Madame la sénatrice, permettez-moi de vous dire que, à titre personnel, je suis profondément sensible à votre question. Dans une autre vie, alors que je dirigeais les programmes de la chaîne de télévision TV 5, la préparation d’une émission de vingt-quatre heures en continu à la Réunion m’a donné l’occasion de me pencher sur ce problème de l’archéologie et de la mémoire. J’ai alors pu constater qu’il y avait beaucoup à faire dans ce domaine, l’histoire de la Réunion ayant été surtout écrite, comme vous l’avez très justement souligné, madame la sénatrice, par les possédants, par les maîtres. Or l’histoire des autres, qui a été terriblement négligée, est nécessaire pour construire une histoire commune.
Parcourant des chemins du marronnage, j’ai pris conscience de la dureté physique des épreuves épouvantables infligées aux esclaves, des conditions terribles dans lesquelles ils devaient survivre. Les vestiges – outils, habitations, souvenirs divers – qu’ils ont laissés méritent à l’évidence d’être inventoriés et étudiés. Ce propos liminaire vous montrera, madame la sénatrice, à quel point je juge votre demande digne d’être étudiée dans un esprit positif.
J’accorde la plus haute importance à la part que l’archéologie doit prendre dans la connaissance des territoires d’outre-mer en général, et tout spécialement de l’île de la Réunion. La recherche archéologique se développe : je tiens à signaler, notamment, les travaux des chercheurs du Centre de recherche sur les sociétés de l’océan Indien de l’université de la Réunion. Je rappelle en outre que ma prédécesseur avait pris la décision, en 2007, d’envoyer une mission exceptionnelle pour encadrer la mise au jour de vestiges humains sur le site de Saint-Paul, après le passage du cyclone Gamède.
Je souligne aussi que depuis 2007 existe une Commission interrégionale de la recherche archéologique outre-mer, qui élabore la programmation scientifique des recherches concernant des sujets tels que les premiers peuplements, les habitations, l’esclavage et le marronnage, les installations industrielles, ainsi que la genèse et le développement des espaces urbains.
J’ajoute, enfin, que l’archéologie réunionnaise ne saurait être conçue sans situer l’île au cœur du vaste espace maritime qui l’entoure et qui l’inscrit dans un système de relations et d’échanges variés avec les territoires voisins. Je demande ainsi au Département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines d’être particulièrement attentif à cet aspect. Si l’on songe, par exemple, aux relations maritimes qui existaient entre la Réunion et l’île Rodrigues, on peut présumer que des épaves de bateaux naufragés et autres vestiges attendent là aussi d’être mis au jour.
C’est pour ces raisons que nous étudions, avec le préfet de région et le directeur régional des affaires culturelles, la perspective d’ouvrir dans les meilleurs délais un poste de conservateur régional de l’archéologie chargé de la Réunion au sein de la direction régionale des affaires culturelles. Il permettra que l’action de l’État en matière d’étude et de protection du patrimoine archéologique puisse s’exercer à la Réunion de la même manière et avec la même ambition que sur le reste du territoire national. Je précise que, dans le cadre des redéploiements internes du ministère, j’ai obtenu que le budget de la DRAC locale connaisse une augmentation qui me permettra certainement de financer ce poste.