Intervention de Brigitte Gonthier-Maurin

Réunion du 4 novembre 2014 à 21h30
Simplification de la vie des entreprises — Article 2 quater

Photo de Brigitte Gonthier-MaurinBrigitte Gonthier-Maurin :

Mes chers collègues, je veux vous dire mon très grand étonnement face à cet article 2 quater, introduit par le Gouvernement à l’Assemblée nationale.

Nous avons tous en mémoire les débats qu’avait suscités le projet de loi relatif à la sécurisation de l’emploi. Je songe notamment à l’article consacré à l’encadrement du temps partiel.

La délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes du Sénat, que je présidais à l’époque, avait émis un certain nombre de recommandations. En effet, comme vous le savez, plus de 80 % des personnes concernées par le temps partiel sont des femmes. Dans leur grande majorité, les salariés à temps partiel perçoivent de faibles rémunérations et de maigres retraites. Ils – je devrais plutôt dire « elles » – sont exposés à des horaires atypiques et fluctuants et n’ont pas accès à certains droits sociaux lorsqu’ils – elles - n’effectuent qu’un trop petit nombre d’heures.

Certes, dans sa rédaction actuelle, le code du travail entoure le temps partiel de dispositions protectrices, ou plutôt protectrices en apparence seulement : elles sont assorties de larges possibilités de dérogation ouvertes aux accords collectifs.

Le projet de loi relatif à la sécurisation de l’emploi opérait, du moins toujours en apparence, deux avancées significatives : l’instauration d’une durée de travail minimale hebdomadaire ; la rémunération dès la première heure des heures complémentaires. Néanmoins, ces mesures étaient assorties de conditions de mise en œuvre et de possibilités de dérogation risquant de les vider d’une bonne partie de leur contenu. Je l’avais souligné lors de ces débats, et il me semble que ce nouveau projet de loi me donne raison.

Aujourd’hui, le Gouvernement nous demande de l’autoriser à prendre par ordonnance « toute mesure relevant du domaine de la loi afin de simplifier et de sécuriser les modalités et conditions d’application […] de l’article 12 » de la loi relative à la sécurisation de l’emploi.

La loi prévoit que les vingt-quatre heures sont la règle. Elle précise que le salarié peut, à sa demande écrite et motivée, y déroger pour deux motifs, à savoir des contraintes personnelles ou un cumul avec une autre activité.

Si l’on en croit l’objet de l’amendement qu’il a déposé au titre de cet article, le Gouvernement cherche à instaurer une procédure qui s’appliquerait en cas de « dédit » du salarié ayant obtenu cette dérogation. Toutefois, la règle étant les vingt-quatre heures, si le salarié renonce à la dérogation qu’il a obtenue, il tombera ce me semble de facto sous le coup de l’obligation des vingt-quatre heures fixée par la loi. Il n’est donc nul besoin d’une ordonnance.

De plus, je le rappelle, le risque existe que cette possibilité de dérogation offerte au salarié réponde, en réalité, à une incitation de l’employeur, dans un rapport de force défavorable à l’employé. La rapporteur de notre délégation aux droits des femmes, notre collègue Catherine Génisson, avait clairement pointé ce danger dans son rapport.

Monsieur le secrétaire d’État, je me permets, à cet égard, de vous interroger sur une autre disposition de la loi relative à la sécurisation de l’emploi, dans ce même article 12 : la possibilité de fixer une durée inférieure par une convention ou un accord de branche.

Dans ce domaine, l’expérience nous a prouvé que les dérogations conventionnelles peuvent devenir la règle et le principe légal, l’exception. Pouvez-vous nous indiquer si de tels accords ont été signés et, dans l’affirmative, combien et dans quelles branches ?

Enfin, pouvez-vous nous assurer que le rapport prévu à l’article 13 de la loi relative à la sécurisation de l’emploi sera bien publié avant le 1er janvier 2015 ? Je rappelle que ce document doit porter sur l’évaluation des dispositions relatives au temps partiel. Il s’agit d’estimer « l’impact réel sur l’évolution des contrats à temps partiel, notamment concernant le nombre et la durée des interruptions de travail et des contrats à durée déterminée » et « sur la réduction de la précarité et des inégalités professionnelles entre les femmes et les hommes ». Parallèlement, cette évaluation doit nous permettre « de mesurer le recours effectif à l’annualisation du temps de travail pour les contrats à temps partiel ».

Il s’agit donc d’un rapport très important, que nous attendons avec beaucoup d’intérêt.

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