Séance en hémicycle du 4 novembre 2014 à 14h30

Résumé de la séance

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Sommaire

La séance

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La séance, suspendue à midi, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Gérard Larcher.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. Madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, j’ai le profond regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue, le président Guy Fischer

Mme la secrétaire d’État chargée de la politique de la ville, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Particulièrement apprécié, tant pour ses qualités humaines que pour son travail inlassable et son implication forte au Sénat, défenseur militant des valeurs républicaines et des idéaux qui étaient les siens, Guy Fischer a marqué de son empreinte notre assemblée par ses nombreuses interventions et par ses travaux concernant notamment la protection sociale, les anciens combattants et la recherche d’une plus grande solidarité, qui était au cœur de son engagement et de son combat quotidien.

Il fut – je peux en attester – un grand vice-président du Sénat, veillant de façon impartiale à la qualité de nos débats, toujours attentif à ce que chacun puisse s’exprimer avec sérénité et calme.

Sa présidence ouverte et déterminée de la délégation du bureau chargée de la politique événementielle et des relations avec la société civile, que j’avais créée en 2008, a largement contribué au rayonnement de notre assemblée. Je garde le souvenir de nos rencontres, de nos préparations et de nos arbitrages concernant ces événements. C’était toujours un moment très fort et humainement très enrichissant.

Au-delà de nos choix politiques, j’ai personnellement tissé avec Guy Fischer des liens d’amitié forts – comme beaucoup d’entre vous sur ces travées. Je serai vendredi prochain à Vénissieux, aux côtés de sa famille, pour lui rendre un dernier hommage au nom du Sénat et de tous ses collègues.

C’est un moment de tristesse pour notre assemblée, c’est un moment d’émotion partagée. Ceux qui ne l’ont pas connu, parce qu'ils viennent d’arriver parmi nous, auraient rencontré un homme rayonnant et chaleureux.

Au nom du Sénat, je tiens à saluer sa mémoire, et j’adresse à ses proches comme aux membres du groupe communiste, républicain et citoyen, dont il était une personnalité éminente et particulièrement active, nos pensées les plus attristées. Pensons à Guy Fischer comme s'il était là, parmi nous.

Mme la secrétaire d'État, Mmes et MM. les sénateurs observent un moment de recueillement.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Mmes Josette Durrieu et Bariza Khiari, élues juges titulaires à la Cour de justice de la République le 29 octobre dernier, vont être appelées à prêter, devant le Sénat, le serment prévu par l’article 2 de la loi organique du 23 novembre 1993 sur la Cour de justice de la République.

Je vais donner lecture de la formule du serment. Je prie Mmes Josette Durrieu et Bariza Khiari de bien vouloir se lever à l’appel de leur nom et de répondre, en levant la main droite, par les mots : « Je le jure ».

Voici la formule du serment : « Je jure et promets de bien et fidèlement remplir mes fonctions, de garder le secret des délibérations et des votes, et de me conduire en tout comme un digne et loyal magistrat. »

Successivement, Mmes Josette Durrieu et Bariza Khiari, juges titulaires, se lèvent et disent, en levant la main droite : « Je le jure ».

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Acte est donné par le Sénat du serment qui vient d’être prêté devant lui.

Mes chères collègues, je vous adresse mes félicitations.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Mes chers collègues, par lettre en date du 4 novembre 2014, le Gouvernement a demandé de compléter l’ordre du jour de la séance du mercredi 5 novembre 2014 par la suite de l’examen du projet de loi relatif à la simplification de la vie des entreprises.

Par ailleurs, par lettre en date du 3 novembre 2014, le Gouvernement a demandé le retrait de l’ordre du jour de la séance du jeudi 6 novembre 2014 du projet de loi autorisant la ratification de l’accord établissant une association entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et l’Amérique centrale, d’autre part.

Acte est donné de ces demandes.

En outre, par lettre en date du 31 octobre 2014, Mme Éliane Assassi, présidente du groupe communiste, républicain et citoyen, a demandé que le projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République populaire de Chine en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion et la fraude fiscales en matière d’impôts sur le revenu, inscrit à l’ordre du jour de la séance du jeudi 6 novembre 2014, soit examiné selon la procédure normale et non selon la procédure simplifiée.

Acte est donné de cette demande.

Dans la discussion générale, le temps attribué aux orateurs des groupes politiques sera d’une heure. Le délai limite pour les inscriptions de parole est fixé au mercredi 5 novembre, à dix-sept heures.

Il n’y a pas d’observation ?...

Il en est ainsi décidé.

En conséquence, l’ordre du jour des mercredi 5 et jeudi 6 novembre 2014 s’établit comme suit :

Mercredi 5 novembre

À quatorze heures trente et le soir :

- Projet de loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l’Union européenne ;

- Suite du projet de loi relatif à la simplification de la vie des entreprises.

Jeudi 6 novembre

À neuf heures trente :

- Cinq conventions internationales en forme simplifiée ;

- Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord France-Chine en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion et la fraude fiscales en matière d’impôts sur le revenu ;

- projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019.

De quinze heures à quinze heures quarante-cinq :

- Questions cribles thématiques sur le logement étudiant.

À seize heures :

- Suite de l’ordre du jour du matin.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

J'informe le Sénat que le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2015 (78, 2014-2015), dont la commission des affaires sociales est saisie au fond, est renvoyé pour avis, à sa demande, à la commission des finances.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. Mes chers collègues, il m'est particulièrement agréable de saluer, en votre nom, la présence, dans notre tribune d’honneur, d’une délégation du Sénat du royaume du Cambodge, conduite par M. Chea Cheth, président de la commission des finances.

Mmes et MM. les sénateurs ainsi que Mme la secrétaire d’État chargée de la politique de la ville se lèvent.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Je salue également les quatre présidents et vice-présidents de commission qui composent cette éminente délégation. Elle vient, durant trois jours, dans le cadre du programme annuel de coopération conclu entre nos deux assemblées, étudier l’ancrage local des sénateurs et leur rôle dans les collectivités territoriales. Il s'agit là d’un sujet singulièrement d’actualité !

Cette délégation est accueillie par notre collègue Vincent Éblé, au nom du groupe d’amitié France-Cambodge.

Nous formons tous le vœu que cette visite soit profitable à l’ensemble de la délégation et nous souhaitons à cette dernière la plus cordiale bienvenue.

Applaudissements.

Mme Françoise Cartron remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Lors du scrutin n° 13 du 30 octobre 2014 sur l’ensemble du projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral, notre collègue Jean-Jacques Lasserre a été inscrit comme s'abstenant, alors qu’il souhaitait voter contre.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Acte vous est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 29 du règlement du Sénat.

Le Sénat est à la pointe de l’actualité puisque sa commission des finances a publié aujourd'hui même un rapport intitulé La sûreté nucléaire de demain : un enjeu financier et démocratique.

Après les diverses affaires de drones survolant nos centrales que nous avons connues ce week-end, il serait extrêmement intéressant d’organiser le plus rapidement possible un débat sur l’excellent travail de notre collègue Michel Berson. La conférence des présidents pourrait inscrire un tel débat à l'ordre du jour.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Acte est donné de votre rappel au règlement, ma chère collègue. Votre groupe pourra en faire la demande en conférence des présidents.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme (texte de la commission n° 38, rapport n° 37).

Dans la discussion générale, la parole est à M. Alain Richard, corapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, le projet de loi a fait l’objet d’un compromis unanime en commission mixte paritaire. Cet assentiment général montre une belle convergence autour de ce texte de vigilance républicaine.

En matière de police administrative et de mesures de prévention, sujets dont je me suis plus particulièrement occupé – nous nous sommes en effet partagé le travail avec mon corapporteur, Jean-Jacques Hyest –, la commission mixte paritaire a confirmé l’instauration de la procédure d’interdiction de sortie du territoire, qui est complétée par une interdiction de transport imposée aux transporteurs. La commission mixte paritaire a également approuvé l’interdiction administrative du territoire, destinée à éloigner ou à maintenir éloignées des personnes contre lesquelles on dispose d’éléments indiquant leur participation à des activités terroristes. Je rappelle que les deux assemblées se sont mises d’accord pour que ces mesures – comme toute mesure de police, y compris celles d’une grande gravité – puissent faire l’objet d’un recours très encadré. Il appartiendra au juge administratif de statuer sur ces questions.

Par ailleurs, nous avons modifié la procédure de saisie des avoirs financiers : lorsque cette saisie est prononcée pour des motifs de lutte antiterroriste, le ministre de l'intérieur y sera associé.

Nous avons adopté d’un commun accord l’article 9, qui porte sur la procédure administrative de suppression des contenus terroristes sur internet. Cela a été, on le sait, l’un des sujets les plus difficiles et les plus discutés. De notre point de vue, l’Assemblée nationale avait réalisé une avancée importante puisque, tout en conservant une procédure administrative – ce que presque tous souhaitaient pour des raisons de célérité et d’efficacité –, elle avait introduit le principe d’une participation d’un représentant de la CNIL, la Commission nationale de l'informatique et des libertés, chargé d’apprécier les motifs d’une suppression de contenu.

C'est à l’issue d’un dialogue que nous sommes finalement convenus qu’il était préférable de confier à un membre de la CNIL, plutôt qu’à une personnalité choisie par elle, cette intervention auprès de l’administration. Toutefois, comme l’entrée en vigueur de la disposition posait problème, nous nous sommes entendus pour décider que le membre de la CNIL affecté à cette mission l’exercerait pour la durée de son mandat au sein de cet organisme. C'est ainsi que nous sommes parvenus à un complet accord sur cette disposition.

Nos versions différaient pour ce qui concerne l’article 15 relatif à la durée de conservation des enregistrements des interceptions de sécurité. Le Gouvernement, constatant ce désaccord entre les deux assemblées et appréciant la difficulté d’appliquer l’une ou l’autre version, nous a recommandé, et nous l’avons suivi d’un commun accord, de ne pas maintenir cet article. Ainsi, le dispositif actuel, issu de la loi du 10 juillet 1991, sur la durée de conservation de ces enregistrements demeure en vigueur.

En réponse aux nombreuses préoccupations de mise à jour juridique du Gouvernement, les deux assemblées ont apporté la preuve de leur bon vouloir. Nous sommes ainsi convenus de ratifier explicitement le code de la sécurité intérieure, qui était en attente d’une telle ratification, ce qui a imposé un travail assez long, que je qualifierais familièrement de « peignage », visant à tirer les conséquences de cette décision. Cette tâche, qui a mobilisé nos collaborateurs dans les deux assemblées, a permis de trouver une rédaction commune pour cet ensemble de ratifications et de modifications.

Je dois dire que le climat dans lequel nous avons travaillé au sein de la commission mixte paritaire a été extrêmement constructif. Nous avions tous conscience de la responsabilité devant laquelle nous plaçait ce texte et des raisons pour lesquelles il avait été déposé.

Nos collègues de l’Assemblée nationale ont accepté que la rédaction finale tienne très largement compte du texte issu du Sénat, ce qui s’explique par le fait que nous avions eu, pour travailler et affiner le projet de loi, un délai un peu plus long que celui dont ils avaient eux-mêmes disposé. Cela nous a permis de trouver, sans grande difficulté, après un travail un peu plus approfondi entre les rapporteurs, comme c’est l’usage, une rédaction commune pour l’ensemble du projet de loi, comportant néanmoins une toute petite faille, rectifiée par le Gouvernement. En effet, au moment de la mise au point du dossier, une petite erreur s’est glissée s’agissant du renvoi à un texte.

Je souhaite terminer cette présentation, à la fois brève et positive, en soulignant l’authenticité d’écoute dont a fait preuve Bernard Cazeneuve, qui a été un l’interlocuteur attentif, soucieux de convaincre et capable d’évoluer. Au moment où il doit faire face, avec une grande force de caractère, à des responsabilités de plus en plus lourdes, je profite de l’occasion qui m’est donnée pour lui témoigner notre amitié.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l’UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, comme vous l’a indiqué mon éminent homologue, la commission mixte paritaire est parvenue à un accord sur le projet de loi renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme.

Il restait finalement peu de désaccords entre l’Assemblée nationale et le Sénat sur la partie du texte concernant la répression pénale des actes de terrorisme, dont j’avais plus particulièrement la charge. Les deux assemblées avaient ainsi déjà adopté dans les mêmes termes l’article 3, qui inclut les infractions relatives aux produits explosifs dans la liste des infractions pouvant recevoir la qualification terroriste dès lors qu’elles sont accomplies avec cette intention.

Par ailleurs, la commission mixte paritaire a approuvé la création par l’article 5 d’un nouveau délit d’entreprise individuelle de préparation d’un acte terroriste, en retenant la rédaction issue du Sénat, à l’exception de la notion de préparation logistique de l’acte terroriste, qui semblait, à l’issue de nombreux débats, trop imprécise et n’était finalement pas nécessaire pour couvrir l’ensemble des cas de figure rencontrés par les juges antiterroristes. Les enquêteurs et la justice disposeront ainsi désormais d’un fondement juridique efficace pour appréhender le phénomène d’autoradicalisation, qui caractérise de plus en plus souvent les auteurs d’actes terroristes, tout en évitant, grâce à l’exigence d’une sorte de « faisceau d’indices », la pénalisation de la seule intention criminelle, ce qui n’aurait pas été compatible avec les principes de notre droit pénal.

Concernant les délits d’apologie et de provocation au terrorisme, qui font l’objet de l’article 4, la commission mixte paritaire a préféré revenir, pour l’essentiel, au texte initial du Gouvernement, en faisant sortir de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse l’ensemble des actes d’apologie et de provocation. L’idée émise par notre commission des lois, suivie par le Sénat, qui était de n’incriminer que les faits commis sur internet en tant qu’ils comportaient une dangerosité supplémentaire du fait des spécificités de ce média, n’a donc pas été retenue par la commission mixte paritaire. Il faudra pourtant revenir sur le sujet, tant les caractéristiques du web rendent nécessaire un traitement nouveau du point de vue de la procédure pénale. D’ailleurs, la rédaction retenue érige tout de même la commission des faits par le moyen d’internet en circonstance aggravante du nouveau délit, ce qui montre, d’une certaine façon, le bien-fondé du raisonnement qui avait été celui de notre commission.

S’agissant des dispositions figurant aux articles 7 et 7 bis et relatives à la centralisation auprès de la juridiction parisienne du traitement judiciaire des actes terroristes, notamment ceux commis en détention par des personnes déjà condamnées pour ce type d’infractions, c’est la rédaction plus claire et précise de notre assemblée qui a été pour l’essentiel retenue. Ce parachèvement de la centralisation auprès du tribunal de grande instance, de la Cour d’appel et des juges d’instruction de Paris est d’ailleurs un aspect important du texte, tant cette compétence concurrente nationale de la juridiction parisienne est une pièce essentielle de notre dispositif antiterroriste.

Enfin, comme l’a rappelé Alain Richard, mais je ne peux résister au plaisir de le redire, concernant la durée de conservation des enregistrements des interceptions de sécurité, la commission mixte paritaire, à défaut de trouver une rédaction pleinement satisfaisante pour concilier l’efficacité du contrôle de la CNCIS, la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité, avec la demande récurrente du ministère de l’intérieur concernant les délais de ce contrôle, a décidé la suppression pure et simple de l’article 15, ce qui ne peut que réjouir ceux qui avaient milité en faveur d’une telle suppression.

Telles sont, mes chers collègues, les dispositions du projet de loi tel qu’issu des travaux de la commission mixte paritaire, complétées par un amendement de coordination déposé par le Gouvernement à l’Assemblée nationale.

Ce texte, compte tenu de l’évolution du terrorisme est, selon moi, extrêmement utile. Il doit donner à la fois à nos services de renseignement, à nos forces de sécurité et à la justice les moyens de combattre les nouvelles formes de terrorisme. Que n’ai-je point entendu ou lu, dans certaines gazettes, sur le respect des libertés publiques ! Je rappelle que l’ensemble du texte est, à nos yeux, parfaitement conforme à l’État de droit. Les procédures administratives ne sont pas interdites, dans la mesure où elles sont contrôlées par le juge, administratif ou judiciaire. Quelques-uns sont la proie d’une certaine confusion, ce qui ne nous étonne pas complètement.

Au demeurant, je me réjouis que ce texte ait fait l’objet d’un consensus. Au moment du renouvellement du Sénat, la désignation de deux rapporteurs a sans doute permis d’avancer plus vite, en nous fondant sur un travail commun. Je me félicite des avancées que nous avons pu réaliser avec Alain Richard.

Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'UDI-UC, du RDSE et du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri

Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, pour commencer, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence du ministre de l’intérieur, M. Bernard Cazeneuve.

Nous assistons, avec la guerre civile en Syrie, puis en Irak, à une mutation rapide du terrorisme. Encore récemment, le terrorisme était « réservé » à une poignée d’individus faisant le choix de la clandestinité, au sein de groupes structurés, difficiles d’accès. Il est désormais en « libre accès ». Tout un chacun peut, sans quitter son domicile, consulter des sites faisant l’apologie du meurtre de masse, du martyre et de l’attentat suicide, s’autoradicaliser, puis se décider pour un aller simple vers les terres du djihad, le cas échéant en famille. Tout un chacun peut, avec une facilité déconcertante, acquérir un savoir-faire minimal pour commettre un attentat terroriste de « proximité ».

La mutation consiste, pour ces organisations criminelles, à tirer parti des nouvelles technologies de l’information, pour inoculer massivement le virus du terrorisme dans les esprits et pour tromper certains de nos concitoyens, le plus souvent les plus jeunes et les plus faibles, à qui on laisse croire qu’ils sont devenus les ennemis de leur propre pays.

Le nombre des jeunes Français radicalisés combattant sur le théâtre d’opérations syrien n’a cessé de croître. Une réponse ferme et adaptée était donc nécessaire pour éviter à de jeunes Français de succomber à la tentation du martyre et à la fascination du meurtre.

Notre devoir collectif est de tout faire pour contenir la menace potentielle que représente le retour en France de combattants formés en Syrie au maniement des armes et des explosifs, ayant souvent commis les pires atrocités criminelles, endoctrinés par des discours de haine envers l’Occident et souvent déshumanisés par l’expérience quotidienne de la violence. Certains, nous le constatons déjà, fuient de leur propre initiative la Syrie, cherchant sans doute à oublier cette terrible épreuve. Mais nous ne pouvons courir le risque d’en laisser d’autres tenter de reproduire sur le sol français, au nom du djihad, la violence barbare qu’ils auront connue en Syrie ou en Irak.

Comme vous le savez, face à de telles menaces et afin de garantir la sécurité de nos concitoyens, le Gouvernement a réagi sans tarder, avec fermeté et vigilance.

Depuis avril dernier, le Gouvernement a créé le Centre national d’assistance et de prévention de la radicalisation, qui est chargé de la prise en compte et de l’orientation des signalements des candidats au départ, auxquels une prise en charge est proposée. Ces signalements lui parviennent soit directement par la plate-forme téléphonique et internet dédiée, soit par le réseau des états-majors de sécurité, animés localement par les préfets et les procureurs de la République. Entre fin avril et fin octobre, près de 600 personnes ont fait l’objet d’un signalement, dont 25 % de mineurs.

S’agissant en particulier des mineurs, la garde des sceaux et le ministre de l’intérieur ont, dès le 5 mai 2014, donné des instructions aux préfets et aux procureurs, afin d’organiser dès leur détection leur suivi, incluant notamment une mesure d’opposition à sortie du territoire.

Parallèlement à ces mesures, un département de lutte contre la radicalisation a été créé au sein de l’UCLAT, l’Unité de coordination de la lutte antiterroriste, afin d’améliorer la transmission et l’exploitation du renseignement entre les administrations concernées. Le bureau du renseignement de la direction de l’administration pénitentiaire, notamment, est désormais représenté au sein de l’UCLAT.

Dans la continuité du plan adopté dès avril dernier, le Gouvernement a jugé indispensable de renforcer notre législation pour entraver l’action et la propagande des filières djihadistes et contrarier les projets de ceux qui sont tentés de les rejoindre.

Un débat riche et digne, qui s’est tenu dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale le 15 juillet dernier et dans celui du Sénat le 15 octobre, nous a permis d’aboutir au texte efficace qui vous est aujourd’hui soumis, mesdames, messieurs les sénateurs. Je tiens donc, au nom du ministre de l’intérieur, à remercier vivement les rapporteurs du texte, Jean-Jacques Hyest et Alain Richard, comme l’ensemble des parlementaires qui ont contribué à l’améliorer.

Quand il s’agit de la protection de la France et des Français, le consensus républicain est une nécessité ; le projet de loi renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme transcende les clivages partisans, ce dont nous nous réjouissons tous. Ce consensus donne encore davantage de force à ce projet de loi.

L’objectif du Gouvernement était de retenir la version la plus ambitieuse possible du texte, incluant plusieurs mesures votées à l’Assemblée nationale et un certain nombre de dispositions intégrées par le Sénat. C’est ce à quoi nous sommes parvenus, avec l’adoption du projet de loi par la commission mixte paritaire, qui permet de garantir, dans le respect de nos échanges au sein du Parlement, l’effectivité des mesures et la sécurité juridique des dispositifs.

Je rappelle que la loi repose sur quatre innovations majeures, qui toutes respectent l’État de droit et demeurent soumises à un contrôle étroit du juge.

Première innovation : l’interdiction de sortie du territoire, prévue à l’article 1er du projet de loi, permettra tout d’abord aux autorités de s’opposer au départ de nos ressortissants hors de France dès lors qu’il existe des raisons sérieuses de croire que leur déplacement a une finalité terroriste ou que leur retour porterait atteinte à la sécurité publique.

Rigoureusement encadrée dans ses motifs et dans sa durée, dont le maximum est fixé à deux ans, pouvant faire l’objet d’un recours devant le juge administratif, qui pourra agir en référé, cette mesure sera rendue pleinement effective, sans même attendre la mise en œuvre du PNR – passenger name record –, grâce au retrait de la carte nationale d’identité et à l’invalidation immédiate des documents d’identité, contre récépissé. Des précautions supplémentaires ont été prises pour éviter que ce dernier ne présente un caractère stigmatisant pour l’individu concerné. Je veux remercier sur cette question le Parlement de sa contribution précieuse.

Pour compléter ce dispositif nouveau, l’interdiction d’entrée et de séjour sur le territoire national pour les étrangers ne résidant pas en France, à l’article 1er bis, a été adoptée à la suite d’échanges denses à l’Assemblée nationale et sur la base d’un amendement déposé par le Gouvernement au Sénat.

Deuxième innovation : la création, prévue à l’article 5, du délit d’entreprise individuelle terroriste permettra d’adapter notre législation aux spécificités du terrorisme contemporain sans pour autant mettre en cause le principe de légalité des délits et des peines. Ce délit nouveau est en effet nécessaire pour pouvoir appréhender, avant le passage à l’acte, un individu isolé résolu à commettre une opération terroriste, dès sa détection. En revanche, l’élément matériel relatif à l’acquisition de moyens logistiques de la définition de l’entreprise individuelle terroriste a été supprimé, tandis que la possibilité pour les enquêteurs et magistrats de saisir directement le centre technique d’assistance à des fins de décryptage a été finalement maintenue.

Troisième innovation : pour entraver la diffusion de messages de haine et de propagande terroriste sur internet, l’article 9 rendra possible le blocage administratif des sites, complétant ainsi les dispositions de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique. L’autorité administrative pourra désormais demander aux éditeurs et aux hébergeurs de site, lorsqu’ils sont identifiés, de procéder au retrait des contenus qui appellent au terrorisme ou en font l’apologie, ou bien, à défaut, aux fournisseurs d’accès de bloquer l’accès aux sites, à l’instar de ce que le législateur a déjà prévu pour les sites pédopornographiques.

En vertu du principe de subsidiarité introduit par les députés, ce blocage, ciblé et limité au strict nécessaire, s’effectuera, comme l’a indiqué Alain Richard, sous le contrôle d’une personnalité qualifiée désignée par la CNIL et sera soumis à la juridiction administrative. La personnalité qualifiée aura en effet une faculté de contester le blocage a posteriori devant le juge administratif.

Par ailleurs, la possibilité pour l’administration, votée par le Sénat, de demander aux moteurs de recherche le déréférencement des sites illicites complétera utilement la palette d’outils de lutte contre l’apologie des crimes terroristes sur internet. Le dispositif n’en sera que plus efficace.

Sur cette question, le Gouvernement a tout mis en œuvre pour parer le risque de surblocage et garantir un maximum d’effectivité de la mesure. Ce dispositif a été largement revu dès l’examen du projet de loi en commission des lois à l’Assemblée nationale, ce qui a permis le développement d’un débat fécond sur cette question.

Enfin, quatrième innovation : l’apologie et la provocation au terrorisme, comme l’a indiqué Jean-Jacques Hyest, relèveront non plus du délit d’opinion et donc de la loi de 1881 sur la liberté de la presse, mais du droit commun. Certaines des techniques spéciales d’enquête applicables au terrorisme leur seront également applicables, sous le contrôle de l’autorité judiciaire. Le champ des incriminations d’apologie et de provocation au terrorisme n’est en revanche pas modifié.

Outre ces innovations majeures, d’autres éléments doivent être soulignés.

D’abord, à l’article 15 ter, c’est la possibilité donnée à l’agence de gestion et de recouvrement des avoirs criminels de concourir au financement de la lutte contre la criminalité, qui permettra dans l’immédiat de financer le dispositif des repentis et, à terme, d’intéresser les forces de sécurité aux saisies opérées. C’était un dispositif auquel beaucoup d’entre vous étaient attachés de longue date ; il figure maintenant dans ce texte.

Ensuite, les mesures exceptionnelles de sûreté aéroportuaire pourront être adoptées le cas échéant. Ce dispositif poussé par le secrétariat général de la défense nationale permettra de mettre en place un dispositif « Vigipirate en milieu aérien ».

En outre, les ordonnances relatives à la partie législative du code de la sécurité intérieure ont été ratifiées ; un code de déontologie commun à la police et à la gendarmerie nationales a été créé.

Enfin, les dispositions permettant aux services d’avoir accès aux fichiers dans le cadre de la lutte antiterroriste et de réaliser des contrôles dans les trains transnationaux, prorogées sans discontinuité depuis 2006 et une ultime fois dans le cadre de l’article 1er de la loi antiterroriste de décembre 2012, ont été pérennisées par voie d’amendement gouvernemental au Sénat.

En revanche, comme l’ont indiqué les rapporteurs, l’article 15 allongeant la durée de conservation des enregistrements des interceptions de sécurité a finalement été supprimé.

Je le répète, cette loi est aujourd’hui nécessaire à la sécurité de notre pays. Certes, il n’existe pas de risque zéro en matière de lutte contre le terrorisme, mais ce n’est pas une raison pour rester inactif. Grâce aux dispositifs nouveaux créés par la loi, l’entreprise criminelle des terroristes ou de ceux qui veulent les rejoindre aura été entravée. Des internautes, souvent jeunes, auront échappé à leur action de propagande. La justice et, sous son contrôle, les services de police auront à leur disposition des moyens d’action et d’investigation plus efficaces et plus protecteurs de nos concitoyens.

J’ajoute que les dispositions que l’on retrouve dans cette version issue de la commission mixte paritaire s’inspirent très largement des travaux accomplis par la Haute Assemblée.

Je crois que la calme résolution qui habite ce texte, fruit d’un consensus dont nous pouvons être fiers, est à la fois sa grande force et l’honneur même de notre République.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE, de l'UDI-UC et de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la commission mixte paritaire est parvenue à un accord. Il est heureux que tous les républicains se rassemblent pour lutter contre le terrorisme. Les esprits évoluent… Souvenons-nous de ce que nous avions vécu en mars 2012, après l’affaire Merah. Je ne nourris aucun regret à cet égard ; je veux juste exprimer ma satisfaction devant cette prise de conscience du vrai risque que le terrorisme fait courir à nos institutions, à la République et à la liberté.

Ce texte permettra de mieux armer l’État dans sa lutte contre le terrorisme, même si nous savons bien que l’imagination des terroristes est sans fin et que, un jour ou l’autre, un autre texte sera probablement nécessaire pour tenir compte des évolutions, le plus souvent technologiques. À défaut, ce serait refuser de mieux s’armer.

Pour l’heure, les mesures contenues dans ce texte nous satisfont, car elles parviennent à conserver un bon équilibre entre respect des libertés publiques fondamentales dont jouissent nos concitoyens qui mènent une existence normale et nécessaire protection de ces derniers.

Cela étant, l’idée de mettre en balance les libertés publiques et le terrorisme me semble un peu bizarre, pour ne pas dire plus. C’est le terrorisme qui est la négation de la liberté et l’on ne peut pas mettre sur le même plan libertés publiques et terrorisme : on doit combattre le second pour garantir les premières. Je veux le dire très clairement devant la Haute Assemblée.

Les mesures prévues par ce texte répondent à la situation dans laquelle nous nous trouvons, et notre République en a besoin : les forces de police ou de gendarmerie pour prévenir le terrorisme, les magistrats pour pouvoir poursuivre et condamner les auteurs d’actes de terrorisme. J’évoquerai simplement quelques-unes de ces mesures.

L’article 1er vise à permettre à l’État d’interdire le départ de France d’un ressortissant français lorsqu’il existe des raisons sérieuses de penser qu’il projette des déplacements à l’étranger ayant pour objet la participation à des activités terroristes.

Le texte crée par ailleurs de nouvelles incriminations plus dissuasives et une procédure permettant de poursuivre les auteurs de pareils faits. Ainsi, il était important de reconnaître le délit d’entreprise individuelle terroriste. Cette incrimination manquait à notre code pénal : les actes de terrorisme pouvaient être combattus dès lors qu’ils étaient perpétrés par des groupes mais pas par des individus isolés. Or on sait bien que, de nos jours, les phénomènes de radicalisation sont la plupart du temps individuels et apparaissent souvent en prison.

Je veux également souligner l’effort qu’a fait la majorité sénatoriale d’accepter de déplacer de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse – qui n’a pas pour but la lutte contre le terrorisme – vers le code pénal l’incrimination des délits de provocation à la commission d’actes terroristes et d’apologie du terrorisme. C’est une mesure que j’avais déjà demandée dans d’autres circonstances… Que tous ensemble, Assemblée nationale, Sénat, majorité et opposition, nous acceptions une procédure claire pour engager dans tous les cas les poursuites à l’encontre d’auteurs de tels actes constitue un progrès important pour l’efficacité de la lutte contre le terrorisme.

Oui, cette loi nous permettra de garantir les libertés publiques, parce que nous pourrons combattre plus efficacement le terrorisme ! C’est la raison pour laquelle notre groupe votera ce texte à l’unanimité.

Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, de l'UMP et du RDSE. – M. Thani Mohamed Soilihi applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la lutte contre le terrorisme est une nécessité impérieuse et – chacun aura eu l’occasion de le signaler – les progrès irrésistibles de l’implantation de « l’État islamique » sur le terrain, dans une région à feu et à sang depuis des années, ainsi que l’insupportable assassinat de notre compatriote Hervé Gourdel en Algérie et les différentes décapitations d’Occidentaux sont venus nous rappeler notre vulnérabilité face à cette barbarie.

Le groupe écologiste, que je représente aujourd’hui, a pleine conscience du devoir qui est le nôtre de mener un combat résolu contre toutes les formes de terrorisme et de violence. Toutefois, j’ai eu l’occasion de le dire lors de la première lecture, nous sommes également convaincus que la volonté de rendre plus efficace notre légitime lutte contre le terrorisme ne justifie assurément pas qu’on brade les libertés individuelles.

Je veux également réaffirmer ici, comme je l’ai fait il y a deux ans, comme je l’ai fait il y a quelques semaines, qu’il est surtout urgent de s’attaquer aux causes profondes de l’émergence d’un terrorisme désormais endogène. Peut-être faut-il légiférer, mais il est surtout urgent de travailler en amont, de tout faire pour tenter de comprendre pourquoi ces jeunes, y compris nombre de récents convertis à l’islam, se découvrent soudain une vocation de djihadiste.

Nous pouvons adopter toutes les lois, toutes les mesures dissuasives ou répressives, j’en suis convaincue, nous ne pourrons endiguer un phénomène que nous ne comprenons pas.

Comme en première lecture, la question qui se pose à nous est celle de savoir si le texte issu de la commission mixte paritaire parvient au juste équilibre entre efficacité de la lutte contre le terrorisme et protection des libertés individuelles, qui sont au fondement de notre démocratie.

Considérant que le projet de loi initial n’était pas satisfaisant du point de vue de la protection des libertés individuelles, le groupe écologiste s’y était opposé. Nous constatons à regret que le texte de la commission mixte paritaire ne l’est pas davantage. Je ne reviendrai pas sur l’ensemble des mesures prévues, qui posent nombre de problèmes et constituent des atteintes à la liberté d’aller et venir, à la liberté de circulation dans l’espace Schengen, au principe du contradictoire, au principe de l’absence de répression des actes préparatoires, au principe de proportionnalité... La liste est longue !

Par ailleurs, si les lois antiterroristes sont nécessaires, elles ne doivent pas poursuivre d’autres objectifs que la lutte contre le terrorisme et ne doivent pas pouvoir être instrumentalisées à d’autres fins. Que penser, à cet égard, de l’article 1er bis introduit au Sénat par le biais d’un amendement du Gouvernement, qui ne crée rien de moins qu’une interdiction administrative du territoire français ? Il s’agit ici, n’en déplaise au principe de liberté de circulation, de pouvoir interdire l’entrée en France d’un ressortissant de l’Union européenne s’il représente « une menace » pour la sécurité publique. La menace, si elle doit être « réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société », ne doit pas forcément être en lien avec une entreprise terroriste, le mot n’étant même pas utilisé.

Vous comprendrez, madame la secrétaire d’État, notre inquiétude – partagée par de nombreuses associations et défenseurs des droits des étrangers – quant à l’utilisation qui pourrait être faite de cette mesure. Cette définition bien trop large permet, en réalité, d’interdire l’accès au territoire à peu près à tout le monde. D’aucuns ont pu y voir un « amendement anti-Roms », ...

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

... et je ne suis pas loin de partager cette vision. Peut-être cette mesure ne sera-t-elle pas appliquée à cette fin sous votre administration, mais elle continuera d’exister après vous et pourra être utilisée à des fins de gestion des flux migratoires au sein de l’Union européenne.

Dois-je vous rappeler, chers collègues, que le Conseil d’État a considéré, le 1er octobre dernier, que la « mendicité agressive » d’une famille rom constituait une menace touchant aux intérêts fondamentaux de la société ! En l’espèce, la femme concernée n’avait été ni condamnée ni même poursuivie pénalement. Cette mesure à elle seule et la manière dont elle a été introduite symbolisent l’esprit d’un texte dont les dispositions sont, au mieux, inefficaces, au pire, susceptibles de porter atteinte aux libertés et droits fondamentaux que nous avons pour mission de protéger.

En toute cohérence, le groupe écologiste n’apportera pas son soutien au présent projet de loi.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je vais moi aussi faire entendre une voix dissonante, ce qui ne surprendra personne.

Depuis plusieurs mois, des juristes, des associations de défense des droits de l’homme, des associations de simples citoyens, tous républicains, dénoncent ce projet de loi qui renforce les dispositions relatives à lutte contre le terrorisme, car ils considèrent, comme nous, qu’il contient des mesures attentatoires aux libertés individuelles et souvent dérogatoires au droit commun : interdiction administrative de sortie du territoire, création du délit d’entreprise individuelle terroriste, blocage administratif de sites internet, modifications substantielles de la procédure pénale au-delà des actes de terrorisme.

Le texte issu de la commission mixte paritaire confirme non seulement ces mesures mais en valide également d’autres, introduites par le Gouvernement par voie d’amendement au Sénat. Je pense bien évidemment à l’article 1er bis, qui prévoit un dispositif d’interdiction administrative du territoire dans le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Je ne vais pas répéter ce qui est inscrit dans le texte, Mme Benbassa vient de le faire, mais vous conviendrez que les motifs invoqués ne sont nullement limités au terrorisme. Cette mesure, extrêmement large, permet d’interdire l’accès au territoire à peu près à n’importe qui ! Par exemple, aux manifestants ressortissants d’un État membre de l’Union européenne – d’autant que, vous l’avouerez, la situation économique européenne actuelle peut provoquer des mouvements sociaux contestataires –, mais également, et Mme Benbassa l’a dit à juste raison, aux populations roms largement stigmatisées, qui sont près de 6 millions à vivre sur le territoire de l’Union européenne.

À ce sujet, M. le ministre de l’intérieur s’est indigné d’un procès d’intention que nous lui ferions, en précisant qu’il appliquait en la matière la fameuse résolution des Nations unies du 24 septembre, qui vise à empêcher la circulation des groupes terroristes afin d’entraver les déplacements de ceux qui préparent des actes terroristes sur le sol français, qui mettent en danger les intérêts fondamentaux de la nation, comme le précise le texte.

Nous, nous ne le pensons pas ! Se cacher derrière la résolution des Nations unies est bien commode lorsque l’on sait, à la lecture du texte, que ces mesures peuvent toucher n’importe quel citoyen tant les éléments d’incrimination sont flous. En effet, cet ajout à l’article 1er bis du texte, d’une part, ne précise rien et, d’autre part, est d’une extrême gravité. Il constitue une très sérieuse entorse à la libre circulation des personnes garantie par l’article 27 de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres. L’entorse à cette liberté n’est pas proportionnée et est justifiée par une « menace » insuffisamment étayée, subjective et laissée à la seule appréciation du ministre de l’intérieur, par l’octroi d’un pouvoir discrétionnaire, face à une sanction absolue, l’interdiction du territoire, et à une intervention trop tardive du juge – administratif, de surcroît. Nous ne sommes pas loin de l’arbitraire !

Sous couvert de motifs généraux et légitimes, tels que la lutte contre le terrorisme, est donc octroyée, de manière excessive et sans garanties, la possibilité au ministre de l’intérieur d’interdire l’entrée sur le territoire à un ressortissant européen. J’appelle votre attention sur le fait qu’elle est octroyée au ministre de l’intérieur actuel, mais aussi à celui de demain…

Jamais, madame la secrétaire d’État, je n’aurais imaginé qu’un gouvernement comme le vôtre ait recours à de telles méthodes. Je n’ose imaginer la réaction de mes collègues sur les travées de gauche de cette assemblée si la droite en avait usé…

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Mais ça, c’était hier !

Je pense également à l’article 9, qui prévoit le blocage administratif de sites internet incitant à commettre des actes de terrorisme ou en faisant l’apologie. L’amendement introduit à la dernière minute par le Gouvernement confère à l’autorité administrative le pouvoir d’exiger des moteurs de recherche qu’ils déréférencent des sites sans intervention du juge. Ainsi, si l’autorité administrative estime qu’un site fait l’apologie du terrorisme – notion définie de manière vague –, il pourra ordonner à tous les moteurs de recherche de ne plus l’afficher sur leurs pages de résultats de recherche.

M. le ministre de l’intérieur a précisé que cette possibilité de déréférencement était déjà prévue par la loi concernant les jeux en ligne. Il a toutefois oublié de préciser que, pour déréférencer un site de paris en ligne illégal, l’Autorité de régulation des jeux en ligne doit impérativement passer par un juge, qui intervient alors en référé. Or, dans le projet de loi qui nous occupe aujourd’hui, l’intervention du juge n’est pas prévue puisque c’est à l’administration qu’est conféré le pouvoir de censure. Celle-ci contacte directement le moteur de recherche. Voilà une « manipulation politique » exemplaire pour une mesure rajoutée à la volée !

Vous l’aurez compris, nous nous opposons fermement à ce projet de loi, qui sert de cheval de Troie à une législation sécuritaire, saupoudrée ici et là de prétendues garanties procédurales qui, sur le fond, ne changent rien à son caractère liberticide.

Entendez-le bien : comme tous nos collègues, nous sommes des républicains et aussi de farouches adversaires du terrorisme sous toutes ses formes. Nous ne nions pas et ne minimisons pas le risque terroriste. C’est d’ailleurs pour cela que nous participons activement à la commission d’enquête créée par notre assemblée sur les réseaux djihadistes ; nous le faisons pour comprendre, trouver des pistes, prévenir, dissuader avant – s’il le faut – de réprimer. Mais nous refusons de céder à la pression exercée par le Gouvernement pour mettre en scène un climat sécuritaire aggravé et instrumentaliser des risques terroristes afin de porter atteinte aux droits fondamentaux, à l’État de droit, dans des domaines qui vont au-delà de la seule lutte antiterroriste.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – Mme Esther Benbassa applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous voterons très majoritairement les conclusions de la commission mixte paritaire.

La lutte contre le terrorisme a toujours été un exercice difficile, la recherche d’un équilibre entre pragmatisme et défense des libertés individuelles se révélant toujours délicate.

Le texte que nous nous apprêtons à voter n’empêchera pas totalement la diffusion de la propagande terroriste sur internet ni sur les réseaux sociaux, qui constituent aujourd’hui l’outil majeur de sa propagation. Vous avez d’ailleurs rappelé, madame la secrétaire d’État, que le plan contre la radicalisation violente et les filières terroristes prévoit une série d’actions préventives, lesquelles sont absolument indispensables.

Ce texte ne révolutionnera pas non plus les moyens mis à la disposition des services de police et de renseignement. Le groupe du RDSE a eu l’occasion de le rappeler en première lecture, nous considérons qu’il serait souhaitable que le Parlement réfléchisse à une réforme en profondeur de nos moyens d’investigation ou encore de l’organisation des services de police et de renseignement. Le rapport du procureur Robert, qui a esquissé des pistes de réflexion intéressantes, a permis des avancées en la matière, comme en a témoigné l’adoption de l’article 10 bis issu d’un amendement proposé par notre groupe.

Il faut néanmoins reconnaître que ce texte constitue un début de réponse à ce nouveau terrorisme qui évolue en fonction des mutations techniques et sociologiques, à ce terrorisme qui essaime ses idées dans nos quartiers, sur les esprits les plus vulnérables. Ses différentes dispositions permettront de faire avancer positivement la situation – ce sera déjà un progrès.

Il en est ainsi de l’interdiction de sortie du territoire. Cette mesure permettra d’entraver le départ d’individus radicalisés par le retrait de la carte d’identité et du passeport, mais, comme nous l’avons indiqué en première lecture, elle est attentatoire à la liberté d’aller et venir. Elle devra donc être motivée et prise sur la base de faits circonstanciés. Notre groupe regrette cependant que le principe général du droit des droits de la défense n’ait pas trouvé sa place dans cette procédure de sanction administrative ; une dérogation à la norme du principe du contradictoire aurait pu être introduite en cas d’urgence. Ce n’est pas le choix du Gouvernement. Dont acte !

Les attentats perpétrés il y a deux semaines au Canada renforcent encore la pertinence d’une analyse qui met en évidence l’émergence d’un nouveau phénomène terroriste touchant l’ensemble des pays occidentaux. Ces actes ont été commis par de jeunes citoyens canadiens, qui sont nés et ont grandi au Canada, nouvellement radicalisés. L’un des présumés coupables, considéré comme un « voyageur à haut risque », s’était vu retirer son passeport. Le retrait du passeport n’a donc pas constitué une réponse suffisante.

L’interdiction administrative du territoire à destination de ressortissants étrangers potentiellement dangereux qui se verront interdire l’entrée et la circulation sur le territoire français permettra, dans un premier temps, de combler un manque bien connu du système Schengen. Nous espérons que les négociations autour d’une adaptation du code frontières Schengen aboutiront rapidement. Ce défi majeur du contrôle des frontières extérieures, terrestres et maritimes, de l’espace Schengen est aujourd’hui devenu une question fondamentale pour l’Union européenne et nos concitoyens.

Concernant le blocage des sites faisant l’apologie du djihad, un point doit être souligné, outre la question de son efficacité, qui peut être contestée au regard des renseignements comme des délais de blocage et du caractère transnational de ces problématiques : les outils numériques ne constituent que la partie émergée de l’iceberg terroriste. Sa partie immergée est celle du financement du terrorisme lui-même, des flux financiers et monétaires qui transitent. Le groupe djihadiste Daech est désormais l’organisation terroriste la plus riche de la planète avec une fortune estimée à plus de 2, 3 milliards de dollars.

Nous ne pouvons occulter le fait que lutter contre le terrorisme, c’est aussi lutter contre son financement par le biais du blanchiment d’argent. Un rapport récent de TRACFIN – traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins – a mis en évidence la difficulté qu’il y a à repérer les manœuvres de blanchiment, s’agissant d’opérations répétées, fractionnées, de faible montant et parfois de compensations informelles à distance. Comme l’a souligné une note du ministère de l’économie sur le sujet, « bien que le secteur financier soit régulé depuis longtemps et soumis à la surveillance constante des autorités de contrôle, prenant la forme de contrôles permanents sur pièces et sur place, il demeure exposé à des risques spécifiques en matière de blanchiment des capitaux et de financement du terrorisme ».

Il faudrait s’interroger sur le rôle joué par certains pays du Golfe dans le financement du terrorisme. Le Trésor américain a apporté la première preuve que l’argent du Qatar avait bien permis à des individus, candidats au djihad, de rejoindre la Syrie. Daech en Irak et au Levant a bénéficié de la manne destinée aux différents groupes d’insurgés syriens luttant contre le régime de Bachar El-Assad, une enveloppe financée en grande partie par des acteurs étatiques, l’Arabie Saoudite et le Qatar, relayés par de riches donateurs de ces mêmes pays. Nous ne pouvons durablement tolérer que des investissements massifs dans nos pays occidentaux financent des crimes tout aussi massifs au Moyen-Orient.

D’autres pistes de réflexion devront donc être esquissées dans l’avenir.

Après ces propos prospectifs, qui me paraissent indispensables, je répète que nous voterons très majoritairement ce texte.

Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur certaines travées de l’UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Cabanel

Lors du scrutin n° 7 du 30 octobre 2014 sur les amendements identiques n° 2 rectifié, 48 et 144 à l’article 1er du projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral, j’ai été déclaré comme votant pour, alors que je souhaitais voter contre.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Acte est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Nous reprenons la discussion des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Jean-Patrick Courtois.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, quelle satisfaction qu’un large consensus permette l’adoption d’un texte aujourd’hui indispensable pour compléter notre législation sur les dispositifs de lutte contre le terrorisme ! Sans revenir sur ces besoins réels, je concentrerai mon propos sur le texte que nous avons élaboré en commission mixte paritaire le 21 octobre dernier, notamment la disposition portant sur le délit d’entreprise individuelle terroriste.

Nous avons été nombreux à dire, dès le début de la discussion, l’importance de la création du délit d’entreprise individuelle terroriste. L’introduction d’un nouvel article dans le code pénal consistant à élargir la définition de l’acte de terrorisme était nécessaire face à l’évolution du terrorisme comme l’a démontré notamment « l’affaire Merah », qui a tragiquement inauguré l’ère nouvelle des « loups solitaires », ces individus marginaux et difficilement prévisibles.

De plus, la situation internationale impose que nous ayons des outils juridiques précis afin d’interdire la sortie du territoire à certains individus, lorsque des « raisons sérieuses » laissent penser que cette personne souhaite se déplacer à l’étranger, soit pour participer à des « activités terroristes », soit pour un déplacement sur « un théâtre d’opérations de groupements terroristes et dans des conditions susceptibles de le conduire à porter atteinte à la sécurité publique lors de son retour sur le territoire français ».

Malgré la critique de certaines associations, il est également pertinent de prévoir l’interdiction administrative d’entrée sur le territoire à l’encontre de ressortissants d’un pays membre de l’Union européenne ou de tout membre de sa famille en cas de menace réelle pour l’intérêt fondamental de la société. Cette mesure s’inscrit dans la continuité de la résolution n° 2178 du 24 septembre 2014 du Conseil de sécurité des Nations unies sur les combattants terroristes étrangers, qui prévoit notamment de lutter contre la mobilité internationale des terroristes en empêchant leur accès ou leur transit sur le territoire des États membres de l’ONU.

Certains ressortissants étrangers qui ne résident pas habituellement en France peuvent représenter une menace grave pour la société, en particulier lorsqu’ils peuvent circuler librement au sein de l’espace Schengen. Tel peut être le cas de ressortissants d’États membres de l’Union liés aux mouvances radicales, voire à des organisations terroristes qui se rendent ponctuellement en France pour des séjours de très courte durée. Or seules les personnes résidant en France peuvent faire l’objet d’une mesure d’expulsion.

Je souhaiterais aborder l’un des principaux sujets de divergence que nous avons eu avec nos collègues députés. Il s’agit du régime des délits de provocation au terrorisme et d’apologie du terrorisme.

Nous avions deux approches différentes : l’Assemblée nationale, en accord avec le Gouvernement, avait « extrait » l’apologie et la provocation au terrorisme de la loi de 1881 sur la liberté de la presse, afin de prendre en compte le fait que l’utilisation d’internet fait partie intégrante de la stratégie de plusieurs groupes terroristes. Au Sénat, nous avions en revanche suivi la proposition pertinente des rapporteurs qui n’introduisait dans le code pénal que l’apologie et la provocation au terrorisme via internet.

La décision de la commission mixte paritaire de déplacer ces deux délits de la loi sur la liberté de la presse vers le code pénal et d’aggraver leurs sanctions lorsqu’ils sont commis sur internet – sept ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende au lieu de cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende – est actée, mais nous aurons, dans un avenir proche, à réfléchir peut-être plus sereinement à ce que nous voulons donner comme avenir à la loi sur la liberté de la presse, celle-ci regroupant aujourd’hui un certain nombre de délits qui seraient commis dans des conditions bien éloignées de la presse au sens de la législation du XIXe siècle.

Enfin, je souhaiterais vous faire part de quelques regrets.

Même si je sais que le Parlement devrait être conduit prochainement à légiférer en matière pénitentiaire pour traiter la question de l’encellulement individuel, je trouve regrettable que le Gouvernement n’ait pas eu de position plus claire sur la question de l’encellulement des personnes condamnées pour terrorisme, alors que nous savons tous que la prison est l’un des lieux de recrutement du terrorisme. Le rapport élaboré par l’un de nos collègues dans le cadre du budget de l’administration pour 2015 tend à confirmer la radicalisation et le prosélytisme en milieu pénitentiaire. C’est pourquoi la lutte contre le prosélytisme en prison est un chantier urgent à ouvrir.

Par ailleurs, j’avais déposé un amendement avec mes collègues Frassa et Gournac sur le sujet de la lutte contre la fraude aux prestations sociales. De la même manière, le Gouvernement est resté timoré sur ce plan. Certes, je le conçois, le sujet est extrêmement complexe et ne pouvait être abordé ainsi aussi rapidement sans perspective plus large ; mais ne nous cachons pas derrière cette réalité. Cette question mérite une réflexion approfondie, car les prestations sociales sont certes un droit, mais elles impliquent aussi des devoirs de celles et ceux qui les perçoivent envers la France.

Mes chers collègues, les dispositions adoptées dans le cadre de ce projet de loi vont contribuer à améliorer et renforcer le dispositif existant en matière de lutte contre le terrorisme. C’est donc sans aucune surprise que le groupe UMP votera ce texte, issu d’un consensus général, ce dont je me réjouis, car cela n’a pas forcément toujours été le cas lors des précédentes législatures, pourtant dans le même type de circonstances.

Applaudissements sur les travées de l’UMP, ainsi que sur certaines travées de l’UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le contexte international et national justifie, hélas ! le projet de loi renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme. C’est une évidence si l’on se réfère à l’actualité tragique de ces derniers mois et de ces dernières semaines.

La commission a eu, voilà quelques mois, la bonne idée de confier à deux de nos collègues l’élaboration du rapport. Aussi commencerai-je par remercier Alain Richard et Jean-Jacques Hyest, qui, ensemble, nous ont aidés à dégager non pas un consensus fallacieux, mais une position claire et solide.

Le terrorisme, c’est la négation de la liberté et d’abord de la liberté de vivre. Au Sénat, nous sommes profondément attachés aux libertés. Nous devons donc concilier deux exigences, sans oublier ni l’une ni l’autre : la défense de ces libertés et la lutte contre le terrorisme. C’est ce à quoi nous nous sommes employés lors des travaux de la commission mixte paritaire.

Plusieurs points forts figurent dans le texte.

Premièrement, l’interdiction administrative de sortie du territoire pourra être soumise au contrôle de la juridiction administrative. Je rappelle que, grâce au Sénat, il a été prévu que l’échange contradictoire entre la personne concernée et les autorités pourrait durer huit jours et non quinze jours, ce qui était la position initiale du Gouvernement.

Le Sénat a aussi obtenu que la promulgation de la mesure soit motivée et qu’il soit indiqué le recours possible au référé-liberté avec, chose assez exceptionnelle mais en l’espèce justifiée, un délai de quatre mois accordé au tribunal administratif pour statuer.

Deuxièmement, la création du délit d’entreprise individuelle terroriste apparaît à l’évidence nécessaire compte tenu de ce qui s’est effectivement passé dans notre pays et dans un pays qui nous est proche.

Troisièmement, s’agissant de la question du délit d’apologie et de provocation au terrorisme, dont nous avons beaucoup parlé, le Sénat avait imaginé un dispositif différent selon que le délit est commis sur internet ou sur un média classique. Nos collègues et amis députés nous ont persuadés qu’il était difficile de justifier une réponse différente, en termes de poursuite, selon la nature du support. Un accord a donc été trouvé : l’ensemble de la mesure figurera désormais dans le code pénal, étant entendu que la commission du délit sur internet pourra constituer une circonstance aggravante.

Pour conclure, je souhaite aborder la question du blocage des sites internet qui font l’apologie du terrorisme ou qui se livrent au recrutement de personnes pour des entreprises à caractère terroriste.

Le Sénat avait proposé que la personnalité qualifiée désignée par la Commission nationale de l'informatique et des libertés soit elle-même membre de la CNIL. Les députés ont souhaité à juste titre que cette désignation ne puisse porter sur l’un des parlementaires membres de la CNIL. Cet aspect est important, car il existe déjà de nombreuses autorités administratives indépendantes, peut-être trop… C’est pourquoi il convient de réfléchir, et Patrice Gélard y contribue – j’espère que l’on débattra de sa proposition de loi –, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

… à une définition des autorités administratives indépendantes.

Quoi qu’il en soit, nous ne pouvions soutenir l’idée selon laquelle une autorité administrative indépendante désignerait elle-même une personne ou une autorité qualifiée qui lui serait étrangère.

Par ailleurs, le Sénat a ajouté au présent texte le déréférencement des sites.

Parallèlement, sur l’initiative de l’Assemblée nationale, le délai de blocage des sites a été de nouveau fixé à vingt-quatre heures. Je rappelle que le Sénat avait, dans un premier temps, jugé qu’un délai de quarante-huit heures était plus réaliste pour que ce blocage soit effectif.

Mes chers collègues, j’ai pu observer, sur des sites internet de toutes natures, des quantités, sinon un bombardement d’expressions selon lesquelles le présent texte serait « une atteinte sans précédent aux libertés ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Aussi je le répète, au risque d’essuyer de nouvelles rafales, la première liberté, c’est tout de même la liberté de vivre, et de vivre en sécurité !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Bien sûr, et heureusement chère collègue, car nous sommes en démocratie !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Dans une société démocratique, on ne peut se résigner à ce que l’espace dit « internet » ne soit régi par aucune loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Pourquoi, dès lors que l’on serait sur internet, n’y aurait-il plus de place pour les lois relatives à la vie privée, au respect des droits d’auteur, à la propriété intellectuelle, à la répression des propos racistes, xénophobes, homophobes, antisémites, islamophobes ou faisant l’apologie du terrorisme ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Je mesure la difficulté de la tâche qu’il nous faut accomplir. Il faut trouver des solutions en jouant la carte de la coopération internationale, notamment européenne, et mettre en œuvre des mesures plus efficaces, même si nous savons que des failles existent. En tant que législateurs, nous avons un vaste travail à mener sur le sujet. Nous ne pouvons pas nous résigner à ce que l’on fasse n’importe quoi, qu’il s’agisse de l’apologie du terrorisme ou de tous les délits que je viens de citer, en matière de racisme, de xénophobie, etc.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Mme Éliane Assassi. Qui soutient cette position dans cet hémicycle ?

M. Christophe Béchu manifeste son exaspération.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Je ne vous ai pas mise en cause, chère collègue. D’ailleurs, vous n’avez pas dit cela. J’ai simplement pointé du doigt un certain nombre d’écrits, qui se multiplient sur internet, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

… et selon lesquels le présent projet de loi serait attentatoire aux libertés.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

M. Jean-Pierre Sueur. Pour ma part, j’ai la liberté de dire à cette tribune que je ne souscris en rien à ces propos. À mon sens, il est de la responsabilité du législateur de faire en sorte que les règles de droit, qui sont protectrices des libertés, s’appliquent aussi sur internet.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, vous le savez, j’ai exprimé en première lecture des réserves sur un certain nombre d’articles du projet de loi.

La commission mixte paritaire nous a transmis un texte équilibré. Il ne s’agit certes pas de l’équilibre que j’aurais souhaité atteindre si je l’avais écrit moi-même. Je n’en salue pas moins le travail des rapporteurs, qui ont relayé, au Sénat et face à l’Assemblée nationale, l’ensemble des préoccupations émises en première lecture. Ainsi, même si le résultat atteint n’est probablement pas parfait, nous pouvons affirmer aujourd’hui que le débat a été utile : il a permis d’améliorer un texte qui, en tant que tel, était nécessaire.

Toutefois, j’exprimerai quelques regrets au sujet de l’article 1er bis, que Mmes Benbassa et Assassi ont évoqué. En effet, la nouvelle rédaction du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile va bien au-delà d’un parallélisme entre l’interdiction de sortie du territoire et l’interdiction d’entrée sur le territoire. Ces dispositions ne se limitent pas à la lutte contre le terrorisme, ce qui, somme toute, aurait été logique. Elles vont beaucoup plus loin : on évoque les menaces pesant sur les intérêts fondamentaux de la société, sur l’ordre public et sur les relations internationales de la France, lorsque les individus susceptibles de se voir interdire l’entrée sur le territoire ne sont pas ressortissants d’un pays membre de l’Union européenne.

À mon sens, l’extension du champ de ces mesures peut poser certaines difficultés. Voilà pourquoi je demanderai quelques précisions au Gouvernement. Il me semble absolument indispensable, d’une part, que le principe de la liberté de circulation dans l’espace Schengen soit préservé et, d’autre part, que le motif de « menaces pour les relations internationales de la France » ne porte en aucun cas atteinte au respect, par notre pays, de la convention de Genève relative au statut des réfugiés.

Mes chers collègues, si certaines dispositions législatives permettent de contester la présence d’une personne sur notre territoire pour des motifs relevant des relations internationales, un État étranger serait, tout à fait légitimement, en position de demander au gouvernement français de ne pas recevoir tel ou tel de ses ressortissants, afin de préserver de bonnes relations diplomatiques. Aussi, je m’inquiète des conséquences de cet article 1er bis, étant donné le rôle que nous devons jouer pour la préservation du droit d’asile.

J’ajoute que j’ai été choqué par un certain nombre d’opinions exprimées au cours des débats parlementaires. Je songe notamment à certains de nos collègues députés, MM. Philippe Goujon, Meyer Habib, Claude Goasguen ou Mme Marion Maréchal-Le Pen, proposant, pour des personnes susceptibles d’interdiction de sortie du territoire – mesure administrative –, une déchéance de nationalité.

Une telle proposition procède d’une double erreur.

La première erreur porte sur le sens de l’interdiction de sortie du territoire : il s’agit d’une mesure administrative préventive et en aucun cas d’une peine résultant d’une instruction ou d’une décision judiciaire, cas auquel renvoie l’article 5 du présent texte. Il n’y a aucune raison de considérer qu’une personne se voyant interdire, à titre préventif, la sortie du territoire, doit être, de ce fait, déchue de la nationalité française. Il ne faut pas confondre l’article 1er, qui est préventif, et l’article 5, qui est punitif. Cette incompréhension est regrettable : c’est avec de telles erreurs que l’on fait passer ce projet de loi pour attentatoire aux libertés, en particulier pour ce qui concerne son premier article.

La seconde erreur porte sur le sens de la déchéance de nationalité. La nationalité est une réalité binaire : ou bien on l’a, ou bien on ne l’a pas. On ne peut pas inventer des demi-nationalités, que l’on serait susceptible de perdre pour tel ou tel motif. Quel serait le sens de l’intégration, s’il existait des Français et des demi-Français ? Une fois que l’on est Français, on l’est pleinement, et la loi ne peut vous distinguer des autres citoyens.

À cet égard, certaines dispositions existent déjà. Je le répète, ne confondons pas l’article 1er et l’article 5 ! Dans certains cas, on peut s’apercevoir que l’on a commis une erreur en accordant la nationalité à telle ou telle personne. Mais le code de la nationalité française permet alors la déchéance, en particulier si cet individu est condamné pour acte terroriste. Voilà pourquoi certains de nos collègues députés ont fait la confusion, au titre de l’article 1er.

Pour conclure, je souligne que le projet de loi est un texte d’équilibre, répondant aux exigences et aux défis du moment. J’aurais préféré une rédaction quelque peu différente sur certains points. Quoi qu’il en soit, il s’agit d’un texte indispensable.

Pour l’avenir, certaines pistes ont été tracées, notamment celle de la coopération européenne, qui est impérative, et celle de la coopération internationale au sens large. Ne croyons pas que les problèmes dont il est ici question sont strictement franco-français ou européens ! Un grand nombre de pays, notamment le Maroc ou l’Égypte, sont confrontés à des difficultés similaires, qui ne pourront être résolues que par la coopération.

Je voterai donc ce projet de loi avec quelques bémols, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

M. Jean-Yves Leconte. … et tout en gardant à l’esprit qu’il résulte d’une recherche d’équilibre.

Applaudissements sur quelques travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire.

Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, le Sénat, lorsqu’il examine après l’Assemblée nationale le texte élaboré par la commission mixte paritaire, se prononce par un seul vote sur l’ensemble du texte en ne retenant que les amendements présentés ou acceptés par le Gouvernement.

Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire :

Chapitre Ier

Création d’un dispositif d’interdiction de sortie du territoire

I. – Le livre II du code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :

1° Le titre II est complété par un chapitre IV ainsi rédigé :

« Chapitre IV

« Interdiction de sortie du territoire

« Art. L. 224 -1. – Tout Français peut faire l’objet d’une interdiction de sortie du territoire lorsqu’il existe des raisons sérieuses de penser qu’il projette :

« 1° Des déplacements à l’étranger ayant pour objet la participation à des activités terroristes ;

« 2° Ou des déplacements à l’étranger sur un théâtre d’opérations de groupements terroristes, dans des conditions susceptibles de le conduire à porter atteinte à la sécurité publique lors de son retour sur le territoire français.

« L’interdiction de sortie du territoire est prononcée par le ministre de l’intérieur pour une durée maximale de six mois à compter de sa notification. La décision est écrite et motivée. Le ministre de l’intérieur ou son représentant met la personne concernée en mesure de lui présenter ses observations dans un délai maximal de huit jours après la notification de la décision. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix.

« Lorsque les conditions en sont réunies, l’interdiction de sortie du territoire peut être renouvelée par décision expresse et motivée. Elle est levée aussitôt que ces conditions ne sont plus satisfaites. Les renouvellements consécutifs d’une interdiction initiale ne peuvent porter la durée globale d’interdiction au-delà de deux années.

« La personne qui fait l’objet d’une interdiction de sortie du territoire peut, dans le délai de deux mois suivant la notification de la décision et suivant la notification de chaque renouvellement, demander au tribunal administratif l’annulation de cette décision. Le tribunal administratif statue dans un délai de quatre mois à compter de sa saisine. Ces recours s’exercent sans préjudice des procédures ouvertes par les articles L. 521-1 et L. 521-2 du code de justice administrative.

« L’interdiction de sortie du territoire emporte dès son prononcé et à titre conservatoire l’invalidation du passeport et de la carte nationale d’identité de la personne concernée ou, le cas échéant, fait obstacle à la délivrance d’un tel document. L’autorité administrative informe la personne concernée par tout moyen.

« Dès notification de l’interdiction de sortie du territoire, et au plus tard dans les vingt-quatre heures à compter de celle-ci, la personne concernée est tenue de restituer son passeport et sa carte nationale d’identité.

« Un récépissé valant justification de son identité est remis à la personne concernée en échange de la restitution de son passeport et de sa carte nationale d’identité ou, à sa demande, en lieu et place de la délivrance d’un tel document. Ce récépissé suffit à justifier de l’identité de la personne concernée sur le territoire national en application de l’article 1er de la loi n° 2012-410 du 27 mars 2012 relative à la protection de l’identité.

« Le fait de quitter ou de tenter de quitter le territoire français en violation d’une interdiction de sortie du territoire prise en application du présent article est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende.

« Le fait, pour toute personne s’étant vu notifier une décision d’interdiction de sortie du territoire, de se soustraire à l’obligation de restitution de son passeport et de sa carte nationale d’identité, est puni de deux ans d’emprisonnement et de 4 500 € d’amende.

« Un décret en Conseil d’État précise les modalités de mise en œuvre du présent article, s’agissant notamment des modalités d’établissement du récépissé mentionné au neuvième alinéa. » ;

2° Le chapitre II du titre III est complété par un article L. 232-8 ainsi rédigé :

« Art. L. 232 -8. – Lorsque l’autorité administrative constate que les données transmises en application du présent chapitre permettent d’identifier une personne faisant l’objet d’une interdiction de sortie du territoire mentionnée à l’article L. 224-1, elle notifie à l’entreprise de transport concernée, par un moyen tenant compte de l’urgence, une décision d’interdiction de transport de cette personne.

« En cas de méconnaissance de l’interdiction de transport par une entreprise de transport, l’amende prévue à l’article L. 232-5 est applicable, dans les conditions prévues au même article. »

« Les conditions d’application du présent article sont précisées par décret en Conseil d’État. »

II. –

Suppression maintenue

Chapitre Ier bis

Création d’un dispositif d’interdiction administrative du territoire

I. – Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :

1° Le titre Ier du livre II est complété par un chapitre IV ainsi rédigé :

« Chapitre IV

« Interdiction administrative du territoire

« Art. L. 214 -1. – Tout ressortissant d’un État membre de l’Union européenne, d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou de la Confédération suisse, ou tout membre de la famille d’une telle personne peut, dès lors qu’il ne réside pas habituellement en France et ne se trouve pas sur le territoire national, faire l’objet d’une interdiction administrative du territoire lorsque sa présence en France constituerait, en raison de son comportement personnel, du point de vue de l’ordre ou de la sécurité publics, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société.

« Art. L. 214 -2. – Tout ressortissant étranger non mentionné à l’article L. 214-1 peut, dès lors qu’il ne réside pas habituellement en France et ne se trouve pas sur le territoire national, faire l’objet d’une interdiction administrative du territoire, lorsque sa présence en France constituerait une menace grave pour l’ordre public, la sécurité intérieure ou les relations internationales de la France.

« Art. L. 214 -3. – L’interdiction administrative du territoire fait l’objet d’une décision du ministre de l’intérieur écrite et rendue après une procédure non contradictoire. Elle est motivée, à moins que des considérations relevant de la sûreté de l’État ne s’y opposent.

« Si l’étranger est entré en France alors que la décision d’interdiction administrative du territoire prononcée antérieurement ne lui avait pas déjà été notifiée, il est procédé à cette notification sur le territoire national.

« Lorsque la décision a été prise en application de l’article L. 214-1, et que l’intéressé est présent en France à la date de sa notification, il bénéficie à compter de cette date d’un délai pour quitter le territoire qui, sauf urgence, ne peut être inférieur à un mois.

« Art. L. 214 -4. – L’étranger qui fait l’objet d’une interdiction administrative du territoire et qui s’apprête à entrer en France peut faire l’objet d’un refus d’entrée, dans les conditions prévues au chapitre III du présent titre.

« Lorsque l’étranger qui fait l’objet d’une interdiction administrative du territoire est présent sur le territoire français, il peut être reconduit d’office à la frontière, le cas échéant à l’expiration du délai prévu à l’article L. 214-3. L’article L. 513-2, le premier alinéa de l’article L. 513-3 et les titres V et VI du livre V sont applicables à la reconduite à la frontière des étrangers faisant l’objet d’une interdiction administrative du territoire.

« Art. L. 214 -5. – L’autorité administrative peut à tout moment abroger l’interdiction administrative du territoire. L’étranger peut introduire une demande de levée de la mesure après un délai d’un an à compter de son prononcé. Le silence gardé pendant plus de quatre mois sur la demande de levée vaut décision de rejet.

« Art. L. 214 -6. – Sans préjudice des dispositions de l’article L. 214-5, les motifs de l’interdiction administrative du territoire donnent lieu à un réexamen tous les cinq ans à compter de la date de la décision.

« Art. L. 214 -7. – Le second alinéa de l’article L. 214-4 n’est pas applicable à l’étranger mineur. » ;

2° L’article L. 213-1 est complété par les mots : «, soit d’une interdiction administrative du territoire » ;

3° Le livre V est ainsi modifié :

a) Le 7° de l’article L. 551-1 est complété par les mots : « ou d’une interdiction administrative du territoire » ;

b) À la seconde phrase de l’article L. 552-4, après les mots : « d’une interdiction de retour sur le territoire français en vigueur, », sont insérés les mots : « d’une interdiction administrative du territoire en vigueur, » ;

c) À l’intitulé du chapitre V du titre V, le mot : « mesure » est remplacé par le mot : « peine » ;

d) Après le 5° de l’article L. 561-1, il est inséré un 6° ainsi rédigé :

« 6° Si l’étranger doit être reconduit à la frontière en exécution d’une interdiction administrative du territoire. » ;

e) L’article L. 571-1 est ainsi modifié :

– au premier alinéa, après les mots : « d’interdiction de retour sur le territoire français, », sont insérés les mots : « d’interdiction administrative du territoire, » ;

– au même premier alinéa, après les mots : « code de procédure pénale », la fin de l’article est supprimée ;

4° Le livre VI est ainsi modifié :

a) L’article L. 624-1 est ainsi modifié :

– au premier alinéa, après les mots : « d’une obligation de quitter le territoire français », sont insérés les mots : «, d’une interdiction administrative du territoire » ;

– au deuxième alinéa, après les mots : « d’une mesure de refus d’entrée en France, » et les mots : « d’une interdiction judiciaire du territoire, », sont insérés les mots : « d’une interdiction administrative du territoire, » ;

b) Au dernier alinéa de l’article L. 624-4, les mots : « ou L. 541-3 » sont remplacés par les mots : «, L. 541-3 ou du 6° de l’article L. 561-1 ».

II. – Au premier alinéa de l’article 729-2 du code de procédure pénale, après les mots : « d’interdiction du territoire français, », sont insérés les mots : « d’interdiction administrative du territoire français, ».

Chapitre II

Renforcement des mesures d’assignation à résidence

I. – Le titreVI du livre V du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par un chapitre III ainsi rédigé :

« Chapitre III

« Assignation à résidence avec interdiction de se trouver en relation avec une personne nommément désignée

« Art. L. 563 -1. – L’étranger astreint à résider dans les lieux qui lui sont fixés en application des articles L. 523-3, L. 523-4 ou L. 541-3 qui a été condamné à une peine d’interdiction du territoire pour des actes de terrorisme prévus au titre II du livre IV du code pénal ou à l’encontre duquel un arrêté d’expulsion a été prononcé pour un comportement lié à des activités à caractère terroriste peut, si la préservation de la sécurité publique l’exige, se voir prescrire par l’autorité administrative compétente pour prononcer l’assignation à résidence une interdiction de se trouver en relation, directement ou indirectement, avec certaines personnes nommément désignées dont le comportement est lié à des activités à caractère terroriste. La décision est écrite et motivée. Elle peut être prise pour une durée maximale de six mois et renouvelée, dans la même limite de durée, par une décision également motivée. Cette interdiction est levée dès que les conditions ne sont plus satisfaites ou en cas de levée de l’assignation à résidence.

« La violation de cette interdiction est sanctionnée dans les conditions prévues à l’article L. 624-4 du présent code. »

II. – L’article L. 624-4 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La même peine d’emprisonnement d’un an est applicable aux étrangers qui n’ont pas respecté les interdictions qui leur sont prescrites en application de l’article L. 563-1. »

Chapitre III

Renforcement des dispositions de nature répressive

I. – Après l’article 421-2-4 du code pénal, il est inséré un article 421-2-5 ainsi rédigé :

« Art. 421 -2 -5. – Le fait de provoquer directement à des actes de terrorisme ou de faire publiquement l’apologie de ces actes est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende.

« Les peines sont portées à sept ans d’emprisonnement et 100 000 € d’amende lorsque les faits ont été commis en utilisant un service de communication au public en ligne. »

« Lorsque les faits sont commis par la voie de la presse écrite ou audiovisuelle ou de la communication au public en ligne, les dispositions particulières des lois qui régissent ces matières sont applicables en ce qui concerne la détermination des personnes responsables. »

II. - La loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est ainsi modifiée :

1° Le sixième alinéa de l’article 24 est supprimé ;

2° Au premier alinéa de l’article 24 bis, les mots : « des peines prévues par le sixième alinéa de l’article 24 » sont remplacés par les mots : « d’un an d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende ».

3° Au premier alinéa de l’article 48-1, la référence : « (alinéa 8) » est remplacée par la référence : « (alinéa 7) » ;

4° Au premier alinéa des articles 48-4, 48-5 et 48-6, la référence : « neuvième alinéa » est remplacée par la référence : « huitième alinéa » ;

5° À l’article 52, les mots : « et sixième » sont supprimés ;

bis Au premier alinéa de l’article 63, les références : « 6, 8 et 9 » sont remplacées par les références : « 7 et 8 » ;

6° À l’article 65-3, les mots : « sixième, huitième et neuvième » sont remplacés par les mots : « septième et huitième ».

I. – Après l’article 421-2-4 du code pénal, il est inséré un article 421-2-6 ainsi rédigé :

« Art. 421 -2 -6. – I. – Constitue un acte de terrorisme le fait de préparer la commission d’une des infractions mentionnées au II, dès lors que la préparation de ladite infraction est intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur et qu’elle est caractérisée par :

« 1° Le fait de détenir, de rechercher, de se procurer ou de fabriquer des objets ou des substances de nature à créer un danger pour autrui ;

« 2° Et l’un des autres faits matériels suivants :

« a) recueillir des renseignements sur des lieux ou des personnes permettant de mener une action dans ces lieux ou de porter atteinte à ces personnes ou exercer une surveillance sur ces lieux ou ces personnes ;

« b) s’entraîner ou se former au maniement des armes ou à toute forme de combat, à la fabrication ou à l’utilisation de substances explosives, incendiaires, nucléaires, radiologiques, biologiques ou chimiques ou au pilotage d’aéronefs ou à la conduite de navires ;

« c) consulter habituellement un ou plusieurs services de communication au public en ligne ou détenir des documents provoquant directement à la commission d’actes de terrorisme ou en faisant l’apologie ;

« d) avoir séjourné à l’étranger sur un théâtre d’opérations de groupements terroristes.

« II. – Le I s’applique à la préparation de la commission des infractions suivantes :

« 1° Soit un des actes de terrorisme mentionnés au 1° de l’article 421-1 ;

« 2° Soit un des actes de terrorisme mentionnés au 2° du même article 421-1, lorsque l’acte préparé consiste en des destructions, dégradations ou détériorations par substances explosives ou incendiaires devant être réalisées dans des circonstances de temps ou de lieu susceptibles d’entraîner des atteintes à l’intégrité physique d’une ou plusieurs personnes ;

« 3° Soit un des actes de terrorisme mentionnés à l’article 421-2, lorsque l’acte préparé est susceptible d’entraîner des atteintes à l’intégrité physique d’une ou plusieurs personnes. »

II. – Après le troisième alinéa de l’article 421-5 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« L’acte de terrorisme défini à l’article 421-2-6 est puni de dix ans d’emprisonnement et de 150 000 € d’amende. »

Au premier alinéa de l’article 227-24 du code pénal, après le mot : « violent », le mot « ou » est remplacé par les mots : «, incitant au terrorisme, ».

Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Au début de la section 2 du titre XV du livre IV, il est rétabli un article 706-23 ainsi rédigé :

« Art. 706 -23. – L’arrêt d’un service de communication au public en ligne peut être prononcé par le juge des référés pour les faits prévus à l’article 421-2-5 du code pénal lorsqu’ils constituent un trouble manifestement illicite, à la demande du ministère public ou de toute personne physique ou morale ayant intérêt à agir. » ;

2° L’article 706-24-1 est ainsi rétabli :

« Art. 706 -24 -1. – Les articles 706-88 à 706-94 du présent code ne sont pas applicables aux délits prévus à l’article 421-2-5 du code pénal. » ;

3° L’article 706-25-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le présent article n’est pas applicable aux délits prévus à l’article 421-2-5 du code pénal. » ;

L’article 706-25-2 est abrogé.

Chapitre IV

Renforcement des moyens de prévention et d’investigations

L’article 706-16 du code de procédure pénale est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« La section 1 du présent titre est également applicable à la poursuite, à l’instruction et au jugement des infractions commises en détention par une personne détenue, prévenue, condamnée, recherchée dans le cadre d’un mandat d’arrêt européen ou réclamée dans le cadre d’une extradition pour des actes de terrorisme incriminés par les articles 421-1 à 421-6 du code pénal.

« Ces dispositions sont également applicables à la poursuite, à l’instruction et au jugement des infractions d’évasion incriminées par les articles 434-27 à 434-37 du même code, des infractions d’association de malfaiteurs prévues à l’article 450-1 dudit code lorsqu’elles ont pour objet la préparation de l’une des infractions d’évasion précitées, des infractions prévues à l’article L. 624-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ainsi que des infractions prévues à l’article L. 224-1 du code de sécurité intérieure, lorsqu’elles sont commises par une personne détenue, prévenue, condamnée, recherchée dans le cadre d’un mandat d’arrêt européen ou réclamée dans le cadre d’une extradition pour des actes de terrorisme incriminés par les articles 421-1 à 421-6 du code pénal. »

I. – Le paragraphe 2 de la section 3 du chapitre IV du titre X du livre IV du code de procédure pénale est complété par un article 695-28-1 ainsi rédigé :

« Art. 695 -28 -1. – Pour l’examen des demandes d’exécution d’un mandat d’arrêt européen concernant les auteurs d’actes de terrorisme, le procureur général près la cour d’appel de Paris, le premier président de la cour d’appel de Paris ainsi que la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris et son président exercent une compétence concurrente à celle qui résulte de l’application des articles 695-26 et 695-27. »

II. – La section 2 du chapitre V du titre X du livre IV du code de procédure pénale est complété par un article 696-24-1 ainsi rédigé :

« Art. 696 -24 -1. – Pour l’examen des demandes d’extradition concernant les auteurs d’actes de terrorisme, le procureur général près la cour d’appel de Paris, le premier président de la cour d’appel de Paris ainsi que la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris et son président exercent une compétence concurrente à celle qui résulte de l’application des articles 696-9, 696-10 et 696-23. »

Le code monétaire et financier est ainsi modifié :

1° À la première phrase de l’article L. 562-1, le mot : « peut » est remplacé par les mots : « et le ministre de l’intérieur peuvent, conjointement, » ;

2° L’article L. 562-5 est ainsi modifié :

a) À la première phrase, le mot : « peut » est remplacé par les mots : « et le ministre de l’intérieur peuvent, conjointement, » ;

b) À la fin de la seconde phrase, les mots : « du ministre » sont supprimés ;

3° À l’article L. 562-6, les mots : « du ministre » sont remplacés par les mots : « des ministres ».

II. – Le présent article entre en vigueur le premier jour du quatrième mois suivant la promulgation de la présente loi.

I. – Le 7 du I de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique est ainsi modifié :

1° Au troisième alinéa, après le mot : « humanité, », sont insérés les mots : « de la provocation à la commission d’actes de terrorisme et de leur apologie, » et la référence : « et 227-24 » est remplacée par les références : «, 227-24 et 421-2-5 » ;

2° Les cinquième et sixième alinéas sont supprimés ;

Suppression maintenue

4° Au dernier alinéa, les mots : «, cinquième et septième » sont remplacés par les mots : « et cinquième ».

I bis. – Après l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 précitée, il est inséré un article 6-1 ainsi rédigé :

« Art. 6-1. – Lorsque les nécessités de la lutte contre la provocation à des actes terroristes ou l’apologie de tels actes relevant de l’article 421-2-5 du code pénal ou contre la diffusion des images ou des représentations de mineurs relevant de l’article 227-23 du même code le justifient, l’autorité administrative peut demander à toute personne mentionnée au III de l’article 6 de la présente loi ou aux personnes mentionnées au 2 du I du même article 6 de retirer les contenus qui contreviennent à ces mêmes articles 421-2-5 et 227-23. Elle en informe simultanément les personnes mentionnées au 1 du I de l’article 6 de la présente loi.

« En l’absence de retrait de ces contenus dans un délai de vingt-quatre heures, l’autorité administrative peut notifier aux personnes mentionnées au même 1 la liste des adresses électroniques des services de communication au public en ligne contrevenant auxdits articles 421-2-5 et 227-23. Ces personnes doivent alors empêcher sans délai l’accès à ces adresses. Toutefois, en l’absence de mise à disposition par la personne mentionnée au III du même article 6 des informations mentionnées à ce même III, l’autorité administrative peut procéder à la notification prévue à la première phrase du présent alinéa sans avoir préalablement demandé le retrait des contenus dans les conditions prévues à la première phrase du premier alinéa du présent article.

« L’autorité administrative transmet les demandes de retrait et la liste mentionnées respectivement aux premier et deuxième alinéas à une personnalité qualifiée, désignée en son sein par la Commission nationale de l’informatique et des libertés pour la durée de son mandat dans cette commission. Elle ne peut être désignée parmi les personnes mentionnées au 1° du I de l’article 13 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. La personnalité qualifiée s’assure de la régularité des demandes de retrait et des conditions d’établissement, de mise à jour, de communication et d’utilisation de la liste. Si elle constate une irrégularité, elle peut à tout moment recommander à l’autorité administrative d’y mettre fin. Si l’autorité administrative ne suit pas cette recommandation, la personnalité qualifiée peut saisir la juridiction administrative compétente, en référé ou sur requête.

« L’autorité administrative peut également notifier les adresses électroniques dont les contenus contreviennent aux articles 421-2-5 et 227-23 du code pénal aux moteurs de recherche ou aux annuaires, lesquels prennent toute mesure utile destinée à faire cesser le référencement du service de communication au public en ligne. La procédure prévue au troisième alinéa du présent article est applicable.

« La personnalité qualifiée mentionnée au même troisième alinéa rend public chaque année un rapport d’activité sur les conditions d’exercice et les résultats de son activité, qui précise notamment le nombre de demandes de retrait, le nombre de contenus qui ont été retirés, les motifs de retrait et le nombre de recommandations faites à l’autorité administrative. Ce rapport est remis au Gouvernement et au Parlement.

« Les modalités d’application du présent article sont précisées par décret, notamment la compensation, le cas échéant, des surcoûts justifiés résultant des obligations mises à la charge des opérateurs.

« Tout manquement aux obligations définies au présent article est puni des peines prévues au 1 du VI de l’article 6 de la présente loi. »

II. – Le premier alinéa du 1 du VI de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 précitée est ainsi modifié :

1° Les mots : «, cinquième et septième » sont remplacés par les mots : « et cinquième » ;

2° Après la référence : « 7 du I », sont insérés les mots : « du présent article ni à celles prévues à l’article 6-1 de la présente loi » ;

3° Après la référence : « II », sont insérés les mots : « du présent article ».

Les articles 60-1 et 77-1-1 du code de procédure pénale sont ainsi modifiés :

1° À la première phrase, deux fois, et à la seconde phrase du premier alinéa, le mot : « documents » est remplacé par le mot : « informations » ;

2° À la première phrase du premier alinéa, les mots : « ceux issus » sont remplacés par les mots : « celles issues ».

Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° L’article 230-1 est ainsi modifié :

aa) À la première phrase du premier alinéa, après le mot : « comprendre, », sont insérés les mots : « ou que ces données sont protégées par un mécanisme d’authentification, » ;

a) Aux premier et dernier alinéas, après les mots : « d’instruction », sont insérés les mots : «, l’officier de police judiciaire, sur autorisation du procureur de la République ou du juge d’instruction, » ;

a bis) À la première phrase du premier alinéa, les mots : « la version en clair de ces informations » sont remplacés par les mots : « l’accès à ces informations, leur version en clair » ;

b) À la première phrase du deuxième alinéa, après le mot : « République », sont insérés les mots : «, de l’officier de police judiciaire » ;

c) À la seconde phrase du deuxième alinéa, après le mot : « prévu », est insérée la référence : « au deuxième alinéa de l’article 60 et », et les mots : « au premier alinéa de » sont remplacés par le mot : « à » ;

2° L’article 230-2 est ainsi modifié :

a) À la première phrase du premier alinéa, après le mot : « instruction », sont insérés les mots : «, l’officier de police judiciaire, sur autorisation du procureur de la République ou du juge d’instruction, » ;

b) À la première phrase du premier alinéa, les mots : « au service national de police judiciaire chargé de la lutte contre la criminalité liée aux technologies de l’information » sont remplacés par les mots : « à un organisme technique soumis au secret de la défense nationale, et désigné par décret » ;

c) À la dernière phrase du premier alinéa, les mots : « l’autorité judiciaire requérante » sont remplacés par les mots : « le procureur de la République, la juridiction d’instruction, l’officier de police judiciaire, sur autorisation du procureur de la République ou du juge d’instruction, ou la juridiction de jugement saisie de l’affaire ou ayant requis l’organisme technique » ;

d) La première phrase du second alinéa est supprimée ;

bis L’article 230-3 est ainsi modifié :

a) La première phrase du premier alinéa est ainsi rédigée :

« Dès l’achèvement des opérations ou dès qu’il apparaît que ces opérations sont techniquement impossibles ou à l’expiration du délai prescrit ou à la réception de l’ordre d’interruption émanant du procureur de la République, de la juridiction d’instruction, de l’officier de police judiciaire, sur autorisation du procureur de la République ou du juge d’instruction, ou de la juridiction de jugement saisie de l’affaire, les résultats obtenus et les pièces reçues sont retournés par le responsable de l’organisme technique à l’auteur de la réquisition. » ;

b) Le deuxième alinéa est supprimé ;

3° À l’article 230-4, le mot : « judiciaires » est supprimé.

Au premier alinéa de l’article 323-3 du code pénal, la première occurrence du mot : « ou » est remplacée par les mots : «, d’extraire, de détenir, de reproduire, de transmettre, ».

I. – Après l’article 323-4 du code pénal, il est inséré un article 323-4-1 ainsi rédigé :

« Art. 323 -4 -1. – Lorsque les infractions prévues aux articles 323-1 à 323-3-1 ont été commises en bande organisée et à l’encontre d’un système de traitement automatisé de données à caractère personnel mis en œuvre par l’État, la peine est portée à dix ans d’emprisonnement et à 150 000 € d’amende. »

I bis. – Au 1° de l’article 704 du code de procédure pénale, la référence : « 323-4 » est remplacée par la référence : « 323-4-1 ».

II. –

Suppression maintenue

Le titre XXIV du livre IV du code de procédure pénale est ainsi rétabli :

« Titre XXIV

« De la procédure applicable aux atteintes aux systèmes de traitement automatisé de données

« Art. 706 -72. – Les articles 706-80 à 706-87-1, 706-95 à 706-103 et 706-105 du présent code sont applicables à l’enquête, à la poursuite, à l’instruction et au jugement des délits prévus à l’article 323-4-1 du code pénal.

« Les articles mentionnés au premier alinéa du présent article sont également applicables à l’enquête, à la poursuite, à l’instruction et au jugement du blanchiment des mêmes délits ainsi qu’à l’association de malfaiteurs lorsqu’elle a pour objet la préparation de l’un desdits délits. »

Après la section 2 du chapitre II du titre XXV du livre IV du code de procédure pénale, est insérée une section 2 bis ainsi rédigée :

« Section 2 bis

« De l’enquête sous pseudonyme

« Art. 706 -87 -1. – Dans le but de constater les infractions mentionnées aux articles 706-72 et 706-73 et, lorsque celles-ci sont commises par un moyen de communication électronique, d’en rassembler les preuves et d’en rechercher les auteurs, les officiers ou agents de police judiciaire agissant au cours de l’enquête ou sur commission rogatoire peuvent, s’ils sont affectés dans un service spécialisé désigné par arrêté du ministre de l’intérieur et spécialement habilités à cette fin, procéder aux actes suivants sans en être pénalement responsables :

« 1° Participer sous un pseudonyme aux échanges électroniques ;

« 2° Être en contact par le moyen mentionné au 1° avec les personnes susceptibles d’être les auteurs de ces infractions ;

« 3° Extraire, acquérir ou conserver par ce moyen les éléments de preuve et les données sur les personnes susceptibles d’être les auteurs de ces infractions ;

« 4° Extraire, transmettre en réponse à une demande expresse, acquérir ou conserver des contenus illicites dans des conditions fixées par décret.

« À peine de nullité, ces actes ne peuvent constituer une incitation à commettre ces infractions. »

I. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° L’article 706-35-1 est ainsi modifié :

a) À la première phrase du premier alinéa, les références : « 225-4-1 à 225-4-9, 225-5 à 225-12 » sont remplacées par les références : « 225-4-1, 225-4-8, 225-4-9, 225-5, 225-6 » ;

b) Après le 2°, il est inséré un 2° bis ainsi rédigé :

« 2° bis Extraire, acquérir ou conserver par ce moyen les éléments de preuve et les données sur les personnes susceptibles d’être les auteurs de ces infractions ; »

2° Après le 2° de l’article 706-47-3, il est inséré un 2° bis ainsi rédigé :

« 2° bis Extraire, acquérir ou conserver par ce moyen les éléments de preuve et les données sur les personnes susceptibles d’être les auteurs de ces infractions ; ».

II. – L’article 59 de la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne est ainsi modifié :

1° Au 2°, les mots : « des données » sont remplacés par les mots : « les éléments de preuve et les données » ;

2° Après le même 2°, il est inséré un 3° ainsi rédigé :

« 3° Extraire, transmettre en réponse à une demande expresse, acquérir ou conserver des contenus illicites dans des conditions fixées par décret. »

(Supprimé)

L’article 706-161 du code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Le troisième alinéa de l’article 706-161 du code de procédure pénale est complété par une phrase ainsi rédigée :

« L’agence peut également verser à l’État des contributions destinées au financement de la lutte contre la délinquance et la criminalité. »

Supprimé

(Suppression maintenue)

Le chapitre Ier du titre IV du livre III de la sixième partie du code des transports est complété par un article L. 6341-4 ainsi rédigé :

« Art. L. 6341 -4. – En cas de menace pour la sécurité nationale, l’autorité administrative peut imposer aux entreprises de transport aérien desservant le territoire national au départ d’aérodromes étrangers la mise en œuvre de mesures de sûreté dont la durée d’application ne peut excéder trois mois. Ces mesures peuvent être reconduites dans les mêmes conditions.

« Les mesures de sûreté mentionnées au premier alinéa sont celles dont la mise en œuvre peut être imposée aux entreprises de transport aérien en application du règlement (CE) n° 300/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 11 mars 2008, relatif à l’instauration de règles communes dans le domaine de la sûreté de l’aviation civile et abrogeant le règlement (CE) n° 2320/2002, des règlements pris pour son application par la Commission européenne et des normes de sûreté prévues par la réglementation nationale.

« Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État. »

I. – Les ordonnances n° 2012-351 du 12 mars 2012 relative à la partie législative du code de la sécurité intérieure, n° 2013-518 du 20 juin 2013 modifiant certaines dispositions du code de la sécurité intérieure et du code de la défense (parties législatives) relatives aux armes et munitions et n° 2013-519 du 20 juin 2013 modifiant certaines dispositions du code de la sécurité intérieure (partie législative) relatives à l’outre-mer sont ratifiées.

II. – Le code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :

1° Le titre IV du livre Ier est ainsi rédigé :

« TITRE IV

« DÉONTOLOGIE DE LA SÉCURITÉ INTÉRIEURE

« Chapitre I er

« Dispositions générales

« Art. L. 141 -1. – La déontologie des personnes exerçant des missions ou activités de sécurité est précisée par décret en Conseil d’État.

« Chapitre II

« Défenseur des droits

« Art. L. 142 -1. – Le Défenseur des droits accomplit sa mission de veiller au respect de la déontologie par les personnes exerçant des activités de sécurité dans les conditions fixées par la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits. » ;

2° Le titre III du livre IV est complété par un chapitre IV ainsi rédigé :

« Chapitre IV

« Déontologie de la police et de la gendarmerie nationales

« Art. L. 434 -1. – Un code de déontologie commun à la police et à la gendarmerie nationales est établi par décret en Conseil d’État. » ;

3° Le chapitre II du titre Ier du livre IV est abrogé ;

4° Les articles L. 285-1, L. 286-1 et L. 287-1 sont complétés par un 7° ainsi rédigé :

« 7° Au titre VII : l’article L. 271-1. » ;

5° L’article L. 285-2 est complété par un 9° ainsi rédigé :

« 9° Le deuxième alinéa de l’article L. 271-1 est ainsi rédigé :

« “Un arrêté du haut-commissaire de la République en Polynésie française précise les zones dans lesquelles cette obligation s’applique ainsi que les caractéristiques des immeubles ou locaux qui y sont assujettis.ˮ » ;

6° L’article L. 286-2 est complété par un 10° ainsi rédigé :

« 10° Le deuxième alinéa de l’article L. 271-1 est ainsi rédigé :

« “Un arrêté du haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie précise les zones dans lesquelles cette obligation s’applique ainsi que les caractéristiques des immeubles ou locaux qui y sont assujettis.” » ;

7° L’article L. 287-2 est complété par un 11° ainsi rédigé :

« 11° L’article L. 271-1 est ainsi modifié :

« a) Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :

« “Un arrêté de l’administrateur supérieur des îles Wallis et Futuna précise les zones dans lesquelles cette obligation s’applique ainsi que les caractéristiques des immeubles ou locaux qui y sont assujettis.” ;

« b) Le dernier alinéa est supprimé. » ;

8° Le 9° de l’article L. 645-1 est ainsi rédigé :

« 9° L’article L. 614-1 est complété par les mots : “ dans sa rédaction applicable en Polynésie française ” » ;

9° Le 10° de l’article L. 646-1 est ainsi rédigé :

« 10° L’article L. 614-1 est complété par les mots : “ dans sa rédaction applicable en Nouvelle Calédonie” » ;

10° Le 9° de l’article L. 647-1 est ainsi rédigé :

« 9° L’article L. 614-1 est complété par les mots : “ dans sa rédaction applicable dans les îles Wallis et Futuna” » ;

11° À la seconde phrase de l’article L. 262-1, la référence : « III » est remplacée par la référence : « II » ;

12° Les deux dernières phrases du second alinéa de l’article L. 634-4 sont ainsi rédigées :

« Le montant des pénalités financières est fonction de la gravité des manquements commis et, le cas échéant, en relation avec les avantages tirés du manquement, sans pouvoir excéder 150 000 €. Ces pénalités sont prononcées dans le respect des droits de la défense. »

I. – Le dernier alinéa du II de l’article L. 222-1 du code de la sécurité intérieure est supprimé.

II. – Le premier alinéa de l’article 32 de la loi n° 2006-64 du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers est supprimé.

Chapitre V

Dispositions relatives à l’outre-mer

(Pour coordination)

Les articles 1er bis et 2 de la présente loi sont applicables à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin.

I. – Le 2° des articles L. 285-1, L. 286-1, L. 287-1 et L. 288-1 du code de la sécurité intérieure est complété par la référence : « et L. 224-1 ».

II. – Au 3° de l’article L. 288-1 du même code, la référence : « L. 232-6 » est remplacée par la référence : « L. 232-8 ».

III. – Le 2° du I de l’article 1er et les articles 3 à 15 sexies sont applicables en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna et en Nouvelle-Calédonie.

IV. –

Suppression maintenue

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Nous allons maintenant examiner l’amendement déposé par le Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Sur les articles 1er à 8, je ne suis saisie d’aucun amendement.

Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?...

Le vote est réservé.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

L'amendement n° 1, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Après le mot :

apologie, »

insérer les mots :

, les mots : « huitième et neuvième » sont remplacés par les mots : « septième et huitième »

La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, secrétaire d'État

Il s’agit d’un amendement de coordination.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Sur les articles 10 bis à 18, je ne suis saisie d’aucun amendement.

Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?...

Le vote est réservé.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Je vais mettre aux voix l’ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, modifié par l’amendement précédemment adopté par le Sénat.

La parole est à M. Stéphane Ravier, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mesdames, messieurs les sénateurs, s’il n’est jamais trop tard pour bien faire, il n’est jamais trop tôt non plus, qui plus est lorsqu’il s’agit de la sécurité de nos compatriotes, voire de la sécurité nationale. Cependant, les mesures proposées ici sont non seulement bien tardives, mais surtout, hélas ! bien en deçà des dangers réels et terriblement actuels auxquels notre pays est confronté.

Vous traitez le sujet a minima, sans jamais vous attaquer aux causes réelles et profondes du phénomène : la perte de contrôle sur la nationalité française, d’une part, …

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

… et sur nos frontières, d’autre part, avec l’anarchie migratoire…

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

… découlant d’un regroupement familial permanent et du sans-frontiérisme de l’Union européenne, incarné par l’espace Schengen.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

Tout d’abord, vous instaurez une interdiction administrative de sortie du territoire national. En somme, vous voulez empêcher les apprentis terroristes, les apprentis djihadistes, de partir. Mais il faudrait plutôt les empêcher de revenir ! C’est même agir en pompiers pyromanes que de chercher à les maintenir de force en France, pour qu’ils y diffusent leurs messages et y accomplissent leurs actes de haine. Voulez-vous donc que ces individus recrutent ici même de plus en plus d’adeptes, comme c’est déjà le cas dans nos prisons ?

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

… que l’on ne peut empêcher nos « concitoyens », devenus terroristes, de revenir en France, puisque c’est « leur » pays. C’est là une des clefs du problème que vous refusez d’aborder.

Peut-on encore parler, comme vous le faites, de « compatriotes »…

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

… à propos de djihadistes et de terroristes qui combattent aujourd’hui pour le seul État au monde qu’ils jugent légitime, à savoir l’État dit « islamique », lequel exclut toute appartenance nationale et est, a fortiori, hostile à la France ?

L’article 25 de notre code civil indique déjà qu’un individu peut être déchu de la nationalité française, notamment « s’il est condamné pour un acte qualifié de crime ou délit constituant une atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation » ou bien « s’il s’est livré au profit d’un État étranger à des actes incompatibles avec la qualité de français et préjudiciables aux intérêts de la France ». Seulement, ces dispositions sont réservées aux personnes naturalisées depuis moins de dix ans. Elles sont donc parfaitement obsolètes. Car, nous le savons bien – cela a été répété ici –, ce ne sont pas spécifiquement des naturalisés de fraîche date qui rejettent nos valeurs pour devenir des terroristes, mais des personnes françaises, parfois depuis plusieurs générations ! Il existe ainsi une discrimination entre naturalisés et non-naturalisés à laquelle vous manquez l’occasion de mettre fin.

En outre, la forme mouvante de « l’État islamique » rend obsolète l’expression « État étranger », qu’il faudrait remplacer par « intérêts étrangers ». Pourquoi ne pas étendre le champ du code civil et retirer leur nationalité française à tous ceux qui incitent au terrorisme ou en font l’apologie, en général, et aux djihadistes, en particulier ? Voilà qui protégerait vraiment nos compatriotes comme les étrangers qui veulent vivre sur notre sol en toute sécurité et en toute liberté !

Là encore, pourtant, vous tremblez à l’idée de créer des apatrides.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Et vous, que faites-vous quand vous demandez à des enfants leur carte d’identité nationale ?

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

Mais qui crée des apatrides, chère madame, sinon ceux qui ne se reconnaissent pour pays que cet État dit « islamique », qui a vocation à conquérir par la terreur et les massacres de masse ? Ils ont eux-mêmes choisi de devenir des apatrides du djihad et du terrorisme !

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Des apatrides du djihad… C’est n’importe quoi !

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

Au reste, notre droit nous permet de le faire. Lorsque la France a ratifié la convention sur la réduction des cas d’apatrides, en 1962, elle a émis des réserves qui lui permettent de traiter de tels cas. Au lieu de cela, vous faites semblant de traiter le sujet de la nationalité, en prévoyant simplement de retirer une pièce d’identité.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Mais arrêtez donc avec ça, vous le répétez depuis des années !

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

C’est un trompe-l’œil qui n’empêchera rien, ou si peu, dans un espace Schengen où vous avez choisi d’abolir tout contrôle des frontières.

Un dernier point, et non des moindres, n’est pas traité dans ce texte : le laxisme migratoire et ses conséquences.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

C’est vraiment votre seul programme politique !

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

Internet n’est pas le seul vecteur d’endoctrinement. L’islamisme radical a des relais partout dans notre pays. Dans des centaines de quartiers, et pas seulement dans les quartiers nord de Marseille, la pression s’exerce, à travers un endoctrinement de rue au cœur des cités, pratiqué par des fanatiques et autres imams autoproclamés radicaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

Dans bien des quartiers, les signes extérieurs de l’islamisme radical gagnent du terrain. Les codes vestimentaires des femmes comme des hommes en attestent sans ambiguïté.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

Alors que la porosité est évidente entre les migrations incontrôlées…

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

… et ces sphères de radicalité, vous continuez à laisser circuler des éléments extrémistes dans nos quartiers, en provenance, qui plus est, de pays où la liberté religieuse n’existe pas.

Dans ce contexte, votre projet de loi souligne surtout votre impuissance, née de votre attachement inconditionnel aux règles internationales les plus néfastes.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

Nous devons lutter contre les dogmes fanatiques, …

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

… mais ne nous rendons pas fanatiques d’autres dogmes, qui empêchent de véritablement protéger nos compatriotes. Pour ces raisons, je m’abstiendrai, avec mon collègue M. Rachline, sur ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Et pour toutes ces raisons, le groupe UMP votera le texte !

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, si le Parlement français était devenu liberticide, ce serait le signe d’une grande épidémie d’autoritarisme en Europe et dans le monde. Les Anglais eux-mêmes, champions de l’habeas corpus, prennent, comme tous les autres Européens, ce type de mesures, qui répondent à un vrai besoin.

Internet est devenu un vecteur de promotion du djihad et une sorte d’agence de voyage vers les pays du djihad. Il est donc nécessaire de supprimer ces contenus absolument insupportables. Cependant, je reste convaincue que le blocage des sites prévu à l’article 9 ne sera pas efficace et qu’il faudra trouver d’autres moyens.

Ce texte a trouvé un équilibre, même si c’est dans l’urgence et avec des imperfections. Il élude notamment trois sujets majeurs : la prévention, les circuits financiers et le milieu carcéral.

La Haute Assemblée vient de créer une commission d’enquête. Je fonde beaucoup d’espoir sur ses travaux, ainsi que sur l’usage qui sera fait de ses conclusions. Le Gouvernement a parfaitement pris en considération le rapport de nos collègues de l’Assemblée nationale, Christophe Cavard et Jean-Jacques Urvoas, pour réformer les services de sécurité du territoire. J’espère donc que nous pourrons revenir sur le sujet à la suite des travaux de cette commission d’enquête que je préside et dont Jean-Pierre Sueur est le rapporteur.

En effet, des dispositions complémentaires sont absolument nécessaires. En cette matière, le tout-répressif ne peut pas fonctionner. Il faut également envisager des mesures préventives, prendre en compte les flux financiers et endiguer la radicalisation non seulement dans certains quartiers, mais également dans nos prisons.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Personne ne demande plus la parole ?...

Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix l'ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte proposé par la commission mixte paritaire, modifié par l’amendement précédemment adopté par le Sénat.

Le projet de loi est définitivement adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures dix.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la simplification de la vie des entreprises (projet n° 771 [2013-2014], texte de la commission n° 60, rapport n° 59, avis n° 41, 51, 52, 53).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

Debut de section - Permalien
Emmanuel Macron

Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes réunis ce jour pour avancer sur une question absolument cruciale pour l’ensemble de notre économie : la simplification des normes administratives et réglementaires. Voilà pourquoi je tenais à être présent aux côtés de Thierry Mandon, qui a fourni un travail important sur le sujet, même si, je vous prie par avance de bien vouloir m’en excuser, je vais devoir vous quitter pour participer au comité de suivi des aides publiques aux entreprises présidé par le Premier ministre.

Le travail de simplification que porte le projet de loi est crucial, tout d’abord, parce que la complexité que doivent affronter les entreprises et les entrepreneurs au quotidien est l’un des grands blocages qui entravent l’activité. Chaque jour – vous êtes en première ligne pour en faire le constat –, les démarches, la paperasse, la myriade de lois, de règles et de règlements peuvent rendre notre système incompréhensible pour nos concitoyens. Elles peuvent parfois étouffer, plutôt que protéger, et inhiber, plutôt qu’accompagner. Pis, trop souvent, elles fragilisent, plutôt qu’elles ne sécurisent. Au final, cette complexité est un frein à l’innovation, à la création, à l’embauche, c’est-à-dire au dynamisme de notre économie.

La simplification est cruciale, ensuite, parce que nous ne moderniserons pas notre pays sans moderniser les normes administratives et réglementaires qui l’organisent. Nous devons tenir compte des transformations profondes qui sont à l’œuvre. Tout s’accélère, et les nouvelles technologies bouleversent notre rapport au temps. Les informations circulent à grande vitesse et les décisions doivent être prises toujours plus rapidement. La réactivité, l’immédiateté et l’efficacité sont désormais une condition de la survie et du développement de nos entreprises. La simplification, c’est donc une bataille contre les délais, un travail permanent pour permettre aux acteurs économiques de gagner la course contre le temps, si importante pour notre compétitivité.

Elle est cruciale, enfin, parce que la simplification est une condition de l’attractivité de nos territoires, dont vous êtes les représentants. Combien d’entre vous ont vu, comme moi, trop souvent, des entreprises, en raison de l’idée qu’elles se font de la complexité du droit français ou par une expérience malheureuse qu’elles auraient connue sur notre territoire, décider de ne pas réinvestir ou retarder leur décision. Pour être plus attractif, il est donc nécessaire de simplifier.

Ce texte de loi illustre à lui seul la méthode du Gouvernement pour moderniser le pays : une réforme concertée et large pour simplifier.

Nous avons opté pour une approche radicalement différente de celle de nos prédécesseurs : la concertation.

Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Emmanuel Macron, ministre

Les ordonnances, qui sont toujours prises dans un cadre législatif bien précis, ont été rédigées en concertation avec les entreprises.

Concerter pour simplifier, c’est faire le choix de ne pas commettre les erreurs du passé. À cet égard, le travail parlementaire a été décisif. Je tiens d’ailleurs à remercier l’ensemble des sénateurs et des députés qui se sont mobilisés dans ce travail de simplification de la vie de nos entreprises. Je salue en particulier Sophie Errante, rapporteur du projet de loi à l'Assemblée nationale, ainsi que Thani Mohamed Soilihi, rapporteur du premier projet de loi habilitant le Gouvernement à simplifier.

Concerter, c’est aussi s’assurer que la simplification sera efficace et qu’elle ne fragilisera ni les entreprises ni les salariés. Le texte que je vous présente aujourd’hui avec Thierry Mandon n’est ni anti-administratif, ni anti-réglementaire, ni anti-juridique, pas plus qu’il n’est synonyme de dérégulation ou de déréglementation. Il s’agit, au contraire, d’un projet visant à redonner aux normes leur ambition originelle : protéger les Français, tout en leur permettant d’exercer leurs droits et leur liberté.

Ce projet de loi s’inscrit dans un mouvement plus large de simplification engagé par le Gouvernement.

D’abord, le Président de la République avait déclaré, dès le mois de novembre 2012, que la simplification serait une priorité de son quinquennat. Cette priorité irrigue l’ensemble de l’action gouvernementale : le texte que nous vous présentons aujourd’hui est notamment la suite logique de la loi du 2 janvier 2014 habilitant le Gouvernement à simplifier et sécuriser la vie des entreprises. Deux textes en moins d’un an : c’est la preuve que le Gouvernement, sous la responsabilité et la coordination en particulier de Thierry Mandon, prend le sujet de la simplification à bras-le-corps. S’agissant de mon ministère, 100 % des ordonnances prises à la suite de la loi précitée ont été promulguées.

Ensuite, le 14 avril dernier, le Conseil de la simplification pour les entreprises, que coprésidaient alors Thierry Mandon et Guillaume Poitrinal, a présenté cinquante premières mesures de simplification. L’acte II de la simplification était alors amorcé. Là encore, ces recommandations sont le fruit d’un travail collaboratif, car ce sont les entreprises elles-mêmes, réunies au sein de dix ateliers permanents, qui ont identifié les « nœuds de complexité », que nous avons ensuite cherché à traiter au travers de différents textes. Aujourd’hui, le Gouvernement traduit ces recommandations en actes. Le texte que nous vous présentons aujourd'hui reprend ainsi quatorze des cinquante recommandations que cette instance a formulées au printemps dernier.

Qu’avons-nous fait des autres recommandations ? Certaines ont d’ores et déjà été intégrées dans des textes législatifs adoptés par le Parlement ; d’autres ont été mises en œuvre sans attendre par décret ou arrêté. Ainsi, le silence de l’administration vaudra désormais accord. Depuis 150 ans, le silence de l’administration à une demande émanant d’un particulier ou d’une entreprise valait rejet. À partir du 12 novembre prochain, ce sera le contraire. C’est une petite révolution administrative !

Ce projet de loi concerne tous les domaines, toutes les facettes de notre économie. Du fait de sa nature, il traite l’ensemble du droit français : droit du travail, de la sécurité sociale, de l’urbanisme, de l’environnement, des sociétés et des obligations. Car c’est bien dans l’ensemble de ces domaines que les entreprises françaises doivent affronter la complexité du quotidien !

Alors, que simplifions-nous ? Je prendrai ici quelques exemples très concrets.

En premier lieu, le projet de loi met fin à des archaïsmes, c'est-à-dire à des dispositions qui n’avaient plus lieu d’être. C’est le cas, notamment, de la déclaration des congés d’été pour certaines professions, comme les boulangers, dont l’origine remontait à la Révolution française.

En deuxième lieu, il renforce la lisibilité de notre cadre juridique. C’est capital pour que les sociétés puissent investir, se projeter dans l’avenir ou même prendre les décisions les plus simples, les plus courantes. Ainsi, en cas de doute sur l’application d’une norme à une situation concrète, une firme pourra interroger l’administration. Celle-ci aura l’obligation de lui délivrer une prise de position formelle et opposable juridiquement, dans la mesure où la situation lui aura été décrite de bonne foi. C’est l’objet de l’extension des rescrits à de nouveaux domaines de l’action publique.

En troisième lieu, enfin, il a vocation à créer de l’activité dans tous nos territoires, en soutenant et en encourageant la création d’entreprise. Des mesures concrètes permettront d’alléger les autorisations préalables à la création d’entreprise : nos concitoyens auront notamment la possibilité de créer une société avec un seul document en un seul lieu. Désormais, il suffira d’accomplir une seule démarche à un seul guichet. Difficile de faire plus simple !

Pour terminer, permettez-moi de revenir sur deux points précis du projet de loi.

D’abord, certains amendements ont peut-être été adoptés de façon prématurée par la commission, même si nous partageons l’objectif recherché. En effet, les projets de texte doivent faire l’objet d’une concertation avec l’ensemble des parties prenantes ; je pense aux articles 28 bis ou 28 ter relatifs à la fusion des chambres territoriales et régionales de commerce et d’industrie ou à l’article 27 bis relatif aux contrats de partenariat public-privé. Si le Gouvernement propose des amendements de suppression de ces articles nouveaux, c’est dans un esprit de construction et de concertation, et non parce qu’il ne partage pas l’objectif final.

Debut de section - Permalien
Emmanuel Macron, ministre

Ensuite, j’évoquerai deux sujets que je sais particulièrement sensibles : la question de la pénibilité…

Debut de section - Permalien
Emmanuel Macron, ministre

M. Emmanuel Macron, ministre. … et celle du droit d’information des salariés.

Ah ! au banc des commissions.

Debut de section - Permalien
Emmanuel Macron, ministre

Simplifier, ce n’est pas faire bégayer la loi. Même si je ne suis ministre de l’économie que depuis quelques semaines, je constate que le législateur a pris des décisions en adoptant des lois. Revenir trop vite sur ces lois sans même attendre qu’elles aient été appliquées reviendrait à créer une forme d’insécurité dans laquelle nos concitoyens ne sauraient se retrouver et nos entrepreneurs y voir plus d’efficacité.

Debut de section - Permalien
Emmanuel Macron, ministre

Cela ne signifie pas que nous soyons pour autant sourds aux remarques.

La réforme de la pénibilité n’a pas été faite de manière fortuite ou subreptice. Il s’agit en outre d’une belle réforme : elle crée des droits en faveur des Françaises et des Français qui travaillent depuis longtemps. Le système de retraite sera plus intelligent, plus moderne, plus individualisé. Ne nous battons pas contre l’idée ; ce serait un combat d’arrière-garde ! Battons-nous pour faire de cette idée une idée plus pratique.

Debut de section - Permalien
Emmanuel Macron, ministre

Les décrets qui ont été publiés ont fait l’objet, là aussi, d’un travail de concertation et de préparation. Ne nous mentons pas ! Ces décrets n’ont pas non plus été élaborés de manière subreptice. M. de Virville, qui est un grand industriel, a travaillé, pendant plusieurs mois, en liaison avec les confédérations, pour faire en sorte que lesdits décrets puissent sortir.

Debut de section - Permalien
Emmanuel Macron, ministre

Je ne suis pas en train de vous dire qu’on doit en être totalement satisfait, mais les décrets ont été publiés. Faisons-les vivre et voyons !

Engager dans les prochaines semaines et les prochains mois un travail utile, auquel participerait la représentation nationale dans toutes ses composantes, en collaboration avec M. de Virville et les différentes fédérations, est une responsabilité collective. Voyons de manière pratique les dispositions qui sont applicables et rendons plus efficaces, surtout auprès de nos TPE et de nos PME, celles qui ne le sont pas, afin que cette belle idée soit plus opérationnelle. Donnons-nous du temps, sans créer de l’instabilité ! Soyons plus efficaces en donnant de la visibilité ! Continuons à nous concerter dans le réel !

Pour ma part, j’en suis convaincu, on peut régler la question de la pénibilité de manière plus simple.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

Il ne fallait pas prendre les décrets alors !

Debut de section - Permalien
Emmanuel Macron, ministre

Je le répète, ne nous battons pas contre l’idée, ce serait rétrograde.

Quant au droit d’information des salariés, une disposition que la commission souhaite supprimer, il a été créé par la loi du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire. Toutefois, là aussi, nous devons être pragmatiques, car nous faisons face à un double enjeu : répondre aux centaines d’entrepreneurs qui, tous les ans, ne trouvent pas de repreneurs pour leur entreprise ; offrir le maximum de chances aux entreprises pour assurer la pérennité de l’emploi et de l’activité dans une conjoncture économique difficile au moyen d’un dispositif qui ne concerne que les PME.

Soyons clairs, le texte présentait des difficultés d’application, mais nous avons apporté les premiers moyens d’y remédier. Ainsi, le décret du 29 octobre dernier précise que les cessions en cours, y compris les négociations ayant commencé avant le 1er novembre, sont protégées : ce droit d’information s’appliquera donc uniquement aux cessions dont la recherche de repreneur démarre à compter de cette date.

Les modalités d’information ont également été simplifiées et peuvent se faire, par exemple, sous forme de mail avec accusé de réception.

Par ailleurs, pour sécuriser les chefs d’entreprise, un guide d’accompagnement, préparé sous mon autorité et celle de Carole Delga, a été publié. C’est pourquoi le Gouvernement a déposé un amendement de suppression du nouvel article 12 A.

Enfin et surtout, dans le droit fil de ce qui a été fait pour le compte de prévention de la pénibilité, une mission parlementaire sera mandatée pour évaluer, au début de l’année 2015, les conditions concrètes de mise en œuvre de ce droit. Plus largement, elle émettra des recommandations pour faciliter et accompagner les transmissions et les reprises d’entreprises. Attendons le résultat de cette évaluation avant d’envisager toute nouvelle mesure législative en vue de simplifier ce droit et de le rendre plus opérant.

Je pense partager la philosophie profonde de celles et ceux qui peuvent être angoissés face à la complexité que ces deux dispositifs pourraient créer et la finalité de cette réforme. Mais répondons-nous à l’objectif de simplification si nous créons une autre instabilité ? Je ne le crois pas. Travaillons donc collectivement à rendre les choses plus opérationnelles. Défendons les idées qui répondent à de véritables problèmes et qui font maintenant partie du débat public, mais rendons-les plus opérantes, plus pratiques, plus acceptables pour celles et ceux qui, au quotidien, les vivront, je veux parler de nos salariés et de nos chefs d’entreprise, notamment des plus petites d’entre elles.

Mesdames, messieurs les sénateurs, la simplification est, je l’ai dit, une priorité de ce quinquennat. Le Président de la République l’a rappelé lui-même le 30 octobre, en prenant connaissance des nouvelles propositions du Conseil de la simplification pour les entreprises. Je porterai toutes ces nouvelles mesures dans le futur projet de loi sur l’activité et la croissance, qui sera soumis à la Haute Assemblée au début de l’année 2015. Ce travail continue donc.

Ces mesures concernent les domaines où des blocages existent encore, où des complexités inutiles perdurent ; je pense à la simplification des déclarations fiscales, à la création d’une carte d’identité électronique pour les entreprises ou encore à la réduction des délais en matière prud’homale.

La simplification n’est pas seulement une priorité législative. Elle doit aussi concerner, j’en suis pleinement conscient, nos administrations.

Debut de section - Permalien
Emmanuel Macron, ministre

Vous avez raison, nous avons tous du travail à faire dans cette perspective.

Pour ce qui me concerne, j’ai demandé à celles et ceux qui sont sous mon autorité de réfléchir et d’agir à l’aune des objectifs que nous avons fixés en matière de simplification.

La simplification est une discipline collective, qui s’applique aussi bien à la fabrication de la loi qu’à celle du règlement. C’est une forme d’hygiène que nous devons tous avoir lorsque nous proposons et décidons.

L’exigence que j’ai à l’égard de mon administration, je l’aurai aussi vis-à-vis de moi-même lors de nos échanges au cours des prochains mois. Reste que la complexité ne vient pas que de l’administration : nous devons tous davantage écouter la société, les acteurs économiques, qui demandent plus de simplification.

Dans cette bataille pour la simplification, nous devons aller jusqu’au bout. Nous n’aurons pas terminé notre travail avec ce texte. D’ailleurs, nous ne l’aurons pas terminé tant que les Français n’auront pas constaté, dans tous les territoires, qu’il est désormais plus simple de créer une entreprise, de la développer et de faire face aux aléas du quotidien. Faisons en sorte que la norme protège, accompagne, libère et que, jamais, elle ne bloque ni n’entrave pour de mauvaises raisons.

Cette bataille n’est donc pas terminée. Vous pouvez compter sur Thierry Mandon et moi-même pour ne pas faillir à la tâche. Je compte respectueusement sur vos suffrages, mesdames, messieurs les sénateurs, afin que ce texte devienne une réalité pour nos entreprises et nos entrepreneurs et apporte une nouvelle pierre à l’édifice.

Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste, ainsi que sur quelques travées du RDSE et de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

Il faut sortir des mots et passer à l’action !

Debut de section - Permalien
Emmanuel Macron, ministre

C’est mon quotidien !

Debut de section - Permalien
Thierry Mandon, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé de la réforme de l'État et de la simplification

Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes réunis aujourd'hui, comme vient de le rappeler M. le ministre de l'économie, pour nous atteler à une tâche essentielle pour l’économie de notre pays : donner corps par les mesures qui vous sont proposées, éventuellement amendées par la Haute Assemblée, à une politique permettant aux entreprises de se concentrer sur ce pourquoi elles sont faites, à savoir créer de la valeur pour elles-mêmes et leurs salariés, ainsi que pour notre économie.

Il s’agit de permettre aux entrepreneurs de développer, demain, dans un cadre réglementaire et fiscal les investissements nécessaires à la croissance. Plus généralement, il convient de stabiliser un environnement réglementaire qui, à force d’être trop souvent bousculé, insécurise. Bref, nous sommes ici pour faire un véritable travail collectif, afin de traduire dans la réalité un certain nombre d’engagements sur lesquels je reviendrai ultérieurement.

Plus encore que le contenu de ces engagements, c’est l’esprit même de cette politique de simplification que nous devons au préalable partager.

Il faut bien sûr rétablir la confiance entre les entreprises et l’administration, faire de la simplification un outil au service de la croissance et, plus généralement, faire évoluer, dans notre pays, le rapport entre la sphère publique, qui définit, édicte et adopte les normes, et les acteurs de la société. Il convient de créer entre eux une synergie mutuellement profitable, au service de la qualité, de l’efficacité de la loi et de la norme et, bien évidemment aussi, du développement des entreprises.

Ce travail, qui est, en somme, un travail de réconciliation, nous l’entreprenons sans naïveté aucune, mais avec la conviction farouche de servir ainsi un nouvel intérêt public. Son point de départ, que M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique vient d’exposer, est l’idée simple, mais fondatrice, que simplifier n’est pas déréglementer. Il est très important que nous nous accordions sur ce principe, car l’examen du travail accompli dans les pays étrangers ces dernières années montre que c’est de lui qu’ont procédé les succès les plus éclatants.

En vérité, simplifier ne consiste pas à croire que moins il y a de règles, plus facile est la vie des affaires. Au contraire, simplifier suppose de reconnaître que les imperfections des marchés et la complexité de nos sociétés rendent les normes, les règles et les lois nécessaires, mais que celles-ci doivent être claires, lisibles et applicables. Surtout, elles doivent dispenser les plus faibles de nos entreprises – les petites entreprises – comme les plus faibles de nos salariés, mais aussi les plus faibles de nos entrepreneurs de déployer des trésors d’énergie ou de moyens pour faire valoir leurs droits.

Mesdames, messieurs les sénateurs, la simplification est un combat que l’on mène au nom du droit, d’un droit effectif et réel, et non pour réduire les droits !

Si ce travail, gigantesque, a été amorcé voilà quelques années, au cours de la législature précédente, ce n’est faire ombrage à personne que de reconnaître qu’il a été accéléré par la volonté, manifestée par le Président de la République en 2013, de provoquer un « choc de simplification ».

M. Charles Revet s’exclame.

Debut de section - Permalien
Thierry Mandon, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé de la réforme de l'État et de la simplification

Reste que nous n’avons pas à tirer de cette politique le moindre motif d’orgueil. Au contraire, nous devons convenir avec une très grande humilité que l’effort mené par la France aujourd’hui est la session de rattrapage d’un travail que les autres grands pays européens ont entrepris voilà plus de dix ans. §Songez que l’Allemagne l’a entamé en 1999, le Royaume-Uni en 2000 et les Pays-Bas dès 1994.

D’une certaine manière, quand on considère, d’une part, la perte de compétitivité de notre économie et, d’autre part, les coûts induits par l’hypercomplexité réglementaire et le temps qu’elle fait perdre, on peut se demander pourquoi ce « choc de simplification » a été lancé si tardivement dans notre pays.

Les plus optimistes – il y en a sur toutes les travées de cet hémicycle, tant mieux ! – verront dans ce retard à l’allumage une chance qui nous permet de mettre les bouchées doubles pour rattraper notre retard. De fait, la méthode qui fonde le travail proposé procède d’une analyse très précise, réalisée des mois durant, de toutes les expériences menées à l’étranger, notamment en Allemagne, au Royaume-Uni et aux Pays-Bas, mais aussi en Belgique et au Danemark.

Nous avons examiné très concrètement les outils mis en place, les méthodes employées et les cibles prioritaires définies pour la simplification par l’ensemble de ces pays. Ce faisant, nous avons réalisé ce que les Français ont parfois un peu de prévention à effectuer : nous avons copié, reproduit ce qui marchait ailleurs, notamment en ce qui concerne la méthode de simplification. Cette méthode, qui a présidé à la préparation du présent projet de loi, tient en trois principes.

Premièrement, il s’agit d’une méthode authentiquement collaborative : les objectifs prioritaires de simplification sont définis non plus par l’administration seule, mais par des groupes de travail composés de représentants d’entreprises et de hauts fonctionnaires ; une fois les cibles fixées, ces mêmes groupes proposent des mesures, notamment à caractère législatif.

Deuxièmement, les propositions présentées relèvent davantage du plan d’action que de la bonne intention. Ainsi, chacune des propositions avancées par le Conseil de la simplification pour les entreprises, désormais coprésidé par un chef d’entreprise, Guillaume Poitrinal, et un parlementaire, Laurent Grandguillaume, est accompagnée d’un calendrier précis de mise en œuvre.

Troisièmement, un bilan très précis de l’application des mesures annoncées est établi tous les six mois, ainsi qu’une évaluation quantitative, souvent indépendante, de leurs effets. Depuis dix-huit mois que le choc de simplification a été lancé, les gains résultant pour notre économie des premières dispositions mises en place sont estimés à 2, 4 milliards d’euros ; cette évaluation a été réalisée selon la méthode du standard cost model, utilisée depuis des années en Allemagne et en Grande-Bretagne, par exemple – je le précise à l’intention des experts qui siègent dans cet hémicycle, sur toutes les travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

M. Jean-Claude Lenoir. Il n’y a ici que des experts !

Sourires.

Debut de section - Permalien
Thierry Mandon, secrétaire d'État

Pour les trois années à venir, notre objectif est de faire gagner 11 milliards d’euros à notre économie, grâce aux mesures déjà adoptées, à celles qui figurent dans le présent projet de loi et à d’autres qui seront prises dans le cadre d’un certain nombre de grands chantiers dont je reparlerai. C’est dire si l’enjeu est considérable et doit susciter notre adhésion au-delà des clivages politiques.

Le texte dont le Sénat commence l’examen s’inscrit ainsi dans une démarche de longue haleine, qui a déjà conduit, depuis 2013, à la mise en place de plusieurs dispositions. Je pense en particulier aux ordonnances visant à faciliter la densification urbaine en autorisant des dérogations aux règles des plans locaux d’urbanisme et à raccourcir les délais de modification des plans et schémas susceptibles de faire obstacle aux projets de logements et d’immobilier d’entreprise. Je pense également à la règle du « un pour un », inspirée du système britannique, en vertu de laquelle l’édiction de tout décret nouveau créant une charge pour les entreprises doit être compensée par le retrait d’un décret à charge équivalente. Je n’oublie pas non plus les « tests PME ». Des outils existent donc déjà sur lesquels notre politique s’appuie.

Le présent projet de loi tend à compléter cette batterie d’outils. Il comporte, depuis sa version initiale, des mesures en matière de droit du travail, comme l’harmonisation sémantique d’un certain nombre de notions du code du travail. Par ailleurs, il renforce la sécurité juridique du rescrit, qui est un outil très important de développement et de sécurisation de l’environnement des entreprises.

En outre, il modifie substantiellement un certain nombre de règles administratives, notamment en instaurant la fameuse règle du « silence vaut accord », qui s’appliquera, à partir du 12 novembre prochain, à 1 800 démarches administratives accomplies par les particuliers ou les entreprises, soit deux tiers du total des démarches : désormais, lorsque l’administration ne répondra pas, elle sera présumée adopter une position favorable, créatrice par conséquent de droits pour le pétitionnaire.

Le projet de loi comporte aussi des mesures de simplification relatives aux procédures de construction, afin de venir en aide à un secteur qui en a bien besoin. Il comprend enfin des mesures favorables aux projets de production d’énergies renouvelables et d’autres touchant aux actes commerciaux et aux marchés publics.

Quels que soient la nature des textes envisagés et le calendrier parlementaire, nous nous retrouverons tous les six mois environ pour examiner un nouveau paquet de mesures de simplification. D’ores et déjà, M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique, avec ses services, les services de la mission Simplification et évaluation et ceux de mon secrétariat d’État, prépare le prochain paquet de mesures, qui sera compris dans le futur projet de loi pour l’activité et l’égalité des chances économiques, que l’on surnomme « loi Macron ».

D’autres dispositions encore sont envisageables, auxquelles nous travaillons dès maintenant. Je pense en particulier à des mesures fiscales, qui ne réduiront en rien les recettes publiques – c’est la charte de notre travail. En effet, il est à la fois possible et indispensable de rendre le droit fiscal plus juste, plus lisible et plus efficace. Il y va de notre démocratie et de l’aptitude des Français à comprendre comment la puissance publique, au moyen de la fiscalité, fait œuvre de redistribution.

Les rendez-vous qui nous réuniront très régulièrement nous donneront l’occasion de débattre de ces diverses mesures. Ils nous permettront aussi d’aborder d’autres questions, comme la déclaration sociale nominative grâce à laquelle nos entreprises gagneront l’équivalent de huit euros par salarié et par mois, ce qui fait quatre-vingt-seize euros par an à multiplier par 21 millions de salariés, soit un enjeu supérieur à 2 milliards d’euros pour notre économie ; les outils nécessaires sont en train d’être progressivement conçus et cette déclaration sera en usage à compter du 1er janvier 2016.

Nous aurons aussi à débattre de la nouvelle fiche de paie qui, pas plus que les autres dispositions que nous prenons, ne vise à supprimer le moindre droit. Elle permettra de mesurer très simplement et très concrètement les efforts fournis tant par les salariés que par l’entreprise, à travers leurs cotisations respectives, pour financer les retraites et l’assurance maladie. Toutes ces informations seront transparentes et la traçabilité des droits sera assurée, de sorte que les salariés pourront, à tout moment, connaître l’ensemble des cotisations. Pour cet outil comme pour les autres, le travail de préparation se déroule de manière collaborative avec tous les syndicats, du patronat et de salariés ; il aboutira au 1er janvier 2016.

De très nombreuses autres mesures sont envisagées ; nous aurons l’occasion de les aborder.

Pour l’heure, mesdames, messieurs les sénateurs, il ressort des différents travaux et débats que vous avez menés en commission, et dont j’ai lu avec grand intérêt les comptes rendus, que deux questions se posent, à propos desquelles je veux, pour conclure, vous apporter des éclaircissements : pour quelle raison le Gouvernement entend-il recourir à des ordonnances et quel est l’intérêt d’un projet de loi qui, s’il couvre un certain nombre de pans de notre activité économique, n’est finalement qu’un petit caillou sur la longue route de la simplification ?

Si le Gouvernement désire procéder par ordonnances, c’est que, dans les matières dont nous parlons, la difficulté consiste dans la mise en œuvre des mesures. En effet, vouloir adopter un dispositif législatif et renvoyer pour son application à des décrets, élaborés souverainement par l’exécutif, revient probablement à sous-estimer la difficulté qu’il y a à s’assurer que les dispositions législatives et réglementaires s’incarnent très concrètement dans la réalité et sont mises en œuvre conformément aux orientations fixées par la loi.

C’est pourquoi le Gouvernement sollicite du Parlement, et en cet instant du Sénat, l’autorisation de légiférer par ordonnance. Au demeurant, nous avons pris l’engagement tout à fait formel d’associer à la rédaction des ordonnances les parlementaires qui le souhaiteront, notamment M. le rapporteur ; nous pourrons ainsi vérifier ensemble que les ordonnances respectent pleinement l’esprit de la décision prise par le Parlement.

Debut de section - Permalien
Thierry Mandon, secrétaire d'État

Quant à savoir pourquoi le projet de loi traite de sujets aussi différents et variés, de l’urbanisme au rescrit en passant par l’emploi, notamment le titre emploi-service entreprise, il faut garder à l’esprit que notre politique est conçue à partir des priorités exprimées par les entreprises, telles qu’elles sont définies par les dix groupes de travail qui ont été constitués. Chacun de ces groupes de travail, parmi lesquels figurent le groupe « Créer son entreprise », le groupe « Importer et exporter » et le groupe « Faire face aux obligations fiscales et réglementaires », détermine ce qui lui semble le plus important.

Je le répète, selon nous, la vie publique connaîtra un renouveau et un surcroît de richesse si l’on accepte l’agenda de celles et de ceux pour qui la politique est faite. En l’occurrence, ce n’est pas nous qui fixons l’agenda, ce sont les entreprises.

Ainsi, ces dernières ont soulevé la question des congés d’été des boulangers. Le compte rendu des travaux de la commission rapporte que certains ont un peu souri. Seulement, un jour, un boulanger est venu devant l’un de ces groupes de travail, auquel je participais, et nous a expliqué qu’il avait dû payer soixante-quinze euros d’amende parce qu’il avait oublié de déclarer ses congés d’été. C’est comme cela que nous avons appris l’existence du problème.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Monsieur le secrétaire d’État, la commission vous soutient sur ce point !

Debut de section - Permalien
Thierry Mandon, secrétaire d'État

Si j’insiste, monsieur le président de la commission des lois, c’est que le procès-verbal fait état de quelques sourires, que, du reste, je comprends tout à fait. Toujours est-il que les boulangers nous ont expliqué combien cette règle était aujourd’hui aberrante et méritait d’être supprimée : imaginez qu’elle date de 1790, lorsque n’existaient ni surgelés, ni grandes surfaces, ni stations-service vendant du pain !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Heureuse époque !

Sourires.

Debut de section - Permalien
Thierry Mandon, secrétaire d'État

Ainsi, notre agenda est calé sur les besoins de respiration exprimés par les entreprises. C’est la raison pour laquelle nous aurons le plaisir de nous retrouver régulièrement pour débattre de ces questions.

Pour ce qui concerne les sujets qui ont été soulevés en commission par voie d’amendement, et qui vont être remis en débat en séance publique, je vous invite, à la suite de M. le ministre de l’économie, de l'industrie et du numérique, à garder la ligne de la simplification dans le respect du droit existant, sans rien supprimer de ce droit. Par exemple, remettre en cause le compte pénibilité ou certaines dispositions de la loi Hamon revient à supprimer du droit existant ; ce n’est pas ce qu’il faut faire.

Mme Annie David acquiesce.

Debut de section - Permalien
Thierry Mandon, secrétaire d'État

Peut-être le Parlement, à un autre moment, décidera-t-il de réexaminer ces mesures, même si, personnellement, je ne le crois ni ne le souhaite. Probablement voudra-t-il en compléter, en préciser et en améliorer la mise en œuvre. Tant mieux !

En tout cas, je vous invite, mesdames, messieurs les sénateurs, quelles que soient les travées sur lesquelles vous siégez, à rester soudés, comme l’ont été les députés qui ont adopté ce projet de loi à l’unanimité, pour simplifier au nom du droit. Si vous y parvenez, je ne doute pas de la qualité de vos travaux, ni de l’intérêt de la contribution du Sénat à l’œuvre de simplification ! §

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous entendons tous ce constat formulé par nos concitoyens : la loi est trop complexe, trop souvent illisible.

Ce constat, certes basique, est tellement vrai ! La complexité croissante de notre droit ne contribue qu’à l’insécurité juridique, qui nous pénalise tous. Il convient donc de balayer notre arsenal législatif, afin d’en extraire l’inutile et de se recentrer sur l’essentiel : tel est le principe même d’un texte de simplification.

Déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale le 25 juin dernier, le projet de loi que nous examinons aujourd’hui a été adopté par nos collègues députés le 22 juillet suivant. Une nouvelle fois, nous sommes donc face à un texte destiné à simplifier le droit applicable aux entreprises, véritable « rituel parlementaire », pour reprendre les termes employés par Bernard Saugey en 2010.

Plus de dix années se sont ainsi écoulées depuis l’examen de la première loi explicitement qualifiée de loi de simplification. En tant que rapporteur, j’ai fort naturellement souhaité me placer dans la continuité des travaux de mes prédécesseurs, Bernard Saugey et Thani Mohamed Soilihi, rapporteurs de plusieurs lois de simplification au cours de ces dernières années, dans une démarche constructive. Toutefois, je ne peux qu’exprimer une certaine déception face au présent texte, car il me paraît manquer d’ambition et héberger de nombreuses dispositions sans lien direct avec son intitulé et qui ne concernent pas, en réalité, les entreprises.

Compte tenu des opérations de reconstitution des instances du Sénat à la suite des dernières élections sénatoriales, nous n’avons disposé que d’un temps très limité pour préparer l’examen de ce projet de loi, la conférence des présidents l’ayant inscrit à l’ordre du jour à une date fort précoce, ce qui nous a privés de la possibilité de mieux le structurer. Avec plus de temps, à n’en pas douter, nous aurions pu l’enrichir, ce qui aurait sans doute donné davantage de travail au Gouvernement !

En dépit de ces limites, la commission des lois a examiné ce texte dans un esprit très constructif, considérant que la simplification du droit des entreprises était aujourd’hui un objectif politique partagé et que la plupart des avancées et des améliorations rendues possibles par ce projet de loi, aussi modestes soient-elles, méritaient d’être approuvées.

Comme elle en a l’habitude lorsqu’elle est saisie d’un pareil texte, la commission des lois a délégué l’examen au fond des articles qui ne relèvent pas de sa compétence aux commissions saisies pour avis. Je tiens d’ailleurs en cet instant à remercier très sincèrement mes collègues rapporteurs pour avis de leur contribution à l’amélioration et à la clarification du présent projet de loi.

La commission des lois a conservé l’examen des articles relevant de sa compétence au titre du droit des sociétés, mais aussi du droit administratif, du statut de la copropriété, du droit de la consommation, du droit de la commande publique, ou encore du droit des collectivités territoriales, excusez du peu !

Avant même d’analyser le contenu de ce projet de loi, je tiens à souligner que nous approuvons la poursuite du processus de simplification du droit qui constitue un impératif pour la compétitivité de nos entreprises. Je voudrais d’emblée me féliciter que cet objectif de simplification ait été considéré comme une priorité par les gouvernements successifs, car c’est une bonne nouvelle pour nos entreprises. Alors que la compétitivité-coût de notre pays n’est pas excellente, la simplification de l’environnement juridique des entreprises est un élément, parmi d’autres bien sûr, qui contribue à faciliter les conditions d’exercice de leur activité et donc à soutenir leur compétitivité, en allégeant leurs contraintes.

Les personnes que j’ai entendues en audition ne s’y sont pas trompées, qu’il s’agisse de membres des organisations représentant les entreprises ou les professionnels qui accompagnent les entreprises au quotidien. Tous ont souligné combien il était important que le processus de simplification se poursuive et se pérennise, de façon à être une préoccupation permanente des pouvoirs publics. Le présent projet de loi fait donc l’objet d’une approbation de principe des acteurs concernés.

La recherche de règles plus simples et mieux adaptées aux réalités de la vie économique ne doit toutefois pas faire oublier d’autres exigences, tout aussi nécessaires pour les entreprises, que sont la stabilité de leur environnement juridique et la prévisibilité des normes qui leur sont applicables – je sais que notre collègue Jean-Jacques Hyest, qui fut longtemps président de la commission des lois, y est particulièrement sensible.

Le présent projet de loi est le cinquième depuis 2012 à afficher pour objectif exclusif la simplification du droit. Il s’inscrit dans le programme de modernisation de l’action publique et de simplification du droit engagé par le Gouvernement, dans la continuité des travaux conduits par le gouvernement précédent.

Je rappellerai ainsi la loi du 1er juillet 2013 habilitant le Gouvernement à adopter des mesures de nature législative pour accélérer les projets de construction, la loi du 12 novembre 2013 habilitant le Gouvernement à simplifier les relations entre l’administration et les citoyens, sans oublier la loi du 2 janvier 2014 habilitant le Gouvernement à simplifier et sécuriser la vie des entreprises, dont le présent projet de loi est la suite, ainsi que le projet de loi relatif à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures, encore en cours de navette.

Depuis 2012, ces trains successifs de simplification ont pris le relais des quatre propositions de loi de simplification, adoptées lors de la précédente législature sur l’initiative de notre collègue député Jean-Luc Warsmann – la commission des lois a beaucoup critiqué la méthode suivie à l'époque, ce qui me permettra d’être critique sur la méthode actuelle –, faisant elles-mêmes suite à deux projets de loi adoptés lors de la législature antérieure.

Pour autant, l’examen de la noria de textes de simplification demeure un exercice parlementaire difficile, tant la diversité et l’inégale importance des sujets abordés ne favorisent pas toujours un débat éclairé sur les enjeux des mesures envisagées. Le débat est d’autant plus difficile lorsque le texte est constitué pour l’essentiel d’habilitations à légiférer par ordonnance, comme c’est le cas en l’espèce. Aussi la commission des lois a-t-elle régulièrement appelé de ses vœux des lois de simplification plus brèves et construites autour de thèmes circonscrits, de façon à permettre un authentique débat de fond.

À cet égard, je tiens à saluer l’initiative de Thani Mohamed Soilihi, qui a récemment déposé, dans le prolongement de ses travaux de rapporteur de la loi du 2 janvier 2014, une proposition de loi de simplification, de clarification et d’actualisation du code de commerce, clairement délimitée à un champ particulier du droit des entreprises, ne visant qu’un seul code dont elle passe en revue un certain nombre de chapitres, permettant un examen nettement plus rationnel et méthodique.

À titre personnel, j’estime, mon cher collègue, que cette proposition de loi mériterait d’être inscrite prochainement à l’ordre du jour du Sénat. Je vais même vous faire une confidence : je souhaitais reprendre l’une ou l’autre des dispositions de votre texte, mais je me suis rendu compte que je ne ferai que déstructurer davantage le présent projet de loi. Au moment, où j’appelle le Gouvernement à nous présenter des textes mieux construits, vous comprendrez donc que je m’en sois abstenu !

Enfin, en dépit de cette continuité politique qu’il convient de saluer dans le domaine de la simplification du droit, je déplore que ce sujet donne parfois lieu à des annonces qui tardent à se concrétiser dans la vie des entreprises, ce qui ne peut être qu’une source de confusion et de méfiance des entrepreneurs à l’égard du discours politique sur la simplification.

On peut, de ce point de vue, citer deux mesures ambitieuses annoncées lors des Assises de la simplification du 29 avril 2011 et qui n’ont donné lieu à ce jour à un aucun résultat tangible – vous pouvez constater, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, que je ne réserve pas mes critiques à un gouvernement plus qu’à un autre ! Ces deux mesures ambitieuses ont un nom : il s’agit de la création d’un « coffre-fort numérique », destiné à conserver les informations déclarées aux administrations par les entreprises pour éviter à ces dernières d’avoir à les fournir à plusieurs reprises, et de la simplification tant attendue du bulletin de paie.

D’une part, le « coffre-fort numérique » a fait l’objet d’une habilitation donnée au Gouvernement par l’article 62 de la loi du 22 mars 2012, mais l’ordonnance n’a jamais été prise – exemple à ne pas suivre ! Le programme « Dites-le nous une seule fois », engagé par l’actuel gouvernement, prend le relais de ce projet abandonné, en cherchant, plus modestement et peut-être plus pragmatiquement, à réduire les redondances dans les informations demandées aux entreprises. En tout état de cause, il est indispensable d’avancer sur ce dossier, peu importe comment vous l’appelez, monsieur le secrétaire d'État !

D’autre part, le chantier de la simplification du bulletin de paie, ouvert par l’article 51 de la loi du 22 mars 2012, ne semble pas avoir progressé non plus. Certes, il ne faut pas en sous-estimer la complexité, dès lors qu’il s’agit non seulement de simplifier la lisibilité du bulletin de paie pour le salarié, mais surtout d’en faciliter l’établissement par l’employeur. La loi précitée comportait une habilitation en vue de simplifier le calcul des charges sociales, mais, là non plus, aucune ordonnance n’a été prise. J’ai bien entendu les nouvelles annonces faites jeudi dernier par le Gouvernement en matière de simplification, mais sur la question du bulletin de paie, permettez-moi d’être encore sceptique. Peut-être en reparlerons-nous à l’occasion de l’examen d’un prochain projet de loi de simplification... J’aimerais tant pouvoir en être le rapporteur au cours de mon mandat, monsieur le secrétaire d’État – je vous rappelle que je viens d’être élu et que vous disposez donc de quelques années !

Fort heureusement, cette absence de résultat tangible n’affecte pas tous les chantiers de simplification. Ainsi, prévue par l’article 35 de la loi du 22 mars 2012, la déclaration sociale nominative doit en principe s’appliquer à toutes les entreprises au 1er janvier 2016. Cette déclaration unique, censée remplacer toutes les déclarations que les employeurs sont tenus de transmettre aux organismes sociaux, reçoit assurément les suffrages des représentants des entreprises que j’ai entendus.

Dans ces conditions, l’effort de simplification ne doit pas être relâché. Or le risque de procéder trop systématiquement par la voie des ordonnances peut conduire à se priver de l’appui des parlementaires pour accentuer cet effort, et donc à s’en tenir à un processus de simplification plus administratif que réel, ne visant pas toujours les principales causes de complexité dans la vie des entreprises et produisant, parfois, des simplifications pour l’administration plutôt que pour les entreprises.

Concernant le contenu du projet de loi qui nous est soumis, constitué pour l’essentiel d’habilitations à légiférer par ordonnance, chacun a pu constater son caractère particulièrement composite. Je vous fais part en cet instant, de nouveau, de ma déception.

Je ne saurais reprendre l’expression qu’employa voilà quelque temps notre collègue Bernard Saugey d’« assemblage hétéroclite de “ cavaliers législatifs ” en déshérence » pour caractériser une proposition de loi de simplification particulièrement disparate. Force est cependant de constater que le présent projet de loi est loin de se concentrer sur la vie des entreprises. Il me semble que la loi du 2 janvier dernier était, elle, bien plus centrée sur la vie des entreprises. C’est d’ailleurs ce qui explique que la commission des lois ait décidé, sur ma proposition, de compléter l’intitulé du projet de loi que nous examinons aujourd’hui, pour rendre compte de sa véritable nature. J’espère que vous avez apprécié le clin d’œil, monsieur le secrétaire d’État !

En effet, de nombreuses dispositions ne concernent pas les entreprises, ou alors de façon indirecte, voire sont des mesures de simplification pour l’administration, ou encore sont non pas des mesures de cette nature, mais des dispositions diverses qui ont trouvé, avec ce projet de loi, un réceptacle bien commode. Ce texte n’évite ainsi ni l’écueil du « fourre-tout », si vous me passez cette expression, ni celui du recours aux ordonnances sur des aspects substantiels.

Ainsi, alors que l’article 6 vise à supprimer la réglementation des congés des boulangers par les maires et les préfets, l’article 26 tend à simplifier les conditions de désignation des commissaires aux comptes des établissements publics et l’article 34 procède, sans aucun rapport lui non plus avec la simplification de la vie des entreprises, à diverses mesures d’adaptation dans le code de la consommation, oubliées voilà quelques mois, à l’occasion de l’adoption de la loi du 17 mars dernier relative à la consommation.

De surcroît, l’approche du projet de loi paraît parfois très pointilliste, ce texte comportant des mesures ponctuelles ne traduisant pas une réelle vision d’ensemble ou une démarche globale de simplification. Ainsi, en matière de droit des sociétés, l'article 12 vise à réduire, par ordonnance, le nombre minimal d’actionnaires dans les sociétés anonymes non cotées. Outre que la mesure est loin de faire l’unanimité, s’il faut évidemment simplifier le régime de la société anonyme, la demande réside plutôt dans la mise en place d’un régime globalement simplifié pour les petites sociétés non cotées, de sorte que l’enjeu dépasse alors de loin la simple question du nombre d’actionnaires. La commission des lois a donc décidé de supprimer cette disposition.

Par ailleurs, près de la moitié des articles du projet de loi sont en réalité des habilitations à légiférer par ordonnance, avec des champs très larges dans certains cas, alors que les articles modifiant directement le droit en vigueur ont le plus souvent une portée extrêmement modeste.

À titre d’exemple, l’article 4 du texte reprend à l’identique une habilitation supprimée conforme par les deux assemblées lors de l’examen du projet de loi relatif à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures, notamment en raison de son grave manque de précision.

Il s’agit de donner habilitation au Gouvernement en vue de simplifier ou de supprimer tous les régimes d’autorisation ou de déclaration préalable concernant les entreprises, sans aucun encadrement. Nous avons supprimé cette habilitation en commission et je regrette, monsieur le secrétaire d’État, que le Gouvernement demande, par le biais d’un amendement, son rétablissement pur et simple, sans prendre en compte, dans la rédaction de ce dernier, les demandes de garanties que nous avions réclamées, alors que nous n’avons, je suis bien obligé de le dire, pas d’opposition de principe à cette démarche.

L’article 27 prévoit, quant à lui, la transposition par ordonnance des deux directives du 26 février 2014 relatives aux marchés publics. Il vise également la rationalisation par ordonnance des différents textes traitant de la commande publique, y compris les contrats de partenariat, dans la perspective, à laquelle on ne peut que souscrire, de l’élaboration à terme d’un vrai code de la commande publique.

Nous avions des interrogations sur le champ de cette habilitation, de sorte que la commission des lois a préféré le restreindre à titre conservatoire. Cette fois, le Gouvernement, qui a compris notre point de vue, nous soumet un amendement que nous approuvons et dont la rédaction permet également d’intégrer les préoccupations de nos collègues Jean-Pierre Sueur et Hugues Portelli sur les contrats de partenariat. Vous me permettrez, monsieur le secrétaire d’État, de regretter que le même dialogue n’ait pas eu lieu au sujet de l’habilitation de l’article 4 dont je viens de parler. Et ce n’est pas faute d’avoir fait des appels du pied !

Il est vrai que nous étions dans des délais contraints, mais recevoir des amendements à vingt-deux heures, alors que l’on doit les examiner le lendemain matin, peut poser un problème. Cependant cette situation ne nous aurait certainement pas empêchés d’en discuter !

Pour autant, le présent projet de loi n’inspire pas que des critiques, loin de là. Vous le savez, des mesures intéressantes et de portée significative y figurent, en effet, par exemple, à l’article 3, l’extension de la procédure du rescrit à d’autres domaines de l’action administrative…

Debut de section - Permalien
Thierry Mandon, secrétaire d'État

C’est très important !

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

… saluée par l’ensemble des personnes que j’ai entendues en commission comme une avancée réellement utile pour les entreprises dans leurs rapports avec l’administration.

Il en est de même, à l’article 19, de la dispense de signature et la dématérialisation pour un certain nombre d’actes et de décisions administratives qui constituent une simplification, certes, pour les administrations, mais aussi pour les entreprises.

Quand bien même cette mesure ne concerne pas les entreprises, je tiens aussi à mentionner, à l’article 25, la reconnaissance législative complète des conventions de mandat. Elle devrait faciliter la gestion des personnes publiques – les collectivités territoriales, en particulier, que nous représentons si bien, mes chers collègues, dans cette enceinte ! – en leur permettant de recourir à des organismes extérieurs, publics ou privés, pour assurer le paiement de certaines dépenses et l’encaissement de certaines recettes.

Lors de l’examen du présent texte, l’Assemblée nationale a adopté quelques articles additionnels, accentuant le caractère disparate du projet de loi. Il en va ainsi, à l’article 7 ter, d’une habilitation à simplifier différentes dispositions relatives à la cession des lots de copropriété – nous y reviendrons lors de la discussion des amendements.

S’agissant des habilitations, les rapporteurs, saisis au fond ou pour avis, ont veillé autant que possible à préserver la compétence du législateur, dans le respect de la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Nous avons supprimé, par conséquent, plusieurs habilitations qui nous paraissaient excessivement larges ou inappropriées. Nous avons également précisé le champ et la portée d’autres habilitations, tout en approuvant leur objet.

Enfin, nous avons converti certaines habilitations ponctuelles en modifications directes du droit en vigueur, permettant ainsi d’une part, au Sénat de se prononcer immédiatement sur le fond de la règle de droit en cause et, d’autre part, à la mesure de simplification envisagée de s’appliquer sans attendre une ordonnance ultérieure.

J’ajoute que, pour les habilitations portant sur les sujets les plus importants – cette question a encore été discutée en commission ce matin –, il serait de bonne politique, monsieur le secrétaire d’État, que les projets d’ordonnance puissent être transmis aux rapporteurs concernés en temps utile, afin de leur permettre d’en prendre connaissance et de formuler leurs observations. Je le reconnais, vous avez bien voulu tout à l’heure m’en donner l’assurance.

Nous avons aussi souhaité enrichir le projet de loi nous-mêmes par quelques mesures complémentaires de simplification, mais, comme je l’ai déjà indiqué, le temps imparti ne nous en a guère laissé le loisir.

Je ne peux toutefois pas passer sous silence – ce sujet nous occupera dans la suite de la discussion – l’abrogation par la commission des lois, sur l’initiative de M. Hyest, de l’obligation d’information préalable des salariés en cas de cession de leur entreprise. Nous avons considéré que cette obligation était inefficace, voire dangereuse sur le plan économique et qu’elle était inopérante en pratique. Il s’agit donc pour nous d’une vraie simplification.

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

En tout, mes chers collègues, c’est à ce stade une centaine d’amendements qui vont vous être soumis aujourd’hui, dont une cinquantaine relèvent de la compétence de la commission des lois.

En conclusion, je dirais que le projet de loi ainsi modifié peut, sur certains points – mais seulement sur certains points, à mon avis, trop peu nombreux –, apporter, mais trop faiblement, de l’oxygène à ceux qui entreprennent dans nos villes et nos campagnes, et plus généralement, à ceux qui aspirent à plus de bon sens, et c’est déjà bien ! Nous le savons, l’avenir se construit par la simplification, la lisibilité et la stabilité de nos normes. À cet égard, il reste beaucoup de travail à accomplir !

Cela étant, la commission des lois vous propose d’adopter ce texte de simplification, avec les modifications qu’elle y a apportées et sous réserve de l’adoption de certains amendements que nous allons examiner. §

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

La parole est à Mme Élisabeth Lamure, rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Lamure

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, tout d’abord, je rappelle que la commission des affaires économiques a reçu délégation pour traiter au fond des articles 7, 9, 10, 11 bis A, 20, 28, 29, 31 bis et 34 bis, et qu’elle s’est saisie par ailleurs, strictement pour avis, des articles 7 bis, 7 ter, 27 et 34.

Je ne souhaite pas revenir sur le contenu d’ensemble du présent projet de loi, car je partage tout à fait les remarques qu’a exprimées André Reichardt quant à notre déception face au manque d’ambition de ce texte. Si celui-ci comporte des mesures utiles, aucune n’est de nature à alléger de façon significative la charge administrative de nos entreprises. On trouve plutôt une collection de dispositions disparates et ponctuelles, dont l’incidence sur les entreprises sera, malheureusement, microscopique.

À mon tour, je suis surprise par la méthode suivie par le Gouvernement pour légiférer. En effet, une partie des mesures proposées ne nécessitent pas le recours à des ordonnances mais peuvent être mises en place directement et donc plus rapidement par le biais du présent projet de loi.

Malgré ces critiques de forme et de fond, j’ai conduit mes travaux de rapporteur pour avis avec le souci d’être constructive et de soutenir, voire même d’amplifier ou d’accélérer, les dispositions qui me paraissent correspondre aux besoins des entreprises et de notre économie. Les amendements proposés par la commission des affaires économiques la semaine dernière en attestent.

À l’article 7, relatif aux procédures d’autorisation d’urbanisme et aux documents de planification, la commission a ainsi supprimé trois des ordonnances prévues pour les remplacer par des modifications directes du droit en vigueur. Les questions abordées ont trait à la simplification des procédures de consultation du public lors de l’autorisation de certains projets de construction ou d’aménagement, à la limitation des exigences en matière de réalisation d’aires de stationnement à proximité des transports publics, ainsi qu’à la possibilité de déroger aux règles de distances minimales par rapport aux limites séparatives. Quant à la quatrième habilitation demandée figurant à cet article, la commission des affaires économiques l’a maintenue, mais après l’avoir réécrite de manière plus précise.

Au passage, je voudrais rappeler que les sujets traités dans cet article ont déjà été abordés dans plusieurs textes du Gouvernement : la loi du 1er juillet 2013 habilitant le Gouvernement à adopter des mesures de nature législative pour accélérer les projets de construction, l’ordonnance du 3 octobre 2013 relative au développement de la construction de logement, ou encore la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite « loi ALUR », du 24 mars 2014.

Alors qu’il y a urgence à relancer la construction de logement, le Gouvernement remet son ouvrage sur le métier tous les six mois en moyenne, par la voie de textes partiels qui perturbent, pour les acteurs publics et privés de l’urbanisme et du logement, la visibilité d’ensemble.

À l’article 10, traitant des modalités de gestion des certificats d’économie d’énergie par les PME du secteur du fioul domestique, la commission des affaires économiques s’est efforcée de faire prévaloir une solution de sagesse. Avant tout soucieuse de préserver l’activité sur nos territoires, elle a constaté que les représentants des fioulistes indépendants avaient mis en avant le risque de disparition de 1 800 PME si la simplification proposée par le Gouvernement était adoptée. Pour aller dans le sens de leur demande, elle a donc proposé, à ce stade de la discussion, de réintégrer les fioulistes indépendants dans la liste des obligés.

En même temps, elle a décidé de supprimer la création d’un organisme professionnel de gestion des certificats précités prévue par les députés. Juridiquement fragile et très peu consensuelle au sein de la profession, l’instauration d’un tel organisme supposerait l’affiliation et l’assujettissement obligatoire d’entreprises à des charges importantes selon des modalités complexes. Or, pour faciliter la vie des PME, rien dans la loi n’empêche de recourir à un organisme de gestion existant ou même d’en créer un nouveau.

La commission des affaires économiques n’a pas modifié la rédaction de l’article 11 bis A, ni celle de l’article 20.

En revanche, elle a supprimé l’habilitation prévue à l’article 28 et réécrit ce dernier pour introduire directement dans le code de commerce le statut des écoles d’enseignement supérieur des chambres de commerce et d’industrie, les CCI. Il s’agit de permettre aux chambres de doter leurs écoles d’un statut garantissant l’autonomie de leur gouvernance et facilitant la signature d’accords avec d’autres écoles ou universités, y compris étrangères. Toutes les parties prenantes – Gouvernement, CCI, dirigeants d’écoles consulaires, personnels – ont eu l’occasion de s’exprimer sur ce sujet et les dispositions que devait contenir la future ordonnance ont fait l’objet de travaux approfondis.

La commission a également adopté deux articles additionnels pour faciliter les rapprochements entre les CCI territoriales et leur CCI de région sur la base du volontariat.

Par ailleurs, l’article 29 prévoyait la fusion d’UbiFrance et de l’Agence française pour les investissements internationaux, l’AFII, respectivement chargées de l’accompagnement des exportateurs et des investisseurs étrangers en France. Comme tous les membres de la commission des affaires économiques, je suis favorable à cette fusion qui, dans les faits, est largement engagée. Je suis cependant aussi favorable à une rationalisation plus ambitieuse de notre dispositif de soutien à l’exportation, lequel est aujourd’hui dispersé entre de multiples acteurs.

C’est pourquoi j’ai proposé la semaine dernière à la commission des affaires économiques un amendement, qu’elle a adopté, tendant à créer un groupement d’intérêt économique ayant pour mission de fédérer les acteurs publics et privés du soutien à l’export et de constituer en quelque sorte un « guichet unique » de l’export.

La rédaction suggérée présentait toutefois l’inconvénient de retarder la fusion d’UbiFrance et de l’AFII, alors même que cette fusion était souhaitée par tous et souhaitable. La commission a donc finalement décidé de soutenir le retour à l’habilitation initialement prévue à l’article 29, tout en souhaitant que s’engage un débat sur l’opportunité de prolonger la fusion entre UbiFrance et l’AFII par la création future d’un groupement d’intérêt économique. Nous aurons l’occasion de discuter de cette question avec le Gouvernement lors de l’examen des amendements.

Enfin, l’article 31 bis prévoyait l’adoption par ordonnance de diverses mesures de simplification dans le secteur du tourisme. La commission des affaires économiques l’a largement réécrit en supprimant les habilitations relevant d’autres textes législatifs ou du domaine réglementaire, en précisant davantage le champ des habilitations retenues, en ajoutant deux nouvelles habilitations à modifier le code du tourisme afin, d’une part, de simplifier les procédures de classement des stations de tourisme, et, d’autre part, de préciser le périmètre d’utilisation des chèques-vacances.

Telles sont les dispositions les plus importantes des articles sur lesquels la commission des affaires économiques était amenée à se prononcer au fond. Dans un souci d’opposition constructive, je vous proposerai, mes chers collègues, d’adopter ces articles, – sans pour autant le faire avec beaucoup d’enthousiasme –, sous réserve que les modifications souhaitées par la commission leur soient apportées. §

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la commission des affaires sociales a été saisie de huit articles du présent projet de loi portant sur le droit du travail et sur la sécurité sociale. À cette occasion, unanimement, le constat suivant nous a paru être une évidence : l’accumulation des normes et leur instabilité – j’insiste, comme mes collègues, sur cette instabilité – sont un frein au développement de l’activité et de l’emploi.

Ce constat n’est pas le seul fait de cette commission puisque, la semaine dernière, le Président de la République a consacré une demi-journée à ce thème, démontrant ainsi lui-même que le titre ambitieux de ce projet de loi ne correspondait ni aux attentes des entreprises et des Français ni à la réalité qu’ils vivent.

Il est vrai que, dans le domaine social, le législateur et le pouvoir réglementaire se sont fait une spécialité de cultiver la complexité des normes nouvelles, qu’ils édictent sans pour autant alléger le stock de réglementation dont ils ont la charge.

La volonté politique affichée depuis plus de dix ans dans le domaine de la simplification, des lois Warsmann au texte que nous examinons aujourd’hui, n’a pas réussi à inverser cette tendance. Au contraire, on assiste depuis dix-huit mois à un empilement de normes nouvelles, qui pèsent lourdement sur l’activité des entreprises et dont la logique échappe parfois à l’entendement, et ce d’autant que des dispositions voulues, pour ne pas dire imposées, voilà quelques mois sont remises en cause dès qu’intervient un changement de ministre.

Pour ne parler que de ce qui relève du champ de compétence de la commission des affaires sociales, je pense, en premier lieu, au plancher de 24 heures hebdomadaires pour le travail à temps partiel.

Pourquoi 24 heures, alors que la durée légale du travail demeure fixée à 35 heures, ce qui remet en cause la notion même de mi-temps – lequel peut être choisi ! –, et interdit par là même à un deuxième salarié d’avoir un travail ? Pourquoi une règle uniforme, quel que soit le secteur économique ? Pourquoi un dialogue social de branche apaisé ne peut-il s’établir dans des domaines comme le commerce ou les services, pour lesquels une dérogation est indispensable, mais que certains syndicats semblent se refuser à négocier ? Le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social n’est pas là pour nous répondre...

À ce jour, un dialogue social constructif sur ce sujet a eu lieu dans seulement trente-sept branches, alors qu’il en existe plusieurs centaines. C’est insuffisant, puisque ces accords ne couvrent que 38 % des salariés à temps partiel. Qui plus est, cette réglementation est devenue une source supplémentaire d’insécurité juridique, en particulier concernant les dérogations individuelles qui peuvent être demandées par les salariés.

Le compte personnel de prévention de la pénibilité constitue, à mon avis, un second signal contradictoire de la part du Gouvernement quant à sa volonté de simplifier la vie des entreprises.

L’objet de mon propos n’est pas de remettre en cause la nécessaire prévention de la pénibilité au travail ou sa prise en compte pour un départ anticipé à la retraite instaurée par la réforme des retraites de 2010. En revanche, la mise en œuvre au 1er janvier prochain – et a fortiori au 1er janvier 2016 ! – du compte tel qu’il résulte de la loi du 20 janvier dernier paraît impossible pour une très grande majorité d’entreprises.

Les firmes du CAC 40 ne rencontreront sans doute aucun problème, ou auront les moyens de se faire conseiller pour surmonter leurs éventuelles difficultés. Peut-on en dire autant des TPE, des PME, particulièrement celles du BTP, déjà durement affectées par l’atonie de la construction et par la concurrence, souvent déloyale, de ceux qui ont abusivement recours à des travailleurs détachés, malgré toutes les dispositions législatives que nous votons ?

Le Conseil de la simplification pour les entreprises, mis en place au mois de janvier dernier par le Gouvernement, a lui-même regretté l’absence d’étude d’impact sérieuse de ce dispositif et sa mise en œuvre uniforme, sans prise en compte des spécificités propres à chacun des métiers exposant à des facteurs de risques professionnels. Si le Gouvernement a pu sembler ouvert au dialogue sur le sujet, au travers de la mission de concertation confiée à Michel de Virville, les attentes suscitées par celle-ci ont été déçues par la publication, le 10 octobre dernier, du décret fixant les seuils d’exposition aux dix facteurs de risques identifiés par la loi, alors que seuls quatre d’entre eux doivent être pris en compte au 1er janvier prochain.

J’aurais aimé trouver dans le présent projet de loi des réponses aux difficultés que pose ce compte. Ce n’est malheureusement pas le cas, ce qui explique pourquoi mes collègues et la commission des affaires sociales ont souhaité introduire des amendements modifiant cette disposition qu’ils viennent d’adopter.

Si le rapporteur pour avis que je suis estime que le compte pénibilité relevait, lui aussi, du projet de loi de financement de la sécurité sociale et du volet « retraites », j’espère, monsieur le secrétaire d’État – j’ai bien entendu que telle était votre volonté et celle de M. Macron –, que vous saurez imposer à l’administration une réelle simplification, et que vous étudierez, le cas échéant, les amendements de repli adoptés par la commission.

L’actualité sociale a également été marquée par la publication, mercredi dernier, du décret relatif à l’information préalable des salariés en cas de cession de leur entreprise, issu de la loi relative à l’économie sociale et solidaire.

Vous conviendrez, monsieur le secrétaire d’État, que le fait de publier des décrets avant même que le Sénat ait pu analyser et voter le présent texte de simplification procède d’une certaine maladresse !

Même si cette disposition ne relève pas des articles dont la commission des affaires sociales a été saisie, j’estime qu’elle est aussi source d’insécurité juridique et fragilise les entreprises à un moment clef de leur existence. Je ne suis pas persuadée qu’elle permettra de sauver des emplois, bien au contraire. Je me félicite donc, à titre personnel, que la commission des lois, sur proposition de notre collègue Jean-Jacques Hyest, ait adopté un amendement tendant à la supprimer.

J’en viens aux modifications apportées par la commission des affaires sociales aux dispositions qui lui étaient soumises et qui, pour la plupart d’entre elles, prennent malheureusement la forme d’habilitations pour le Gouvernement à légiférer par ordonnance. J’ai toujours entendu mes collègues, y compris socialistes, regretter ce type de dispositions...

À l’article 1er, qui porte principalement sur l’extension du titre emploi-service entreprise, le TESE, nous avons souhaité préciser que des efforts accrus devaient être réalisés pour que cet outil prenne automatiquement en compte les conventions collectives applicables, dans un souci de sécurisation juridique des entreprises. Si le TESE n’est pas très répandu, c’est sans doute qu’il ne répond pas à toutes ces attentes. Le chèque emploi-service universel, le CESU, est quant à lui un succès, mais il ne couvre qu’une seule convention collective, alors que le TESE concernera un large champ de conventions.

L’article 2, dont l’objet est l’harmonisation de la notion de « jour » dans la législation du travail, a fait la quasi-unanimité. Cela existe ! Il nous a toutefois semblé opportun d’inscrire dans l’habilitation que cette initiative ne devait pas avoir pour conséquence de modifier les délais existants. J’espère à cet égard, monsieur le secrétaire d’État, que vous lèverez cette inquiétude.

À l’article 2 bis, introduit par le Gouvernement à l’Assemblée nationale pour instituer une prime à l’embauche d’un premier apprenti dans les entreprises de moins de cinquante salariés, la commission des affaires sociales a approuvé l’amendement gouvernemental visant à retirer ce dispositif du texte. Les annonces du Président de la République au mois de septembre dernier l’ont en effet rendu obsolète et, au vu de ses incidences financières, il a davantage sa place dans une loi de finances. J’attends désormais des précisions de la part du Gouvernement sur ce dispositif de prime à l’embauche modifié qui a dû être voté, hier soir, par l’Assemblée nationale.

Là encore, je regrette cette politique de stop and go, qui a eu des effets délétères sur l’apprentissage. En ce domaine, le Gouvernement joue les Pénélope !

L’article 2 ter répond à une urgence juridique puisque, en réponse à une question prioritaire de constitutionnalité, au mois d’avril dernier, le Conseil constitutionnel a censuré le renvoi fait par le législateur à un accord collectif pour encadrer le portage salarial. Pour que les conditions essentielles d’exercice de cette forme triangulaire d’emploi ne disparaissent pas de notre droit au 1er janvier prochain, il faut agir vite. La commission des affaires sociales a voulu préciser que l’ordonnance prévue créait un cas de recours spécifique au contrat à durée déterminée pour le portage salarial, comme l’ont souhaité les partenaires sociaux, et qu’elle clarifiait les conditions dans lesquelles sont payées les cotisations sociales liées à l’emploi du salarié porté.

L’article 2 quater vise à corriger certaines incertitudes juridiques liées à la réforme du temps partiel, laquelle représente une grande préoccupation pour les entreprises. La loi est en effet silencieuse sur le sort à réserver aux demandes de salariés travaillant moins de 24 heures par semaine et souhaitant obtenir une durée de travail plus longue.

Les entreprises signalent que, si ces salariés bénéficiaient d’un droit automatique de passage à la durée demandée, elles seraient dans l’impossibilité de mettre en place ce dispositif dans un certain nombre de branches. La solution, évoquée lors des auditions, consistant à instituer une priorité de passage à une durée de travail supérieure lorsqu’un poste compatible avec les qualifications du salarié se libère semble convenir aux personnes que nous avons auditionnées.

C’est en ce sens que la commission des affaires sociales a orienté le champ, large, de l’habilitation. Je crois que c’est également la piste suivie par le Gouvernement. J’aimerais, monsieur le secrétaire d’État, que vous nous le confirmiez.

Enfin, la commission a, adopté un article additionnel visant à pérenniser dans le code du travail le contrat de travail à durée déterminée à objet défini.

Expérimenté depuis 2008 à la suite de la signature de l’Accord national interprofessionnel, l’ANI, par tous les partenaires sociaux, à l’exception de la CGT, ce contrat a pour objet la réalisation d’une mission dont la durée peut varier de dix-huit à trente-six mois. Destiné exclusivement aux cadres et aux ingénieurs, il n’est pas renouvelable, et est subordonné à la signature d’un accord de branche ou d’entreprise.

Il s’agit donc, par ce biais, non de déréguler le contrat de travail, mais de permettre la poursuite de l’application d’un dispositif qui a fait ses preuves dans des secteurs comme la recherche, alors que l’expérimentation s’est achevée au mois de juin. Le Gouvernement a déposé un amendement tendant à repréciser ces éléments, sur lequel la commission a émis un avis favorable.

Au final, plusieurs reproches peuvent être faits au présent projet de loi.

Sur la forme, tout d’abord, comme l’ont dit avant moi les orateurs précédents, il n’est jamais très agréable pour le législateur d’être dessaisi de sa fonction principale au profit de l’administration. Mais je prends note, monsieur le secrétaire d’État, de votre engagement à associer les rapporteurs à la réflexion sur les parties des textes qui nous concernent, avant que nous les votions et lors de la rédaction des ordonnances !

Sur le fond, ensuite, les mesures proposées sont hétéroclites et ne parviendront pas, à elles seules, à atteindre l’objectif ambitieux fixé dans le projet de loi.

Néanmoins, et c’est la raison pour laquelle la commission des affaires sociales a approuvé les articles qui lui étaient délégués, ce texte, si les ordonnances vont bien dans le sens réclamé, apporte des réponses à des difficultés ponctuelles rencontrées par les entreprises et comporte des mesures qui doivent être adoptées dans les plus brefs délais.

J’espère maintenant que nos débats seront l’occasion pour le Gouvernement de préciser le contenu des ordonnances qu’il compte prendre, en particulier sur le temps partiel. §

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Cornu

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je partage entièrement les propos qui viennent d’être tenus.Mais avant d’aborder les articles qui concernent la commission du développement durable, je voudrais faire quelques remarques sur la forme et, surtout, sur le procédé de la simplification.

Le dernier texte de simplification dont nous ayons débattu dans cet hémicycle nous a été soumis au mois de décembre dernier. Voilà moins d’un an, donc, le Gouvernement nous proposait déjà de traduire dans la loi un certain nombre de mesures destinées à simplifier la vie des entreprises.

Cet objectif, je crois que nous le partageons tous dans cette enceinte. Il y a en effet urgence à « décomplexifier » le droit et à simplifier un certain nombre de procédures administratives qui nuisent aujourd’hui clairement à la compétitivité de nos entreprises.

Mais, en tant que parlementaires, nous nous interrogeons tout de même sur le procédé de simplification qui est utilisé.

Car en toute chose il faut savoir rester modeste.

En réalité, le « choc de simplification » mis en œuvre par le Président de la République s’inscrit dans la continuité d’un processus déjà ancien. Il fait suite aux Assises de la simplification, qui se sont tenues en 2011, et à la révision générale des politiques publiques, bien connue des élus locaux. Le présent projet de loi est d’ailleurs le septième texte de simplification soumis à l’examen du Parlement depuis 2003 !

L’ambition du simplificateur n’est par conséquent pas nouvelle. Aujourd'hui toutefois, non seulement le rythme s’est accéléré au point de devenir effréné, car nous votons quasiment un texte de simplification par an, mais aussi et surtout la simplification a changé de nature. Monsieur le secrétaire d'État, je crois que tout le monde gagnerait à ce que ce fait soit mieux pris en compte. Tirons-en les conséquences. Concrètement, nous ne pouvons plus à l’heure actuelle simplifier comme nous le faisions voilà dix ans, en sortant les mesures de fonds de tiroir.

Instrument occasionnel de « nettoyage » des codes, la simplification est, depuis quelques années, devenue permanente et constitue une politique publique à part entière. L’intitulé de votre fonction en est d’ailleurs la preuve, monsieur le secrétaire d'État.

Cette évolution doit nous rendre vigilants. L’augmentation du rythme, la faible cohérence thématique globale de tels textes – par nature –, malgré leur titre, qui en fait un empilement de mesures disparates, le recours aux ordonnances et l’engagement de la procédure accélérée, tout cela ne peut pas devenir systématique.

Face à ce changement de nature de la simplification, il nous faut réfléchir à une meilleure association du Parlement. En effet, les parlementaires n’ont pas pour rôle d’être présents uniquement en fin de parcours, afin d’enregistrer des textes qu’ils n’ont pas même le temps d’anticiper. J’en témoigne : encore une fois, j’ai eu des difficultés à obtenir les projets d’ordonnances pour lesquelles une habilitation est sollicitée. Nous aurions aimé, y compris depuis l’adoption du texte de l’année dernière et la mise en place du Conseil de la simplification pour les entreprises, que la méthode de travail « collaborative » que vous prônez, monsieur le secrétaire d'État, selon laquelle tout le monde serait associé à la « co-production », au « co-suivi » et à la « co-évaluation » des mesures de simplification, s’étende aux parlementaires !

Déposer une trentaine d’amendements, dont certains tendent à prévoir des habilitations sur des champs complètement nouveaux, la veille de l’examen en séance, non, monsieur le secrétaire d'État, ce n’est décidément pas cela la co-construction législative ! Nous sommes disposés à travailler avec vous, mais pas dans ces conditions.

J’en viens désormais au fond du texte.

D’une manière générale, la commission du développement durable a cherché à trouver à chaque fois un juste équilibre entre une urgence – desserrer sans attendre les contraintes qui pèsent sur nos entreprises – et une vigilance, qui doit être celle du législateur, à savoir ne pas donner un blanc-seing au Gouvernement à l’égard de projets incertains, flous et insuffisamment avancés à ce stade.

Concernant les articles au fond, elle a adopté un amendement rédactionnel à l’article 8 habilitant le Gouvernement à légiférer par ordonnance afin de créer une autorisation unique en matière de projets de production d’énergie renouvelable en mer et pour les ouvrages de raccordement au réseau public de ces installations. Elle s’est unanimement exprimée en faveur d’une accélération dans le domaine des énergies renouvelables, la France étant en retard par rapport à ses voisins européens.

À l’article 11, sécurisant les demandes d’expérimentations en matière d’autorisation unique pour les installations classées pour la protection de l’environnement, issues de la précédente loi de simplification, la commission a également adopté un amendement de précision.

À l’article 1l bis, autorisant le convoyage par motoneige de la clientèle des restaurants d’altitude, elle a adopté un amendement de coordination. Nous examinerons sur ce sujet deux amendements identiques de suppression déposés par nos collègues du groupe CRC et du groupe écologiste. La commission du développement durable y est évidemment défavorable, puisqu’elle a adopté l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Cornu

En revanche, monsieur le secrétaire d'État, elle tient à ce que le Gouvernement s’engage clairement à encadrer cette dérogation, afin que son incidence environnementale soit rigoureusement prise en compte.

Nous devrons enfin nous prononcer sur deux amendements tendant à insérer un article additionnel.

L’amendement n° 67 de Joël Labbé tend à prévoir une dérogation au principe de l’extension d’urbanisation en continuité pour la construction d’éoliennes prévu par la loi Littoral. La commission du développement durable a émis un avis défavorable sur cet amendement, dans la droite ligne des préconisations du rapport d’information relatif à la loi Littoral de nos collègues Odette Herviaux et Jean Bizet adopté au mois de janvier dernier, qui a bien mis en évidence la hiérarchisation qui prévaut aujourd’hui : l’objectif de protection de la loi Littoral l’emporte sur le développement de l’éolien terrestre.

Cette priorité sera de toute façon très prochainement rediscutée, puisqu’un amendement visant la même finalité a été introduit par le Gouvernement dans le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte.

L’amendement n° 85 déposé hier soir – hier soir ! – par le Gouvernement a pour objet d’accorder à celui-ci une habilitation pour modifier les dispositions législatives du régime des plans de prévention des risques technologiques, les PPRT. J’y reviendrai, mais je peux d’ores et déjà souligner que nous avons considéré que cette méthode n’était décidément pas la bonne.

Nous avons cherché à avoir toutes les informations nécessaires et à nouer un dialogue constructif avec le Gouvernement avant d’élaborer le texte de la commission : cela n’a pas été simple ! À aucun moment, le Gouvernement ne nous a fait part de sa volonté de modifier le régime des PPRT. Qui plus est, l’habilitation demandée est très large et vaste. Si le régime des PPRT peut être amélioré, il n’est pas possible de le faire dans ces conditions, littéralement « à l’aveuglette ».

Sur les articles dont elle était saisie pour avis, la commission du développement durable a émis un avis favorable au maintien de la suppression de l’article 5, qui prévoit une habilitation à prendre par ordonnance des mesures en vue de fusionner des commissions territorialement compétentes – lesquelles ? – en matière d’aménagement du territoire et de services au public.

Elle a également émis un avis favorable aux deux premiers alinéas de l’article 7, à condition toutefois que soit adopté un amendement visant à supprimer l’habilitation et à inscrire directement dans le code de l’environnement une exemption à l’obligation d’enquête publique pour certains types de projets de construction et d’aménagement. La commission saisie au fond a suivi cette position.

Enfin, la commission du développement durable s’est prononcée favorablement sur l’article 21, qui autorise le Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures pour organiser le recouvrement des redevances de stationnement sur la voie publique, à la suite de la dépénalisation des infractions au stationnement payant, avancée à laquelle la commission est très attachée.

Telles sont, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, les conclusions de la commission du développement durable sur le présent texte et les points sur lesquels ses membres souhaiteraient être rassurés.

Applaudissements sur les travées de l'UMP

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

La parole est à M. Philippe Dominati, rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dominati

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le projet de loi relatif à la simplification de la vie des entreprises s’inscrit dans la lignée des textes que nous avons adoptés depuis une dizaine d’années et qui ont pour ambition de simplifier la vie des entreprises, des citoyens et des administrations.

Ce sont des objets juridiques au contenu hétéroclite auxquels nous sommes maintenant habitués. Le présent projet de loi est déjà le deuxième texte de cette nature que nous examinons depuis 2012. En réalité, il s’agit de textes portant diverses dispositions, même si l’expression « simplification » paraît bien plus porteuse tant politiquement que médiatiquement.

Je trouve l’appellation « simplification de la vie des entreprises » très exagérée. Par exemple, sur les quatorze articles significatifs sur lesquels la commission des finances a été saisie pour avis, six concernent les entreprises et huit l’administration. Il s’agit donc autant, si ce n’est plus, de faciliter le travail de l’administration que le quotidien de milliers d’entreprises.

Non pas que le Gouvernement reste inactif, le Conseil de la simplification de la vie pour les entreprises produit des idées, qui, pour beaucoup, sont mises en œuvre par voie réglementaire. Si ces textes de simplification sont décevants, c’est parce qu’ils ne s’intéressent qu’à des sujets mineurs : ils passent à côté des véritables enjeux.

La simplification que les entrepreneurs attendent, c’est celle du code du travail ou bien du lourd corpus de règles en matière sociale, comme la mise en place du compte pénibilité. Avec plus de 3 millions de chômeurs, cela me paraît le plus urgent.

Il conviendrait surtout de ne pas inventer de nouvelles obligations de toute sorte. Je pense par exemple aux récentes dispositions de la loi relative à l’économie sociale et solidaire qui obligent les dirigeants de PME à informer leurs salariés avant toute cession.

On ne peut, d’un côté, prôner une politique active de simplification et, de l’autre, voter des lois qui vont dans un sens totalement opposé. Ce manque de cohérence nuit gravement à la crédibilité de l’action publique et à la confiance en l’État que peuvent avoir les entrepreneurs, en particulier les plus petits.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dominati

Pour autant, on ne saurait être opposé à la simplification, même si je pense que le présent projet de loi n’est pas à la hauteur des ambitions affichées. La commission des finances a donc travaillé dans un esprit constructif et proposé plusieurs amendements qui ont été retenus dans le texte établi par la commission des lois.

Ainsi, s’agissant des articles 15 et 16, elle a préféré inscrire « en dur » dans le projet de loi les dispositions pour lesquelles le Gouvernement demandait une habilitation à procéder par ordonnance. En effet, il faut veiller à ce que cette procédure soit utilisée à bon escient.

Sur l’article 13, qui concerne les obligations déclaratives des entreprises en matière fiscale, la commission des finances a émis un avis favorable. Néanmoins, elle a également relevé que, sur cet enjeu important de simplification et de compétitivité, le Gouvernement s’engageait sans guère de précision. Il nous faudra être vigilants à ce qu’il épuise le champ large de l’habilitation et ne se contente pas de « mesurettes » pour quelques déclarations spécifiques.

Le ministre s’est notamment engagé à revoir en profondeur la déclaration d’honoraires ou de commissions, dite « DAS 2 ». Toutefois, le Conseil de la simplification pour les entreprises a identifié d’autres déclarations, comme celles qui portent sur les frais généraux ou la déclaration n° 1330 relative à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, qui peuvent également être chronophages.

Je souhaite maintenant évoquer l’article 21, qui prévoit une habilitation du Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures destinées à corriger et à compléter les dispositions issues de la loi Métropole relatives à la décentralisation et la dépénalisation du stationnement.

Vous vous en souvenez, il s’agissait d’une initiative du Sénat, plus précisément de notre collègue Jean-Jacques Filleul, qui répondait aux souhaits émis depuis plusieurs années par de nombreux élus locaux.

J’ai auditionné le délégué interministériel chargé de ce sujet et j’ai pu constater que l’administration, longtemps réticente à cette réforme, s’était mise en ordre de marche pour la mettre en œuvre. Les dispositions prévues par l’ordonnance concernent essentiellement les mesures de recouvrement forcé en cas d’impayés de stationnement. A priori, une modification demandée par le Gouvernement permettra d’élargir le champ de l’habilitation, afin de couvrir les conséquences de la dépénalisation sur l’organisation des juridictions administratives et pénales.

Il appartiendra aux parlementaires, notamment à plusieurs d’entre vous, mes chers collègues, très investis sur ce sujet, de veiller à ce que le texte de l’ordonnance soit conforme à l’intention initiale du législateur, ce que semblent confirmer les travaux préparatoires de l’ordonnance qui m’ont été transmis. La commission des finances est donc favorable à cette habilitation, qui vise à mettre en œuvre une réforme à laquelle nombre de sénateurs sont très attachés.

Enfin, l’article 30 traite du fichier bancaire des entreprises, le FIBEN, qui recense l’ensemble des crédits bancaires accordés aux entreprises. Il est alimenté par les établissements de crédit ; en contrepartie, ceux-ci peuvent consulter ce document pour s’assurer de la solvabilité d’un emprunteur.

L’article 30 propose d’habiliter le Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures destinées à élargir le nombre d’acteurs qui pourront à la fois alimenter le fichier et, par conséquent, le consulter. J’étais a priori sceptique à l’égard de cet article, ma précédente expérience sur le fichier positif des crédits à la consommation m’ayant rendu prudent sur la mise en œuvre de « mégafichiers ».

Par ailleurs, je ne sais pas si cet article a pour véritable objet de faciliter le financement des entreprises ou bien le travail statistique de la Banque de France et de l’administration.

Je constate, en tout état de cause, qu’il se traduira par de nouvelles obligations déclaratives pour les acteurs du financement qui, à ce jour, n’entrent dans le champ du FIBEN.

La commission des finances n’a pas proposé la suppression de cet article, car j’attendais encore des réponses de la part de l’administration. Malgré les éclaircissements apportés, je ne suis guère plus enthousiaste. C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous proposerai un amendement de suppression lors de l’examen des articles.

Vous le constatez, le projet de loi consiste en un empilement de mesures plus ou moins précises et plus ou moins utiles aux entreprises en termes de simplification. Même si elles ne suffiront pas pour restaurer un climat économique fortement dégradé depuis plusieurs années, elles sont pour l’essentiel bienvenues. §

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, avec le texte que nous nous apprêtons à examiner, le Gouvernement entend franchir une nouvelle étape dans le « choc de simplification » voulu par le Président de la République et engagé depuis plusieurs mois.

Notons tout d’abord la loi du 12 novembre 2013 habilitant le Gouvernement à simplifier les relations entre l’administration et les citoyens, puis la loi habilitant le Gouvernement à simplifier et sécuriser la vie des entreprises du 2 janvier dernier, dont j’ai d’ailleurs eu le privilège d’être le rapporteur et que j’ai pu suivre. Aujourd'hui, je constate avec satisfaction, monsieur le secrétaire d’État, que les ordonnances que ce texte visait ont, depuis lors, toutes été prises. Je tiens à le souligner compte tenu de la méfiance atavique et légitime des parlementaires à l’égard du recours aux ordonnances. La rapidité dans l’action est de nature à atténuer cette méfiance.

Le mouvement de simplification a également été lancé en matière de justice avec le projet de loi relatif à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures, qui doit revenir très prochainement devant le Sénat pour une nouvelle lecture.

Toutes les mesures de simplification mises en œuvre depuis dix-huit mois ont d’ores et déjà permis aux entreprises et à l’administration d’économiser plus de 2 milliards d’euros. Le Gouvernement a également annoncé jeudi dernier une série de nouvelles dispositions qui devraient porter à 11 milliards d’euros les gains pour le pays d’ici à 2017.

Le présent texte, comme le premier volet de la simplification de la vie des entreprises évoqué plus tôt, vise à améliorer la compétitivité de celles-ci et à libérer leur potentiel de croissance en simplifiant les démarches administratives et en supprimant des réglementations désuètes ou jugées inutiles au fil de la pratique, sans pour autant diminuer les protections ou les droits essentiels.

En effet, selon le classement du Forum économique mondial de Davos, la France occupe aujourd’hui le cent trentième rang sur cent quarante-huit pays en ce qui concerne le poids des réglementations relatives à la compétitivité de ses entreprises.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

Selon l’OCDE, la complexité administrative, ou « l’impôt papier » comme on l’appelle également, coûterait aux entreprises françaises entre 60 et 80 milliards d’euros par an, soit 3 % à 4 % du produit intérieur brut !

L’urgence et l’attente sur ces sujets justifient donc l’engagement par le Gouvernement de la procédure accélérée et le recours aux ordonnances pour certaines dispositions.

Nous serons évidemment extrêmement vigilants lorsque le projet de loi de ratification sera soumis au Parlement, et nous vous demandons instamment, monsieur le secrétaire d’état, d’associer les parlementaires à la rédaction des ordonnances.

Le texte qui nous est aujourd'hui soumis est néanmoins le fruit d’une démarche collaborative tout à fait rassurante, à laquelle vous avez associé, et continuez d’associer, les acteurs économiques et les citoyens.

Il est ainsi la traduction législative de quatorze des cinquante recommandations du Conseil de la simplification pour les entreprises mis en place par le Gouvernement au mois janvier dernier, dont les missions sont d’accélérer la mise en œuvre du programme de simplification à destination des entreprises, d’en garantir la cohérence et, enfin, de proposer de nouvelles pistes de simplification. Cette instance associe administrations et chefs d’entreprise pour répondre au plus près aux besoins réels des entreprises. Vous en avez exercé, monsieur le secrétaire d’État, la co-présidence avec Guillaume Poitrinal, lui-même chef d’entreprise, avant d’accéder à vos actuelles fonctions et d’être remplacé par le député de la Côte-d’Or, Laurent Grandguillaume.

Je tiens à rappeler pour mémoire que les trente-six recommandations restantes n’ont pas été abandonnées. Soit elles ont déjà été mises en œuvre par ordonnances, soit elles sont d’ordre réglementaire.

Cette démarche participative est tout à fait innovante et moderne, car vous avez également mis en place, monsieur le secrétaire d’État, des sites internet pour permettre aux citoyens de découvrir l’ensemble des mesures de simplification en cours et de suivre leur avancement, ou encore de proposer des idées de simplification de l’administration.

Pour toutes ces raisons, je m’étonne que la majorité sénatoriale qui, bien qu’elle ait approuvé la philosophie du présent projet de loi dont elle reconnaît l’inscription dans un processus de simplification de l’environnement juridique des entreprises, semble néanmoins considérer qu’il s’agit d’un texte fourre-tout, dont le contenu est décevant et manque d’ambition. Selon elle, les dispositions qu’il contient ne seraient pas à la hauteur des attentes et des besoins des entreprises et ne constitueraient pas un véritable « choc de simplification ». Pourtant, ces mesures ont été réclamées par les entreprises elles-mêmes !

Ce projet de loi comporte des dispositions d’ordre législatif, mais je rappelle que le volet réglementaire ne doit pas être oublié. La simplification de la vie des entreprises est en perpétuel mouvement. Cinquante nouvelles mesures ont été adoptées jeudi dernier et d’autres suivront très prochainement.

J’ai moi-même déposé une proposition de loi tendant à simplifier et à clarifier le code de commerce – je vous remercie de l’avoir rappelé, monsieur le rapporteur – et j’espère moi aussi que ce texte sera très rapidement soumis au Sénat.

Le présent texte contient certes des mesures éparses, qui, prises séparément, peuvent paraître négligeables pour nombre d’entre vous, mes chers collègues, mais, mises bout à bout, elles créeront un véritable choc, en redonnant de la confiance, en créant de la croissance et des emplois.

Avec l’extension de l’instrument du rescrit fiscal, par exemple, on va véritablement vers le « choc de simplification ». Cet outil, qui permet à une entreprise d’interroger l’administration, dont l’avis est opposable juridiquement, sur l’interprétation d’un texte en fonction de sa situation, figure d’ailleurs dans une proposition de loi déposée à l’Assemblée nationale par des députés UMP. Le succès de la procédure et son utilité avérée pour les entreprises appelaient l’extension de son champ d’application à d’autres domaines de l’action administrative, tels que le droit du travail, le droit de la concurrence, ou encore le droit de la consommation. C’est désormais chose faite.

J’évoquerai également le principe du « silence vaut accord », qui renverse celui qui est en vigueur depuis la publication de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, dite « loi DCRA », selon lequel le silence gardé par l’administration pendant deux mois sur la demande qui lui est adressée par un usager vaut rejet de celle-ci. Près de 1 200 procédures devraient être soumises à cette règle, ce qui signifie qu’environ deux tiers des régimes d’autorisation deviendront plus simples et plus rapides. Il s’agit là d’une véritable révolution administrative qui facilitera les relations entre les Français et leur administration.

L’habilitation ayant été jugée trop large, l’article 4 a malheureusement été supprimé. Le Gouvernement nous fera, je l’espère, d’ici à la fin de la séance, une liste exhaustive des procédures administratives concernées afin de rassurer mes collègues réticents.

Le premier bilan que l’on peut dresser après dix-huit mois d’action est positif, même si l’on sait qu’il reste encore beaucoup de travail à accomplir. Le Gouvernement marque sa volonté d’agir de concert avec les acteurs économiques et d’agir vite. On ne peut que souscrire à un tel objectif.

Il serait fort dommageable que le vote du présent projet de loi soit en quelque sorte plombé par la suppression de deux mesures, le compte personnel de prévention de la pénibilité et l’obligation d’information préalable des salariés en cas de cession d’une entreprise de moins de 250 salariés, mesures dont le maintien nous semble indispensable.

Pour conclure, permettez-moi de vous faire part d’un regret. La commission des lois, dont je suis membre, a été saisie de ce texte. Elle a décidé d’en déléguer au fond trente et un des articles à la commission des affaires économiques, à la commission des affaires sociales, à la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire et à la commission des finances. À titre personnel, je pense qu’un tel éclatement entre cinq commissions nuit à la qualité du travail parlementaire. La transversalité des sujets abordés dans le projet de loi aurait nécessité à mon sens la création d’une commission spéciale, comme ce fut le cas à l’Assemblée nationale.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Labbé

J’ai alors été accroché par vos propos, que j’ai trouvés particulièrement intéressants.

Vous souhaitiez un « gouvernement plus ouvert, plus en dialogue avec la société, plus transparent », arguant que c’était « une des conditions de la réussite des réformes ».

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Labbé

La brosse, ce n’est pas mon genre, mon cher collègue, rassurez-vous !

Quoi qu’il en soit, je partage totalement ces convictions, monsieur le secrétaire d’état.

Plus en dialogue avec la société, c’est essentiel !

Je suis personnellement très préoccupé de savoir à quel point notre population se sent en rupture avec sa représentation nationale. Je pense que ce sentiment de malaise est partagé par un certain nombre d’entre nous. Un sondage IPSOS datant du mois de janvier dernier illustre parfaitement cette rupture : 72 % de la population ne font pas confiance à l’Assemblée nationale tandis que 73 % de nos concitoyens n’accordent pas leur confiance au Sénat ; 78 % des Français ne croient plus en général à la chose politique.

Il est donc grand temps que, collectivement, nous nous remettions en question. Je tenais à vous le dire en préambule, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, sans toutefois donner de leçon.

Monsieur le secrétaire d’État, vous avez aussi déclaré vouloir développer toutes les méthodes collaboratives pour dessiner de nouvelles solutions, et ce avec des exigences méthodologiques très strictes. C’est important.

Pour la rédaction du présent projet de loi, ou plutôt pour sa co-rédaction, vous avez mis en place une série d’ateliers participatifs. Le texte initial, ultérieurement amendé par l’Assemblée nationale, contenait selon nous des avancées fort intéressantes.

C’était avant son passage en commission au Sénat, où pas moins de quatre commissions ont été saisies pour avis, ce qui n’est pas la meilleure des méthodes. Résultat : le texte que nous examinons en séance est bien différent de celui résultant des travaux de l’Assemblée nationale. Alors qu’on le trouvait tout de même un peu fourre-tout, il a désormais beaucoup perdu de sa portée, ce qui est particulièrement décevant.

La commission des affaires sociales a introduit le contrat de travail à durée déterminée à objet défini, une nouvelle forme de contrat précaire pour les cadres ayant déjà été introduit à titre expérimental dans la loi du 25 juin 2008 portant modernisation du marché du travail. Je regrette que ce mécanisme ait été réintroduit dans le présent projet de loi sans que l’usage qui en a été fait ait été évalué et sans que le bénéfice réel retiré par l’entreprise et par le salarié par rapport au CDD classique ait été mesuré.

Nous devons mener une grande réflexion sur l’emploi et sa rémunération. Une étude vient de montrer que les robots pourraient remplacer 3 millions de salariés d’ici à 2025. Que ferons-nous lorsque nous aurons 6 millions de chômeurs ? Est-ce que nous inventerons le contrat de travail imaginaire ? Aussi, je plaide pour la suppression de l’article 2 quinquies introduit par la commission des affaires sociales.

L’article 12 A supprime une disposition importante de la loi relative à l’économie sociale et solidaire qui oblige à informer les salariés en amont de la vente de leur entreprise afin de leur en permettre la reprise éventuelle. Si l’on peut comprendre les critiques portant sur cette disposition, il faut également tenir compte des avantages qu’elle comporte, afin, comme l’a dit M. le ministre précédemment, de favoriser au maximum la reprise d’entreprises et le maintien de l’emploi.

Je proposerai également par amendement la suppression de l’article 11 bis introduit à l’Assemblée nationale et qui vise à autoriser, par dérogation au code de l’environnement, le convoyage par motoneige de la clientèle vers les établissements touristiques d’altitude offrant un service de restauration. Bel exemple de cavalier législatif !

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Labbé

Un cavalier blanc qui aurait pu se fondre dans les somptueux décors enneigés de nos espaces naturels… Mais c’est un cavalier bruyant, et c’est là son grand défaut !

Sérieusement, nous sommes dans cet hémicycle pour défendre l’intérêt général et le bien public ; or l’article en question ne concerne strictement que quelques intérêts très privés et favorise une pratique qui va à contre-courant de la défense du bien public.

Je me suis renseigné sur le fonctionnement actuel des restaurants d’altitude : on y accède à pied, à ski ou en raquette, ce qui fait l’intérêt et le charme de ces établissements, situés dans un cadre extrêmement privilégié. Une simple augmentation de l’amplitude horaire des remontées mécaniques donnerait une réponse complémentaire plus que satisfaisante.

N’oublions pas, quand même, que 40 % des Français ne partent plus en vacances, …

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Labbé

… que moins de 10 % vont aux sports d’hiver dont un très faible pourcentage profite de la restauration d’altitude. Le maintien de cet article serait un scandale aux yeux des Françaises et des Français, …

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Labbé

… que nous représentons et avec lesquels nous nous devons de renouer le dialogue.

Pour rester dans le domaine de l’hôtellerie, j’ai proposé un amendement tendant à protéger les professionnels contre l’abus des centrales de réservation qui opèrent un véritable racket – tout en ayant, d’ailleurs, un siège à l’étranger – et qui mettent à mal la petite hôtellerie familiale, élément de notre patrimoine. Malheureusement, cet amendement a été déclaré irrecevable ; je fais toutefois confiance au Gouvernement pour s’occuper pleinement de la question et je ne manquerai pas de le questionner sur le sujet, et, si besoin est, de l’interroger de nouveau.

Enfin, je me dois de parler de la ferme des mille vaches, question qui n’est pas sans rapport avec le présent texte, une exploitation agricole étant aussi une entreprise.

La semaine dernière, j’ai « séché » les travaux de la commission des affaires économiques, car j’avais choisi d’être présent au procès qui s’est déroulé à Amiens. Une grande majorité des Françaises et des Français que nous représentons et avec lesquels nous nous devons de renouer le dialogue, je le répète, s’oppose à ce type d’industrialisation et de financiarisation de notre agriculture. Une opposition déterminée à réduire le nombre de vaches de 1000 à 500 s’est fait jour, mais ce nombre est encore beaucoup trop élevé.

Seulement voilà : le contexte législatif actuel ne nous permet pas de limiter la concentration des terres, ou, du moins, ceux qui souhaitent réaliser une telle concentration ont les moyens de contourner l’exercice du nouveau droit de préemption des SAFER, les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural, sur les parts de société.

Aussi, j’ai déposé un amendement visant à permettre aux SAFER de préempter non pas la totalité, mais la majorité des parts de société. Il a été déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution, ce que je conteste, car les SAFER sont financièrement indépendantes.

C’est pourquoi, même si la commission n’aime guère les demandes de rapports, je sollicite par amendement, avec force, un rapport au Gouvernement sur l’extension du droit de préemption des SAFER aux parts de société, y compris dans le cas où la cession ne porte pas sur l’intégralité des parts. Je suis convaincu que cet amendement recueillera une majorité de voix au sein du Sénat, et peut-être même l’unanimité.

En outre, j’ai reçu, hier, des représentants de la CAPEB, la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment, du Morbihan qui ont tenu à me faire part du sentiment de grande lassitude qui règne dans tous les métiers du bâtiment en raison de l’extrême complexité des dossiers d’aides publiques dans le domaine de la rénovation. Ils souhaitent une véritable simplification en la matière, et pourquoi pas l’instauration d’une TVA à 5, 5 % pour l’ensemble des travaux. Je crois que cette mesure doit être étudiée, monsieur le secrétaire d’État.

Quant au compte personnel de prévention de la pénibilité, il faut vraiment travailler à une procédure beaucoup plus simple, tout en maintenant ce dispositif, qui est essentiel.

Un mot, enfin, sur les banques, qui ne jouent pas leur rôle de soutien à la trésorerie des très petites entreprises.

Pour conclure, je suis très favorable à la simplification de la vie des entreprises et je souhaite vivement pouvoir voter en faveur du présent projet de loi. Néanmoins, si le texte n’évoluait pas au cours de la discussion et si mes amendements ne recevaient aucun écho, je pourrai m’abstenir, de même que les membres de mon groupe.

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Montaugé

Lors du scrutin n° 7 sur l’amendement n° 2 rectifié déposé à l’article 1er du projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral, j’ai été déclaré votant pour, alors que je souhaitais m’abstenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Acte vous est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Nous poursuivons la discussion du projet de loi, adopté par Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la simplification de la vie des entreprises.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Michel Le Scouarnec.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Le Scouarnec

Tout d’abord, monsieur Labbé, je suis d’accord avec vous concernant la ferme des mille vaches : je trouve le projet scandaleux et je partage votre combat.

Pour revenir au texte en discussion, l’usage sémantique du mot « simple » qui y est fait n’est pas du tout effectué à bon escient. Paul Valéry aurait pu s’inspirer de ce projet de loi lorsqu’il a écrit : « un sujet d’une étendue immense et qui, loin de se simplifier et de s’éclaircir, ne fait que devenir plus complexe et plus trouble à mesure que le regard s’y appuie. »

Les sénateurs du groupe CRC ne sont pas opposés à une simplification de la vie des entreprises, et encore moins à une simplification de la vie des Français. Bien au contraire, nous appelons de nos vœux un certain nombre de mesures, par exemple, l’instauration d’un tiers payant généralisé chez le médecin, disposition utile pour nos concitoyens les plus modestes et qui figurait dans le programme de campagne du candidat François Hollande. Preuve qu’il y avait du bon dans ce programme !

Pourtant, à la lecture de ce projet de loi, on a le sentiment que lorsqu’il s’agit de simplifier la vie quotidienne des Français, le Gouvernement donne du temps au temps, alors que, pour les entreprises, il accélère le changement !

La simplification est une démarche louable, mais, dans le cas présent, elle s’avère trompeuse en raison d’un certain nombre de dispositions.

Avant tout, je voudrais dire un mot sur la procédure employée, qui nous paraît critiquable.

Le présent projet de loi prévoit de modifier huit codes différents, pour l’essentiel par la voie d’habilitations à prendre des ordonnances. Ce recours massif à des habilitations au contenu étendu et incertain n’augure pas d’un travail serein sur le contenu du texte.

Le Gouvernement ne peut pas poursuivre cette stratégie de la coquille vide où les représentants du peuple sont exclus des décisions à mettre en œuvre pour le pays. Les arguments relevant de la complexité et de l’obligation d’aller vite ne peuvent être acceptés en permanence.

Cette critique est accentuée par le fait que de nombreux articles du texte que nous examinons sont issus des propositions du Conseil de la simplification pour les entreprises. Or cette instance n’est composée que d’élus, de hauts fonctionnaires et de chefs d’entreprise. Cela fait déjà beaucoup de monde, mais aucun représentant de syndicat de salariés n’y siège, par conséquent n’a eu son mot à dire. Alors que l’heure est plus que jamais au développement de la démocratie, les salariés auraient certainement été une force de propositions pour la rédaction de ce texte.

Aussi, pour les membres du groupe CRC, la simplicité ne rime pas avec la facilité, tant ce projet de loi procède à un certain nombre de modifications d’importance. Certaines ont déjà été supprimées par la commission des lois, mais d’autres demeurent, notamment celles qui sont relatives au code du travail.

Ainsi, nous ne pouvons pas adhérer à un texte qui considère comme une mesure de simplification la mise en œuvre du CDD à objet défini. Cette disposition ne trouve pas sa place dans un projet de loi ayant pour objet la simplification et sur lequel est engagée la procédure accélérée. Nous estimons qu’un réel débat démocratique doit être mené sur cette question en concertation avec les représentants des salariés et avec les parlementaires.

Il nous est également proposé d’habiliter le Gouvernement à prendre par ordonnance toutes les mesures relevant de la loi pour harmoniser la définition et l’utilisation des notions de « jour », et ce afin d’adapter la quotité des jours dans la législation du travail et de la sécurité sociale. Actuellement, cinq notions de « jour » sont utilisées : jour calendaire, jour ouvrable, jour ouvré, jour franc et jour de travail. Là aussi, selon la notion retenue, l’harmonisation aura des conséquences pour le monde du travail.

Un autre article habilite le Gouvernement à déterminer les conditions essentielles de l’exercice du portage salarial, dont nous connaissons tous les méfaits sur les conditions de travail des salariés pour qui la précarité deviendra alors une norme. Là encore, nous ne pouvons pas nous priver d’un véritable débat démocratique sur un sujet d’une réelle importance pour nos concitoyens.

Comme vous le constatez, mes chers collègues, la simplification est fort compliquée !

Il en va de même des autres thèmes abordés dans ce pêle-mêle de dispositions qui nous est proposé. J’en veux pour preuve les mesures dans le domaine de l’environnement, par exemple la réforme des certificats d’énergie. Pourquoi en débattre à l’occasion de l’examen de ce texte, alors que la plupart d’entre elles auraient dû trouver leur place dans le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte ? Où se situent la logique et la simplification ?

Quant aux mesures qui relèvent des commissions des affaires économiques et du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire, notons la volonté, une nouvelle fois affirmée et amplifiée d’ailleurs en commission, de déréglementer le droit des sols, ouvrant ainsi la voie à de multiples dérogations au plan local d’urbanisme, qui relève de la compétence des maires – à cet égard, je me demande si le but visé n’est pas d’écorner le pouvoir de ces derniers. Il faut faire confiance aux maires !

Nous ne pouvons pas non plus souscrire à la volonté de remplacer dans un certain nombre de cas l’enquête publique par une simple mise à disposition du public.

Que dire, aussi, des mesures remettant en cause les dispositions de la loi ALUR, notamment l’article 7 ter, qui revient sur la mention de la surface habitable ? Sur le fond, nous considérons que le présent projet de loi n’est pas de nature à résoudre le problème de la construction qui est moins lié aux normes et à leur complexité qu’à l’asséchement des crédits affectés au logement dans le projet de loi de finances pour 2015.

De plus, nous avons étudié attentivement l’article 27 qui a trait aux marchés publics. Nous avons regretté, dans un premier temps, que l’objet de cet article soit, une nouvelle fois, de démanteler la loi relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’œuvre privée, dite « loi MOP ». Pour cette raison, nous souscrivons à la réécriture de la commission ainsi qu’aux amendements adoptés qui tendent à limiter et à clarifier le recours aux contrats de partenariat, même si, pour notre part, nous souhaitons aller encore beaucoup plus loin dans la limitation de ceux-ci.

Le dernier volet de ce projet de loi porte sur les mesures fiscales et comptables en faveur des entreprises qui se résument essentiellement à l’extension des procédures de télédéclaration et de télépaiement des impositions dues par celles-ci, qu’il s’agisse des grandes sociétés comme des entreprises à caractère artisanal. Ces procédures leur sont de plus en plus imposées. En réalité, elles sont les effets de la politique constante de réduction des effectifs de la direction générale des finances publiques.

Évidemment, dans ce contexte, se pose aussi la question de la fiabilité du contrôle et du suivi du dossier des entreprises. À l’heure où tant de recettes font défaut aux caisses de l’État, peut-on prendre le risque de diminuer les contrôles ?

Vous le constatez, mes chers collègues, le présent projet de loi, qui semble se limiter à faciliter l’obtention de certaines autorisations, à ouvrir la possibilité de dématérialiser certains documents et à harmoniser différents codes, sert en réalité de véhicule pour faire passer des réformes qui touchent au fond du droit, notamment au droit du travail.

Un certain nombre de choix qui sont opérés devraient faire l’objet de véritables débats politiques et non pas figurer dans un projet de loi dit « de simplification », générateur de déréglementation et débattu quelque peu à la hâte. Cela n’est pas une garantie pour l’avenir.

Monsieur le secrétaire d’État, tout à l’heure, dans votre propos liminaire, vous avez parlé de « choc de simplification » et de « rattrapage », et vous avez dit qu’il fallait « mettre les bouchées doubles ». En fait, c’est une route chaotique et peu sûre que vous nous proposez d’emprunter. Pourvu que ce ne soit pas une impasse sans espoir pour notre peuple !

Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – M. Joël Labbé applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en introduction de mon propos, je rappellerai une anecdote relatée dans le rapport Lambert-Boulard consacré à l’inflation normative.

Par application du décret du 22 octobre 2010, depuis le 1er mai 2011, une nouvelle réglementation antisismique est applicable aux nouvelles constructions dans des zones qui n’ont jamais connu de secousses sismiques. Pour un collège en construction au Mans, une ville qui n’a pourtant jamais connu de tremblement de terre – des courses automobiles, oui, mais pas de tremblement de terre !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

Nos entreprises, notamment les PME, qui représentent 57 % de la valeur ajoutée, 65 % des emplois marchands et 82 % des emplois créés dans notre pays, sont soumises au quotidien à de lourdes procédures administratives qui entravent leur développement et leur action. Plusieurs fois par an, elles doivent communiquer leur chiffre d’affaires, faire part de leur respect des normes environnementales, paritaires et autres, sans que les différentes administrations soient aujourd’hui en mesure de croiser, et donc de coordonner les informations qui ont déjà été transmises. Il y a de quoi décourager tout esprit d’entreprise !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

Au mois de mars 2013, le rapport Lambert-Boulard rappelait : « Le stock est évalué à 400 000 normes. Il s’est constitué au fil du temps par addition, sédimentation, superposition, comme les couches d’une géologie juridique. » Et le même rapport d’ironiser sur le phénomène : « La seule nuit d’abrogation s’est déroulée le 4 août 1789… » Voilà donc plus de 225 ans !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

La France a par conséquent bien besoin du choc de simplification. Celui-ci participe d’ailleurs à la mise en œuvre de l’objectif à valeur constitutionnelle d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi. Selon un chiffrage de l’État, pour notre pays, il devrait découler des mesures de simplification une économie globale de 2, 4 milliards d’euros.

Mais encore faut-il s’interroger davantage sur les raisons d’une telle complexité des normes, sans quoi la simplification se réduit à un trompe-l’œil pour nos concitoyens.

Plusieurs maux ont déjà été soulignés de longue date : l’inflation normative et ses corollaires, l’usage de la procédure accélérée à tout-va, la sur-transposition des directives européennes, qui surajoute de nouvelles obligations à d’autres, l’absence d’étude d’impact sérieuse accompagnant le plus souvent les projets de loi – les membres du groupe du RDSE ont fait remarquer ce paradoxe lors de l’examen de la réforme territoriale : l’étude d’impact a été conçue pour améliorer la fabrique législative, mais se trouve réduite aujourd’hui à une pure formalité technique –, la simplification par le biais de lois de simplification sans vision d’ensemble, source de complexification…

Pour ne s’attarder que sur cette dernière cause, il est à noter que le Parlement est en quelque sorte « dessaisi » par ces lois fourre-tout qui survolent tous les sujets sans les approfondir. Le législateur se voit ainsi privé de son rôle constitutionnel d’artisan de la loi sur des thèmes aussi essentiels que le droit du travail et la sécurité sociale.

De surcroît, en l’occurrence, la procédure accélérée est une nouvelle fois utilisée, une procédure dont on use et abuse… Les membres de mon groupe l’ont dit et répété en d’autres temps, sous d’autres majorités, et nous regrettons que cela ne change pas.

Cinq projets de loi affichant un objectif de simplification ont été successivement examinés en à peine deux années. Les lois adoptées sont ainsi devenues l’occasion de pallier les carences d’autres lois à peine promulguées. Comment ne pas voir que ce genre d’habitus législatif crée de la confusion chez nos concitoyens, qui ne savent plus à quelle norme se fier, et qui vont se perdre dans le jeu multiple des abrogations et des entrées en vigueur, repoussées, puis avancées et finalement encore décalées ?

Les mesures proposées dans le présent projet de loi en matière de droit du travail – portage salarial et apprentissage – auraient dû faire l’objet, a minima, d’un projet de loi spécifique et, a maxima, d’une grande concertation des partenaires sociaux, comme la loi du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail en a posé le principe.

Par ailleurs, il est à noter que c’est le fonctionnement de l’administration qui est le plus souvent en cause, du fait de rigidités structurelles et de certains comportements ancrés dans la pratique. Tel est largement le cas en matière d’environnement. Il suffit de penser à l’abandon de la construction du centre de formation du Stade brestois pour protéger… l’escargot de Quimper !

Exclamations.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

Dans un contexte économique difficile, l’abandon de ce chantier de 12 millions d’euros, pour lequel quarante entreprises avaient répondu aux appels d’offres, devient difficilement justifiable.

De plus, comment expliquer que ce qui fait foi, à savoir le Journal officiel, n’est pas intelligible, car non consolidé, alors que ce qui est accessible ou intelligible – les bases de législation consolidée, comme le site Légifrance – ne fait pas foi ? En simplifiant la forme, l’administration contribuerait certainement à se donner les moyens de simplifier le fond.

Accessibilité du droit, dématérialisation des démarches administratives, coordination des divers services, circulation de l’information, tels sont les chantiers urgents de la simplification, qui doit se transformer en véritable révolution de l’esprit administratif.

Les membres du groupe du RDSE voteront le présent texte, mais ils appellent le Gouvernement à revoir sa méthodologie de simplification. Si l’objectif n’est pas contestable, les moyens pour l’atteindre le sont beaucoup plus. Vous l’avez vous-même reconnu, monsieur le secrétaire d’État, parfois, les lois de simplification sont source de plus de complexité qu’elles ne permettent de remédier à des difficultés.

En conclusion, le poète français Pierre Reverdy écrivait : « Ce n’est pas si simple que ça, d’être simple »

Applaudissements sur les travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty.

M. Olivier Cadic applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, comment ne pas souscrire à une démarche de simplification ?

Dans un monde hypercomplexe, aux multiples sources de production normatives et réglementaires, imbriquées et enchevêtrées, la simplification, souvent d’ailleurs associée à la transparence, est devenue à la fois un mirage et un gadget de l’action publique.

Jugeons-en par un seul chiffre : depuis dix ans, on peut recenser treize lois de simplification. Celle que nous nous apprêtons à adopter sera la quatorzième ! La quinzième ne devrait pas tarder si l’on en croit les récentes annonces du Président de la République. Preuve s’il en est que, en la matière, le volontarisme politique ne suffit pas, car la complexification – ce n’est pas seulement une impression, car je suis aussi dans ma vie professionnelle chef d’entreprise de PME – progresse plus vite que la simplification.

En effet, au-delà de l’incantation et de tous les effets d’affichage, il y a la difficulté objective à opérer.

En l’occurrence, que nous propose-t-on ? Certainement pas le fameux « choc de simplification » annoncé depuis plus de deux ans !

Le présent projet de loi de simplification est tout à fait classique par rapport à ses prédécesseurs. Il s’agit d’un texte de recours massif aux ordonnances et, vous le savez, nous sommes toujours par principe très réticents face à ces ordonnances qui dessaisissent le législateur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

Mais nous pouvons aussi comprendre que la formule soit commode et se justifie dans des matières très techniques où le réglementaire le dispute au législatif, ce qui est largement le cas pour bon nombre des sujets abordés dans le texte que nous examinons. Nous n’en ferons donc pas un casus belli.

Mais ce projet de loi de simplification, comme tous ses prédécesseurs – c’est sa seconde caractéristique – constitue un texte fourre-tout, un catalogue assez hétéroclite de mesures.

Du droit du travail au droit des sociétés, en passant par les déclarations de fermeture des boulangeries – voilà longtemps que celles-ci sont peu effectuées –, son champ matériel est des plus larges, au point que son examen au sein de la Haute Assemblée a dû être saucissonné entre cinq commissions différentes sur les sept commissions permanentes que compte le Sénat. La performance est notable !

Parmi la cinquantaine de mesures proposées, certaines attirent plus spécifiquement notre attention et méritent d’être saluées – nous sommes parfois d’ailleurs en désaccord avec la commission des lois sur ce point : l’article 2 quater permet de régler une insécurité juridique liée aux dispositions relatives au travail à temps partiel ; l’article 4 – j’en regrette la suppression –, l’article 12 – j’en déplore l’amputation – et l’article 13 pouvaient permettre la suppression ou l’allégement de quelques régimes d’autorisation préalable, ainsi que la simplification de certaines obligations déclaratives des entreprises et de certains aspects trop contraignants du droit des sociétés ; l’article 27 simplifie, très partiellement d’ailleurs, le droit de la commande publique.

Je salue aussi particulièrement l’initiative de mon collègue Jean-Jacques Hyest. À la suite de l’adoption de son amendement par la commission des lois, l’article 12 A supprime les dispositions de la loi relative à l’économie sociale et solidaire qui créent une obligation d’information préalable des salariés en cas de cession d’une entreprise. Mais Olivier Cadic y reviendra dans un instant.

Bref, il serait à la fois fastidieux et inutile de commenter chacun des articles du présent projet de loi. Parce que, une fois de plus, il s’agit de simplifier par petites touches impressionnistes, à la marge, de façon homéopathique, pour ne pas dire cosmétique.

Pourrait-on faire autrement ? Même si ce n’est pas évident, je le crois.

Et pour y parvenir, je pense qu’il faut se poser une question élémentaire : pourquoi simplifier ? Autrement dit, quelle est la finalité de la simplification en cause ?

Certains assignent à la simplification l’objectif de permettre des économies financières ou budgétaires. À titre personnel, je ne pense pas que ce soit pour cette raison qu’il faille simplifier.

Bien sûr, de certaines simplifications, procédurales par exemple, peuvent résulter des économies. On ne peut que s’en réjouir ! Mais les économies ne sont que les conséquences positives d’une démarche de simplification, et je ne crois pas que leur perspective doive en être le fait générateur.

En revanche, selon moi, un processus de simplification digne de ce nom doit viser trois objectifs : premièrement, améliorer la compréhensibilité et la lisibilité de la loi ; deuxièmement, réduire les délais de mise en œuvre de la procédure considérée ; troisièmement – ce point n’est pas anodin –, donner plus de liberté aux acteurs, quels qu’ils soient, collectivités, entreprises ou particuliers.

Or pour atteindre pleinement ces objectifs, il doit être possible de passer de l’actuelle simplification, parcellaire et horizontale, à une simplification plus en profondeur. Ne serait-il pas plus productif de procéder à un toilettage global de chaque domaine législatif, un par un, et d’avoir peut-être ainsi le courage de s’attaquer aux sujets qui fâchent ?

On peut m’objecter que l’origine communautaire de la majeure partie du droit positif serait de nature à faire obstacle à une telle démarche. Il me semble toutefois que cet argument n’est pas toujours recevable.

Je citerai un exemple pour illustrer mon propos. La commune dont je suis maire, située en Haute-Vienne, est jumelée avec une commune allemande que j’ai visitée, avec d’autres, voilà quelques années. Le maire de cette dernière nous a alors présenté un skatepark, en précisant que celui-ci avait été construit par ses utilisateurs eux-mêmes, avec l’aide des services municipaux. Nous étions très surpris, car en France cela aurait été impossible, en raison de normes communautaires transposées qu’il faut respecter. En l’occurrence, on m’a expliqué que le skatepark était bien aux normes : après une première vérification et quelques corrections, l’ouvrage avait été certifié par un bureau de contrôle.

C’est toute la différence entre la France et l’Allemagne : dans notre pays, le fait générateur de la conformité aux normes se situe à l’échelon de la fabrication alors que chez notre voisin, au moins dans certains cas, il se situe au niveau de la certification.

On ne peut pas mettre en doute la rigueur de nos amis allemands : autrement dit, il est possible d’assouplir considérablement notre droit tout en restant dans les clous européens.

Toujours pour ce qui concerne la méthodologie, il est bien certain que l’incidence de chaque piste de simplification doit être testée pour chaque situation concrète avant que la mesure ne soit adoptée.

Par exemple, Mme Procaccia proposait d’abandonner la notion de jour ouvrable et de ne retenir que celle de jour calendaire dans le droit du travail. A priori, je trouvais cette idée très intéressante. Toutefois, compte tenu des jours fériés, parfois juxtaposés, cette mesure, qui semble de bon sens, pourrait poser des problèmes d’application dans un certain nombre de situations concrètes. En tout cas, ce genre de disposition mérite toujours une vérification préalable.

Je voudrais maintenant vous mettre en garde, monsieur le secrétaire d’État, sur le projet de simplification du bulletin de paie. Ne l’oubliez pas, ce qui est complexe, c’est non pas le bulletin de paie – certains programmes informatiques l’éditent très bien et de manière répétitive d’un mois sur l’autre –, mais sa préparation, qui relève de dispositions multiples, législatives, réglementaires, mais aussi conventionnelles – je vise ici les conventions collectives. Cette tâche est d’une ampleur certaine et exigera sans doute une vision synthétique.

Simplifier n’est donc pas aisé, mais nous avons la conviction que, en changeant de méthode, le « choc de simplification » pourrait à l’avenir ne plus être un vœu pieux.

La première des simplifications consisterait, me semble-t-il, à obtenir, au plan tant européen que français, un ralentissement significatif de la production de normes et de réglementations nouvelles.

Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC. – M. Charles Revet applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ce projet de loi relatif à la simplification de la vie des entreprises est le cinquième texte de la législature à manifester l’ambition de simplifier le droit. Il semble donc qu’il y ait une certaine corrélation, sans aller jusqu’à dire une corrélation certaine, entre la volonté affichée par l’exécutif et la réalité de ses initiatives législatives.

Debut de section - Permalien
Thierry Mandon, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé de la réforme de l'État et de la simplification

Tout à fait !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Nous avons déjà connu cela dans le passé, vous devez vous en souvenir. Il fut un temps où la simplification, parfois sur initiative parlementaire, marchait fort !

Ce projet de loi est une nouvelle occasion pour le Gouvernement de recourir aux ordonnances, après la loi du 1er juillet 2013 habilitant le Gouvernement à adopter des mesures de nature législative pour accélérer les projets de construction ; la loi du 12 novembre 2013 habilitant le Gouvernement à simplifier les relations entre l’administration et les citoyens ; la loi du 3 janvier 2014 habilitant le Gouvernement à simplifier et sécuriser la vie des entreprises – décidément, on n’arrête pas ! – et le projet de loi relatif à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures, en cours de discussion.

Sans entrer dans le débat sur le bien-fondé du recours aux ordonnances, qui peut être utile et nécessaire, il convient de rappeler que cette procédure exige un contrôle très ferme de la portée des habilitations par le Parlement. Plus c’est flou, …

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Laborde

Mme Françoise Laborde. … moins c’est clair !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

… plus c’est risqué, et l’on peut arriver à des catastrophes.

Or, en l’espèce, les conditions d’un examen minutieux de ces habilitations n’ont pas été réunies, notamment au regard des conditions de travail des rapporteurs.

Si les récentes élections sénatoriales ont leur part de responsabilité dans ces conditions assez acrobatiques, la nature de ce projet de loi, sorte de « voiture-balai » législative, a, elle aussi, complexifié le travail des rapporteurs et de l’ensemble des commissions saisies au fond ou pour avis.

Comme souvent pour ce type de texte, il manque une colonne vertébrale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Pour ma part, je n’en connais pas d’exemple !

On pourrait citer les articles 7, 7 bis et 7 ter, qui assurent le « service après-vente » de la loi pour l’accès au logement et l’urbanisme rénové ; l’article 34, qui vise à accroître la protection des consommateurs et qui est l’une des conséquences du caractère incomplet de la loi relative à la consommation ; ou encore les articles 8 à 11 bis A, qui auraient pu figurer dans le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte.

On pourrait prendre d’autres exemples d’articles montrant que ce texte non seulement jongle avec les thèmes, mais oscille également entre réformes de poids et mesures sectorielles. Ainsi, l’un de nos collègues a cité le convoyage par motoneige – certes, nous le savons d’expérience, ce genre de mesures se glisse toujours dans ces textes, mais ce n’est pas une raison pour persévérer –, qui voisine avec l’article 28 sur le nouveau régime juridique applicable aux établissements d’enseignement supérieur relevant des chambres de commerce et d’industrie. Quel est le rapport entre les deux ?

Ce projet de loi est en outre trop peu ambitieux, car, comme l’a rappelé Philippe Dominati, sur quatorze articles significatifs examinés par la commission des finances, six seulement concernent directement les entreprises, les huit autres étant d’abord destinés à faciliter la vie de l’administration - j’espère que ce n’est pas pour mieux contrôler le reste de l’activité de notre pays…

J’ai également relevé l’absence de dispositions visant à simplifier le code du travail ou certaines règles sociales, ce qui serait pourtant primordial. On pense ici à la question des seuils sociaux : les partenaires sociaux semblent s’enliser. Il faudra peut-être faire quelque chose un jour.

Toujours pour illustrer le manque d’ambition de ce texte, je citerai l’article 12 sur la réduction du nombre minimal d’actionnaires dans les sociétés anonymes non cotées. Est-ce vraiment la question ? Ne vaut-il pas mieux modifier l’ensemble du régime des sociétés non cotées ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Légiférer par petits bouts, c’est confirmer une absence de vision sur ces problématiques.

Il en est ainsi, d’ailleurs, sur un certain nombre de sujets qui ont été traités au coup par coup : on peut ici prendre l’exemple de l’article 7 sur la réalisation des opérations d’aménagement et de construction, sujet déjà abordé dans la loi du 1er juillet 2013 pour accélérer les projets de construction, dans l’ordonnance du 3 octobre 2013 relative au développement de la construction de logement ou encore dans la loi ALUR, sur laquelle nous revenons aujourd’hui.

Dans ces conditions, caractérisées par des modifications législatives répétées et une instabilité permanente, comment voulez-vous que, dans notre pays, on ait envie de construire, ce qui est pourtant une nécessité ? Monsieur le secrétaire d’État, il ne faut pas s’étonner que le nombre de constructions diminue en permanence.

Un texte donc sans colonne vertébrale, trop peu ambitieux, mais aussi des habilitations trop imprécises dans de nombreux cas : c’est ce qui a amené les commissions à mieux les encadrer

Tel est le cas avec l’article 1er – n’est-ce pas, madame Procaccia ? –, avec l’article 2 ter visant à fixer le régime juridique du portage salarial et l’article 2 quater visant à sécuriser les conditions d’application de la réglementation du travail à temps partiel, sur lesquels est intervenue la commission des affaires sociales. La commission des lois a fait de même avec l’article 12.

Parfois, et les commissions s’y sont employées, il est préférable de modifier directement la législation sans recourir aux ordonnances. C’est ce qui a été fait sur les articles 7, 7 ter, 15, 16 et 28. Je n’y reviens pas.

La commission a également supprimé des habilitations, manière, pour le Parlement, monsieur le secrétaire d’État, de dire au Gouvernement, ce qu’il se plaît à faire de temps en temps, qu’il est, lui, Parlement, tout à fait en mesure de légiférer. C’est le cas à l’article 5, qui avait pour objet de fusionner des commissions territorialement compétentes en matière d’aménagement du territoire et de services au public. Cette habilitation avait déjà été supprimée par l’Assemblée nationale ; notre commission des lois a confirmé cette suppression.

Enfin, nous avons supprimé l’habilitation prévue à l’article 4, à notre sens la plus injustifiée, cet article reprenant à l’identique une habilitation supprimée conforme par les deux assemblées dans le projet de loi relatif à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures. Il faut ici saluer la persévérance du Parlement, qui sait avoir de la mémoire en certaines occasions !

En conclusion, je souhaiterais aborder deux sujets importants pour une large majorité de sénateurs du groupe UMP.

Il s’agit tout d’abord de l’information préalable des salariés en cas de projet de transmission de l’entreprise. Nous nous étions déjà opposés à ce dispositif lors de la discussion du projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire. Ce n’est pas une bonne mesure et elle ne facilite certainement pas la transmission des entreprises.

La transmission de petites entreprises peut être réussie, et j’en connais des exemples, mais à condition qu’il y ait un dialogue entouré d’une certaine discrétion, pour trouver le meilleur repreneur, loin d’éventuelles tentatives de déstabilisation : si tout est sur la place publique, cela ne marche pas !

À mon sens, cette idée sympathique méconnaît totalement la réalité de la vie des entreprises. C’est pourquoi le groupe UMP soutient la suppression de cette disposition.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Il s’agit ensuite du compte personnel de prévention de la pénibilité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

On nous a rétorqué que notre amendement de suppression était un cavalier. Non, ce n’en est pas un, car, s’il y a une mesure qui complexifie la vie des entreprises, c’est bien celle-là.

Mais n’allez pas croire que le groupe UMP est défavorable à la prise en compte de la pénibilité dans le calcul des retraites. D’ailleurs, nous avions abordé la question dès 2003. Seulement, si le Gouvernement s’était engagé à laisser un délai de six mois aux entreprises pour mettre en place le compte personnel de prévention de la pénibilité, la publication tardive des décrets, le 10 octobre 2014, ne leur laissera, dans les faits, qu’à peine plus de deux mois pour mettre en place toutes les étapes du dispositif. En effet, l’entrée en vigueur des quatre premiers critères est prévue pour le 1er janvier 2015.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Il n’y a que quatre critères qui sont concernés.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Oui, les quatre premiers, je l’ai précisé.

Ce dispositif est en totale contradiction avec le choc de simplification. De surcroît, il est source d’insécurité juridique, et il renchérira le coût du travail, mais, apparemment, cela n’est pas si important pour certains… Enfin, il pourrait même contribuer à anesthésier la prévention.

Voilà où nous en sommes. Je pense que nous pourrions trouver des solutions à ce problème, mais la brutalité de cette mise en œuvre inquiète, je vous l’assure, les chefs d’entreprise, qui ne savent pas comment faire et sont aux prises avec des difficultés presque insurmontables.

En conclusion, je dirai que, si le Gouvernement a pris conscience de l’ampleur du défi, ses hésitations, et notamment le recours aux ordonnances, sont le signe d’une volonté de gagner du temps sur une politique publique dont il ne dessine toujours pas les contours. Pour autant, la nécessité de voir ce projet de loi adopté l’emporte sur l’imprécision des habilitations, d’autant que nos commissions ont très bien travaillé !

Applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. le rapporteur applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaspart

M. Michel Vaspart. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, c’est avec une certaine émotion que je prends la parole pour la première fois dans cet hémicycle

Encouragements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaspart

En effet, pendant des années, j’ai été, dans mon département, les Côtes-d’Armor, dirigeant d’une entreprise de 220 salariés et, bien sûr, j’ai été régulièrement confronté à des lourdeurs administratives, des contraintes totalement excessives, sans parler des grandes difficultés que rencontre de manière générale le créateur d’entreprise.

Au-delà du progrès technique, qui permet d’évidentes et régulières simplifications, notamment grâce à l’informatique, combien d’annonces de simplification administrative ont été faites depuis une quinzaine d’années, voire plus, pour si peu de résultats concrets !

On compte même toujours plus de réglementations complexes, qui sont appliquées par des administrations déconcentrées tatillonnes paralysant littéralement notre économie.

Monsieur le secrétaire d’État, la France est bloquée. Bloquée au niveau de ses entreprises, de ses agriculteurs, de ses artisans, des collectivités locales. Bloquée par l’excès de lois, de normes et de règlements. Bloquée, parce que l’on décourage bien souvent l’initiative et la créativité, le résultat étant que plus de 400 000 jeunes travaillent aujourd’hui à Londres. Bloquée parce que les décrets d’application ne sont souvent pas conformes à l’esprit de la loi ou parce que l’administration en fait une application trop stricte.

L’administration, au lieu d’être facilitatrice du projet, est souvent un frein. Combien d’exemples en ce sens avons-nous, les uns et les autres, dans nos territoires ? Le principal mal français, de mon point de vue, c’est cet excès de normes et de règlements qui conduit au blocage de notre société. Les agriculteurs de mon département des Côtes-d’Armor m’ont applaudi lorsque, voilà deux semaines je l’ai dit haut et fort, ne faisant qu’exprimer ce que chacun pense au fond de lui-même.

D’une manière générale, lorsque l’on parle de simplification de l’environnement juridique pour les entreprises, il faudrait toujours partir du principe que les entrepreneurs ont besoin d’un environnement juridique et fiscal stable, qu’ils aimeraient surtout pouvoir travailler en paix en essayant de rester compétitifs par rapport à leurs concurrents étrangers. Les entreprises françaises connaissent déjà des charges sociales bien plus lourdes que leurs homologues de nombre de pays voisins, y compris européens. Si seulement nous pouvions éviter d’y ajouter la complexité administrative...

Évidemment, lorsque l’on apprend qu’un ancien ministre du redressement productif a rejoint, hier, les bancs de l’INSEAD de Fontainebleau pour suivre une formation continue en management, on ne peut pas s’empêcher de penser qu’il y a un gouffre entre certains responsables politiques et le monde de l’entreprise !

Monsieur le secrétaire d’État, vous étiez jeudi dernier à l’Élysée avec une partie du Gouvernement pour la présentation, à grand renfort de communication numérique, de cinquante nouvelles mesures destinées à faciliter la vie des entreprises comme des particuliers.

Avec ces nouvelles mesures de simplification des normes et pratiques administratives, le Gouvernement a annoncé des gains pour le pays supérieurs à 11 milliards d’euros à l’horizon 2016. Ce chiffre donnerait presque le vertige : pour donner un ordre d’idée, c’est davantage que les quelque 9, 6 milliards d’économies annoncées pour le budget de la sécurité sociale pour 2015 ! C’est beaucoup, mais n’est-ce pas encore un effet d’annonce ?

Si ! sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaspart

De ces récentes annonces, j’ai relevé que la déclaration sociale nominative, ou DSN, en cours d’expérimentation, qui permet d’automatiser les déclarations aux organismes sociaux via la fiche de paie, devrait améliorer sensiblement la gestion des entreprises, et devrait aussi permettre de réaliser 1, 6 milliard d’euros d’économies pour les employeurs, une fois généralisée en 2016.

Je suivrai également avec beaucoup d’attention le travail en cours sur la déclaration fiscale unique pour les entreprises, elles qui remplissent aujourd’hui quatre déclarations par an !

La réduction des délais à tous les niveaux et des mesures de simplification à l’embauche iraient encore dans le bon sens.

Évidemment, il ne faut pas attendre de la simplification uniquement des économies budgétaires. Nombre d’efforts de simplification des procédures administratives ne constituent pas des économies à proprement parler, mais représentent surtout des gains de temps – et donc d’argent – pour les entreprises.

On se contentera donc, à ce stade, de s’interroger sur la réalité du montant des économies annoncées, tout en se réjouissant, bien sûr, d’une initiative bien plus ambitieuse que le texte discuté aujourd’hui.

Certes, ce dernier « entend intensifier la démarche de simplification en faveur des entreprises », mais il apparaît comme très peu ambitieux, si l’on me permet cette appréciation. En effet, il comprend une collection de mesures disparates plus ou moins précises – parfois trop, parfois insuffisamment – assortie de vagues annonces d’économies, sur le détail desquelles la lecture de l’étude d’impact ne renseigne pas du tout.

Alors, oui, il y a bien quelques simplifications de codes, code du travail, code de la sécurité sociale ou code de commerce ; des simplifications fiscales et comptables, aussi, et quelques clarifications. Mais certaines de ces simplifications sont si précises qu’elles rendent un peu perplexe le nouveau parlementaire que je suis, et plusieurs orateurs, du reste, ont exprimé ce sentiment. Il en va ainsi de la suppression de la déclaration des congés d’été pour les boulangers, devenue obsolète et de toute façon inappliquée.

M. le rapporteur le conteste.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaspart

Et j’écoutais, en commission puis en séance, la discussion menée par mon collègue Gérard Cornu sur l’opportunité du maintien de l’article 11 bis, qui prévoit une dérogation à l’interdiction d’utilisation des motoneiges...

Mais je ne voudrais pas donner dans la caricature, et cela d’autant moins que la bonne volonté avec laquelle vous vous employez à « décomplexifier », monsieur le secrétaire d'État, est réelle. Mais le fait est que, avec ce texte, on est très loin du compte, et quelque chose me dit que vous n’êtes peut-être pas en désaccord avec ce constat...

Plus grave, alors que le Gouvernement a largement contribué à la création de nouvelles normes législatives depuis deux ans, …

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaspart

… il revient avec ce texte sur ce qu'il a rendu plus complexe, en le regrettant ! Ainsi, en juillet dernier, lors de la discussion du présent projet de loi à l’Assemblée nationale, un amendement du Gouvernement a été adopté pour revenir sur certaines dispositions de la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite « loi ALUR », qui n’avait été votée que quelques semaines auparavant.

S’il faut évidemment s’en réjouir, puisque cette loi est un bon exemple de ce que l’on a fait de plus complexe et de plus paralysant en matière d’urbanisme et de logement dans la période récente, tout de même, que de temps passé et perdu à faire et défaire sans cesse !

De même, je regrette le rejet de nombreux amendements présentant une certaine consistance que nos collègues députés avaient déposés sur le présent texte, discuté cet été au pas de charge.

Au Sénat, le travail accompli par les différents rapporteurs doit être salué. Je me réjouis tout particulièrement qu’à l’initiative de notre collègue Jean-Jacques Hyest la commission des lois du Sénat ait supprimé les articles 19 et 20 de la loi sur l’économie sociale et solidaire, qui créent une obligation d’information des salariés en cas de cession.

Vous parlez de simplifier ? Vous ne cessez de complexifier !

Protestations sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaspart

J’espère que la suppression de ces articles sera confirmée en séance publique, et j’ose espérer que la commission mixte paritaire maintiendra cette suppression. Je regrette en tout cas que tous les appels des chefs d’entreprise qui ont convergé vers le ministère de l’économie pour obtenir au moins une clarification soient restés sans réponse.

Pour reprendre la fameuse phrase de Martin Luther King, mes chers collègues, je fais un rêve : et si l’Assemblée nationale et le Sénat arrêtaient temporairement de voter des lois et formaient un groupe de députés et de sénateurs pour revoir les lois, décrets et règlements qui sont de nature à bloquer notre pays…

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaspart

Monsieur le secrétaire d'État, je souhaite que le Gouvernement vous donne vraiment les moyens de votre ambition pour notre pays, ambition que je partage. Mais, à l’évidence, il reste bien du chemin à parcourir.

Un des orateurs qui m’ont précédé à cette tribune parlait de la place de la France dans un classement international des charges administratives : nous nous situons au 130e rang sur 148 !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaspart

Monsieur le secrétaire d'État, nous sommes en état d’urgence !

Mais je m’en voudrais de terminer sur un constat critique sans faire une proposition alternative. Elle est simple : pourquoi ne déciderait-on pas que le Parlement doit consacrer quelques mois de ses travaux, au sein d’un groupe mixte composé de députés et de sénateurs, à un travail de pure simplification des textes – lois, décrets et règlements – qui contribuent à paralyser la France ? Aux grands maux, les grands remèdes ! Les missions parlementaires telles que celle qui vous avait été confiée, monsieur le secrétaire d'État, ne suffisent pas, pas plus que les conseils de simplification, qui n’interviennent qu’à la marge.

Monsieur le secrétaire d'État, cette indispensable simplification est attendue par nos concitoyens, par l’ensemble des professions et aussi par les élus locaux. C’est, pour moi, une priorité absolue si l’on veut débloquer notre pays et lui redonner confiance !

Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.

Encouragements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, pour la deuxième fois cette année, notre assemblée examine un texte relatif à la simplification de la vie des entreprises. Nous avons tout lieu de nous en féliciter.

La simplification des procédures administratives, et plus particulièrement celles qui visent les entreprises, fait régulièrement irruption dans notre calendrier législatif. Cela prouve que le sujet est bien réel et qu’il nécessite une action forte et rigoureuse pour parvenir au choc de simplification que tout le monde attend.

Je voudrais dire à mon collègue Michel Vaspart, qui m'a précédé à la tribune, qu’il ne s'agit pas d’un problème nouveau, qui daterait de deux ans et demi !

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Depuis des dizaines d’années on empile les textes !

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

M. Martial Bourquin. Mais, aujourd'hui, ce gouvernement prend le problème à bras-le-corps !

Vives exclamations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

M. André Reichardt, rapporteur. Vous allez voir ce que vous allez voir !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Et, sur ces questions, le Gouvernement montre une volonté d’avancer et, surtout, il met en avant une ligne de conduite, une vision pour parvenir à ce que chacun souhaite, c'est-à-dire ce choc de simplification.

Je constate que la nature même de nos débats a changé. Nous ne sommes plus seulement en lutte contre l’inflation des normes, même si je concède bien volontiers que notre place dans le classement mondial, rappelée à deux reprises, est loin d’être satisfaisant. Quoi qu’il en soit, ce classement, c'est le nôtre ! Il nous concerne, des deux côtés de l’hémicycle !

Il serait donc injuste, au bout de deux ans et demi, de ne mettre en accusation que le gouvernement en place.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Oui, le quotidien des entreprises se transforme en un casse-tête administratif…

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

… qui gêne leur vie et leur occasionne des dépenses importantes – dépenses qui seraient bien plus utiles si les sommes correspondantes étaient mobilisées au bénéfice des processus de production.

Simplifier, chers collègues, cela ne signifie pas que l’on jette aux orties, par exemple, les conventions de l’Organisation internationale du travail, ou tous les codes, code du travail, de l’urbanisme, de la santé publique, de l’environnement, sans oublier le code général des impôts ! Simplifier, ce n’est pas déréglementer !

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

C'est faire un tri entre les normes utiles – parce qu'il faut des normes – et les normes inutiles – parce que ces dernières constituent autant d’obstacles au développement économique.

J’écoutais un collègue critiquer le compte personnel de prévention de la pénibilité. Mais si, dans cette enceinte, on en arrivait à le supprimer, imaginez-vous les conséquences ? Pour les salariés victimes de troubles musculo-squelettiques – les TMS – ou de maladies du travail, pour ceux qui effectuent des travaux pénibles, si l’on abandonnait l’idée de la pénibilité, ce serait dramatique !

Bien entendu, le mode de mesure de cette pénibilité peut être revu et simplifié. Mais nous ne devons en aucun cas supprimer ce compte pénibilité ! Ce serait un affront fait à celles et ceux qui travaillent très dur, dans des conditions difficiles !

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

M. Martial Bourquin. Non, cela n’est pas possible.

Marques d’agacement sur certaines travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

La simplification qui nous est proposée aujourd’hui doit s’entendre et s’évaluer dans un contexte macroéconomique dont il faut reconnaître qu’il est difficile. La croissance européenne est en panne. Le soutien à la mise en œuvre d’un meilleur environnement pour les entreprises est donc très important.

Nos PME et nos TPE ont besoin de se redresser, d’améliorer leurs marges. On l’a dit ici, le temps de l’administration est devenu un obstacle au développement économique, et nous devons nous engager à mettre un terme à cette situation. Il faut obtenir des résultats le plus rapidement possible.

Je pense notamment aux PME les plus fragiles, qui doivent dégager des marges grâce à cette simplification. Il faut le savoir, les entreprises petites et moyennes n’ont pas les moyens de s'attacher les services de conseillers juridiques et fiscaux à temps plein pour les aider à répondre à des appels d’offres exigeants où à sécuriser leur activité.

L’urgence est là, et il faut donc agir vite et fort pour diminuer cette complexité et créer un environnement plus favorable au développement de nos entreprises petites et moyennes.

La date butoir – le 1er janvier 2015 – est proche. Les deux rapports de la médiation du crédit rendus au printemps dernier et qui ont été présentés devant notre commission des affaires économiques constituent des alertes sévères. Les TPE peinent à pérenniser leurs activités et, plus inquiétant encore, les PME continuent de demander des lignes de trésorerie, non pour investir, mais pour essayer de boucler leurs fins de mois.

Le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, le crédit d'impôt recherche – fortement augmenté –, le crédit d’impôt innovation, le crédit export et les mesures en faveur de la réduction des délais de paiement dans la loi relative à la consommation constituent autant d’outils que le Gouvernement a promus pour faire évoluer l’encadrement des entreprises et améliorer leurs marges et leur compétitivité.

Dans cette perspective, mes chers collègues, nous devons nous réjouir des dispositions prévues dans ce projet de loi qui visent à renforcer le panel d’outils proposé aux entreprises pour qu’elles puissent se concentrer sur leur cœur de métier, la production de richesse, l'investissement, l’innovation, la commercialisation, les stratégies d’exportation et l’emploi.

Concernant la méthode utilisée pour prendre ces dispositions, j’ai bien sûr entendu, ici et là, à droite comme à gauche, que l’on trouvait à redire. C'est que le législateur, par essence, n’aime pas les ordonnances. Mais reconnaissons que le problème est complexe et qu’il nécessite une action résolue et rapide.

Un parlementaire de terrain, en prise constante avec les réalités locales – donc au fait de la situation du tissu économique – sait combien il est nécessaire d’apporter des réponses rapides pour opérer ces indispensables réformes de structure. Le recours aux ordonnances n’est évidemment pas un blanc-seing donné au Gouvernement ni une habitude à prendre. Mais, dans ce cas précis, nous disposons, selon moi, de garanties suffisantes pour procéder ainsi.

La première garantie résulte assurément de l’exemple de la précédente loi d’habilitation, celle du 2 janvier 2014, dont les ordonnances sont aujourd’hui effectives. Cela méritait d’être relevé.

Pour mémoire, je vous rappelle que la mission parlementaire de simplification de l’environnement réglementaire, administratif et fiscal des entreprises, que vous présidiez à l’époque, monsieur le secrétaire d'État, avait établi que 29 % seulement des 348 dispositions de simplification prises en 2009 – la date a son importance, chers collègues de l’UMP - étaient concrétisées en 2013. Des leçons ont donc été tirées.

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Vaugrenard

Voilà ! Que l’opposition balaye devant sa porte !

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Mais ne nous rejetons pas la faute, et prenons plutôt le problème à bras-le-corps pour essayer de le régler.

La deuxième garantie, c’est évidemment la méthode utilisée. Les propositions sont en grande part issues du travail du Conseil de la simplification pour les entreprises qui, installé depuis le début de l’année, s’est déjà réuni en huit sessions. Il a ainsi dégagé des priorités d’action qui, loin d’être « hors-sol », sont bien des dispositions concrètes, couvrant des secteurs très différents de la vie économique.

Bien sûr, on pourrait aller plus vite, plus loin et plus fort, mais attention de ne pas complexifier en voulant simplifier. À cet égard, les travaux du Conseil de la simplification pour les entreprises nous donnent le recul nécessaire.

L’expérience nous montre en effet que la qualité de la mise en œuvre est tout aussi essentielle que la simplification elle-même. Sans doute, monsieur le secrétaire d’État, pourrez-vous nous éclairer sur la manière dont vous comptez promouvoir, parmi les entreprises, les textes qui seront issus de nos discussions.

Je dirai enfin quelques mots des amendements, peu nombreux, déposés par le groupe socialiste. Je souhaite, à ce stade du débat, insister sur certaines dispositions, qui concernent la commission des affaires économiques.

Je pense notamment à l’article 10, relatif au régime des certificats d’énergie. Nous proposons de transférer l’obligation d’économie d’énergie à un groupement professionnel privé permettant à des distributeurs indépendants, en majorité de très petites entreprises, de se regrouper, ce afin d’éviter que de grands donneurs d’ordre ne s’emparent du marché de ces petites entreprises, qui avaient la possibilité de décerner des certificats d’économie d’énergie.

S’agissant de l’article 12, nous souhaitons maintenir l’obligation d’information préalable des salariés en cas de cession d’entreprise, obligation introduite par la loi du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire.

Très bien ! sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Cette obligation a malheureusement été supprimée par la commission des lois. Mais nous y tenons ! Rendez-vous compte, mes chers collègues, du nombre d’entreprises qui n’ont pas de repreneur et dont la transmission s’avère difficile ! Parfois, un travail en réseau peut être la solution. Ne négligeons pas, y compris pour les très petites entreprises ou même les entreprises moyennes, la possibilité de mettre en place des coopératives. Sur ces questions, le comité d’entreprise a un rôle évident à jouer.

Un autre de nos amendements tend à revenir sur la nécessaire fusion d’UBIFrance et de l’AFII, l’Agence française pour les investissements. À nos yeux, ce serait bien plus utile que la création d’un GIE, un « machin » supplémentaire ! Il faut un dispositif efficace, donc plus fluide, donc plus simple. Cette fusion nous paraît indispensable.

Enfin, nous proposerons – c’est un débat qui a agité l’ensemble de notre assemblée – la simplification des procédures des plans d’occupation des sols, pour les communes ayant fait le choix d’un plan local d’urbanisme intercommunal.

Cette simplification est un souhait partagé par beaucoup d’élus. J’émettrai un autre vœu, plus personnel : que l’on simplifie les obligations d’enquêtes nécessaires aux plans locaux d’urbanisme ! En effet, pour des communes rurales qui ont une carte communale ou un POS, quel est l’intérêt de tout ce déploiement d’énergie ? Ne pensez-vous pas qu’une simple étude environnementale serait suffisante pour passer de la carte communale ou du POS au PLU ?

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

M. Martial Bourquin. Si nous réussissions à œuvrer en ce sens dans nos assemblées, nous aurions bien travaillé !

Mme Frédérique Espagnac applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Monsieur le secrétaire d’État, les investissements sont bloqués du fait de cette complexité, qui représente des tracasseries administratives impressionnantes. La simplification permettrait donc de libérer tout à la fois l’initiative et l’investissement, et donc favoriserait le développement. Mes chers collègues, c’est ce à quoi nous devons travailler.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cadic

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la Haute Assemblée s’apprête donc à débattre durant quelques heures d’un texte destiné à simplifier la vie des entreprises. Je vois là deux bonnes raisons de me réjouir.

La première, c’est que, tout comme Jean-Marc Gabouty, qui s’est exprimé au nom du groupe UDI-UC, je suis chef d’entreprise.

Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste et du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cadic

Entrepreneur depuis l’âge de vingt ans, je suis heureux que notre gouvernement soit enclin à faciliter la vie des entreprises.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cadic

La seconde raison qui me conduit à me réjouir de la présentation de ce texte au Parlement est l’urgence de la situation.

Dans notre économie désormais mondialisée – c’est un fait, que cela plaise ou non –, la France ne doit plus croire qu’elle peut, seule dans son coin, alourdir les charges des entreprises, faire exploser ses coûts de production, accumuler les tracasseries administratives et imposer des normes ou obligations, parfois inexistantes chez nos concurrents directs, sans pénaliser durablement son dynamisme économique, la compétitivité de ses produits, donc l’emploi.

Le Premier ministre est venu jusqu’à Londres déclarer sa flamme aux entreprises. Mais l’amour, cela ne se prouve pas par des paroles !

Sourires sur les travées du groupe socialiste et du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cadic

L’amour, cela se prouve par des actes !

Mes chers collègues, est-il normal que les textes proposés par le Gouvernement en matière économique ou sociale fassent l’objet, parfois dès leur promulgation, d’une procédure de simplification ou de « détricotage » ?

Le chef Paul Bocuse, qui a plutôt bien réussi dans ses entreprises, avait pour habitude de dire à ses collaborateurs qu’il faut autant de temps pour faire les choses bien que pour les faire mal. Alors, concluait-il, autant les faire bien tout de suite et gagner du temps !

Serait-il impossible de faire simple tout de suite dans notre pays ?

Prenons l’exemple de la loi relative à l’économie sociale et solidaire, qui a créé une obligation d’information préalable des salariés, deux mois avant la cession d’une entreprise.

N’était-il pas possible d’anticiper le fait que l’information des salariés entraînerait indirectement celle des clients, des banquiers, des fournisseurs et des concurrents ? Comment, dans ces conditions, réussir de telles transactions, qui nécessitent la plus stricte confidentialité, dans l’intérêt de l’entreprise ?

Ces dispositions constituent, mes chers collègues, une véritable entrave à la liberté de céder son entreprise et seront, au bout du compte, dramatiques pour l’emploi.

Certes, le Gouvernement a fini par se convaincre de la nécessité d’intervenir, mais il tente de réparer par un fragile décret ce qui a désormais force de loi.

Comme l’a mentionné notre collègue Jean-Marc Gabouty, il nous faudra prendre nos responsabilités sur ce point et valider la correction législative apportée opportunément, en commission, par notre collègue Jean-Jacques Hyest, afin de l’intégrer à l’article 12 A du texte qui nous est présenté.

Comment comprendre ce gouvernement, qui prétend simplifier la vie des entreprises et introduit dans le même temps de nouvelles obligations de nature à rendre la conduite des affaires encore plus difficile ?

J’aurai ainsi l’occasion de revenir, au cours de la discussion des amendements, sur la nécessité de repenser fondamentalement la mise en œuvre, aujourd’hui inextricable, du compte pénibilité, qui s’annonce un enfer pour nos entreprises.

Protestations sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cadic

Si cette mesure était appliquée, elle pourrait se révéler, selon certains, aussi dévastatrice pour l’emploi et pour notre dynamisme économique que les 35 heures !

Mes chers collègues, l’heure est grave. Les Américains sont les premiers investisseurs étrangers en France. Or un sondage réalisé par le cabinet Bain pour l'American Chamber of Commerce indique que la perception positive de notre pays par les dirigeants américains est passée de 56 % en 2011 à 22 % en 2012, 13 % en 2013, pour s’établir à 12 % pour 2014.

Si nous voulons favoriser l’emploi dans notre pays, aucun texte ne doit être adopté dans cette assemblée qui vienne compliquer la volonté d’entreprendre et compromettre la réussite de nos entreprises.

Entre une durée minimale hebdomadaire d’un contrat de travail à temps partiel fixé à 24 heures depuis le 1er juillet dernier et une durée légale fixée à 35 heures pour un temps plein, nous assistons à une réduction des marges de manœuvre pour les entrepreneurs et leurs salariés.

Au nom de la liberté gravée aux frontons de nos mairies et de nos écoles, l’employeur et l’employé devraient pouvoir définir ensemble, librement, le contrat de travail qui leur convient.

Protestations sur les travées du CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cadic

L’insécurité du contrat de travail, qui peut être remis en cause par le juge, est souvent la raison qui convainc l’employeur de renoncer à prendre le risque de recruter un collaborateur.

Le texte présenté par le Gouvernement, parce qu’il ne traite pas de leurs vraies préoccupations, ne saurait simplifier la vie des entrepreneurs établis en France.

Le Premier ministre devrait changer de stratégie. Plutôt que de se répandre en déclarations d’amour à l’entreprise, il serait mieux inspiré d’agir pour que les entrepreneurs l’aiment.

Pour ce faire, je l’invite à répondre positivement aux demandes exprimées actuellement par les organismes patronaux, qui réclament des mesures fortes pour que notre pays soit compétitif et prospère.

Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.

Debut de section - Permalien
Thierry Mandon

Mesdames, messieurs les sénateurs, je veux d’abord me réjouir de la qualité de cette discussion générale et évoquer en préambule quatre points me semblant correspondre pour l’essentiel aux propos tenus ici.

Tout d’abord, j’observe avec satisfaction que l’ensemble des parlementaires – c’était le cas à l’Assemblée nationale, c’est bien sûr le cas au Sénat – se réjouissent de l’œuvre de simplification que nous menons, même si – permettez-moi de commencer par cet aspect – un certain nombre d’entre vous ont, je le crois, mal apprécié l’apport très concret que représentera ce texte pour des millions d’entreprises.

Le projet de loi que, je le souhaite, vous allez adopter, mesdames, messieurs les sénateurs, prévoit l’élargissement de la procédure du TESE, le titre emploi-service entreprise, à toutes les PME comptant moins de vingt salariés. Cette mesure existe déjà, mais elle est très peu, ou trop peu connue. Elle s’applique aux entreprises de moins de dix salariés et, très concrètement, pour les petites entreprises qui ne disposent pas d’un service des ressources humaines, ce « ticket » emploi-service permet, en deux heures, de remplir l’ensemble des obligations légales et réglementaires relatives à l’embauche d’un salarié. Il constitue une garantie pour le salarié et une véritable avancée pour plus d’un million de petites entreprises.

Par ailleurs, je me permets d’insister sur l’article 27 relatif aux marchés publics, qui est au cœur des interrogations d’un certain nombre d’entre vous. Désormais, les petites entreprises de France, quand elles répondront à un appel d’offres pour obtenir un marché public, n’auront plus à fournir toutes les pièces justificatives qui leur sont demandées aujourd’hui au titre de la première enveloppe, notamment un Kbis de moins de trois mois et un certificat d’imposition de moins de six mois : leur numéro SIRET les en dispensera totalement. Il s’agit d’un progrès considérable pour de très nombreuses entreprises en matière d’accès à la commande publique.

Debut de section - Permalien
Thierry Mandon, secrétaire d'État

De surcroît, l’adoption du même article permettra, toujours pour favoriser l’accès aux marchés publics, de mieux prendre en compte les critères sociaux et environnementaux pour l’évaluation qualitative des différentes offres. Combien d’élus locaux, combien de maires, ont été contraints de retenir une entreprise moins-disante au détriment d’une autre, dont l’offre était peut-être un peu plus chère, mais dont ils connaissaient les préoccupations sociales ? L’adoption de cet article bénéficiera à des millions d’entreprises !

Mieux encore, vous allez, mesdames, messieurs les sénateurs, donner des armes de combat aux nouvelles entreprises notamment des secteurs technologique et écologique, en leur permettant, si elles disposent d’un prototype, d’accéder aux marchés publics. Ces entreprises qui n’ont pas de référence sont, par définition, aujourd’hui exclues des appels d’offres ; elles pourront désormais à la fois faire leurs preuves dans le cadre de la commande publique et acquérir la référence qui leur servira pour conquérir des marchés en France ou dans le reste du monde.

Un dispositif similaire existe aux États-Unis, où il constitue un puissant levier pour favoriser l’émergence d’entreprises innovantes dans les domaines technologique ou écologique.

Vous vous apprêtez également à voter, mesdames, messieurs les sénateurs, l’élargissement le plus large possible du rescrit fiscal et social. Cette disposition, cela a été souligné sur toutes les travées, est attendue depuis des années par les entreprises. Si elle n’a pas été mise en œuvre plus tôt, c’est que nous attendions l’étude demandée au Conseil d’État pour nous assurer du cadrage juridique du dispositif ; c’est maintenant chose faite.

Je citerai encore le paquet supplémentaire de simplifications en matière d’aménagement et de construction.

Et je pourrais encore multiplier les exemples. Bref, mesdames, messieurs les sénateurs, dire que ce texte ne marque pas des efforts réels et des avancées significatives en matière de simplification n’est tout simplement pas vrai.

Certains, je leur en donne acte, peuvent ne pas approuver la méthode. Cela étant, pour vous livrer le fond de ma pensée, je ne crois pas au grand soir de la simplification. J’entends les impatiences des entreprises, en particulier des plus petites d’entre elles, mais que personne n’imagine qu’il suffira de se mettre autour d’une table pour mettre à bas toutes les règles d’un coup ! Cela ne se fera jamais, ni en France ni dans les pays qui ont commencé à simplifier leur législation.

Je ne parlerai donc pas d’un travail de Pénélope, comme je l’ai entendu ici, car la simplification me fait penser plutôt penser à Sisyphe et à une tâche sans cesse recommencée, qui implique modestie, résolution et durée.

L’occasion m’a été donnée, lors du tour d’Europe que j’ai évoqué, de me rendre en Angleterre, pays qui n’a pas le même rapport au droit que nous, c’est le moins que l’on puisse dire.

On le confirme sur les travées du CRC.

Debut de section - Permalien
Thierry Mandon, secrétaire d'État

Le processus de simplification y a débuté voilà dix ans.

Debut de section - Permalien
Thierry Mandon, secrétaire d'État

Un jour, mon homologue anglais m’emmène dans son bureau, me désigne celui qui jouxte le sien – celui du Premier ministre, David Cameron – et me dit : « Je suis son copain d’enfance, j’ai été son témoin de mariage, je suis installé dans un bureau à côté du sien, cela fait cinq ans que je fais de la simplification, le processus a été entamé voilà cinq ans, et il me faut encore cinq années. »

Mesdames, messieurs les sénateurs, nous aurons besoin de la même durée ; si nous n’inscrivons pas ces efforts dans cette durée, nous ne parviendrons pas à simplifier.

Je ne vois pas de méthode plus efficace que d’identifier des cibles, de s’y attaquer précisément jusqu’au bout et ensuite de passer à la cible suivante.

Vous avez abordé un troisième point et il faut que l’exécutif et le législatif abordent là encore celui-ci loyalement et de concert : il s’agit du flux normatif, ces normes nouvelles qui créent parfois de la complexité là où on tente d’en enlever.

Quand nous fabriquons la loi ou tout autre texte normatif, nous devons veiller collectivement à être bien meilleurs que nous ne le sommes aujourd’hui. Cela vaut pour l’exécutif, mais aussi pour les parlementaires – disant cela, je ne remets évidemment pas en cause le droit d’amendement.

Nos études d’impact ne sont pas assez précises, elles ne font pas l’objet de discussions suffisamment approfondies, notamment en amont de l’examen des textes de loi – contrairement à ce qui se passe dans quelques pays européens. Bref, nous ne consacrons pas suffisamment de temps à étudier l’impact véritable des dispositions que nous prenons et les conditions de leur mise en œuvre.

Ce constat ne date pas de deux ans ; on pourrait trouver des exemples en pagaille au cours de ces dix ou quinze dernières années – disant cela, je ferai plaisir à tout le monde ici – de dispositions votées trop vite, avec des impacts aléatoires et qui parfois se sont révélées contraires aux objectifs qui leur avaient été assignés par ceux-là mêmes qui les avaient conçues, souvent mus par de bonnes intentions.

Toujours s’agissant de la fabrication de la loi, l’un d’entre vous a parlé des problèmes relatifs à la « surtransposition » législative de directives européennes. Il s’agit là d’un problème majeur. Pour améliorer la rédaction de la loi, nous devons en effet veiller à ne pas ajouter d’obligations à celles qui résultent déjà des directives européennes, tout comme nous devons probablement nous interroger bien plus que nous ne le faisons sur notre capacité à peser en amont dès l’élaboration des directives européennes. Dans ce domaine, les Français restent trop absents par rapport à d’autres pays européens. Dieu sait si nous avons des efforts à faire en la matière !

Je ne reviendrai pas sur la question du recours aux ordonnances ; j’en ai parlé dans mon propos liminaire. Je veux simplement vous redire, mesdames, messieurs les sénateurs, que l’engagement qui a été pris à cette tribune est sincère et loyal. Le recours aux ordonnances n’est pas synonyme d’effacement des parlementaires ; leurs compétences seront utilisées au moment de la rédaction des ordonnances. Puisque, à l’évidence, cette assemblée compte des spécialistes d’un certain nombre de sujets, je m’emploierai à solliciter leur concours.

M. Mohamed Soilihi a évoqué sa proposition de loi de simplification, de clarification et d’actualisation du code de commerce ; si d’autres de ses collègues veulent faire des propositions au cours de l’examen de ce texte ou même ultérieurement – en ayant toujours à l’esprit que l’objectif n’est pas de déréglementer –, c’est bien volontiers que nous les étudierons et que nous vérifierons si elles sont applicables. Le cas échéant, elles pourraient se retrouver dans un prochain « paquet » législatif.

L’examen des amendements me permettra de répondre plus précisément à certaines questions, mais je veux néanmoins vous donner quelques informations précises sur deux projets qui ont été évoqués par plusieurs entre vous, en particulier par votre rapporteur, à savoir le projet « Dites-le-nous une seule fois » et le projet de simplification de la fiche de paie.

Le projet « Dites-le-nous une seule fois », adopté en 2011, n’avait pas connu de véritable suite. Il est maintenant au cœur du travail de simplification des services de l’État et suit une feuille de route. Il s’agit d’un projet extrêmement simple, qui concerne tant les particuliers que les entreprises. Aux termes de ce projet, au 1er janvier 2017, tous les citoyens français et tous les agents économiques seront dispensés de répondre à toute demande ultérieure émanant de l’administration une fois qu’ils auront effectué leurs démarches administratives – c’est ce que l’on a appelé initialement le « coffre-fort numérique ».

Ce chantier soulève d’énormes difficultés tant juridiques que techniques – je pense aux logiciels – parce qu’il faut sécuriser les échanges de données entre les différentes administrations. Surtout, il y avait un préalable : que l’organisation informatique de l’État change pour qu’elle soit désormais régie au niveau interministériel par le Premier ministre lui-même. Cette question a été réglée le 1er août dernier, au cœur de l’été, par l’abrogation d’un décret de 1986 qui donnait à chaque ministre compétence sur son propre système informatique.

Debut de section - Permalien
Thierry Mandon, secrétaire d'État

J’avais eu d’ailleurs l’occasion de m’entretenir de ce sujet avec Nicole Bricq.

Chaque administration ministérielle s’organisait de telle sorte que, surtout, son système informatique ne puisse pas être compatible avec celui de tel ou tel autre ministère… Il fallait casser ce système pour être en mesure de développer des plates-formes technologiques qui puissent être renseignées ou sollicitées par l’ensemble des ministères ; c’est chose faite depuis le 1er août.

Donc, pour ce qui est de « Dites-le-nous une seule fois », cela avance.

J’ai déjà évoqué les points intermédiaires, à savoir la simplification des marchés publics et la disparition de la première enveloppe. En fait, avec le numéro de SIRET, on peut retrouver toutes les informations que l’on demandait aux PME-PMI au moyen de la première enveloppe.

S’agissant maintenant du bulletin de paie, au 1er janvier 2015, les entreprises de France qui seront volontaires pourront faire passer le bulletin de paie de vingt-sept lignes actuellement à une quinzaine de lignes. En effet, nous avons négocié avec les partenaires sociaux la globalisation des cotisations patronales.

Les partenaires sociaux ont accepté que les onze lignes retraçant les cotisations patronales soient fondues en une seule. Les cotisations patronales ne disparaissent pas totalement de la fiche de paie, mais le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elles ne faisaient pas jusqu’à présent l’objet d’une particulière attention de la part des salariés.

Voilà pour la première étape.

La seconde étape intervient dans quelques jours. Nous allons réunir un groupe de travail comportant des représentants patronaux, des représentants salariés, des éditeurs de logiciels et des experts-comptables dont la tâche consistera à harmoniser un certain nombre d’assiettes de cotisations et à réformer les systèmes de collecte, qui sont à la base de l’architecture un peu complexe de la fiche de paie.

Ce travail se poursuivra jusqu’à l’été 2015, de telle sorte que, au cours du second semestre de 2015, le bulletin de paie simplifié soit opérationnel, la collecte des cotisations sociales soit réformée et que les cotisations versées tant par les patrons que par les salariés soient traçables, afin que tout le monde puisse suivre l’évolution des cotisations versées.

Tout cela se fait à droit constant, sans aucune modification du montant des cotisations ou de leur mode de leur prélèvement. Cette nouvelle architecture pourra être généralisée à l’ensemble de l’économie française le 1er janvier 2016. Articulée à la numérisation des déclarations sociales, cette nouvelle fiche de paie procure un gain pour l’économie supérieur à 1, 5 milliard d’euros, 8 euros par mois et par fiche de paie, soit 96 euros par an et par salarié.

Si l’on veut mener à bien et avec sérieux ce gigantesque chantier, il ne faut cependant pas chercher à aller plus vite. J’y reviens, la simplification exige de savoir concilier humilité, modestie et détermination dans la durée.

M. Vaspart s’est interrogé sur le montant des gains attendus de ces mesures de simplification pour l’économie française. Cette question du chiffrage est légitime. Sur le site www.fairesimple.gouv.fr nous rendrons publiques en toute transparence les évaluations ex post de ces mesures, c’est-à-dire les évaluations constatées. En outre, nous ferons évaluer les effets de ces mesures pas une autorité indépendante, ce qui ne s’est pas fait jusqu’à présent en France : généralement, c’est l’administration qui évalue elle-même le résultat de ses politiques. Nous sommes en train de procéder à un appel d’offres afin de confier à une ou plusieurs universités spécialisées dans l’analyse microéconomique l’évaluation des mesures prises. De cet impact vous pourrez juger vous-même, monsieur le sénateur.

J’ai évoqué un gain de 2, 4 milliards d’euros pour les dix-huit premiers mois et de 11 milliards d’euros d’ici à la fin de 2016. Ces estimations, que je trouve pour ma part prudentes, sont conformes à une méthodologie utilisée à l’étranger et ont, de surcroît, été validées au terme de discussions que nous avons eues avec l’OCDE, ce qui donne toute garantie quant au chiffrage.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie encore de votre participation à ce débat. L’examen des amendements me permettra de répondre plus complètement à chacun d’entre vous.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

La parole est à M. le président de la commission des lois.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Au moment d’entamer la discussion des articles de ce projet de loi, je voulais prendre la parole non pas pour vous répondre, monsieur le secrétaire d’État, mais pour faire part plus précisément des préoccupations que suscite au sein de la commission des lois et, plus généralement sans doute, du Sénat tout entier, le recours à la procédure d’habilitation législative, que nous avons voulu restreindre dans la mesure du possible.

Parlementaire chevronné, vous n’avez pas oublié en prenant vos nouvelles fonctions au sein du Gouvernement les réticences du Parlement face à l’utilisation de cette procédure. Sans vouloir allonger inutilement nos débats, je rappelle que, aux termes de l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement peut demander au Parlement l’autorisation de légiférer par ordonnances pour l’exécution de son programme, lequel programme – il en est question ailleurs dans la Constitution – est présenté par le Premier ministre lorsqu’il engage la responsabilité de son gouvernement devant l’Assemblée nationale.

C’est dire que, pour respecter l’équilibre de nos institutions, les lois d’habilitation ne sont tolérées que pour autant qu’elles portent sur des sujets majeurs.

Force est de constater que, au fil des années – l’actuel gouvernement n’a pas le monopole de cette mauvaise méthode législative –, il a été de plus en plus fréquemment fait recours aux lois d’habilitation, notamment pour transposer les directives européennes ou pour procéder à des réformes juridiques touchant de très nombreux articles de tel ou tel code. Ce n’est pas une raison pour considérer que procéder ainsi est une bonne pratique législative.

Monsieur le secrétaire d’État, vous avez déclaré devant le Sénat que vous étiez soucieux d’associer les parlementaires à l’élaboration de ces ordonnances. La commission en prend acte, bien sûr, mais nos demandes vont plus loin, en réalité.

Nos rapporteurs – et ce sera de plus en plus le cas à l’avenir – sont non seulement responsables de définir les positions de leurs commissions respectives lors de l’examen des projets de loi, mais ils sont également chargés de suivre la mise en œuvre des lois. Je souhaite donc que vous transmettiez dès que possible à nos rapporteurs – cinq commissions ont été saisies de ce texte assez hétéroclite, il faut bien le reconnaître –, dans les toutes prochaines semaines, vos projets d’ordonnance pour que nos collègues puissent rendre compte de leur contenu exact devant les différentes commissions avant même leur signature.

Moyennant cet engagement dont je souhaite que vous le preniez devant nous, nous examinerons avec bienveillance les demandes d’habilitation législative contenues dans ce texte, dans la mesure où vous accepterez vous-même de les restreindre au strict minimum.

Pour que nous acceptions d’entrer dans ce type de discussions avec le Gouvernement, il sera nécessaire que vous veilliez bien, au-delà des relations individuelles que tel ou tel parlementaire pourra entretenir avec le Gouvernement pour préparer les ordonnances, à ce que les rapporteurs en soient saisis en temps utile.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

La discussion générale est close.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt-et-une heures trente.