Intervention de Gérard Cornu

Commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire — Réunion du 28 octobre 2014 : 1ère réunion
Simplification de la vie des entreprises — Examen du rapport pour avis

Photo de Gérard CornuGérard Cornu, rapporteur :

Nous examinons aujourd'hui le projet de loi relatif à la simplification de la vie des entreprises, adopté par l'Assemblée nationale le 22 juillet dernier, après engagement de la procédure accélérée.

Mon rapport ne concerne qu'une partie de ce texte : nous nous sommes saisis pour avis de trois articles et la commission des lois, compétente au fond, nous en a délégué trois autres pour examen au fond.

Vous serez peut-être surpris d'avoir à examiner un tel texte aujourd'hui, alors même que nous avons déjà eu à nous prononcer sur un texte de même nature, il y a quelques mois à peine, en janvier dernier.

Je crois que nous partageons tous, ici, l'objectif affiché de ce texte : décomplexifier le droit, simplifier un certain nombre de procédures administratives qui nuisent à la compétitivité de nos entreprises, souvent écrasées sous le poids de démarches trop lourdes, parfois redondantes ou peu rationnelles. Nous l'avons souvent évoqué ici : il est urgent de recréer un environnement favorable et attractif pour l'entrepreneuriat en France.

Ce diagnostic posé, il reste que les parlementaires que nous sommes sont fondés à s'interroger sur la méthode ici retenue. En tant qu'élus locaux, nous sommes en effet bien souvent plus en prise avec les difficultés rencontrées par les entreprises ou même les particuliers, sur le terrain, que les concepteurs des projets de loi, aussi compétents soient-ils.

Je voudrais m'arrêter un instant sur ce point, avant de vous exposer les articles dont nous sommes saisis.

Ce projet de loi est le septième texte de simplification soumis à l'examen du Parlement depuis 2003, et le deuxième, depuis septembre 2013, touchant à la vie des entreprises.

Comme c'était le cas pour le précédent, il vise à mettre en oeuvre, avant le 1er janvier 2015, une série de mesures issues des travaux du Comité interministériel de modernisation de l'action publique, et, plus spécifiquement pour ce texte, du Conseil de la simplification pour les entreprises, récemment créé.

Le constat est sans appel. L'empilement de procédures administratives et de lourdeurs nuit considérablement à la compétitivité de notre pays. Et c'est à quoi ce texte entend remédier.

J'ai souhaité procéder à un examen rigoureux des articles dont nous sommes saisis afin d'émettre un avis équilibré : s'il nous faut lever au plus vite les obstacles administratifs pesant sur les entreprises, nous ne devons pas pour autant nous déposséder de nos prérogatives et souscrire à un texte fourre-tout.

Car si l'ambition de simplification du droit n'est pas nouvelle, elle s'est accélérée en même temps qu'elle changeait de nature. D'instrument occasionnel de nettoyage des codes législatifs, la simplification, depuis quelques années, est devenue permanente. Elle constitue une politique publique à part entière.

Cette évolution doit nous rendre vigilants. Augmentation du rythme, faible cohérence thématique de textes qui, en dépit de leur titre, restent une collection de mesures disparates, recours croissant aux demandes d'habilitation à légiférer par ordonnance et à la procédure accélérée : tout cela ne saurait devenir un procédé systématique.

Il importe donc de réfléchir à une meilleure association du Parlement à la politique de simplification. Nous ne sommes là ni pour enregistrer des textes que nous n'avons pas même le temps d'anticiper, ni pour accorder des habilitations sans expertise. Or, je puis en témoigner, j'ai eu, encore une fois, des difficultés à obtenir les projets d'ordonnances pour lesquelles une habilitation est sollicitée. Et lequel d'entre nous peut dire qu'il a été associé, ou même informé de quoi que ce soit entre l'examen du projet de loi du mois de janvier et celui-ci ? Je regrette que la méthode de travail « collaborative », prônée par le secrétaire d'État Thierry Mandon, qui parle de « coproduction », de « cosuivi » et de « co-évaluation » des mesures de simplification, ne s'étende pas aux parlementaires !

Sans remettre en cause l'urgence à desserrer les contraintes pesant sur nos entreprises, voilà ce que je tenais, en préalable, à vous dire.

Compétente en droit de l'environnement et sur le secteur des transports, votre commission est donc appelée à se prononcer sur six articles : les articles 8, 11 et 11 bis dont l'examen au fond lui a été délégué ; l'article 5, le primo de l'article 7 et l'article 21, dont elle s'est saisie pour avis.

L'article 8 habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour créer une autorisation unique en matière de projets de production d'énergie renouvelable en mer et pour les ouvrages de raccordement au réseau public de ces installations. L'objectif est de déterminer les conditions sous lesquelles une décision unique pourrait se substituer aux différentes procédures administratives actuellement requises au titre de différentes législations. Je vous proposerai d'adopter cet article, qui devrait permettre à notre pays, où la lourdeur des procédures freine le développement des énergies renouvelables, de rattraper son retard sur ses voisins.

L'article 11 vise à sécuriser les procédures d'instruction des demandes d'expérimentation en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement et d'installations, ouvrages, travaux et activités soumis à autorisation au titre de la loi sur l'eau. Ces expérimentations ont été introduites par la précédente loi de simplification de la vie des entreprises. L'article 11 clarifie une incertitude juridique pour les porteurs de projet, en précisant le cadre juridique applicable et je vous proposerai de l'adopter.

L'article 11 bis, inséré par la commission spéciale à l'Assemblée nationale, permet à titre dérogatoire aux restaurateurs d'altitude de convoyer leur clientèle le soir par motoneige. L'enjeu est la compétitivité des stations de ski françaises, confrontées à la concurrence, notamment de la Suisse, de l'Italie ou de l'Autriche, où les stations offrent de telles prestations de convoyage. C'est là une mesure attendue par un secteur dont une part importante du chiffre d'affaires tient à ce type de prestations. Évidemment, il nous faudra, eu égard à l'impact environnemental d'une telle dérogation, des assurances quant à son encadrement. Le Gouvernement nous a indiqué que le décret en Conseil d'État y pourvoira et prévoira par exemple que les motoneiges ne pourront circuler, par mesure de sécurité, que sur les voies utilisées par les dameuses. Je vous proposerai d'adopter un amendement de coordination sur cet article.

J'en viens aux articles dont nous sommes saisis pour avis. L'article 5 sollicitait une habilitation pour fusionner les commissions départementales d'organisation et de modernisation des services publics et les commissions départementales de la présence postale territoriale. Il a été supprimé à l'Assemblée nationale au motif qu'une telle mesure trouverait mieux sa place dans un texte relatif à la réforme de l'État. Je vous propose que nous nous déclarions favorables au maintien de cette suppression, dans la mesure où les fusions que prévoyait l'article n'étaient ni anticipées, ni à leur place dans un texte de simplification de la vie des entreprises, et alors même que le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République n'a pas encore été examiné par le Sénat. Lorsque nous avons interrogé le Gouvernement pour davantage de précisions, il nous a été répondu qu'aucun texte n'était pour l'instant prévu et encore moins prêt.

Le 1° de l'article 7 vise, au vu de la longueur des procédures d'autorisation actuelles, à accélérer les projets de construction et d'aménagement, en modernisant les modalités de participation du public. Il s'agirait de remplacer, pour certains types de décisions, l'enquête publique environnementale par la procédure, plus légère, de mise à disposition du public. Si je souscris pleinement à l'objectif global d'accélération des autorisations d'urbanisme, je vous proposerai néanmoins d'adopter un amendement visant à supprimer l'habilitation et à inscrire directement dans le code de l'environnement une exemption à l'obligation d'enquête publique pour certains projets, qui seront désormais soumis à mise à disposition du public. Cette dernière procédure, moins longue et moins lourde administrativement pour les entreprises, n'en permet pas moins au public de s'exprimer, comme le veut l'article 7 de la Charte de l'environnement. La mise en oeuvre de ce dispositif ne s'appliquera pas aux demandes introduites avant l'entrée en vigueur de la présente loi.

Enfin, l'article 21 habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures législatives nécessaires à la réorganisation du recouvrement des redevances de stationnement sur la voie publique, à la suite de la dépénalisation des infractions au stationnement payant, adoptée, à l'initiative de notre commission du développement durable, dans le cadre de la loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles. L'ordonnance prise grâce à cette habilitation, de caractère technique, doit permettre de renforcer la fiabilité du nouveau système. C'est la raison pour laquelle je vous proposerai de donner un avis favorable à son adoption. Le Gouvernement a annoncé le dépôt d'un amendement à cet article, pour étendre l'habilitation à la définition des règles de contestation devant la juridiction administrative spécialisée, dont la création a été prévue par la loi. Cet amendement répond au même objectif, je n'y serai donc probablement pas opposé.

Je pense que nous pouvons tous nous accorder pour émettre un avis favorable à l'adoption de ce projet de loi, tout en n'accordant qu'avec discernement au gouvernement des habilitations à légiférer par ordonnance. D'où mon amendement à l'article 7.

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