Intervention de Cécile Cukierman

Réunion du 29 octobre 2014 à 21h30

Photo de Cécile CukiermanCécile Cukierman :

Que les choses soient bien claires : si nous proposons cet amendement de suppression, c’est parce que nous ne nous retrouvons ni dans l’esprit du texte ni dans la façon de procéder. Aujourd’hui, si deux ou trois régions souhaitent fusionner, elles peuvent déjà le faire, sans d’ailleurs se soucier des conséquences humaines de cette décision. Or, il faut bien le reconnaître, nous avons assez peu parlé des femmes et des hommes qui vivent dans ces régions.

Pourquoi une loi ? Cette méthode présente l’avantage de passer outre au référendum, que tout le monde redoute ici et qui suppose d’aller devant les femmes et les hommes qui vivent sur les territoires concernés pour leur demander leur avis sur ce que tout le monde considère comme une idée géniale et lumineuse. Je ne doute pas que les régions défendent avec beaucoup de conviction leur point de vue et qu’elles ont beaucoup travaillé et échangé sur la question. Néanmoins, il se pourrait que les habitants ne le comprennent pas et, s’ils étaient consultés, émettent un autre vote que celui que l’on attendait d’eux.

En tant que parlementaires, nous avons le pouvoir de proposer, à travers l’article 1er, un certain nombre de regroupements qui plairont aux uns, mais pas aux autres. Nous faisons depuis tout à l’heure un tour de France des qualités de chacune des régions et des raisons qui devraient pousser ou non au rapprochement de telle région avec telle autre. Mais, ce qui est sûr, c’est que nous n’avons pas le pouvoir de supprimer les gens. Or faire une loi permet de contourner l’obligation de référendum, de consultation, et d’initier une démarche – nous ne polémiquerons pas sur ce sujet ce soir – répondant à des intérêts européens, à des logiques libérales, qui veulent que notre territoire soit organisé de façon compétitive.

Compétitivité et attractivité des régions, voilà les maîtres mots ! On l’a bien vu à travers les débats de cet après-midi. Quelles que soient les statistiques invoquées, en termes de population totale, de densité démographique ou de PIB régional – je n’ose pas évoquer le taux d’ensoleillement pour ne froisser personne –, on a clairement le sentiment que certaines régions sont jugées moins attractives que d’autres. Ainsi, on se les passe gentiment, en se disant tout de même que si quelqu’un d’autre pouvait les récupérer ce serait mieux. En effet, l’objectif, ce n’est pas de construire ensemble, pour le bien-être des populations, mais d’être toujours plus compétitif pour mieux écraser l’autre et pour mieux s’en sortir dans l’affrontement qui attend nos régions demain.

Si nous proposons la suppression de cet article, ce n’est pas par manque de respect pour le travail de la commission ou, plus largement, du Sénat, c’est parce que nous sommes fondamentalement en désaccord – nous l’avons dit dès la première lecture – non pas avec telle ou telle carte mais avec la méthode consistant à imposer aujourd’hui des redécoupages territoriaux aux habitants de nos régions.

On peut penser ce que l’on veut des sondages. Reste qu’un certain nombre d’entre eux le montrent : nos concitoyens n’approuvent pas nécessairement les choix proposés, quelle que soit la carte, celle du Gouvernement, celle de l’Assemblée nationale ou celle que le Sénat va selon toute vraisemblance adopter. Voilà pourquoi notre groupe votera la suppression de l’article 1er.

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