Trois mois après l’adoption de la délibération n° 2009-372 du 26 octobre 2009 par la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, je souhaite interroger le Gouvernement sur la situation juridique et humanitaire des Roms dans notre pays, qui vivent souvent dans des conditions de dénuement et de précarité insupportables.
Au sein de l’Union européenne, on compterait entre 7 millions et 9 millions de Roms, natifs principalement de Roumanie et de Bulgarie. En France, leur nombre est estimé entre 8 000 et 10 000, dont environ 40 % d’enfants. Ce nombre est stable depuis vingt ans, et ce point mérite d’être souligné.
Depuis l’adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie à l’Union européenne, les ressortissants de ces États, du fait des mesures transitoires qui leur sont applicables, ne sont ni considérés comme des citoyens communautaires à part entière ni comme des migrants non communautaires. Ils ne bénéficient donc que très imparfaitement de leurs droits.
Ainsi, les Roms bulgares et roumains séjournant en France doivent attendre plus de trois mois avant de pouvoir éventuellement bénéficier d’une couverture maladie. De plus, l’accès aux soins leur est rendu très difficile par la barrière de la langue, par la méconnaissance des dispositifs sociaux et par l’instabilité de leurs conditions de vie, liée notamment aux expulsions diverses dont ils sont l’objet.
Pour bénéficier d’un titre de séjour, les Roms bulgares et roumains doivent au préalable trouver un emploi et obtenir une autorisation de travail. Or, à la différence des autres citoyens de l’Union, qui peuvent se déplacer librement pour chercher un emploi, il leur est interdit de s’inscrire à Pôle emploi sans avoir obtenu un titre de séjour, lequel requiert préalablement un travail.
La taxe, variant entre 70 et 1 600 euros, que doivent payer à l’Office français de l’immigration et de l’intégration, l’OFII, les employeurs désireux d’embaucher un travailleur étranger et la procédure d’autorisation de travail sont de véritables freins à l’emploi et ne peuvent qu’encourager les Roms à travailler illégalement ou à mendier.
Il convient de noter que, depuis le 1er juillet 2008, ces restrictions pour l’accès au marché de l’emploi ont été suspendues pour les citoyens des nouveaux pays membres de l’Union, à l’exception des Bulgares et des Roumains. Cette situation est particulièrement choquante : il y a deux poids, deux mesures !
Compte tenu de leurs conditions d’habitat précaires, peu de centres communaux d’action sociale acceptent de délivrer aux Roms un titre de domiciliation. Celui-ci est pourtant nécessaire pour scolariser les enfants, comme le souhaitent – les associations le confirment – la très grande majorité des familles roms. Les directeurs d’école, qui, selon une circulaire de 2002 de l’éducation nationale, peuvent inscrire les enfants même si le maire de la commune s’y oppose, n’exercent que très rarement cette prérogative. À cela s’ajoute l’usage très limité que font les autorités de l’État de leur droit à contraindre à l’inscription des enfants.
Le refus des autorités d’accompagner les Roms dans l’accès à leurs droits s’appuie souvent sur une théorie fictive, selon laquelle les Roms sont sans ressources et doivent, de ce fait, quitter le territoire, sans considération pour leurs droits fondamentaux. Or les témoignages recueillis sur le terrain font apparaître que lorsque leur situation est régularisée, les Roms accèdent à l’emploi, à un logement et sortent de l’extrême pauvreté.
Pour mettre un terme au traitement discriminatoire dont les Roms sont victimes, la HALDE a fait plusieurs recommandations au Gouvernement.
Il conviendrait, par exemple, de mettre fin par anticipation aux mesures transitoires applicables aux ressortissants bulgares et roumains, de régulariser les Roms roumains ou bulgares qui détenaient déjà un titre de séjour avant l’adhésion de leur pays à l’Union, de mettre en place un dispositif d’élection de domicile accessible et efficace, de permettre l’accès sans délai à l’aide médicale d’État pour les femmes enceintes et toute personne malade, ou encore de rappeler aux préfets, aux recteurs et aux directeurs d’établissement leurs obligations en matière d’inscription à l’école des enfants roms.
Selon la délibération de la HALDE, ces recommandations devront être mises en œuvre par le Gouvernement dans un délai de douze mois et celui-ci devra faire part sous quatre mois des suites qu’il compte y donner. Puisque nous sommes presque au terme de ce second délai, pourriez-vous nous dire, monsieur le secrétaire d’État, quelles pistes le Gouvernement entend suivre pour répondre au mieux aux recommandations de la HALDE ?