D’une façon ou d’une autre, la discussion est « pliée », si je puis m’exprimer ainsi, du fait de l’adoption de cet amendement mal fichu, ambigu, qui dit tout et son contraire sur le mode d’élection des futurs conseillers territoriaux, et ce aux seules fins de constituer une majorité de façade et d’intérêt sur ce texte.
Que restera-t-il de la réforme d’envergure censée rendre plus lisible et plus efficace l’organisation territoriale de la France, annoncée par le Président de la République ? Les cinq premiers alinéas de ce texte auront suffi à ruiner les espoirs des citoyens et de leurs élus en la matière.
En effet, la création des conseillers territoriaux s’effectue dans les pires conditions qui soient. Un premier texte a eu pour effet d’amputer la durée du mandat des conseillers régionaux élus cette année, et des conseillers généraux qui le seront l’an prochain.
L’objet du présent texte est de créer des conseillers territoriaux avant que – un jour peut-être, après les élections régionales, dans un autre contexte, dans une autre ère démocratique …– il soit discuté des compétences et du mode de scrutin. Tout cela est préoccupant.
Mais, au fond, ce qui me préoccupe davantage encore, c’est que vous semblez vous-même ne pas savoir quoi faire de votre réforme, et n’avoir pas la moindre idée des répercussions à moyen et long termes des décisions prises aujourd’hui dans la confusion.
Je ne fais pas partie de ceux qui ne veulent rien changer. L’idée que des points de vue différents puissent se confronter ne m’inquiète pas. Il est évidemment de notoriété publique que, parmi nous, certains défendent plutôt la cohérence du triptyque intercommunalités-régions-Europe, quand d’autres sont davantage attachés à la commune, au département et à l’État-nation.
Au regard de l’ancrage multiséculaire du département, d’aucuns parmi nous craignent que ce dernier ne soit affaibli par votre réforme, qu’il ne soit miné par l’érosion de son autonomie financière et par la montée en puissance du fait métropolitain. D’autres, au contraire, considérant la taille et la place des régions chez nos principaux partenaires européens, déplorent qu’elles soient, chez nous, privées à terme de ressources dynamiques et de crédibilité.
Mais ce qui me soucie vraiment, c’est que personne, à cette heure, ne sait sur quel pied danser. Que voulez-vous exactement ? Puisque vous prétendez réformer, vous ne pouvez tout de même pas vous contenter des économies de bout de chandelle que vous réaliserez sur les indemnités de 3 000 des 550 000 élus français… Vous avez forcément un autre dessein. Entendez-vous, en complément de l’intercommunalité, privilégier les régions ou les départements ?
En vérité, la confusion règne, chacun spéculant sur les intentions affichées, les tentations subliminales et les conséquences inattendues du bricolage proposé.
Finalement, que restera-t-il de tout cela ? Une remise en cause de la parité, à rebours du mouvement historique en faveur de l’égal accès des hommes et des femmes aux mandats électoraux en France…La suppression de la clause générale de compétence, dont on ne sait pas à cette heure si elle pourra simplifier quoi que ce soit, compromettra d’abord la dynamique des territoires…
Il faut réformer, mais sans casser. Il faut délester la France des frilosités qui la paralysent parfois, mais sans ignorer les mises en garde de ceux qui, à droite comme à gauche, plaident pour une organisation cohérente.
Alors, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, je vous le redis : il ne s’agit pas de transformer le mille-feuille administratif français en tarte à la crème, mais de travailler sérieusement, pour l’histoire, à une organisation cohérente, c’est-à-dire fonctionnelle, et démocratique, c’est-à-dire compréhensible par nos concitoyens.