Intervention de Jean-Marc Gabouty

Réunion du 4 novembre 2014 à 14h30
Simplification de la vie des entreprises — Suite de la discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Jean-Marc GaboutyJean-Marc Gabouty :

Mais nous pouvons aussi comprendre que la formule soit commode et se justifie dans des matières très techniques où le réglementaire le dispute au législatif, ce qui est largement le cas pour bon nombre des sujets abordés dans le texte que nous examinons. Nous n’en ferons donc pas un casus belli.

Mais ce projet de loi de simplification, comme tous ses prédécesseurs – c’est sa seconde caractéristique – constitue un texte fourre-tout, un catalogue assez hétéroclite de mesures.

Du droit du travail au droit des sociétés, en passant par les déclarations de fermeture des boulangeries – voilà longtemps que celles-ci sont peu effectuées –, son champ matériel est des plus larges, au point que son examen au sein de la Haute Assemblée a dû être saucissonné entre cinq commissions différentes sur les sept commissions permanentes que compte le Sénat. La performance est notable !

Parmi la cinquantaine de mesures proposées, certaines attirent plus spécifiquement notre attention et méritent d’être saluées – nous sommes parfois d’ailleurs en désaccord avec la commission des lois sur ce point : l’article 2 quater permet de régler une insécurité juridique liée aux dispositions relatives au travail à temps partiel ; l’article 4 – j’en regrette la suppression –, l’article 12 – j’en déplore l’amputation – et l’article 13 pouvaient permettre la suppression ou l’allégement de quelques régimes d’autorisation préalable, ainsi que la simplification de certaines obligations déclaratives des entreprises et de certains aspects trop contraignants du droit des sociétés ; l’article 27 simplifie, très partiellement d’ailleurs, le droit de la commande publique.

Je salue aussi particulièrement l’initiative de mon collègue Jean-Jacques Hyest. À la suite de l’adoption de son amendement par la commission des lois, l’article 12 A supprime les dispositions de la loi relative à l’économie sociale et solidaire qui créent une obligation d’information préalable des salariés en cas de cession d’une entreprise. Mais Olivier Cadic y reviendra dans un instant.

Bref, il serait à la fois fastidieux et inutile de commenter chacun des articles du présent projet de loi. Parce que, une fois de plus, il s’agit de simplifier par petites touches impressionnistes, à la marge, de façon homéopathique, pour ne pas dire cosmétique.

Pourrait-on faire autrement ? Même si ce n’est pas évident, je le crois.

Et pour y parvenir, je pense qu’il faut se poser une question élémentaire : pourquoi simplifier ? Autrement dit, quelle est la finalité de la simplification en cause ?

Certains assignent à la simplification l’objectif de permettre des économies financières ou budgétaires. À titre personnel, je ne pense pas que ce soit pour cette raison qu’il faille simplifier.

Bien sûr, de certaines simplifications, procédurales par exemple, peuvent résulter des économies. On ne peut que s’en réjouir ! Mais les économies ne sont que les conséquences positives d’une démarche de simplification, et je ne crois pas que leur perspective doive en être le fait générateur.

En revanche, selon moi, un processus de simplification digne de ce nom doit viser trois objectifs : premièrement, améliorer la compréhensibilité et la lisibilité de la loi ; deuxièmement, réduire les délais de mise en œuvre de la procédure considérée ; troisièmement – ce point n’est pas anodin –, donner plus de liberté aux acteurs, quels qu’ils soient, collectivités, entreprises ou particuliers.

Or pour atteindre pleinement ces objectifs, il doit être possible de passer de l’actuelle simplification, parcellaire et horizontale, à une simplification plus en profondeur. Ne serait-il pas plus productif de procéder à un toilettage global de chaque domaine législatif, un par un, et d’avoir peut-être ainsi le courage de s’attaquer aux sujets qui fâchent ?

On peut m’objecter que l’origine communautaire de la majeure partie du droit positif serait de nature à faire obstacle à une telle démarche. Il me semble toutefois que cet argument n’est pas toujours recevable.

Je citerai un exemple pour illustrer mon propos. La commune dont je suis maire, située en Haute-Vienne, est jumelée avec une commune allemande que j’ai visitée, avec d’autres, voilà quelques années. Le maire de cette dernière nous a alors présenté un skatepark, en précisant que celui-ci avait été construit par ses utilisateurs eux-mêmes, avec l’aide des services municipaux. Nous étions très surpris, car en France cela aurait été impossible, en raison de normes communautaires transposées qu’il faut respecter. En l’occurrence, on m’a expliqué que le skatepark était bien aux normes : après une première vérification et quelques corrections, l’ouvrage avait été certifié par un bureau de contrôle.

C’est toute la différence entre la France et l’Allemagne : dans notre pays, le fait générateur de la conformité aux normes se situe à l’échelon de la fabrication alors que chez notre voisin, au moins dans certains cas, il se situe au niveau de la certification.

On ne peut pas mettre en doute la rigueur de nos amis allemands : autrement dit, il est possible d’assouplir considérablement notre droit tout en restant dans les clous européens.

Toujours pour ce qui concerne la méthodologie, il est bien certain que l’incidence de chaque piste de simplification doit être testée pour chaque situation concrète avant que la mesure ne soit adoptée.

Par exemple, Mme Procaccia proposait d’abandonner la notion de jour ouvrable et de ne retenir que celle de jour calendaire dans le droit du travail. A priori, je trouvais cette idée très intéressante. Toutefois, compte tenu des jours fériés, parfois juxtaposés, cette mesure, qui semble de bon sens, pourrait poser des problèmes d’application dans un certain nombre de situations concrètes. En tout cas, ce genre de disposition mérite toujours une vérification préalable.

Je voudrais maintenant vous mettre en garde, monsieur le secrétaire d’État, sur le projet de simplification du bulletin de paie. Ne l’oubliez pas, ce qui est complexe, c’est non pas le bulletin de paie – certains programmes informatiques l’éditent très bien et de manière répétitive d’un mois sur l’autre –, mais sa préparation, qui relève de dispositions multiples, législatives, réglementaires, mais aussi conventionnelles – je vise ici les conventions collectives. Cette tâche est d’une ampleur certaine et exigera sans doute une vision synthétique.

Simplifier n’est donc pas aisé, mais nous avons la conviction que, en changeant de méthode, le « choc de simplification » pourrait à l’avenir ne plus être un vœu pieux.

La première des simplifications consisterait, me semble-t-il, à obtenir, au plan tant européen que français, un ralentissement significatif de la production de normes et de réglementations nouvelles.

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