Commission des affaires sociales

Réunion du 29 octobre 2014 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

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La réunion

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La réunion est ouverte à 10 h 05.

La commission procède à l'audition M. Erik Rance, candidat à son renouvellement pour le poste de directeur de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (en application de l'article L. 1451-1 du code de la santé publique).

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Nous recevons ce matin, à la demande du Gouvernement, M. Erik Rance, directeur de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (Oniam), dans la perspective du renouvellement de son mandat.

Je rappelle que l'article L. 1451-1 du code de la santé publique prévoit l'audition préalable par les commissions concernées, avant leur nomination ou leur reconduction, des présidents ou directeurs d'une dizaine d'agence sanitaires.

Je rappelle aussi que cette procédure d'audition est bien distincte de celle fixée par l'article 13 de la Constitution qui, quant à elle, prévoit pour certaines fonctions un vote de la commission.

Il s'agit donc d'une audition à visée informative, et en l'espèce, elle va nous permettre d'effectuer avec M. Rance un bilan de ses trois premières années à la direction de l'Oniam qui lui avait été confiée au mois d'octobre 2011.

Je précise que M. Rance est inspecteur général des affaires sociales et qu'à ce titre il avait exercé, avant son arrivée à l'Oniam, de nombreuses responsabilités dans le champ de la protection sociale.

L'Oniam, vous le savez, est issu de la loi Kouchner de 2002 sur les droits des malades et la qualité du système de santé, avec pour mission générale l'indemnisation des accidents médicaux non fautifs.

Je vais laisser la parole à M. Erik Rance, afin qu'il évoque brièvement l'activité de l'Oniam et, peut-être, certains dossiers d'actualité - je pense au Mediator.

Il répondra ensuite à nos questions.

Debut de section - Permalien
Erik Rance, directeur de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (Oniam)

Je suis honoré d'être auditionné par votre commission et de la confiance que me témoigne la ministre des affaires sociales en proposant le renouvellement de mon mandat.

La loi du 4 mars 2002 que vous avez mentionnée a investi l'Oniam de deux missions principales. Il s'agit en premier lieu de l'indemnisation des accidents médicaux non fautifs. Jusqu'à la loi de 2002, la victime souhaitant se faire indemniser d'un accident médical devait faire reconnaître l'existence d'une faute de l'établissement ou du professionnel de santé. La loi consacre au contraire la possibilité de faire indemniser par la solidarité nationale un accident médical résultant d'un aléa thérapeutique. Il s'agit en second lieu de fournir les moyens humains et logistiques nécessaires aux commissions régionales de conciliation et d'indemnisation (CCI) chargées d'instruire les demandes d'indemnisation des accidents médicaux. Ces commissions constituent une véritable émanation de la démocratie sanitaire puisqu'elles sont indépendantes, présidées par un magistrat et qu'elles regroupent l'ensemble des parties prenantes (les assureurs, l'Oniam, les représentants des médecins et des établissements de santé publics ou privés, les représentants des usagers du système de santé et des personnalités qualifiées).

Entre 2002 et 2011, le législateur a attribué à l'Oniam de nouvelles missions qu'il exerce directement, c'est-à-dire sans passage préalable par les CCI : l'indemnisation des préjudices liés à des vaccinations obligatoires, à des mesures sanitaires d'urgence, aux contaminations par le VIH, le VHC et le VHB et à des transfusions sanguines. Enfin, l'Oniam a été chargé en 2011 d'instruire les demandes d'indemnisation des préjudices liés au Mediator. Il mobilise pour ce faire - j'y reviendrai - un collège d'experts indépendants.

Je crois pouvoir indiquer que l'expertise de l'Oniam est aujourd'hui reconnue. Les indicateurs en témoignent : 85 % des contentieux auxquels l'office est confronté sont tranchés en sa faveur ; 95 % des offres qu'il présente aux victimes sont acceptées par elles ; 50 % des litiges soulevés en matière d'accidents médicaux sont réglés par la voie amiable. Cela n'aurait pas été possible sans le soutien de l'ensemble des partenaires (associations de victimes et assureurs) et sans la qualité de l'expertise de tous les agents de l'Oniam.

J'en viens au bilan des actions que j'ai eu la responsabilité de mener au cours des dernières années. Ma nomination en 2011 a coïncidé avec la mise en place du dispositif d'indemnisation des victimes du Mediator et les premiers mois de mon mandat n'ont donc pas été faciles.

Les demandes d'indemnisation des préjudices liés au Mediator font d'abord l'objet d'une instruction par un collège d'experts. Dans un premier temps, ce dernier a fait usage d'une jurisprudence relativement restrictive quant à l'établissement d'un lien de causalité entre l'usage du Mediator et le préjudice invoqué : la charge de la preuve incombait à la victime, ce qui est très difficile en matière de produits de santé. Malgré lui, le collège n'a pas réussi à développer toute la pédagogie dont il aurait voulu faire montre auprès des médias.

Mi-2013, la présidence du collège a été confiée à Alain Legou, premier avocat général honoraire à la Cour de cassation. Celui-ci a imprimé une nouvelle marque en actualisant la jurisprudence sous l'empire de laquelle travaille le collège et en élargissant le faisceau des indices qui peuvent permettre l'établissement d'un lien de causalité. Ceci a permis de relever considérablement le taux d'indemnisation des victimes du Mediator. Le travail important que nous avons effectué avec Alain Legou a également beaucoup porté sur la communication ; il convenait en effet de rappeler que le Mediator était susceptible d'entraîner des préjudices lourds mais que ces préjudices correspondaient à des pathologies précisément identifiées. Les taux d'indemnisation auxquels nous aboutissons aujourd'hui sont conformes aux données de la science.

Le second axe de mon action visait à assurer des indemnisations plus rapides. L'un des principaux avantages de la procédure en vigueur devant l'Oniam est non seulement la gratuité pour les victimes (prise en charge des frais d'expertise par l'office, caractère facultatif du ministère d'avocat) mais aussi la plus grande rapidité dont doit faire preuve le dispositif par rapport à la voie juridictionnelle. Or lorsque j'ai pris mes fonctions, le constat était celui d'un allongement des délais de traitement des dossiers. Il nous a fallu prendre des mesures d'urgence avec le soutien du gouvernement.

Le troisième axe consistait à enrichir notre compétence en matière d'expertise. La phase d'expertise constitue en effet un moment important pour la victime qui peut exposer ce qui lui est arrivé. Nous nous trouvons, de façon générale, dans une période de pénurie d'experts. On ignore souvent que certains médecins peuvent être experts auprès des CCI et de l'Oniam tout en conservant leur activité. Afin de constituer un vivier d'experts, nous avons conclu un protocole d'accord avec la commission nationale des accidents médicaux (CNAMed), qui est chargée de dresser la liste des experts, et la fédération des spécialités médicales (FSM).

La dernière orientation poursuivie était de veiller à l'originalité du dispositif. L'Oniam s'est fait reconnaître par la justice la capacité à ne pas suivre l'avis des CCI. Si cette divergence d'appréciation peut être fondée juridiquement, elle reste peu compréhensible pour l'observateur extérieur, en particulier pour la victime. Dans ce contexte, nous nous sommes réunis régulièrement avec les présidents des commissions régionales pour échanger afin d'éviter les malentendus. Nous avons également communiqué aux CCI les raisons pour lesquelles nous ne suivons pas leur avis, une pratique qui n'avait jusqu'alors pas été mise en place.

Ces actions ont été conduites avec l'objectif plus général d'approfondir les relations amiables tant avec les assureurs - auprès desquels nous recouvrons les sommes que nous avons engagées au titre d'accidents médicaux dont nous estimons après-coup qu'ils ont été fautifs - qu'auprès des victimes.

Les orientations que je souhaite mettre en oeuvre dans les prochaines années reposent sur une réflexion collective menée au sein de l'Oniam. Nous avons bâti un projet d'établissement qui fait tout d'abord ressortir les atouts dont dispose l'office : la qualité de notre expertise juridique et l'engagement de nos collaborateurs ainsi que de toutes les parties prenantes dans l'accompagnement des victimes. Mais nous avons également des marges de progrès s'agissant principalement de la qualité de la relation que nous tissons avec notre environnement.

Pour l'avenir, le premier axe des actions à mener porte donc sur la nécessité de mieux communiquer sur l'Oniam. Il s'agit de mieux faire connaître l'existence du dispositif de règlement amiable des conflits auprès des assureurs et du grand public et d'être plus pédagogue sur la prise en compte obligatoire du critère de gravité dans l'indemnisation des accidents médicaux par la solidarité nationale. Aujourd'hui, les CCI sont en effet contraintes de rejeter deux tiers des dossiers qui leur sont présentés car ils ne remplissent ce critère. Cette orientation passe notamment par la mise en place d'un nouveau site Internet d'ici la fin de l'année et par des actions de communication sur lesquelles nous sommes en train de réfléchir avec le ministère.

Le deuxième axe vise le raccourcissement des délais d'instruction et la constitution d'un vivier d'experts dans les conditions que j'ai mentionnées précédemment.

Le troisième axe concerne la qualité de la relation avec notre environnement. A cet égard, plusieurs partenariats ont déjà été conclus avec le collectif interassociatif sur la santé (Ciss), les fédérations hospitalières (FHF, FHP, Fehap), le Conseil national de l'ordre des médecins (Cnom), le Conseil national de l'ordre des pharmaciens (Cnop) ainsi qu'avec la FSM. Nous avons un projet de protocole d'accord avec la fédération française des sociétés d'assurances (FFSA). Cela passe également par amélioration de l'accueil des victimes elles-mêmes (refonte de l'accueil téléphonique, meilleure formation et soutien des personnels).

Le dernier axe est de veiller à l'affirmation et à la diversification du rôle de l'Oniam. Celui-ci est aujourd'hui devenu l'interlocuteur de référence en matière d'accidents médicaux. Il doit être prêt à se voir confier toute nouvelle mission dès l'instant où celle-ci entre dans son champ de compétences. Il serait sans doute utile à la collectivité nationale que les données dont nous disposons soient exploitées par les autorités sanitaires à des fins de prévention et de recommandations de bonne pratique, dans le respect bien sûr des exigences de confidentialité et de secret médical.

Pour conclure, travailler à la direction de l'Oniam demande d'articuler des préoccupations de gestion avec d'autres dimensions de nature plus juridique et d'accompagner des personnels souvent soumis à rude épreuve face à la souffrance exprimée par les victimes. Mais il s'agit également d'une tache exaltante, au coeur du service public qui vient en aide à nos concitoyens durement atteints par les conséquences d'un aléa thérapeutique.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Amiel

Pouvez-vous rappeler les fondements de la faute médicale ? Est-elle reconnue par la jurisprudence, ou par vos services ? Par ailleurs, je constate qu'il existe beaucoup de polémiques au sujet des vaccins contre l'hépatite B (qui, après avoir été longtemps abandonnés, reviennent quelque peu en force), et contre les infections à papillomavirus humain. Ces discussions ont une dimension médicale, mais aussi philosophique, qui est respectable en tant que telle. Quelle est la gestion des risques liés à ces vaccins ? L'actualité récente nous montre par ailleurs que les notions d'accident du travail et d'imputabilité liée à un vaccin sont distinctes. En définitive, beaucoup de personnes et de groupes d'intérêt s'opposent aujourd'hui à la vaccination. Le Haut Conseil de la santé publique, dans un rapport récent, a rappelé que l'on vaccine contre certaines maladies qui ne sont plus forcément d'actualité, comme la poliomyélite ou la diphtérie. Enfin, j'ai le sentiment que l'Oniam intervient peu dans les médias alors que votre organisme pourrait jouer un rôle de régulateur, voire de modérateur, dans certaines affaires rendues publiques.

Debut de section - Permalien
Erik Rance, directeur de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (Oniam)

S'agissant de la caractérisation de la faute médicale, il revient à l'expert, eu égard à ses connaissances, de déterminer s'il y a eu ou non maladresse ou un défaut dans l'organisation du service. On parle d'aléa thérapeutique lorsque survient un accident anormal par rapport à l'état antérieur du patient et dont la probabilité est inférieure en général à 5 %. Face à cet événement exceptionnel et indésirable, qui ne doit pas être confondu avec les effets indésirables, la loi a prévu d'engager la responsabilité sans faute de l'Etat, et d'indemniser la victime au nom de la solidarité nationale. Comme je l'ai indiqué précédemment, la moitié des avis des commissions régionales de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux aboutit à une indemnisation supportée par les assureurs, l'autre moitié par la solidarité nationale.

S'agissant des conséquences de la vaccination contre l'hépatite B, le sujet a été tranché juridiquement, puisque le Conseil d'Etat a établi une présomption d'imputabilité lorsque les symptômes surviennent quatre à six mois après la vaccination. Une commission régionale à Bordeaux a récemment reconnu cette imputabilité, contrairement à la Commission d'indemnisation des victimes d'infractions. Nous avons été confrontés à la même difficulté avec le vaccin contre le virus H1N1. Il faudra attendre que l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) se prononce. En cas d'absence de consensus médical, il reviendra à la justice de trancher, comme ce fut le cas pour l'hépatite B.

J'ajoute que la loi interdit à l'Oniam d'intervenir dans les médias en cas d'accident médical, au nom du secret médical, ce qui me semble justifié. En revanche, je pense que nous devons améliorer notre communication institutionnelle, afin d'expliquer les critères d'imputabilité et d'indemnisation.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

Pouvez-vous nous rappeler le budget de l'Oniam et ses effectifs ? Quels liens entretenez-vous avec les autres institutions dans le domaine de la sécurité sanitaire ?

Debut de section - Permalien
Erik Rance, directeur de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (Oniam)

Nous disposons en 2014 d'un budget 170 millions d'euros, dont 15 millions de droit de tirage si notre organisme avait dû se substituer au laboratoire responsable pour indemniser les victimes du Mediator. Mais toutes les propositions d'indemnisation de l'Oniam sur ce dossier ont été acceptées, rendant caducs ces droits de tirage. Le budget en 2015 atteindra 163 millions d'euros pour indemniser les accidents médicaux. Les indemnisations pour les accidents liés à l'hépatite B bénéficieront d'une enveloppe de 16 millions d'euros, contre 21 millions cette année, compte tenu de l'apparition de nouveaux traitements. Comme nous devons attendre la consolidation de l'état des victimes, ces chiffres ne constituent que des prévisions. Nous consacrons 10 millions d'euros pour les frais de personnel, qui concernent 105 équivalents temps plein, soit 120 collaborateurs environ : 70 personnes travaillent au siège, dont 20 sont dédiées au dossier du Mediator.

Je souhaite resserrer les liens de l'Oniam avec les autres agences dans le domaine sanitaire. Nous avons noué une relation étroite avec l'Etablissement français du sang, qui était en charge jusqu'en 2010 d'indemniser les victimes des vaccins contre l'hépatite B. Je souhaite tisser des liens avec la Haute Autorité de santé (HAS) et le ministère pour améliorer la prévention.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

Quelle est la proportion d'indemnisations liées à des accidents individuels, à des procédures organisationnelles ? Le rôle de votre organisme est plus intéressant si l'on peut agir sur les procédures inadaptées. Faut-il se méfier du personnel médical comme de la peste ?

Debut de section - Permalien
Erik Rance, directeur de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (Oniam)

Loin de moi l'idée de stigmatiser le personnel médical ! La loi a créé auprès de l'Oniam l'observatoire des risques médicaux, qui indique que la très grande majorité des accidents médicaux ont lieu dans les établissements de santé - ce qui va de soi-, et que deux-tiers de ces accidents concernent la chirurgie. Vient ensuite le domaine de l'orthopédie, et notamment les risques liés aux prothèses. Mais la responsabilité du fabricant de prothèse est assez rarement engagée. Il y aurait un travail à faire sur les accidents médicaux récurrents, afin de déceler les gestes maladroits en cause, et d'aboutir à des recommandations de bonne pratique formulées par les autorités compétentes. Comme je l'ai indiqué, sur les 1 300 avis émis par les commissions régionales, la moitié aboutit à une indemnisation prise en charge par la solidarité nationale, l'autre par les assureurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

Il faudrait parfois pouvoir mettre en cause les fabricants de prothèses !

Debut de section - Permalien
Erik Rance, directeur de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (Oniam)

Encore faut-il que l'expert ait démontré au préalable un défaut de fabrication de la prothèse.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

La loi a introduit récemment dans notre droit les actions de groupe, que la ministre de la santé souhaite adapter dans le domaine sanitaire. Votre organisme sera-t-il concerné par cette mesure ? Ce sujet est important à mes yeux : suite à l'affaire des infections nosocomiales à la clinique du sport à Pairs, révélée en 1997, j'avais déposé une proposition de loi au Sénat pour défendre les victimes.

Debut de section - Permalien
Erik Rance, directeur de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (Oniam)

Ce sujet est tout récent, car il figure dans le projet de loi relatif à la santé présenté en Conseil des ministres le 15 octobre 2014, dans lequel l'Oniam n'est pas cité à ma connaissance. Je pense néanmoins que notre organisme peut jouer un rôle important au cours de la phase de médiation, compte tenu de son expérience. Face à des dommages sériels, comme dans l'affaire de la Clinique du sport ou du Mediator, nous avons en effet été en mesure de proposer des indemnisations à l'amiable, et de gagner ainsi du temps par rapport à une procédure juridictionnelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Je souhaite préciser à mes collègues que nous ne devrions pas examiner le projet de loi relatif à la santé avant mars voire avril 2015.

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Giudicelli

Les infections nosocomiales touchent malheureusement de nombreuses personnes : le nombre de ces infections augmente-t-il ou baisse-t-il ? En d'autres termes, est-il devenu dangereux aujourd'hui d'aller à l'hôpital ?

Debut de section - Permalien
Erik Rance, directeur de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (Oniam)

De nombreuses mesures ont été prises depuis le début des années 2 000 pour lutter contre les infections nosocomiales. On compte aujourd'hui environ 750 000 nouveaux cas par an en France. Un mécanisme protecteur de quasi présomption en matière de responsabilité médicale a été mis en place : si aucun document ne prouve qu'un patient était touché par une maladie nosocomiale avant son admission à l'hôpital, et qu'il l'a contractée à sa sortie, alors la responsabilité de l'hôpital est engagée. En dessous d'un seuil de gravité fixé à 25 %, ce sont les assureurs qui doivent prendre en charge les indemnités. Au-delà, cette mission incombe à l'Oniam, qui a ainsi à traiter environ 50 dossiers par an. Je précise qu'un seuil de gravité en deçà de 25 % représente malgré tout une gêne réelle pour la victime.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Dilain

Quels sont les liens entre l'Oniam et les associations d'aide aux victimes d'accidents médicaux ? Votre organisme étant l'un des rares établissements publics à avoir fait le choix de s'installer en Seine-Saint-Denis, ce dont je ne peux que me féliciter. Avez-vous été confronté à des problèmes liés à ce choix ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

De nombreux établissements publics ont déjà fait le choix de s'installer dans votre département mon cher collègue...

Debut de section - Permalien
Erik Rance, directeur de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (Oniam)

L'Oniam discute avec toutes les associations d'aide aux victimes d'accidents médicaux, mais par souci d'efficacité, nous avons noué des contacts avec le Collectif interassociatif sur la santé (Ciss). Ce collectif désigne par exemple des représentants à notre conseil d'administration. Au-delà de ces liens institutionnels, il existe des relations quotidiennes de collaboration, qui ont débouché récemment sur un protocole de partenariat. Nous nous obligeons ainsi à nous informer réciproquement, notamment à travers nos sites internet. En outre, plutôt que de recourir à des sondages, nous avons préféré demander au Ciss d'évaluer la qualité de nos services, qu'il s'agisse de l'Oniam ou des CRCI.

De nombreux établissements publics sanitaires sont implantés en Seine-Saint-Denis : l'EFS, la HAS, ou encore le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (Fiva)... Notre localisation à Bagnolet depuis 2004 n'a pas entraîné de difficultés particulières, les mesures de sécurité actuelles visant en réalité à protéger les agents contre certaines victimes parfois tumultueuses...

La commission procède à l'audition de MM. Gérard Rivière, président du conseil d'administration, et Pierre Mayeur, directeur, de la Caisse nationale d'assurance vieillesse sur le projet de loi n° 2252 (AN XIVe) de financement de la sécurité sociale pour 2015.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

L'audition de M Gérard Rivière, président du conseil d'administration de la Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav), et de Pierre Mayeur, directeur, vient clore le cycle d'auditions que nous avons organisé sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2015.

Nous souhaitons notamment connaître les évolutions financières de la branche vieillesse en 2015 et au-delà, avoir des précisions sur la mise en oeuvre de la loi du 20 janvier 2014 garantissant l'avenir et la justice du système de retraites.

Debut de section - Permalien
Gérard Rivière, président du conseil d'administration de la Caisse nationale d'assurance vieillesse

Le solde de la branche vieillesse du régime général, en déficit continu depuis 2005, arrive enfin à un niveau proche de l'équilibre (- 1,5 milliard d'euros), grâce à une hausse significative des recettes qui lui ont été affectées. Sous l'effet conjugué des différentes réformes législatives et financières intervenues depuis 2010, les ressources supplémentaires atteindront au total 30 milliards d'euros en 2018. Autrement dit, sans ces réformes, le déficit de la Cnav aurait avoisiné 30 milliards d'euros à cette date.

Notre branche, contrairement à celles de l'assurance-maladie et de la famille, bénéficie de deux stabilisateurs automatiques : les transferts du Fonds de solidarité vieillesse (FSV), afin de compenser les pertes de cotisations liées aux périodes de chômage des salariés, et le plafond de la sécurité sociale, dont la revalorisation annuelle permet d'augmenter nos ressources.

Nos dépenses ont progressé de 3,9 % en 2013, contre 3,5 % en 2012, du fait de l'augmentation du nombre des départs à la retraite anticipée. Suite à la loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites et au décret du 2 juillet 2012 relatif à l'âge d'ouverture du droit à pension de vieillesse, nous avons enregistré 145 900 départs à la retraite anticipée en 2013, sur un total de 700 000 départs.

Compte tenu de la baisse du nombre de départs annuels à la retraite et de la diminution de la revalorisation des pensions, le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale de septembre dernier prévoit que la progression de nos dépenses ralentira avec un taux de croissance de 2,3 % en 2014 et 2,5 % en 2015. S'agissant de nos recettes, après une croissance de 5,7 % en 2013, la hausse devrait être de 3,7 % en 2014 et 2,7 % en 2015.

J'ajoute que lors de l'examen pour avis du PLFSS 2015 devant notre conseil d'administration, ce texte n'a recueilli aucune voix, ce qui constitue un fait sans précédent dans l'histoire de notre institution.

Debut de section - Permalien
Pierre Mayeur

La précédente convention d'objectifs et de gestion (COG) entre l'Etat et l'assurance vieillesse couvrant la période 2009-2013, nous avons consacré l'année 2013 à définir nos orientations stratégiques pour la période 2014-2017 : celles-ci ont été adoptées en février 2014 par notre conseil d'administration. La nouvelle COG a ensuite été adoptée début septembre par notre conseil d'administration, avant d'être signée par la ministre le 18 septembre.

Cette convention s'articule autour de trois axes : la coopération interrégimes, la promotion des services numériques et de l'innovation, et le renforcement des performances sociales.

Avec ce dernier axe, nous visons la qualité du service rendu, la maîtrise des risques, la certification des comptes par la Cour des comptes et la réduction de nos coûts de fonctionnement. Nous devons démontrer aux agents de la Cnav la pertinence des réformes engagées. Dans un contexte budgétaire très contraint, le Gouvernement a imposé un effort aux régimes de sécurité sociale de 500 millions d'euros en 2014. Nous devons ainsi « rendre » 743 emplois à l'occasion du départ à la retraite de 1 512 agents, soit un taux de remplacement d'un agent sur deux, étant précisé que nous comptons au total 13 000 agents. Pour mémoire, nous avons déjà rendu 750 emplois sur la période 2009-2013.

Nous avons également fourni des efforts sur notre budget de fonctionnement, puisque comme tous les opérateurs, nous devons réduire nos frais chaque année de 5 % en 2014, 2015 et 2016. Je précise qu'à compter de 2017, nous disposerons de 172 agents pour gérer le compte personnel de prévention de la pénibilité.

M. Gérard Rivière. - S'agissant de l'action sociale des caisses de retraite, nous avons connu d'importantes modifications depuis quatre ans et nous avons mis en place avec la Mutualité sociale agricole (MSA) et le Régime social des indépendants (RSI) un comité de pilotage et de coordination sur tout le territoire. Nous avons aussi créé un label commun dont l'intitulé est « pour bien vieillir, ensemble, les caisses de retraite s'engagent ».

La Cnav travaille également en étroite collaboration avec les conseils généraux dans le cadre de la politique gérontologique qui n'est plus centrée sur les aides ménagères mais sur la prévention de la perte d'autonomie. Ce rôle est d'ailleurs reconnu par le projet de loi relatif à l'adaptation de la société au vieillissement. La dernière COG en a tiré les conséquences, en dédiant 377 millions d'euros à l'action sociale en 2014, contre 365 millions en 2013. En 2017, ces crédits s'élèveront à 395 millions d'euros, soit une progression significative de 8,3 % par rapport au niveau atteint en 2013. La Cnav jouera également un rôle d'adaptation des logements individuels, en lien avec l'Agence nationale d'amélioration de l'habitat. Nous participons également à la politique de rénovation du logement intermédiaire, c'est pourquoi nos crédits de 80 millions d'euros seront renforcés par des dotations exceptionnelles de l'ordre de 20 millions d'euros de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA). En outre, les foyers logement deviendront des « résidences autonomie ».

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Roche

Il convient de rappeler, au préalable, que les dépenses de la branche vieillesse de l'ensemble des régimes obligatoires de base représentent 224 milliards d'euros en 2015, soit la première dépense sociale de France. À elles seules, les dépenses de la branche vieillesse du régime général représentent 120,9 milliards d'euros.

La date de retour à l'équilibre budgétaire de la Cnav, fixée à 2017, n'est-elle pas trop optimiste ?

Je suis étonné par l'opposition massive de votre conseil d'administration au PLFSS pour 2015.

Suite au décret du 2 juillet 2012, quel est le coût des départs anticipés à la retraite ?

Quels ont été les impacts, pour la Cnav, de la loi du 20 janvier dernier garantissant l'avenir et la justice du système de retraites ? Comment le conseil d'administration de la Cnav s'est-il positionné vis-à-vis des différents décrets d'application qui ont été promulgués au cours de l'année ?

Comment se déroulera concrètement l'intégration financière du régime social des indépendants (RSI) au régime général au 1er janvier 2015, prévue par la loi de financement rectificative de la sécurité sociale du 8 août dernier ?

Pouvez-vous faire un point sur le groupement d'intérêt public (GIP) « information retraite », qui constitue une avancée formidable ?

Enfin, en tant qu'ancien président de conseil général, je serai un peu plus critique sur l'action sociale menée par la Cnav. Les personnes classées dans les groupes iso-ressources (GIR) 5 et 6 ne peuvent pas bénéficier de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA), mais seulement de l'aide-ménagère fournie par les régimes de retraite. Or, vos crédits sont insuffisants, et de ce fait peut se développer la tentation de classer en GIR 4, pour les faire bénéficier ainsi de l'APA, des personnes qui relèveraient plutôt des GIR 5 et 6. Au final, 70 % des dossiers que gère le département relèvent du GIR 4.

Debut de section - Permalien
Gérard Rivière, président du conseil d'administration de la Caisse nationale d'assurance vieillesse

Le déficit de la Cnav était de 8,9 milliards d'euros en 2010 ; il sera seulement de 1,5 milliard en 2015. Nous prévoyons un léger excédent de 400 millions d'euros en 2017. Certes, ces prévisions dépendent de variables telles que le taux de croissance de l'économie, ou encore de la masse salariale (+ 4,2 % en 2017 et 2018), mais elles restent d'actualité. Le régime est fortement marqué par les effets démographiques et notamment le papy-boom, bien plus importants que ceux liés à l'espérance de vie. En outre, les réformes récentes ont abouti à des effets de seuil, créant des à-coups, qui se feront sentir jusqu'aux générations nées en 1955.

En réalité, comme je le dis devant votre commission depuis trois ans, l'attention ne doit pas tant porter sur le déficit de la Cnav que sur celui du FSV, qui est un vrai sujet de préoccupation. Ce Fonds sert de stabilisateur automatique à la Cnav, tout en creusant son propre déficit. Ainsi, le déficit du FSV devrait atteindre 3,7 milliards d'euros en 2014 (et 2,9 milliards en 2015), pour 20 milliards d'euros d'engagement. En regard, la Cnav enregistrera un déficit de 1,7 milliard d'euros pour une enveloppe de 110 milliards de prestations. Bref, le FSV, qui reposait sur une idée pertinente lors de sa création, est aujourd'hui dans une situation paradoxale compte tenu de son déficit structurel. Son financement, initialement assuré par la contribution sociale généralisée, se complexifie et devient illisible à cause des nombreux « branchements de petits tuyaux » que l'on observe chaque année...

Depuis 2004, pas moins de 900 000 personnes ont pu partir à la retraite de manière anticipée, pour un coût de 17 milliards d'euros. En vérité, malgré une appellation commune, les dispositifs de retraite anticipée pour carrière longue, créés en 2004, qui se seraient éteints d'eux-mêmes sans les réformes engagées depuis 2010, sont bien différents de celui mis en place par le décret du 2 juillet 2012. Lorsque l'on a commencé à travailler à 14 ans et que l'on s'arrête à 60 ans, on a indiscutablement connu une carrière longue. Lorsqu'on a commencé à travailler peu avant 20 ans, c'est plus contestable...

Vous m'avez interrogé, monsieur le rapporteur, sur les effets de la loi du 20 janvier 2014 garantissant l'avenir et la justice du système de retraites pour la Cnav. Pour l'instant, elle nous a apporté des ressources nouvelles. La plupart des autres mesures qu'elle prévoit n'auront un effet sur les dépenses qu'à moyen et long terme. Ce sera le cas par exemple pour le décret qui permet d'acquérir un trimestre d'assurance retraite en cotisant 150 heures payées au Smic contre 200 heures auparavant. De la même façon, le décret sur la prise en compte de l'ensemble des trimestres de congé de maternité pour les femmes n'aura un effet que dans plus de vingt ans puisqu'il ne concerne que les mères d'enfants nés à partir du 1er janvier 2015.

A ce jour, 23 décrets d'application de la loi ont été publiés. Il s'agit d'un rythme de parution que je qualifierais de « normal ». Manquent toutefois à l'appel plusieurs décrets importants tels que ceux relatifs au handicap ou bien encore celui relatif au taux plein pour les bénéficiaires de l'allocation de solidarité aux personnes âgées justifiant d'une incapacité permanente. Ces dispositions sont pourtant censées entrer en vigueur au 1er février 2015...

Pour mémoire, l'avis du conseil d'administration de la Cnav sur le projet de loi garantissant la justice et l'avenir du système de retraites avait été négatif. Les votes négatifs sur ce projet de loi comme sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 ont été émis, vous vous en doutez, pour des raisons diamétralement opposées : les syndicats d'employeurs trouvent que les mesures de réduction du déficit structurel sont insuffisantes, les syndicats de salariés déplorent le gel des pensions qui s'est produit en 2014 !

L'intégration financière du RSI est un processus comptable qui se distingue d'un adossement. Mais je dois dire que la façon dont les choses ont été annoncées avait de quoi surprendre. Nous avons appris cette intégration de la bouche de la ministre lors de la réunion de la commission des comptes de la sécurité sociale de juin 2014 : ni les présidents, ni les directeurs de la Cnav, de la Cnam et du RSI n'avaient été consultés ! L'idée est visiblement d'aller à terme vers des comptes uniques pour la plus grande partie des régimes. L'intégration financière sera accompagnée de ressources nouvelles. La Cnav devant verser une dotation d'équilibre au RSI de 1,7 milliard d'euros en 2015, elle recevra une compensation sous la forme d'une part de la contribution sociale de solidarité des sociétés (CSSS), impôt que percevait le RSI. Toutefois, la C3S est en cours de disparition. Qu'en sera-t-il en 2016 et 2017, nous l'ignorons pour le moment. J'aurai l'occasion de vous reparler de ce problème puisque je resterai à mon poste jusqu'à l'automne 2017 !

Debut de section - Permalien
Pierre Mayeur

La loi du 20 janvier 2014 prévoit la création du GIP Union des institutions et services de retraite qui va remplacer le GIP info retraite créé par la loi de réforme des retraites de 2003.

Il s'agit notamment de poursuivre les efforts en matière de droit à l'information des assurés, avec notamment le relevé individuel de situation envoyé tous les cinq ans à partir de l'âge de 35 ans ou bien l'estimation indicative globale à partir de 55 ans. Mais l'Union abordera aussi d'autres sujets. Le Gouvernement a confié une mission de préfiguration de ce nouveau GIP à M. Jean-Luc Izard, directeur du GIP info retraite. Le conseil d'administration du nouveau GIP se réunira en novembre pour acter sa transformation. Les attentes sont très fortes mais rien ne se fera sans les régimes eux-mêmes. Il sera nécessaire de bien cibler les priorités et actions phares qui seront menées par ce nouveau GIP afin de renforcer l'accessibilité et la simplicité de l'information communiquée aux assurés.

Debut de section - Permalien
Gérard Rivière, président du conseil d'administration de la Caisse nationale d'assurance vieillesse

En ce qui concerne les GIR, les remontées du terrain de notre côté ne sont pas les mêmes que celles dont vous nous faites part. Selon vous, nous ferions basculer des gens des GIR 5 et 6 au GIR 4 afin qu'ils soient pris en charge par les départements. Or, on nous rapporte plutôt le contraire...

Le conseil d'administration du 5 novembre prochain adoptera le relèvement du taux horaire de l'aide-ménagère à domicile de 3,5 % : comme vous le voyez, nous poursuivons nos efforts en matière d'aide sociale, avec un budget dont le montant est fixé cette année à 377 millions d'euros. Il est par contre exact que lorsque nous rencontrons des difficultés financières en fin d'année, nous avons un peu tendance à serrer les vis. Plus largement, l'augmentation du nombre de personnes âgées, surtout au-delà de 75 ans, ainsi que le maintien de plus en plus fréquent à domicile nous posent des difficultés. J'avais bien conscience du problème au moment de la signature de la convention d'objectifs et de gestion : il aurait sans doute été souhaitable que le budget consacré à l'aide sociale augmente davantage...

Debut de section - Permalien
Pierre Mayeur

Notre système d'aide sociale ne repose pas sur une obligation légale, c'est ce qui explique que lorsque nous n'avons plus de crédits nous arrêtons les prestations et avons régulièrement recours à des mesures un peu drastiques en fin d'année.

Sur la question des GIR, je crois qu'il serait nécessaire les conseils généraux et les Carsat s'évaluent mutuellement.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

De graves problèmes se sont produits cette année dans la Carsat Nord-Picardie auprès de laquelle de nombreux assurés ne parviennent pas à obtenir la liquidation de leur pension de retraite en raison du manque de personnels disponibles. La Carsat a même dû fermer ses portes du 1er au 17 octobre.

Depuis le 1er janvier 2011, sur 1 800 salariés partis à la retraite dans les Carsat, 267 n'ont pas été remplacés. Pour 115 départs dans la Carsat Nord-Picardie, il n'y a eu que 31 embauches, dont 24 en CDD. Cette situation génère une grande souffrance des personnels, qui en plus de la colère des usagers, subissent une forte augmentation des contrôles au nom de la lutte contre la fraude.

En ce qui concerne la réduction du déficit de la Cnav, vous nous avez expliqué que celui-ci avait pu diminuer grâce à l'apport de 30 milliards d'euros ces dernières années. Nous aimerions savoir qui a fait ces efforts. Les salariés ont vu leur durée de cotisation augmenter, tout comme le taux des cotisations salariales. Les retraités ont subi des gels de pension. Quid de la participation du capital ?

En ce qui concerne le compte personnel de prévention de la pénibilité, le Gouvernement a reculé en prévoyant une prise en compte des différents facteurs de pénibilité en deux temps. En outre, certains seuils sont trop élevés : un salarié qui utilise un marteau-piqueur deux heures par jour n'atteint pas le seuil de pénibilité. Or si la pénibilité n'est pas mieux prise en compte, cela représentera au final un surcoût pour notre protection sociale.

Nous partageons votre avis sur la question de l'intégration du RSI au régime général.

Votre action sociale ne nous paraît pas suffisamment tenir compte des inégalités sur le territoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Labazée

Au sujet du FSV, je voudrais rappeler le problème de son financement en 2014 par la Casa alors que celle-ci était destinée à financer la prise en charge de la dépendance.

Je pratique localement en Aquitaine un partenariat entre la Carsat, la MSA et les conseils généraux. L'organisation est-elle la même sur l'ensemble du territoire ? La Cnav a-t-elle prévu une péréquation entre les Carsat ?

Avez-vous été saisis par la ministre des affaires sociales du problème des moniteurs de ski qui ne bénéficient pas de droit à l'assurance retraite pour leur période d'activité entre 1963 et 1978, problème que j'avais soulevé en séance publique lors de l'examen de la proposition de loi visant à mettre en place un dispositif de réduction d'activité des moniteurs de ski ayant atteint l'âge de liquidation de leur pension de retraite et souhaitant prolonger leur activité au bénéfice des nouveaux moniteurs ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Baptiste Lemoyne

Etes-vous en mesure de chiffrer la contribution respective, dans la diminution du déficit de la Cnav, des effets des mesures d'âge de la réforme des retraites de 2010 et des hausses de cotisations qui ont eu lieu ces dernières années ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Tourenne

Vous consacrez 80 millions d'euros aux résidences autonomes. Ce montant est insuffisant pour que cette politique soit efficace. Les foyers logements étaient des structures utiles pour permettre la socialisation de personnes âgées. Hélas, ils tendent de plus en plus à disparaître et à se transformer en établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), sous l'effet du vieillissement de leurs pensionnaires.

En termes de prévention, nous sommes condamnés à l'innovation car il nous faut trouver les moyens d'accompagner les personnes âgées de façon digne et restaurer les solidarités de proximité. En outre, les enfants des personnes âgées en veulent toujours davantage, et les plus exigeants sont souvent ceux qui en font le moins pour leurs parents !

Je rejoins Gérard Roche sur la question des GIR 5 et 6. Je crois qu'il serait nécessaire de faire la lumière une bonne fois pour toutes sur ces questions et de définir de bonnes attitudes pour l'avenir. Les montants alloués à l'aide personnalisée à l'autonomie (APA) ont doublé en Ille-et-Vilaine en dix ans et faire passer des personnes des GIR 5 et 6 au GIR 4 cause non seulement un préjudice aux finances départementales mais tend aussi à nuire aux personnes âgées elles-mêmes qui, quand elles sont trop accompagnées, tendent à glisser plus rapidement dans la dépendance.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Amiel

En ce qui concerne la dépendance, je crois que la volonté de maintenir les gens au maximum à domicile ne peut être la réponse adéquate à toutes les situations. En outre, le problème du financement d'un cinquième risque reste entier.

Je souhaiterais aussi évoquer un problème plus ponctuel que j'ai pu observer dans ma ville des Bouches-du-Rhône. Nous avons une résidence foyer pour les personnes handicapées adossée à un Ehpad et quand les personnes handicapées vieillissent, elles sont transférées à l'Ehpad. La cohabitation avec les personnes âgées valides est souvent difficile et je crois qu'il faudrait des structures spécifiques pour les personnes handicapées âgées.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cadic

La question des déficits du FSV que vous avez évoquée m'a particulièrement interpellé. Pourriez-vous nous rappeler le montant de ce déficit annuel et la façon dont il est financé ?

Par ailleurs, je souhaiterais, en tant que sénateur des Français de l'étranger, évoquer la question des certificats de vie que doivent produire chaque année les expatriés pour continuer à percevoir leur retraite des régimes français. Il leur faut se rendre au consulat, parfois éloigné de leur domicile, et le réseau diplomatique doit affecter beaucoup de personnels à cette activité. Ne serait-il pas possible, au moins pour les Français qui résident dans un autre pays de l'Union européenne et qui représentent la moitié de nos expatriés, de leur permettre d'avoir recours à un certificat sur l'honneur.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Si l'on veut vraiment rationaliser les coûts, il serait nécessaire de mettre en place un instrument unique d'évaluation pour les personnes âgées et d'amender le projet de loi relatif à l'adaptation de la société au vieillissement pour prévoir des instructions communes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Morisset

Les Ehpad rencontrent aujourd'hui des difficultés en raison des obligations qui sont les leurs en matière de mise aux normes et d'accessibilité. Les Carsat ont-elles la volonté de leur apporter des aides supplémentaires ?

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

Vous nous avez indiqué que 172 personnes seront affectées à la gestion du compte personnel de prévention de la pénibilité. Comment avez-vous commencé à vous organiser pour mettre en oeuvre ce dispositif ?

Debut de section - Permalien
Pierre Mayeur

Je souhaiterais tout d'abord répondre aux interrogations de M. Watrin relatives à la Carsat Nord-Picardie.

Vous avez raison, cette Carsat rencontre cette année des difficultés, tout comme celle du Languedoc-Roussillon d'ailleurs. Il y a deux raisons à cela. La réforme des retraites de 2010 et le décret du 2 juillet 2012 ont provoqué des départs en retraite beaucoup plus heurtés avec certaines périodes creuses et des périodes où les départs sont beaucoup plus considérables. En 2014, notre réseau a dû faire face à trois pics en avril, juin et septembre. Le pic de septembre a été particulièrement brutal en Nord-Picardie avec la présence très forte d'une population qui compte de nombreuses carrières longues ouvrières. En outre, cette Carsat doit faire face depuis longtemps à un taux d'erreur lors de la liquidation des pensions beaucoup plus important que dans les autres régions, relevé par la Cour des comptes lors de ses opérations de certification, ce qui explique le renforcement des contrôles.

Pour résoudre ces difficultés, je me suis rendu à Lille afin de rencontrer les personnels de la caisse et nous avons décidé de la fermer de manière temporaire, c'est-à-dire de ne plus recevoir pendant quelques jours les personnes qui n'avaient pas encore pris rendez-vous afin que nos techniciens retraite puissent se concentrer sur le stock de dossiers à traiter. Nous allons aussi mettre en place une meilleure coordination entre nos Carsat et prévoir des dispositifs de solidarité et d'entraide. Nos employés de Dijon, d'Orléans et de Nancy seront notamment chargés de venir en aide aux caisses en difficulté. La fin d'année 2014 et le premier semestre de 2015 devraient être des périodes nettement plus calmes.

Au total, monsieur Watrin, je ne pense pas qu'il soit possible d'établir un lien entre les diminutions d'effectifs et les difficultés de certaines caisses puisque toutes les caisses participent aux efforts et ne rencontrent pour la plupart pas de problèmes. C'est vraiment le contexte propre à la Carsat Nord-Picardie qui posait des difficultés, et plus particulièrement la façon d'organiser le travail, mais nous sommes en train de les surmonter grâce au plan d'action de son directeur.

Debut de section - Permalien
Gérard Rivière, président du conseil d'administration de la Caisse nationale d'assurance vieillesse

Sur l'action sociale, depuis 2005 et la création de l'APA, les caisses de retraite sont chargées de mener la politique en faveur des GIR 5 et 6 et les départements la politique en faveur des GIR 4 et suivants. Toute la difficulté se concentre sur le passage du GIR 5 au GIR 4. Pour répondre aux questions récurrentes qu'engendre ce partage des responsabilités, nous avons demandé un rapport à l'Igas qui n'a pas mis en lumière de transferts abusifs de prises en charge des Carsat vers les départements ou vice versa.

Plus largement, je crois que la grille Aggir est mal adaptée aux personnes qui ne sont pas dépendantes et néglige les questions relatives à l'environnement de la personne et aux solidarités de proximité. Cette question devrait être mieux traitée grâce au projet de loi sur l'adaptation de la société au vieillissement qui sera prochainement en discussion au Sénat.

Sur le FSV, l'apport de la Casa n'était que provisoire et d'autres ressources lui seront affectées dès 2015. Le déficit du FSV est transféré tous les ans à la Cades qui a 135 milliards d'euros à amortir et bénéficie actuellement de taux historiquement bas. La fin de l'amortissement de cette dette est prévue pour 2024 mais il faudrait pour cela que le régime général et le FSV ne soient plus en déficit ou bien accompagner le transfert de ces déficits de nouvelles ressources à la Cades.

A l'image de ce qui se produit en Aquitaine, des structures inter-régimes sont mise en place sur l'ensemble des territoires, sous la forme d'associations, de groupement d'intérêt économique (GIE), de groupement de coopération social et médico-social (GCSMS)....

Adapter tous les logements individuels pour faire face au vieillissement coûte très cher, d'autant que les travaux ne seront parfois utiles que pendant une courte période puisque la personne devra partir en établissement ou décèdera.

Nous souhaiterions participer au financement des Ehpad comme nous participons au financement des foyers logement mais la loi de 2005 a raboté les crédits d'intervention de la Cnav et, surtout, nous n'avons pas le droit de participer à leur financement dans la mesure où ils relèvent de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA).

Debut de section - Permalien
Pierre Mayeur

Sur le sujet des retraites des expatriés, beaucoup de progrès ont été réalisés avec les autres pays de l'Union européenne dans le domaine de la mutualisation des certificats de vie. Nous avons notamment beaucoup d'échanges dématérialisés avec l'Allemagne au sujet des ressortissants français qui vivent outre-Rhin.

Poursuivre cette mutualisation avec nos partenaires européens permettrait de résoudre les difficultés de 40 % des retraités français qui vivent hors de nos frontières avec un degré de fiabilité identique à celui que nous pouvons garantir en France. La question des pays situés hors de l'Union européenne est beaucoup plus complexe.

Monsieur Lemoyne, il est possible d'estimer qu'à court terme les apports de recettes nouvelles ont permis d'accomplir 75 % de la réduction du déficit de la Cnav et les mesures d'âge 25 %. A long terme, les mesures d'âge ont naturellement un impact financier beaucoup plus important.

Madame Procaccia, la loi du 20 janvier 2014 garantissant l'avenir et la justice du système de retraites a en effet fait de la Cnav l'opérateur chargé de la gestion du compte personnel de prévention de la pénibilité. C'est pour la Cnav une reconnaissance de la qualité de son travail mais nous ne nous prononçons en aucun cas sur les arbitrages politiques qui ont été rendus sur ce dispositif.

Nous avons mis en place une plate-forme de services installée à Limoges qui sera en mesure de répondre aux appels téléphoniques des employeurs et des salariés dès le début du mois de novembre. En outre, dès lundi prochain, le site www.preventionpenibilite.fr sera disponible en ligne.

En 2015, l'activité relative au compte pénibilité devrait être assez limitée. Les employeurs devront déclarer leurs employés confrontés à des facteurs de pénibilité début 2016 avec les DADS et les salariés pourront consulter les informations relatives à leurs données pénibilité sur leur compte individuel en ligne. C'est aussi début 2016 que les DADS seront progressivement remplacées par la déclaration sociale nominative mensuelle, ce qui réclame un travail important de coordination avec les éditeurs de logiciels et les experts comptables.

A plus long terme, les salariés vont acquérir des points, qui leur permettront d'obtenir des majorations de durée d'assurance : toutefois, la montée en charge du dispositif pour nos personnels devrait s'opérer de manière très progressive. Dans l'immédiat, nos agents gèreront les comptes et contrôleront l'exactitude des déclarations des employeurs en cas de contestation des salariés.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Gatel

Sur le terrain, les artisans et les dirigeants de PME expriment une très vive inquiétude vis-à-vis des formalités qu'ils auront à accomplir. Il est difficile pour nous autres parlementaires de percevoir si les problèmes qu'ils rencontrent viennent de la nouveauté du dispositif ou bien d'une véritable complexité intrinsèque.

Debut de section - Permalien
Pierre Mayeur

Les quatre premiers facteurs de pénibilité qui entreront en vigueur au 1er janvier 2015 sont les plus simples à mettre en oeuvre. Pour les six autres facteurs, les modalités d'application seront plus complexes mais la deuxième mission de Michel de Virville devrait permettre d'établir des guides d'utilisation au niveau des branches que pourront utiliser les employeurs et qui permettront une application harmonisée du dispositif sur l'ensemble du territoire.

La commission nomme Mme Catherine Procaccia, rapporteur sur la proposition de loi n° 622 (2013-2014) tendant à réformer le système de sécurité sociale des étudiants.

La réunion est levée à 12 heures 40.