Intervention de Thierry Mandon

Réunion du 4 novembre 2014 à 14h30
Simplification de la vie des entreprises — Suite de la discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Thierry Mandon, secrétaire d'État :

Un jour, mon homologue anglais m’emmène dans son bureau, me désigne celui qui jouxte le sien – celui du Premier ministre, David Cameron – et me dit : « Je suis son copain d’enfance, j’ai été son témoin de mariage, je suis installé dans un bureau à côté du sien, cela fait cinq ans que je fais de la simplification, le processus a été entamé voilà cinq ans, et il me faut encore cinq années. »

Mesdames, messieurs les sénateurs, nous aurons besoin de la même durée ; si nous n’inscrivons pas ces efforts dans cette durée, nous ne parviendrons pas à simplifier.

Je ne vois pas de méthode plus efficace que d’identifier des cibles, de s’y attaquer précisément jusqu’au bout et ensuite de passer à la cible suivante.

Vous avez abordé un troisième point et il faut que l’exécutif et le législatif abordent là encore celui-ci loyalement et de concert : il s’agit du flux normatif, ces normes nouvelles qui créent parfois de la complexité là où on tente d’en enlever.

Quand nous fabriquons la loi ou tout autre texte normatif, nous devons veiller collectivement à être bien meilleurs que nous ne le sommes aujourd’hui. Cela vaut pour l’exécutif, mais aussi pour les parlementaires – disant cela, je ne remets évidemment pas en cause le droit d’amendement.

Nos études d’impact ne sont pas assez précises, elles ne font pas l’objet de discussions suffisamment approfondies, notamment en amont de l’examen des textes de loi – contrairement à ce qui se passe dans quelques pays européens. Bref, nous ne consacrons pas suffisamment de temps à étudier l’impact véritable des dispositions que nous prenons et les conditions de leur mise en œuvre.

Ce constat ne date pas de deux ans ; on pourrait trouver des exemples en pagaille au cours de ces dix ou quinze dernières années – disant cela, je ferai plaisir à tout le monde ici – de dispositions votées trop vite, avec des impacts aléatoires et qui parfois se sont révélées contraires aux objectifs qui leur avaient été assignés par ceux-là mêmes qui les avaient conçues, souvent mus par de bonnes intentions.

Toujours s’agissant de la fabrication de la loi, l’un d’entre vous a parlé des problèmes relatifs à la « surtransposition » législative de directives européennes. Il s’agit là d’un problème majeur. Pour améliorer la rédaction de la loi, nous devons en effet veiller à ne pas ajouter d’obligations à celles qui résultent déjà des directives européennes, tout comme nous devons probablement nous interroger bien plus que nous ne le faisons sur notre capacité à peser en amont dès l’élaboration des directives européennes. Dans ce domaine, les Français restent trop absents par rapport à d’autres pays européens. Dieu sait si nous avons des efforts à faire en la matière !

Je ne reviendrai pas sur la question du recours aux ordonnances ; j’en ai parlé dans mon propos liminaire. Je veux simplement vous redire, mesdames, messieurs les sénateurs, que l’engagement qui a été pris à cette tribune est sincère et loyal. Le recours aux ordonnances n’est pas synonyme d’effacement des parlementaires ; leurs compétences seront utilisées au moment de la rédaction des ordonnances. Puisque, à l’évidence, cette assemblée compte des spécialistes d’un certain nombre de sujets, je m’emploierai à solliciter leur concours.

M. Mohamed Soilihi a évoqué sa proposition de loi de simplification, de clarification et d’actualisation du code de commerce ; si d’autres de ses collègues veulent faire des propositions au cours de l’examen de ce texte ou même ultérieurement – en ayant toujours à l’esprit que l’objectif n’est pas de déréglementer –, c’est bien volontiers que nous les étudierons et que nous vérifierons si elles sont applicables. Le cas échéant, elles pourraient se retrouver dans un prochain « paquet » législatif.

L’examen des amendements me permettra de répondre plus précisément à certaines questions, mais je veux néanmoins vous donner quelques informations précises sur deux projets qui ont été évoqués par plusieurs entre vous, en particulier par votre rapporteur, à savoir le projet « Dites-le-nous une seule fois » et le projet de simplification de la fiche de paie.

Le projet « Dites-le-nous une seule fois », adopté en 2011, n’avait pas connu de véritable suite. Il est maintenant au cœur du travail de simplification des services de l’État et suit une feuille de route. Il s’agit d’un projet extrêmement simple, qui concerne tant les particuliers que les entreprises. Aux termes de ce projet, au 1er janvier 2017, tous les citoyens français et tous les agents économiques seront dispensés de répondre à toute demande ultérieure émanant de l’administration une fois qu’ils auront effectué leurs démarches administratives – c’est ce que l’on a appelé initialement le « coffre-fort numérique ».

Ce chantier soulève d’énormes difficultés tant juridiques que techniques – je pense aux logiciels – parce qu’il faut sécuriser les échanges de données entre les différentes administrations. Surtout, il y avait un préalable : que l’organisation informatique de l’État change pour qu’elle soit désormais régie au niveau interministériel par le Premier ministre lui-même. Cette question a été réglée le 1er août dernier, au cœur de l’été, par l’abrogation d’un décret de 1986 qui donnait à chaque ministre compétence sur son propre système informatique.

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