Monsieur le ministre, je vous remercie d’être présent parmi nous pour répondre à ma question.
L’histoire de la Réunion a été profondément marquée par près de deux siècles d’esclavagisme sur les trois cent cinquante ans qu’elle compte. Occultée jusque récemment, cette période obscure fait aujourd’hui l’objet d’une volonté de réhabilitation, affirmée par les états généraux de l’outre-mer.
À la Réunion, cela se manifeste en particulier par les travaux d’historiens et d’associations, par diverses célébrations, comme celle du 20 décembre, ou encore par l’inauguration, en octobre dernier, d’une stèle rendant hommage aux esclaves morts sans sépulture, sur l’initiative de la Maison des civilisations et de l’unité réunionnaise.
Cette volonté de rétablir la mémoire des esclaves achoppe toutefois sur le manque de sources : les traces écrites émanent non pas des esclaves, mais des dominants. Seule l’archéologie pourrait pallier ces lacunes.
Or, alors que la France, dans les années soixante-dix, s’est dotée d’une archéologie moderne et structurée couvrant l’ensemble de son territoire, la Réunion n’a pu bénéficier des dispositions appliquées en métropole et dans les autres régions ultramarines dans ce domaine. De ce fait, elle ne dispose pas de service régional d’archéologie attaché à la direction régionale des affaires culturelles, la DRAC.
Outre que cette anomalie va à l’encontre des articles 1er, 2, 3, 4 et 5 de la Convention européenne pour la protection du patrimoine archéologique signée par la France à Malte en 1992, elle porte gravement préjudice à la connaissance de l’histoire de la Réunion. Ainsi, à la Réunion, la prévention archéologique est quasiment inexistante, des sites mis au jour sont compromis et des vestiges disséminés., un pan de l’histoire réunionnaise, celle des opprimés, est condamné inéluctablement à demeurer dans l’obscurité. Sans archéologie, comment comprendre l’héritage du marronnage dans la société réunionnaise actuelle, en termes de pratiques culturelles, d’imaginaire, de connaissance et d’utilisation des espèces florales indigènes et endémiques, de médecine traditionnelle ?
De même, le vivre-ensemble réunionnais, cité en exemple à l’heure des questionnements identitaires, ne résulte pas uniquement de l’organisation sociale régentée par le politique pendant la période esclavagiste. Le métissage s’est élaboré dans les pratiques intimes vécues dans le cadre familial, pratiques qui n’ont pas, ou peu, été décrites ni relatées, et qui nous sont parvenues grâce à la mémoire orale. Quels qu’aient été les tensions, les affrontements, les exclusions vécus par les Réunionnais au cours de leur histoire, c’est ce métissage qui a permis à l’identité réunionnaise d’être disposée à s’enrichir des apports de toutes les composantes de la population, indépendamment des hiérarchies sociales et culturelles imposées par le système.
Monsieur le ministre, pouvez-vous me dire s’il est possible d’appliquer les textes législatifs et réglementaires, en créant le service régional d’archéologie à la Réunion ?