Je suis honoré d'être auditionné par votre commission et de la confiance que me témoigne la ministre des affaires sociales en proposant le renouvellement de mon mandat.
La loi du 4 mars 2002 que vous avez mentionnée a investi l'Oniam de deux missions principales. Il s'agit en premier lieu de l'indemnisation des accidents médicaux non fautifs. Jusqu'à la loi de 2002, la victime souhaitant se faire indemniser d'un accident médical devait faire reconnaître l'existence d'une faute de l'établissement ou du professionnel de santé. La loi consacre au contraire la possibilité de faire indemniser par la solidarité nationale un accident médical résultant d'un aléa thérapeutique. Il s'agit en second lieu de fournir les moyens humains et logistiques nécessaires aux commissions régionales de conciliation et d'indemnisation (CCI) chargées d'instruire les demandes d'indemnisation des accidents médicaux. Ces commissions constituent une véritable émanation de la démocratie sanitaire puisqu'elles sont indépendantes, présidées par un magistrat et qu'elles regroupent l'ensemble des parties prenantes (les assureurs, l'Oniam, les représentants des médecins et des établissements de santé publics ou privés, les représentants des usagers du système de santé et des personnalités qualifiées).
Entre 2002 et 2011, le législateur a attribué à l'Oniam de nouvelles missions qu'il exerce directement, c'est-à-dire sans passage préalable par les CCI : l'indemnisation des préjudices liés à des vaccinations obligatoires, à des mesures sanitaires d'urgence, aux contaminations par le VIH, le VHC et le VHB et à des transfusions sanguines. Enfin, l'Oniam a été chargé en 2011 d'instruire les demandes d'indemnisation des préjudices liés au Mediator. Il mobilise pour ce faire - j'y reviendrai - un collège d'experts indépendants.
Je crois pouvoir indiquer que l'expertise de l'Oniam est aujourd'hui reconnue. Les indicateurs en témoignent : 85 % des contentieux auxquels l'office est confronté sont tranchés en sa faveur ; 95 % des offres qu'il présente aux victimes sont acceptées par elles ; 50 % des litiges soulevés en matière d'accidents médicaux sont réglés par la voie amiable. Cela n'aurait pas été possible sans le soutien de l'ensemble des partenaires (associations de victimes et assureurs) et sans la qualité de l'expertise de tous les agents de l'Oniam.
J'en viens au bilan des actions que j'ai eu la responsabilité de mener au cours des dernières années. Ma nomination en 2011 a coïncidé avec la mise en place du dispositif d'indemnisation des victimes du Mediator et les premiers mois de mon mandat n'ont donc pas été faciles.
Les demandes d'indemnisation des préjudices liés au Mediator font d'abord l'objet d'une instruction par un collège d'experts. Dans un premier temps, ce dernier a fait usage d'une jurisprudence relativement restrictive quant à l'établissement d'un lien de causalité entre l'usage du Mediator et le préjudice invoqué : la charge de la preuve incombait à la victime, ce qui est très difficile en matière de produits de santé. Malgré lui, le collège n'a pas réussi à développer toute la pédagogie dont il aurait voulu faire montre auprès des médias.
Mi-2013, la présidence du collège a été confiée à Alain Legou, premier avocat général honoraire à la Cour de cassation. Celui-ci a imprimé une nouvelle marque en actualisant la jurisprudence sous l'empire de laquelle travaille le collège et en élargissant le faisceau des indices qui peuvent permettre l'établissement d'un lien de causalité. Ceci a permis de relever considérablement le taux d'indemnisation des victimes du Mediator. Le travail important que nous avons effectué avec Alain Legou a également beaucoup porté sur la communication ; il convenait en effet de rappeler que le Mediator était susceptible d'entraîner des préjudices lourds mais que ces préjudices correspondaient à des pathologies précisément identifiées. Les taux d'indemnisation auxquels nous aboutissons aujourd'hui sont conformes aux données de la science.
Le second axe de mon action visait à assurer des indemnisations plus rapides. L'un des principaux avantages de la procédure en vigueur devant l'Oniam est non seulement la gratuité pour les victimes (prise en charge des frais d'expertise par l'office, caractère facultatif du ministère d'avocat) mais aussi la plus grande rapidité dont doit faire preuve le dispositif par rapport à la voie juridictionnelle. Or lorsque j'ai pris mes fonctions, le constat était celui d'un allongement des délais de traitement des dossiers. Il nous a fallu prendre des mesures d'urgence avec le soutien du gouvernement.
Le troisième axe consistait à enrichir notre compétence en matière d'expertise. La phase d'expertise constitue en effet un moment important pour la victime qui peut exposer ce qui lui est arrivé. Nous nous trouvons, de façon générale, dans une période de pénurie d'experts. On ignore souvent que certains médecins peuvent être experts auprès des CCI et de l'Oniam tout en conservant leur activité. Afin de constituer un vivier d'experts, nous avons conclu un protocole d'accord avec la commission nationale des accidents médicaux (CNAMed), qui est chargée de dresser la liste des experts, et la fédération des spécialités médicales (FSM).
La dernière orientation poursuivie était de veiller à l'originalité du dispositif. L'Oniam s'est fait reconnaître par la justice la capacité à ne pas suivre l'avis des CCI. Si cette divergence d'appréciation peut être fondée juridiquement, elle reste peu compréhensible pour l'observateur extérieur, en particulier pour la victime. Dans ce contexte, nous nous sommes réunis régulièrement avec les présidents des commissions régionales pour échanger afin d'éviter les malentendus. Nous avons également communiqué aux CCI les raisons pour lesquelles nous ne suivons pas leur avis, une pratique qui n'avait jusqu'alors pas été mise en place.
Ces actions ont été conduites avec l'objectif plus général d'approfondir les relations amiables tant avec les assureurs - auprès desquels nous recouvrons les sommes que nous avons engagées au titre d'accidents médicaux dont nous estimons après-coup qu'ils ont été fautifs - qu'auprès des victimes.
Les orientations que je souhaite mettre en oeuvre dans les prochaines années reposent sur une réflexion collective menée au sein de l'Oniam. Nous avons bâti un projet d'établissement qui fait tout d'abord ressortir les atouts dont dispose l'office : la qualité de notre expertise juridique et l'engagement de nos collaborateurs ainsi que de toutes les parties prenantes dans l'accompagnement des victimes. Mais nous avons également des marges de progrès s'agissant principalement de la qualité de la relation que nous tissons avec notre environnement.
Pour l'avenir, le premier axe des actions à mener porte donc sur la nécessité de mieux communiquer sur l'Oniam. Il s'agit de mieux faire connaître l'existence du dispositif de règlement amiable des conflits auprès des assureurs et du grand public et d'être plus pédagogue sur la prise en compte obligatoire du critère de gravité dans l'indemnisation des accidents médicaux par la solidarité nationale. Aujourd'hui, les CCI sont en effet contraintes de rejeter deux tiers des dossiers qui leur sont présentés car ils ne remplissent ce critère. Cette orientation passe notamment par la mise en place d'un nouveau site Internet d'ici la fin de l'année et par des actions de communication sur lesquelles nous sommes en train de réfléchir avec le ministère.
Le deuxième axe vise le raccourcissement des délais d'instruction et la constitution d'un vivier d'experts dans les conditions que j'ai mentionnées précédemment.
Le troisième axe concerne la qualité de la relation avec notre environnement. A cet égard, plusieurs partenariats ont déjà été conclus avec le collectif interassociatif sur la santé (Ciss), les fédérations hospitalières (FHF, FHP, Fehap), le Conseil national de l'ordre des médecins (Cnom), le Conseil national de l'ordre des pharmaciens (Cnop) ainsi qu'avec la FSM. Nous avons un projet de protocole d'accord avec la fédération française des sociétés d'assurances (FFSA). Cela passe également par amélioration de l'accueil des victimes elles-mêmes (refonte de l'accueil téléphonique, meilleure formation et soutien des personnels).
Le dernier axe est de veiller à l'affirmation et à la diversification du rôle de l'Oniam. Celui-ci est aujourd'hui devenu l'interlocuteur de référence en matière d'accidents médicaux. Il doit être prêt à se voir confier toute nouvelle mission dès l'instant où celle-ci entre dans son champ de compétences. Il serait sans doute utile à la collectivité nationale que les données dont nous disposons soient exploitées par les autorités sanitaires à des fins de prévention et de recommandations de bonne pratique, dans le respect bien sûr des exigences de confidentialité et de secret médical.
Pour conclure, travailler à la direction de l'Oniam demande d'articuler des préoccupations de gestion avec d'autres dimensions de nature plus juridique et d'accompagner des personnels souvent soumis à rude épreuve face à la souffrance exprimée par les victimes. Mais il s'agit également d'une tache exaltante, au coeur du service public qui vient en aide à nos concitoyens durement atteints par les conséquences d'un aléa thérapeutique.