Merci de m'avoir convié à cette réunion conjointe de vos deux commissions, dont je suis heureux de rencontrer les nouveaux membres.
Le Gouvernement a décidé de suspendre sine die l'écotaxe au terme d'un long processus au cours duquel les difficultés techniques rencontrées et l'incompréhension qu'elle suscitait ont conduit plusieurs d'entre vous à se faire l'écho du sentiment d'injustice qu'elle faisait naître. Dès le mois de juin, le Gouvernement a tenté d'améliorer cette situation en limitant le périmètre de la taxe à 4 000 kilomètres de routes non concédées. Les difficultés persistant, le Gouvernement, en concertation avec les transporteurs et les chargeurs, a décidé la suspension sine die.
Nous devrons tous réfléchir aux raisons de l'échec de l'écotaxe et du péage de transit poids lourds. Je pense que le système retenu ne pouvait qu'engendrer des difficultés dès lors que la loi garantissait la répercussion de la taxe des transporteurs sur les chargeurs. Par cette innovation singulière, le législateur s'immisçait dans les rapports contractuels ! Les dérapages qui ont suivi étaient d'autant plus regrettables que les transporteurs n'ont jamais vraiment remis en cause le principe de leur participation au financement des infrastructures qu'ils utilisent. Ce sont les modalités qui ont été contestées, et parfois violemment - ce qui a donné lieu à des troubles à l'ordre public, perturbants pour toute une profession si essentielle à notre économie. Le principe pollueur-payeur a été transformé par le dispositif retenu, qui faisait peser la taxe sur toute la chaîne de production, jusqu'à devenir méconnaissable - et inapplicable.
Cet échec est aussi dû, selon moi, à la méthode retenue. Le contrat liant l'État à la société Ecomouv' imposait des charges de fonctionnement très importantes. Il aurait sans doute fallu réfléchir à deux fois avant de confier le prélèvement d'une taxe à une entreprise privée - encore une première en France. Nous procédons actuellement à une expertise juridique de ce contrat, sur laquelle nous nous fonderons pour prendre nos décisions dans quelques jours. Nous serons particulièrement attentifs à la situation des douaniers, comme l'a déjà indiqué Christian Eckert, ainsi qu'à celle des salariés d'Ecomouv', dont les représentants seront reçus cette semaine par Ségolène Royal et moi-même.
La suspension a été décidée au terme de nombreux échanges, notamment avec les responsables des fédérations professionnelles du transport routier. Le Gouvernement n'entend pas renoncer au principe pollueur-payeur dans le financement des infrastructures. Tous s'accordent à trouver naturel que les transporteurs participent au financement de l'entretien des infrastructures du pays. Un groupe de travail a été créé à la suite de l'annonce de la suspension, pour chercher avec les transporteurs des recettes de substitution. Je le préside, il s'est réuni pour la première fois le 16 octobre dernier. L'étude d'une solution alternative à moyen terme, susceptible d'être mise en oeuvre le 1er janvier 2016, constitue un premier axe de travail. Les transporteurs étrangers devront être mis à contribution.
Pour répondre aux besoins de financement des infrastructures en 2015, le Gouvernement a inscrit dans le projet de loi de finances une hausse de quatre centimes de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) pour les poids lourds, qui sera fléchée comme recette de l'AFITF. Cette disposition a été adoptée par l'Assemblée nationale mardi dernier, et j'espère que le Sénat confirmera ce choix. Ainsi, le budget de l'AFITF pour 2015 sera équivalent à celui de 2014 : environ 1,9 milliard d'euros. Aux 800 millions d'euros de recettes résultant de l'augmentation de deux centimes pour les véhicules légers, s'ajouteront les 350 millions d'euros issus de l'augmentation de quatre centimes pour les poids lourds, celle-ci se décomposant en une hausse de deux centimes similaire à celle imposée aux véhicules légers et une hausse de deux centimes remettant en cause l'exonération, pour les transporteurs, de la part de TICPE appelée « contribution climat - énergie », qui avait été octroyée du fait de la mise en place du péage de transit poids lourds.
Les négociations que nous conduisons avec les transporteurs devront déterminer une recette pérenne pour l'AFITF. Les poids lourds contribueront au même titre que tous les autres véhicules à l'effort de financement des infrastructures. Une nouvelle réunion du groupe de travail aura lieu en décembre, en vue de laquelle les fédérations de transporteurs sont invitées à présenter leurs propositions alternatives.
Le financement des infrastructures, qui sont un moteur de croissance et d'emploi, et contribuent à une meilleure desserte des territoires et donc à une plus grande égalité, doit être assuré. Une redevance d'usage, prélevée par la création d'une vignette, a été proposée par une organisation de transporteurs et certains chargeurs. Les poids lourds qui utilisent une ressource publique comme le réseau routier non concédé doivent contribuer à son entretien et à sa modernisation ; ils le reconnaissent d'ailleurs volontiers. Une autre solution serait de s'adresser aux sociétés concessionnaires d'autoroutes (SCA), à la suite de l'avis rendu par l'Autorité de la concurrence. Le Premier Ministre a engagé une concertation avec elles.