Intervention de Catherine Morin-Desailly

Réunion du 29 octobre 2014 à 21h30

Photo de Catherine Morin-DesaillyCatherine Morin-Desailly :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après une première lecture en juillet dernier par notre assemblée, il est manifeste que beaucoup de questions et d’inquiétudes soulevées par ce projet de loi consacré à la carte régionale et au calendrier électoral de 2015 demeurent.

Amendée par la commission spéciale de notre assemblée – il faut en féliciter ses membres qui se sont particulièrement investis ces dernières semaines –, la quatrième mouture de la carte est un peu plus satisfaisante, avec ces quinze nouvelles régions redessinées.

Notre mission consiste à représenter les collectivités territoriales, et donc celles du territoire dont nous sommes issus, mais aussi à adopter une vision nationale cohérente au service de l’intérêt général. Aussi, en dépit d’un certain nombre de réserves, notamment sur la méthode employée, je voterai cet article 1er, parce qu’il présente, selon moi, un dispositif plus équilibré, mais surtout parce qu’il entérine la réunification de la Normandie.

Au demeurant, on en conviendra, la méthode employée par le Gouvernement, qui continue à saucissonner en textes successifs le projet d’une réforme territoriale qu’il faudrait pourtant appréhender globalement, ne facilite pas notre appréciation de la situation. Après de nombreux atermoiements et retours en arrière, rarement une réforme aura été tant attendue et finalement construite dans une véritable précipitation.

Nous revenons de loin : la carte régionale du Gouvernement aura ainsi été dessinée dans le huis clos de l’Élysée, le 2 juin dernier, beaucoup l’ont rappelé ces derniers jours. Pas de concertation, aucune discussion sérieuse, aucun fondement rationnel pour cette carte, modifiée jusqu’à la dernière seconde précédant le bouclage des quotidiens régionaux ! Monsieur le ministre, on ne peut commencer à construire une maison en commençant par le toit.

La réorganisation des collectivités territoriales doit avoir un préalable, je le dis à mon tour après de nombreux collègues : la réflexion sur le rôle de l’État et la redéfinition de ses missions ainsi que celles qui relèvent des collectivités territoriales. Ensuite devrait venir une réflexion sur les compétences et leur logique de répartition, et non pas seulement sur la délimitation du périmètre des collectivités territoriales, notamment celle qui s’annonce, hélas, pour les intercommunalités auxquelles vous voulez appliquer dogmatiquement un seuil minimal de 20 000 habitants.

Cette réorganisation doit également prendre en compte les populations, les logiques de bassin de vie, le fonctionnement des entreprises et des acteurs économiques pour atteindre un maximum de complémentarité, de cohérence et d’efficacité. Bref, la méthode doit être tout le contraire de celle qui a présidé au redécoupage souvent aberrant des cantons pour les futures élections départementales.

Enfin, point fondamental, les élus locaux doivent être acteurs de la stratégie de développement de leur territoire, qu’ils connaissent particulièrement bien. C’est pourquoi ils doivent enfin être entendus.

Cela dit, en tant que sénatrice de la Seine-Maritime et ancienne conseillère régionale de Haute-Normandie jusqu’en mars dernier, également militante, depuis plus de dix ans, au sein de l’Association pour la réunification de la Normandie présidée par Hervé Morin, je me réjouis aujourd’hui de la création, ou plutôt de la recréation, de cette collectivité normande unique. Rappelons-le : pour le coup, il ne s’agit pas d’une nouvelle région, mais d’un juste retour à une entité culturelle et historique artificiellement scindée au début des années 1950.

Cette réunification de la Haute-Normandie et de la Basse-Normandie est pertinente, elle peut s’appuyer sur des coopérations préexistantes multiples, entre acteurs économiques, associatifs et institutionnels. Elle peut aussi s’appuyer sur des axes forts, tels que les ressources et les compétences en matière d’énergie, l’excellence logistique et portuaire, la valorisation de l’eau et du littoral ou encore le potentiel touristique et culturel.

J’ai fait deux campagnes pour les élections régionales sur ce thème de la réunification de la Normandie ; je l’ai toujours défendu avec Hervé Morin, puis avec Bruno Le Maire. Jusqu’à une date récente, ce sujet a, hélas, toujours suscité l’indifférence, voire le mépris, de la majorité socialiste de Haute-Normandie, qui est allée jusqu’à refuser d’en débattre !

Cette situation n’est pas étonnante puisque, antérieurement, lors du débat parlementaire de 2010 relatif à la réforme territoriale, les amendements que j’avais défendus avec mon collègue Hervé Maurey, tendant à faciliter l’organisation de débats dans les conseils régionaux au sujet des fusions de région, n’avaient pas recueilli le soutien de nos collègues socialistes hauts normands. Ils auront donc beau jeu de se targuer du très probable aboutissement de l’idée de la réunification de la Normandie, alors qu’elle leur est imposée par le Gouvernement, là où elle aurait pu être envisagée et donc préparée depuis bien longtemps localement, s’ils n’en avaient pas fait une prosaïque question de lutte partisane.

Je profite donc de l’occasion qui m’est donnée, monsieur le ministre, pour appeler solennellement mes collègues à mettre leurs actes en cohérence avec leurs propos, afin que le chantier de la réunification s’ouvre enfin, dans l’intérêt des Normandes et des Normands.

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