantes.
Je suis également favorable à ce que les départements bénéficient d’une facilité de détachement, afin que les décisions soient enfin prises par nos concitoyens, ces derniers étant amenés à débattre au sein des conseils généraux et régionaux. Ils pourront reprendre la main après que nous aurons défini les grandes orientations sur le plan national, comme c’est notre vocation. Tel est le raisonnement que j’ai essayé de suivre en déposant cet amendement.
Je m’interroge aussi sur le fait métropolitain. Trois grandes métropoles interagissent avec ce territoire : Lille au nord, Strasbourg à l’est et Paris, capitale de la France. Au milieu se trouve un no man’s land, sanscapitale régionale, qui bénéficie toutefois du rayonnement de ces trois grandes villes. Je veux parler de la Picardie, de la Champagne-Ardenne et de la Lorraine. C’est la raison pour laquelle je me permets de vous présenter cet amendement, mes chers collègues, sachant qu’il sera sujet à confrontation.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous propose de prolonger cette séance jusqu’à minuit trente, afin d’aller plus avant dans l’examen des amendements.
Il n’y a pas d’opposition ?...
Il en est ainsi décidé.
L'amendement n° 8, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 11
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
« – Champagne-Ardenne ;
« – Lorraine ;
II. – Après l’alinéa 19
Insérer un I ter ainsi rédigé :
I ter - Après l’application en Alsace, en Champagne-Ardenne et en Lorraine de la procédure de fusion prévue à l’article L. 4124-1 du code général des collectivités territoriales, ce même code est complété par un article L. 8111-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 8111-1. - Dans les trois régions Alsace, Champagne-Ardenne et Lorraine, un décret en Conseil d’État peut fusionner en une collectivité territoriale unique la région et les départements qui en font partie. Cette collectivité territoriale unique exerce l’ensemble des compétences attribuées par la loi à la région et aux départements qu’elle regroupe. Elle leur succède dans tous leurs droits et obligations.
« Le présent article s’applique par dérogation à l'article L. 4124-1 du code général des collectivités territoriales et par dérogation aux autres articles de la présente loi. »
La parole est à M. Jean Louis Masson.
Dans ce débat sur les différentes alternatives qui s’offrent à nous pour le découpage des régions, je suis frappé par une chose : chacun veut décider à la place du voisin. Je suis tout de même un peu surpris de voir nos collègues expliquer aux Alsaciens qu’ils n’ont pas bien compris où se trouvait leur intérêt. Selon moi, personne n’est mieux placé que les Alsaciens – je prends l’exemple de l’Alsace, mais c’est vrai pour les autres régions – pour savoir ce qui est bon pour l’Alsace. Venir donner des conseils aux Alsaciens quand on est lorrain, bourguignon ou franc-comtois me paraît stupéfiant.
La situation est déjà suffisamment compliquée. Que chacun se contente de s’occuper de sa région et non pas de la région du voisin. Sinon, on n’en sortira jamais ! En outre, les conseils donnés aux voisins dans leur intérêt ne sont peut-être pas toujours dénués d’arrière-pensées…
Cet amendement concerne ma région et non pas celle des autres. Je constate que nos voisins alsaciens ont formulé un avis. Selon moi, ils ont tout à fait raison, et leur position est très pertinente. Quand on connaît bien l’Alsace, on comprend tout à fait que sa population et ses élus fassent un tel choix, qui me semble très cohérent.
En tant que lorrain, je pense que la Lorraine devrait suivre la même logique et faire un choix du même type, en privilégiant une région à taille humaine et non pas une pseudo-région européenne tentaculaire. Actuellement, la tendance est à l’inflation des régions. Vous l’avez noté, mes chers collègues, un amendement vise à réunir la Lorraine, la Champagne-Ardenne et l’Alsace. Un autre y ajoute la Bourgogne et la Franche-Comté. Bientôt, cela représentera la moitié de la France !
Au moins, ces propositions nourrissent le Journal officiel ! Toutefois, à un moment donné, il faut tout de même faire preuve d’un minimum de bon sens. Créer un lien réunissant le sud de la Franche-Comté et le nord des Ardennes me paraît quelque peu surprenant. De même, joindre la Picardie, qui remonte jusqu’à la mer du Nord, avec les Vosges et la Lorraine, c’est également déconcertant.
Aussi cet amendement ne porte-t-il que sur ma région. Si on pouvait y faire ce que nos voisins alsaciens proposent pour leur propre région, ce serait une bonne chose.
Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 70 est présenté par Mme Létard et M. Lecerf.
L'amendement n° 43 est présenté par MM. Delebarre et Vandierendonck, Mme Génisson et MM. Poher, D. Bailly, Percheron et J.C. Leroy.
Tous deux sont ainsi libellés :
Alinéa 15
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
« - Nord-Pas-de-Calais ;
« - Picardie ;
La parole est à Mme Valérie Létard, pour présenter l’amendement n° 70.
Avec difficulté, le Sénat a tranché, mais son choix est désormais clair, en faveur de l’amélioration de la carte régionale plutôt que de sa suppression. Nous savons tous pour quelles raisons.
Dans ces conditions, à nous de faire progresser au mieux ce qui a mal démarré. Car nous n’avons que ce choix : limiter les effets collatéraux d’une réforme élaborée à l’envers, faisant courir de gros risques à nos régions et à leurs habitants, par absence de dialogue et de préparation. À cet égard, il suffit de rappeler ce que vous avez tous dit, mes chers collègues, à savoir l’extrême imprécision des études d’impact qui nous ont été fournies pour alimenter ce texte.
Permettez-moi de le rappeler, le texte initial du projet de loi faisait le choix de conserver la région Nord-Pas-de-Calais dans son périmètre actuel, et ce pour trois raisons : sa densité urbaine – 4, 1 millions d’habitants –, son dynamisme économique et ses relations privilégiées avec les pays d’Europe du Nord, puisque nous sommes véritablement dans des stratégies de développement économique transfrontalières. Il s’agissait donc bien de capitaliser sur l’effort déjà entrepris par notre région, pour définir un projet de territoire cohérent, tirant parti de nos atouts et appuyé sur une maquette budgétaire significativement financée par les fonds européens. Malheureusement, l’Assemblée nationale est revenue sur une telle décision.
Dans un contexte socioéconomique extrêmement fragile où les taux de chômage de nos régions atteignent des pics de 15 %, la fusion du Nord-Pas-de-Calais avec nos voisins et amis picards ne pourrait qu’amplifier et aggraver un phénomène touchant déjà sévèrement nos deux régions. En effet, au-delà du seul trait de dessin, nous nous posons des questions essentielles et très concrètes. Que deviendront nos stratégies d’aménagement du territoire respectives, nos axes de développement économique, les investissements pertinents, dans une nouvelle région à l’échelle élargie ? Quelles ambitions allons-nous partager ? Quelle communauté de projet, de destin, comme le rappelait Bruno Retailleau, allons-nous construire, et avec quels moyens ?
Aujourd'hui, la feuille de route est blanche, car il n’y a eu encore aucun travail partenarial pour confronter les aspirations des territoires de nos deux régions et, surtout, définir des contours pertinents si fusion il devait y avoir.
Mes chers collègues, vous avez entendu M. Daudigny, et vous entendrez tout à l’heure nos collègues du Nord-Pas-de-Calais. Un collègue de l’UMP a notamment évoqué l’attraction de l’Oise par l’Île-de-France. Vous pourrez également constater que les trois départements de Picardie se tournent naturellement vers trois régions différentes, …
… chacun, M. Daudigny l’a rappelé, expliquant l’intérêt et la réalité de sa propre attraction.
Face à ces éléments, on voit bien l’intérêt de rester dans la configuration actuelle, qui permettrait ensuite à la Picardie de bénéficier du droit d’option pour choisir la région dont elle se sent économiquement, culturellement et géographiquement la plus proche, ce qui permettrait de mettre en œuvre des communautés de projets efficaces et intelligentes, dans l’intérêt des habitants. Car si les deux régions sont fusionnées d’office, il sera bien évidemment quasi impossible de revenir sur une telle décision, les conditions du droit d’option, une fois les régions fusionnées, étant beaucoup plus complexes à mettre en œuvre.
Quant à notre région, le Nord-Pas-de-Calais, le maintien de ses limites actuelles lui permettrait de se réserver la possibilité d’une fusion des trois institutions territoriales, c'est-à-dire de la région et des deux départements, avec une métropole centrale, qui, de toute façon, à terme, coupera en son milieu le département du Nord, ce qui ne sera pas cohérent.
Monsieur le président, je n’ai jamais pris la parole depuis le début de ce débat. Si vous le permettez, j’essaierai de m’exprimer en une seule fois à l’occasion de la présentation de cet amendement.
Concernant les limites préservées, qui permettraient de ne pas insulter l’avenir et de conserver la possibilité de fusionner nos trois institutions, elles me paraissent aller dans le sens de ce que veut le Gouvernement, à savoir une maîtrise des dépenses publiques – il s’agit d’un projet rationnel –, mais aussi une simplification de l’accès aux procédures administratives, grâce à une cohérence administrative et institutionnelle mieux maîtrisée.
Enfin, si cette fusion est votée, je vous rappelle tout de même, monsieur le ministre que, dans des territoires aussi fragiles économiquement que les nôtres, il existe un risque de gel des investissements publics des collectivités soutenus par les contrats de plan État-régions et les fonds européens, pendant les deux ans qui seraient nécessaires pour reconquérir et rétablir une stratégie de développement économique et d’aménagement du territoire. En effet, il ne sera pas question d’investir dans un aménagement structurant, par exemple un port à conteneurs, sur un territoire qui pourrait ne plus être, demain, celui qui serait destiné à développer la logistique. Par conséquent, tous les projets seraient arrêtés pendant deux ans. Or, dans un territoire où le chômage atteint 15 %, on crée les conditions de porter ce taux à 25 % au bout de deux ans si on ne fait pas en sorte que les communautés de projets soient anticipées.
Quand deux régions normandes fusionnent, elles y travaillent depuis des années ! À l’inverse, pour ce qui concerne le Nord-Pas-de-Calais et la Picardie, on prévoit d’abord de nous séparer, puis on nous dit subitement que nous serons rassemblés. Je n’ai rien contre mes amis picards ! Peut-être même est-il possible de travailler à une région plus importante. Mais encore faudrait-il que celle-ci ait un sens stratégique et économique. Il conviendrait également qu’elle soit préparée, anticipée et de bon sens. Quel est aujourd'hui le territoire de bon sens ?
On le voit, nous ne sommes pas mûrs. Quoi qu’il en soit, chacun s’est exprimé, les représentants du Nord-Pas-de-Calais et nos amis picards, chacun avec sa façon de parler, son cœur et son bon sens, ainsi que son expertise des territoires. Si, aujourd'hui, on place le Nord-Pas-de-Calais dans cette voie, on le met dans une situation dont il mettra des décennies à se remettre.
Applaudissements sur certaines travées de l'UDI-UC et du groupe socialiste.
La parole est à M. Michel Delebarre, pour présenter l’amendement n° 43.
M. Michel Delebarre. Je ne suis pas non plus intervenu depuis le début du débat. En outre, à la lecture du dérouleur de séance, je m’attendais à intervenir juste avant Mme Létard. Monsieur le président, vous avez fait un cadeau à ma collègue, qui a pris huit minutes pour s’exprimer. Vous savez donc à quoi vous attendre avec moi…
Sourires.
J’évoquerai le même sujet que ma collègue, à savoir le Nord-Pas-de-Calais et ne dirai pas un mot de l’Alsace. J’ai pourtant compris, depuis quelques heures, qu’il valait mieux en parler…
Monsieur le ministre, je ne crois que ce soit une bonne idée de rapprocher la Picardie et le Nord-Pas-de-Calais – ces deux régions, en définitive, ne sont associées à aucune autre région –, en disant « puisqu’elles sont là-haut, on va les fusionner ». Ces deux régions n’ont aucun rapport entre elles. Les différents intervenants ont d’ailleurs du mal à argumenter sur l’importance de notre solidarité de fait. Quand on vit dans le Nord-Pas-de-Calais, on ne vit pas avec la Picardie. Et quand on vit en Picardie, je ne crois pas qu’on vive avec le Nord-Pas-de-Calais.
Historiquement, à terme, est-ce notre destin ? Je ne peux pas le dire. Nous avons un atout possible, le canal Seine-Nord Escaut, lequel, s’il était un jour réalisé, créerait sans doute des liens plus importants. Mais tel n’est pas aujourd'hui le cas.
La première carte établie par le Gouvernement ne fusionnait pas le Nord-Pas-de-Calais et la Picardie. Elle partait d’un constat légitime et exact : ces régions doivent avoir leur propre destin. Dans le Nord-Pas-de-Calais, nous le considérons ainsi.
Sans doute – j’écoute avec attention tout ce qui s’est dit sur l’Alsace – une évolution des structures internes de la région et des deux départements, qui avancera plus vite qu’on ne l’a jamais imaginé, nous permettra-t-elle de travailler davantage ensemble, voire de faire évoluer nos propres structures. C’est ainsi que je vois l’avenir, dont les perspectives doivent procéder d’une décision interne très forte, dans un cadre défini par une carte, qui, je l’espère, permettra de distinguer nos deux régions.
Monsieur le ministre, je voudrais faire une remarque, dans le prolongement de propos qui ont été tenus par différents intervenants.
La géographie et l’histoire sont ainsi faites que nos plus proches voisins, que certains voient en Picardie, sont peut-être belges aussi.
La région Nord-Pas-de-Calais se créera son propre destin et les conditions de son développement seulement si elle est capable de regarder le nord de l’Europe, si elle est capable, à l’instar de quelques autres régions françaises, de regarder au-delà de sa frontière pour une coopération intelligente avec les territoires voisins.
M. Michel Delebarre. Vous le savez, depuis des années, l’Union européenne appuie les stratégies transfrontalières. L’Alsace, la Lorraine le savent bien ; certaines communautés autonomes espagnoles entretiennent quant à elles des relations avec des régions françaises. Envisageons donc l’avenir aussi dans les relations transfrontalières. C’est ainsi que le Nord-Pas-de-Calais, qui a durement vécu les dernières décennies, s’inscrira sans doute dans son histoire et dans son avenir. Le Gouvernement devrait y être attentif.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Valérie Létard applaudit également.
Je veux rappeler la position générale de la commission spéciale sur cette carte.
Nous avons décidé que l’Alsace pourrait vivre le destin qu’elle s’est assigné depuis de nombreuses années hors de toute fusion avec les régions Champagne-Ardenne et Lorraine. Nous avons également décidé que les régions Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon vivraient leur autonomie, revenant ainsi à la position que nous avions adoptée en première lecture.
Par conséquent, la commission spéciale a émis un avis défavorable sur l’ensemble des amendements qui viennent d’être présentés, car ils visent tous à modifier la carte des régions telle qu’elle l’a élaborée. Je précise néanmoins qu’elle n’a pas examiné le sous-amendement n° 145 dans la mesure où il a été déposé après sa réunion d’hier. Cependant, puisqu’il tend à contrevenir à sa position, j’émets également un avis défavorable.
Le Gouvernement émet un avis favorable sur l’amendement n° 41 rectifié ter et retire l’amendement n° 143 à son profit.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur le sous-amendement n° 146, qui est incompatible avec la position de retrait qu’il a adoptée, ainsi que sur l’amendement n° 24 rectifié et le sous-amendement n° 145.
Le Gouvernement sollicite le retrait de l’amendement n° 66 au profit de l’amendement n° 41 rectifié ter.
Il émet un avis défavorable sur les amendements n° 1 rectifié bis, 45 et 8, ainsi que sur les amendements identiques n° 43 de M. Delebarre et 70 de Mme Létard, et ce pour des raisons sur lesquelles je veux dire un mot.
Madame Létard, monsieur Delebarre, vous avez fait l’un et l’autre une intervention extrêmement forte, et je souhaiterais y apporter quelques réponses.
Je comprends parfaitement l’intérêt pour le Nord-Pas-de-Calais de se tourner vers les régions nord de l’Europe, et je partage totalement cette vision des choses. Monsieur Delebarre, lorsque j’étais ministre délégué aux affaires européennes, je vous ai rencontré en tant que président de la mission opérationnelle transfrontalière ; nous avons eu l’occasion de traiter cette question, et j’ai parfaitement conscience de l’intérêt que peut représenter pour le Nord-Pas-de-Calais le développement de coopérations renforcées avec les régions du nord de l’Europe dans le domaine universitaire, dans le domaine des transports, dans le domaine culturel. Mais je ne vois aucune antinomie, bien au contraire, entre le développement de ces coopérations et la création d’une région plus grande qui pourrait se donner cette ambition européenne. Considérer que l’un serait exclusif de l’autre reviendrait à penser que les régions françaises auraient tout intérêt à se tourner vers les régions européennes, en aucun cas vers les régions sœurs françaises, et que se tourner vers ces dernières rendrait peu ou prou impossibles les coopérations européennes. Ce n’est pas vrai, ni pour la grande région Est ni pour Nord-Pas-de-Calais-Picardie.
Vous dites également qu’il n’existe ni points communs ni coopération entre les régions Nord-Pas-de-Calais et Picardie. Je ne partage pas du tout votre sentiment. D’ailleurs, les présidents de chacune de ces deux régions ont eux-mêmes, à plusieurs reprises, verbalisé les zones de coopération existant entre celles-ci.
Reprenons-les.
Vous avez parlé du canal Seine-Nord. Ce n’est quand même pas un chantier à trois francs, six sous ! C’est un chantier qui va mobiliser des fonds européens.
Lorsque j’étais ministre délégué au budget, vous avez suffisamment défendu auprès de moi – avec brio et talent – le canal Seine-Nord en m’expliquant qu’il était structurant d’un axe transrégional passant à la fois par la Picardie et le Nord-Pas-de-Calais pour m’expliquer maintenant, avec le même brio, à travers cet amendement, que ce canal Seine-Nord ne serait plus structurant au motif qu’il n’existe pas encore. Il existera, il mobilisera des financements et sera un axe structurant de ces deux régions.
Par ailleurs, vous le savez très bien, en dépit de leur dissemblance due aux différentes dimensions des ports, sur les façades maritimes peuvent se développer des coopérations très importantes dans le domaine du tourisme, dans le domaine des activités de pêche et de transformation des produits de la mer.
Vous le savez également, des pôles de compétitivité travaillent ensemble : entre l’université de technologie de Compiègne et un certain nombre de départements de l’université de Lille, il existe des coopérations hautement technologiques qui sont à l’origine de transferts de technologies vers le privé. Ces coopérations sont revendiquées par les régions comme extrêmement denses, extrêmement riches et porteuses d’avenir, notamment si on les inscrit dans des programmes européens tels qu’Interreg.
Je peux comprendre l’argument de temps consistant à dire que cette réforme ne serait pas nécessairement opportune à cet instant précis, mais, tout simplement par souci de rigueur et d’honnêteté, je ne peux pas accepter devant cette assemblée l’idée qu’il n’existerait aucune coopération possible entre ces deux régions ; je ne peux pas non plus accepter l’idée que, dès lors qu’elles coopéreraient, elles ne pourraient plus coopérer avec d’autres régions de l’Union européenne.
Je me range à nombre de vos arguments, mais, pour autant, je ne suis pas convaincu par vos propositions. D’autant que plusieurs de ces arguments – qui n’ont pas été développés, mais c’est là tout le plaisir de la rhétorique – plaident plutôt en faveur de la carte retenue par l’Assemblée nationale.
Par souci de cohérence et par souci de rendre possibles les coopérations entre régions, le Gouvernement, je le répète, émet un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
L'amendement n° 143 est retiré.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
Protestations sur diverses travées.
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, jeudi 30 octobre 2014 :
À neuf heures trente :
1. Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant la ratification du protocole facultatif se rapportant au pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (n° 660, 2013-2014) ;
Rapport de Mme Joëlle Garriaud-Maylam, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n° 27, 2014-2015) ;
Texte de la commission (n° 28, 2014-2015).
2. Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant la ratification de l’accord sur la création d’un espace aérien commun entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et la Géorgie, d’autre part (n° 661, 2013-2014) ;
Rapport de Mme Hélène Conway-Mouret, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n° 19, 2014-2015) ;
Texte de la commission (n° 20, 2014-2015).
3. Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant la ratification de l’accord euro-méditerranéen relatif aux services aériens entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et le Royaume hachémite de Jordanie, d’autre part (n° 662, 2013-2014) ;
Rapport de Mme Josette Durrieu, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n° 21, 2014-2015) ;
Texte de la commission (n° 22, 2014-2015).
4. Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant la ratification du protocole modifiant l’accord de transport aérien entre la Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et les États-Unis d’Amérique, d’autre part (n° 780, 2013-2014) ;
Rapport de Mme Nathalie Goulet, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n° 23, 2014-2015) ;
Texte de la commission (n° 24, 2014-2015).
5. Projet de loi autorisant la ratification du traité entre la République française et la République tchèque sur la coopération dans le domaine de la protection civile, de la prévention et de la gestion des situations d’urgence (n° 516, 2012-2013) ;
Rapport de Mme Nathalie Goulet, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n° 25, 2014-2015) ;
Texte de la commission (n° 26, 2014-2015).
6. Projet de loi autorisant l’approbation du protocole additionnel à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne relative au tunnel routier sous le Mont-Blanc (n° 518, 2012-2013) ;
Rapport de M. Yves Pozzo di Borgo, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n° 17, 2014-2015) ;
Texte de la commission (n° 18, 2014-2015).
7. Suite de la deuxième lecture du projet de loi, modifié par l’Assemblée nationale, relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral (n° 6, 2014-2015) ;
Rapport de M. François-Noël Buffet, fait au nom de la commission spéciale (n° 42, 2014-2015) ;
Texte de la commission (n° 43, 2014-2015).
À quinze heures :
8. Questions d’actualité au Gouvernement.
À seize heures quinze, le soir et, éventuellement, la nuit :
9. Suite de l’ordre du jour du matin.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
La séance est levée le jeudi 30 octobre 2014, à zéro heure vingt-cinq.