Monsieur le sénateur, l’attention du Gouvernement a été attirée lors du congrès de l’Association nationale des élus de la montagne, l’ANEM, sur les charges particulières pesant sur certaines communes frontalières de la Suisse, du fait de la présence permanente de ressortissants helvétiques qui se déclarent résidents secondaires desdites communes – ou omettent de le faire, comme vous venez de le rappeler.
Depuis cette réunion qui s’est tenue voilà trois semaines, nous avons essayé de faire le point sur l’ensemble des mesures qui peuvent actuellement être mises en œuvre.
Tout d’abord, ces résidents ne sont parfois que « prétendument secondaires », puisqu’ils sont bien pris en compte pour le calcul de la dotation globale de fonctionnement, la DGF, et la détermination de la fiscalité locale.
Pour le calcul de la DGF, toutefois, le problème est réel. En effet, en application de l’article L. 2334-2 du code général des collectivités territoriales, la population prise en compte correspond à la population totale authentifiée annuellement par les services de l’INSEE, majorée d’un habitant par résidence secondaire et d’un habitant par place de caravane située sur une aire d’accueil des gens du voyage conventionnée par l’État. Actuellement, force est de reconnaître que cette majoration est peut-être insuffisante, notamment dans les régions frontalières.
Les communes qui comptent moins de 10 000 habitants font l’objet d’un recensement tous les cinq ans. Les chiffres de population légale de la commune, établis par l’INSEE et authentifiés par décret chaque année, sont calculés à partir de ces recensements, en s’appuyant sur les évolutions du nombre de logements, établies à partir des fichiers de la taxe d’habitation – c’est le seul fait générateur disponible – et de la taille moyenne des ménages.
L’article L. 2334-7 du code général des collectivités territoriales dispose que la dotation de base, dont les modalités de calcul reposent sur le critère de la population retenue pour le calcul de la DGF, prend ainsi en compte l’accroissement de la population liée à la présence de ces personnes, quand bien même celles-ci déclareraient indûment leur résidence comme secondaire.
S’agissant de la fiscalité locale, il n’est pas fait de distinction entre la résidence principale et la résidence secondaire en matière de taxe d’habitation et de taxe foncière. Les ressources des collectivités ne sont donc pas affectées. Mieux, certains abattements et dégrèvements au titre de la taxe d’habitation ne s’appliquent pas à la résidence secondaire. Ces éléments jouent donc plutôt en faveur des collectivités locales.
Concernant les modalités de calcul de la dotation de compensation franco-genevoise, je vous rappelle d’abord son objet. En effet, en application de l’article 17 et de l’article 25, paragraphe A, de la convention fiscale du 9 septembre 1966, les travailleurs frontaliers ayant élu domicile en France et exerçant une activité professionnelle dans le canton de Genève sont imposables sur le territoire helvétique et font l’objet d’un prélèvement à la source sur leur traitement. Afin d’écarter tout risque de double imposition et de régler la situation des collectivités locales subissant une charge spécifique liée à la présence de travailleurs frontaliers, un accord a été conclu le 29 janvier 1973.
La compensation n’a donc pas pour vocation première de traiter de la résidence, à titre principal ou secondaire, de ressortissants helvétiques sur le territoire français, mais plutôt de résoudre les difficultés dues au fait que ces travailleurs paient leur impôt sur le revenu à Genève et non en France, comme c’est habituellement la règle dans les conventions sur l’imposition des travailleurs frontaliers – vous allez sans doute me dire que nous subissons vraiment une double peine !
Aux termes de cet accord entre la France et la Confédération helvétique, la République et Canton de Genève rétrocède aux départements de l’Ain et de la Haute-Savoie et à plusieurs communes situées en zone frontalière une compensation financière équivalant à 3, 5 % de la masse salariale brute des travailleurs frontaliers français exerçant leur activité dans le canton. Ce versement a pour objet d’aider les collectivités à financer les équipements supplémentaires rendus nécessaires par la présence de ces salariés, alors même qu’elles ne bénéficient pas des retombées de la fiscalité directe économique. En 2011, cela représentait pour ces deux départements près de 189 millions d’euros – un montant tout à fait substantiel donc –, d’autant que cette recette est très dynamique du fait de l’augmentation du nombre de frontaliers et de l’évolution de la parité entre l’euro et le franc suisse.
Notez enfin que cette ressource qui a été obtenue n’est pas prise en compte dans les indicateurs de richesse des départements et des communes bénéficiaires de l’Ain et de la Haute-Savoie et qu’elle n’entre donc pas en ligne de compte dans le calcul des contributions aux dispositifs de péréquation. Je précise que les choses ne pourraient être étudiées de ce point de vue que sur le revenu moyen.
Monsieur le sénateur, vous appelez de vos vœux le renforcement des dispositifs de lutte contre la fraude. Vous citez même une proposition de loi de Virginie Duby-Muller sur la création d’une obligation de domiciliation, texte examiné et rejeté l’an passé à l’Assemblée nationale.
Le secrétaire d’État alors en charge de ce dossier, M. André Vallini, avait souligné le risque constitutionnel inhérent à la création d’un fichier aussi vaste regroupant l’ensemble de la population française. C’est pour cette seule raison que la proposition de loi a été rejetée. La position du Gouvernement sur ce point ne peut pas avoir changé.
Sous les mêmes réserves constitutionnelles et eu égard à la nécessité de respecter la réglementation applicable en matière de protection des données personnelles, la transmission directe d’informations fiscales nominatives à destination des maires des communes frontalières pourrait se révéler délicate à organiser.
En revanche, il existe entre les services fiscaux une coopération renforcée prévoyant l’échange d’informations afin de prévenir les tentatives de contournement de la législation fiscale que vous avez décrites. Ces dispositions, soutenues par le Gouvernement, s’inscrivent plus globalement dans le plan national de lutte contre la fraude aux finances publiques dont l’un des axes prévoit de partager des bonnes pratiques avec les autorités étrangères.
Depuis la réunion des élus de la montagne, nous avons décidé de confier à nos services le soin de porter un regard spécifique et très précis sur ces questions.
Soyez assuré, monsieur le sénateur, que nous continuerons de suivre ce sujet.