Séance en hémicycle du 26 janvier 2010 à 14h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • conseiller territorial
  • régionaux
  • territorial
  • territoriaux

La séance

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La séance, suspendue à douze heures dix, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Gérard Larcher.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Jack Ralite, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jack Ralite

Monsieur le président, mes chers collègues, le travail parlementaire devient de plus en plus chaotique du fait de procédures accélérées, expéditives, autoritaires.

Le 7 janvier 2009, je dénonçai ici le fait que le Président de la République ait obligé sa ministre de la culture à obliger M. de Carolis à obliger le conseil d’administration de France Télévisions à supprimer la publicité entre 20 heures et 6 heures dès le 5 janvier… La loi était ainsi appliquée, imposée, avant même que le Sénat en ait débattu.

Le groupe CRC-SPG, devant cette pratique gouvernementale délinquante, déposa un recours pour excès de pouvoir devant le Conseil d’État. Hier – j’y étais –, le Conseil d’État a tenu audience sur le fond et le rapporteur public a pointé « la piètre gestion d’un dossier sensible mettant en cause l’avenir du service public de l’audiovisuel ». Il a analysé les décisions litigieuses comme le reflet d’une « mauvaise gouvernance ». Il a estimé la demande d’annulation « imparable » et a donné droit aux sénateurs communistes.

Le Conseil d’État va maintenant délibérer et statuer. Le journal Le Monde, dans son édition du mercredi 27 janvier 2010, conclut : « Si [le rapporteur public] est suivi, ce sera un lourd revers pour M. Sarkozy. »

Debut de section - PermalienPhoto de Jack Ralite

Face à l’ingérence inadmissible du pouvoir exécutif dans l’exercice du pouvoir législatif, qui va jusqu’à ôter aux sénateurs le pouvoir de faire la loi, les conclusions du rapporteur public sont déjà un lourd revers pour le Président de la République.

C’est une œuvre de vigilance républicaine, la preuve qu’il faut toujours oser, ainsi que l’a fait le groupe communiste. Le Sénat, le Parlement défendent ainsi leur honneur.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Mon cher collègue, je vous donne acte de ce rappel au règlement. Nous allons attendre la décision du Conseil d’État, sur un sujet qui m’avait quelque peu préoccupé…

La parole est à M. Jean-Pierre Bel, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

Alors que nous reprendrons dans quelques instants nos débats sur le projet de loi de réforme des collectivités territoriales, le moment est peut-être venu de prendre de bonnes résolutions…

Jeudi soir, un amendement de l’Union centriste portant sur le mode d’élection des futurs conseillers territoriaux a été adopté, alors que nos propres amendements relatifs au même thème étaient déclarés hors sujet.

Par ailleurs, hier soir, lors de son intervention télévisée, le Président de la République, évoquant le référendum organisé en Guyane et à la Martinique sur la fusion en une seule collectivité de la région et du département, a expliqué que cet exemple préfigurait son projet pour l’ensemble du pays. Or, depuis des semaines, vous niez que votre réforme des collectivités territoriales masque en réalité, comme nous l’affirmons avec constance, une volonté de fusionner départements et régions…

Nous souhaiterions que tous les sénateurs soient traités sur un pied d’égalité par le Gouvernement et la commission, et que les réponses ne soient pas à géométrie variable selon leur couleur politique. Pour l’heure, des arguments et des propositions sont écartés a priori ou jugés hors sujet s’ils sont formulés par les sénatrices et sénateurs de l’opposition, mais reçoivent un tout autre accueil lorsqu’ils sont repris par le Président de la République ou dans un amendement du groupe de l’Union centriste ! C’est là un manque de considération, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

M. Jean-Pierre Bel. … et je vous demande donc de changer d’attitude.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Monsieur Bel, je vous donne acte de ce rappel au règlement.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Mon rappel au règlement a le même objet que celui de M. Bel.

Jeudi dernier, la majorité du Sénat a adopté un amendement présenté par M. About, dont on sait aujourd’hui qu’il était motivé davantage par des considérations personnelles que par l’intérêt général…

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

De fait, cet amendement tend à valider par anticipation une disposition dont le Sénat n’a pas encore entamé l’examen. Sous couvert de motifs dits « de principe », principes qui sont rejetés d’emblée quand ils sont invoqués par l’opposition, il s’agissait en réalité d’entériner la création du conseiller territorial. (Marques d’approbation aux bancs de la commission et du Gouvernement.)

Libre à vous, bien sûr, de souhaiter la création d’un nouveau type d’élu qui remplacera les conseillers généraux et les conseillers régionaux, sauf que la discussion sur l’article 1er, qui contient précisément cette mesure, n’a pas encore commencé !

La situation est donc tout à fait surréaliste ! Le Parlement va en effet débattre de cet article, dont l’opposition proposera notamment la suppression, après que la majorité se fut prononcée subrepticement pour la création des conseillers territoriaux, par le biais de l’adoption d’un amendement portant sur le mode d’élection de ces derniers !

Monsieur le président, pour rétablir un peu de sérieux dans la discussion parlementaire, je vous demande, en application de l’article 43, alinéa 4, du règlement du Sénat, de procéder à une nouvelle délibération sur cet amendement, afin de réserver son vote jusqu’à ce que nous ayons décidé ou non de créer les conseillers territoriaux. Tel est l’ordre logique des choses !

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Ma chère collègue, je vous donne acte de votre rappel au règlement.

Ce soir, en conférence des présidents, je ferai le point sur ce que j’appellerai la prévisibilité de nos travaux pour les deux semaines à venir, afin que nous puissions organiser ceux-ci dans les meilleures conditions possibles. Je rappellerai également, à cette occasion, quelques principes que j’avais déjà énoncés lors des deux dernières conférences des présidents.

Par ailleurs, il me semble important de souligner qu’il nous incombe à tous, que nous appartenions à la majorité ou à l’opposition, de faire en sorte que nos travaux puissent se dérouler de la manière la plus équilibrée possible, permettant à chacun d’exprimer son point de vue.

Concernant votre demande fondée sur l’article 43, alinéa 4, de notre règlement, madame Borvo Cohen-Seat, celui-ci précise que ce n’est qu’ « avant le vote sur l’ensemble d’un texte, [que] tout ou partie de celui-ci peut être renvoyé, sur décision du Sénat, à la commission, pour une seconde délibération à condition que la demande de renvoi ait été formulée ou acceptée par le Gouvernement ». Votre demande, dont nous avons pris bonne note, ne pourra donc être examinée qu’au terme de nos travaux, avant le vote sur l’ensemble du projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Si nous voulons avoir un débat de qualité, il importe que nous nous montrions tous raisonnables.

(Texte de la commission)

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de réforme des collectivités territoriales (projet de loi n° 60, texte de la commission n° 170, rapport n° 169 et avis n° 198).

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l’article 1er.

TITRE Ier

RÉNOVATION DE L’EXERCICE DE LA DÉMOCRATIE LOCALE

Chapitre Ier

Conseillers territoriaux

Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

I. – L’article L. 3121-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Il est composé de conseillers territoriaux. »

II. – L’article L. 4131-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Il est composé des conseillers territoriaux qui siègent dans les conseils généraux des départements faisant partie de la région. »

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Au-delà de ce que vient de dire Nicole Borvo Cohen-Seat sur la situation surréaliste dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui, après ce qu’on peut appeler la manœuvre de M. About, nous entrons en fait, avec cet article 1er, dans l’acte II de la création des conseillers territoriaux, les affirmations sur l’autonomie du projet de loi organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux voté en décembre dernier n’ayant en effet convaincu personne.

Comme en décembre dernier, vous nous demandez d’entériner la création des conseillers territoriaux tout en renvoyant à plus tard la définition des modalités de leur élection.

Il est vrai que des doutes et des critiques sur ce nouvel élu hybride et son mode d’élection s’expriment, y compris au sein de la majorité. Ils émanent tant du président du groupe UMP à l’Assemblée nationale que du président Larcher, lequel a d’ailleurs confirmé l’absence d’une majorité sur ce sujet dans notre assemblée.

Il est également vrai que vos amis du Nouveau centre seront perdants avec ce scrutin à un tour destiné à instaurer le bipartisme, la dose de proportionnelle envisagée étant un leurre.

Sachant que vous êtes, sur le fond, favorables au bipartisme, nous ne pouvons que nous interroger : ne dissimulez-vous pas un projet de refonte de notre système électif, avec deux niveaux de consultation, l’un national, l’autre local, outre les élections européennes ? N’entendez-vous pas appliquer le scrutin à un tour aux élections législatives, voire à toutes les élections, ce qui serait un recul historique ?

En même temps, vous le constatez, il n’est guère prudent de toucher aux fondements de la démocratie représentative, en procédant avec autoritarisme et en entretenant le flou. Il n’est guère prudent d’instaurer ce nouveau mode de scrutin à un tour ; aucun président ou majorité parlementaire n’avait jamais osé le faire jusqu’à présent, et le comité Balladur lui-même ne l’avait pas proposé.

Vous allez donc, semble-t-il, devoir revoir votre copie : « UMP et Gouvernement en quête d’un accord », titrait récemment Le Figaro. Le Président de la République a dû promettre aux parlementaires, lors de la présentation des vœux, de faire preuve de beaucoup d’ouverture pour essayer de parvenir au « consensus le plus grand » sur la réforme du mode de scrutin. La presse nous a appris qu’un groupe de travail formé de parlementaires UMP étudiait d’autres hypothèses, avec l’accord du Président et du Premier ministre.

Mais la seule façon d’arriver à un consensus qui vaille serait de le fonder sur des dispositions véritablement démocratiques. Or je doute fort que vous alliez dans ce sens.

D’ailleurs, la création des conseillers territoriaux est en elle-même une disposition antidémocratique et régressive. Elle constitue en effet une régression en matière de proximité de la prise de décisions, alors que les Français, comme en témoignent les résultats d’un sondage réalisé par la Sofres pour le CEVIPOF, veulent des élus de proximité : après leur maire et avant leur conseiller régional, c’est leur conseiller général qu’ils déclarent préférer.

Il s’agit aussi d’une régression en matière de parité à l’échelon de l’exécutif régional. De plus, le nombre d’élus va diminuer et la suppression des conseillers généraux annonce la disparition des départements. Créer un bloc départements-région, c’est faire fi des différences majeures existant entre les deux assemblées, l’une étant une instance de proximité, l’autre une instance de programmation : le département n’est-il pas aujourd’hui le premier partenaire de la commune ?

Notre groupe refuse le recul démocratique inscrit dans cet article 1er et votera contre la création des conseillers territoriaux.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

J’aurais bien sûr préféré, monsieur le président, que vous donniez une autre suite à mon rappel au règlement…

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Il s’agit d’éviter des difficultés avec le Conseil d’État, ma chère collègue.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Il eût pourtant été plus efficace d’aborder les questions dans le bon ordre. Mais puisqu’il n’en est pas ainsi, je vais néanmoins évoquer la création des conseillers territoriaux.

Ma collègue Éliane Assassi vient de signifier notre opposition résolue à cette mesure. Les partisans de la réforme ont notamment justifié la suppression des actuels conseillers généraux et régionaux, dont l’existence est pourtant consubstantielle de celle des collectivités territoriales, par le fait que ces élus coûteraient cher. Cet argument est à l’évidence populiste, car une démocratie doit se donner les moyens de fonctionner correctement. De plus, chacun sait que les indemnités des élus ne constituent qu’une très faible part des budgets des collectivités locales. D’ailleurs, il est fort possible que la diminution du nombre des élus entraîne un accroissement des dépenses de fonctionnement de ces dernières.

Quoi qu’il en soit, l’objectif est manifestement de supprimer les départements, comme en témoignent également le renforcement de l’intercommunalité et la fin de la clause générale de compétence, prévus par ce projet de loi, ainsi que la suppression de la taxe professionnelle.

Qu’un même élu soit appelé à administrer à la fois la région et le département ne sera pas sans poser de nombreux problèmes, en particulier en termes d’efficacité. L’exercice par les conseillers territoriaux d’un ensemble très étendu de responsabilités ne contribuera pas, tant s’en faut, à rendre leur action plus compréhensible par nos concitoyens, alors que ceux-ci s’interrogent déjà parfois sur ce sujet. En outre, on ne perçoit pas non plus comment la coordination entre les départements et les régions s’en trouvera améliorée ; au contraire, une certaine paralysie ou une forme de bureaucratisation est plutôt à craindre. Votre idée de créer des suppléants destinés à aider ces « super conseillers » témoigne d’ailleurs des problèmes qui risquent fort de découler de l’instauration de ces derniers.

La mise en œuvre de votre projet conduira à la création de véritables professionnels de la politique : peut-être est-ce là votre objectif, mais, en tout cas, cela ne correspond guère aux attentes de nos concitoyens, qui souhaitent au contraire des élus proches d’eux, qui leur ressemblent, qui soient représentatifs de notre société. Cela risque d’être encore moins le cas à l’avenir qu’aujourd’hui ! Vous avez une conception très particulière du rapprochement entre élus et citoyens…

Enfin, s’agissant du mode de scrutin, est-il encore utile d’en parler, puisque l’adoption de l’amendement de M. About vous laisse désormais les mains libres…

Debut de section - Permalien
Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales

Il sera traité des modalités d’élection des conseillers territoriaux dans un projet de loi spécifique !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le secrétaire d'État, vous vous êtes opposé à la tenue d’une discussion sur ce sujet lorsque l’opposition l’a proposée, puis vous l’avez acceptée quand il s’est agi d’examiner l’amendement de M. About !

Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

En tout cas, il est évident que le mode de scrutin que vous envisagez aboutira à la suppression du pluralisme. Ce que vous voulez, c’est instaurer le bipartisme : bien évidemment, nous ne pouvons être d’accord !

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Peyronnet

Le groupe socialiste s’oppose lui aussi résolument à la création des conseillers territoriaux, qui organise la fusion des départements et des régions. Si ce projet de loi est adopté, celle-ci s’opérera dans une confusion totale, la question des compétences ne devant être abordée que dans un texte ultérieur. Pour l’heure, l’incertitude est donc complète…

Par ailleurs, la création du conseiller territorial institutionnalise le cumul des mandats, ce qui n’est pas tout à fait dans l’air du temps, et instaure, Mme Borvo Cohen-Seat l’a souligné, des professionnels de la politique. En effet, les nouveaux élus, siégeant à la fois au conseil général et au conseil régional, devront manifestement se consacrer à plein temps à leur mandat et ne seront donc pas en mesure d’exercer une profession. Pour autant, vous n’organisez nullement le statut de l’élu, alors que ces professionnels de la politique devront être rémunérés correctement, bénéficier de congés, d’un régime de retraite, en un mot de droits sociaux. Rien n’étant prévu à cet égard, vous allez au-devant de grandes difficultés. Ce qui est certain, en tout cas, c’est que ces élus, même s’ils seront moins nombreux – cela rendra d’ailleurs très difficile le fonctionnement des conseils généraux –, coûteront plus cher que ceux qu’ils sont appelés à remplacer.

Surtout, nous nous opposons à la création du conseiller territorial pour des raisons de principe. La suppression des départements constitue une attaque frontale contre l’un des fondements de notre organisation administrative, d’autant que nous ignorons comment s’articuleront, à l’avenir, les compétences des départements et celles des régions.

D’autres difficultés, d’ordre politique, tiennent au mode d’élection envisagé : comment un président de région pourra-t-il diriger sereinement une assemblée qui comptera sans doute des présidents de conseil général d’une autre couleur que la sienne ? Avec quel mandat ceux-ci siégeront-ils à l’échelon régional ? En tout état de cause, ils ne manqueront pas, nous le savons bien, d’être très attentifs aux choix de l’exécutif régional… Ce sera là une difficulté majeure.

En fait, les arguments que vous avez avancés, notamment ceux qui ont trait au coût des élus, sont parfaitement fallacieux. L’objectif annoncé est de réduire les dépenses des collectivités. Telle était déjà la finalité de la réforme de la taxe professionnelle, qui a mis un terme à l’autonomie des collectivités territoriales et aboutira à leur mise sous tutelle. Désormais, le volume de leurs interventions, voire leurs interventions elles-mêmes, sera déterminé par l’État central. Le but réel, en définitive, est d’établir le pouvoir total de l’UMP sur les collectivités locales, notamment grâce à l’instauration d’un mode de scrutin dont nous avons dénoncé le caractère inique.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Chers collègues de la majorité, vous aurez constaté comme nous, semaine après semaine, que ce projet de création du conseiller territorial ne passe pas auprès des assemblées d’élus locaux.

Debut de section - Permalien
Alain Marleix, secrétaire d'État

Bien au contraire !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Vous le savez, et j’ai le sentiment que vous défendez cette réforme comme le pendu défend sa corde ! D’ailleurs, nous vous avons connus beaucoup plus pugnaces, combatifs et convaincants. En l’occurrence, vous donnez vraiment l’impression de défendre ce texte par obligation.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Vous pensez sans doute que puisque Nicolas Sarkozy l’a demandé, ce ne peut être que bon pour lui.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Pour ma part, je n’en suis pas certain. Mais tant pis ! Nous ne nous plaindrons pas de ce qui arrivera lorsque de très nombreux élus locaux se sentiront humiliés par ce projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Mes chers collègues, si vous ne partagez pas mon sentiment, vous aurez tout le loisir de vous exprimer.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

M. Jean-Pierre Michel. Ils ne le feront pas ! Ils ont l’interdiction de s’exprimer !

M. Alain Gournac proteste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Le rôle du conseiller territorial tel que vous le concevez se traduirait par une « cantonalisation » des régions.

Les régions sont déjà asphyxiées par votre réforme de la taxe professionnelle. Leurs moyens vont être réduits.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Élire des représentants régionaux sur une base cantonale est préjudiciable à l’affirmation de régions que nous voulons fortes à l’échelle internationale, afin de défendre l’université, la science, la recherche, l’économie et la technologie. Le mode de scrutin que vous préconisez et votre conception du conseiller territorial vont à rebours de cette ambition.

Mes chers collègues, j’ai été très étonné par l’amendement de M. About. Je me tourne donc vers vous, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, vous qui avez dit et répété à plusieurs reprises qu’il était exclu d’évoquer le mode d’élection des conseillers territoriaux – lequel ferait l’objet d’un projet de loi spécifique – et qui avez à ce titre refusé nos amendements, en arguant qu’ils étaient hors sujet et ne venaient pas au bon moment.

Or, quand M. About est arrivé avec cet amendement, …

Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

M. Jean-Pierre Sueur. … qui est une sorte de compromis, je lui ai fait observer que le plat de lentilles qu’il pensait ainsi gagner était en fait un plat sans lentilles.

Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

… c’est qu’il soit précisé que le mode d’élection des conseillers territoriaux intégrerait une partie territoriale et une partie proportionnelle. Mais, mes chers collègues, cette précision figure déjà dans le projet de loi !

Que signifie donc tout cela ? Monsieur le secrétaire d’État, après le découpage, nous avons eu droit au marchandage. Il fallait adopter le divin amendement de M. About afin que se dégage, au Sénat, une majorité pour créer ce conseiller territorial alors que personne, pas même vous, monsieur le secrétaire d’État, n’est convaincu de son utilité.

Nous, nous voulons que la vérité éclate dans cette enceinte !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Et la vérité, c’est que bien peu d’élus, de droite, de gauche ou du centre, dans nos 36 700 communes, dans nos 102 départements, dans nos régions, soutiennent la création du conseiller territorial. Si le Sénat de la République était au diapason des élus de la République, il dirait « non » à la création de ce nouvel élu !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, j’ai terminé puisque j’ai dit ce qu’il fallait en appelant mes collègues à dire « non » à la création du conseiller territorial pour être au diapason des élus de la République.

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il n’est pas de mot excessif ni d’image trop forte : l’article 1er du présent projet de loi sonne le glas de ce formidable mouvement de décentralisation qui, depuis vingt-cinq ans, dynamise notre pays, insuffle une démocratie nouvelle, conjugue action publique et proximité.

En effet, la création du conseiller territorial a bien vocation à préparer l’étouffement de l’action publique départementale telle que les lois de décentralisation l’ont structurée et fortifiée.

Si votre projet est adopté, l’histoire se souviendra d’un avant et d’un après.

Avant votre projet, nous aurons connu une époque bénéfique à une action publique locale dans laquelle le département a prouvé sa capacité d’adaptation aux transferts de compétences de l’État, a porté l’innovation, s’est inscrit dans la modernité, a été le premier niveau de péréquation et de mutualisation entre la ville et la campagne.

Après votre projet, commencera une période balisée par la création du conseiller territorial, laquelle marquera la fin d’une certaine conception de l’action publique.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Il n’y aura aucun gain de cohérence quand le même élu débattra en début de semaine de la protection de l’enfance et, en fin de semaine, des transports ferroviaires régionaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Quant à l’argument du moindre coût de l’action locale du fait de la disparition de 3 000 élus locaux, il est sans objet.

En revanche, quel gâchis démocratique avec l’éloignement du conseiller territorial des maires, élus locaux, habitants des nouveaux grands cantons ! Quel gâchis en matière d’animation des territoires avec une diminution du nombre des élus, ce qui provoquera – est-ce le but recherché ? – une raréfaction des dossiers initiés, portés, défendus !

Ayez au moins la franchise d’éclairer nos concitoyens quant à l’objectif attendu, à savoir l’effacement du département, réduit, dans un premier temps, à la mise en œuvre et au financement de politiques nationales de solidarité. Ayez la franchise de reconnaître que cet effacement est un moyen de diminuer le volume et la qualité des services publics.

Ne masquez pas cette finalité en stigmatisant les élus, qui, selon vous, seraient plus préoccupés de leur propre situation que de l’intérêt général.

La déclaration d’un responsable politique actuel, selon laquelle « une collectivité attend, pour donner, de savoir ce que l’autre a donné pour être sûre d’avoir son nom sur la plaque le jour de l’inauguration ou pour être sûre d’avoir le droit d’être sur la photo quand on coupe le ruban », est caricaturale, insultante pour les élus de toutes sensibilités, inacceptable et dangereuse, car elle alimente un mauvais débat, ce qui ne préfigure jamais une phase de progrès de la démocratie.

M. Jean-Pierre Michel applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, ne masquez pas ces enjeux par une accusation d’immobilisme sans fondement.

Exclamations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

… qui renforceront la décentralisation et l’efficience des politiques publiques.

Les propositions du rapport de la mission sénatoriale présidée par M. Belot constituaient une base consensuelle d’évolution positive. Mais nous ne pouvons accepter des mesures destructrices d’une organisation qui, aujourd’hui, dans un monde complexe, prouve quotidiennement son efficacité.

Le rapprochement du département et de la région repose sur un non-sens dans l’analyse de notre fonctionnement. Couples s’il y a, et même ménages à trois, ce sont, d’une part, l’ensemble constitué par les communes, les intercommunalités et les départements, c’est-à-dire les collectivités de la proximité, des solidarités humaines et territoriales, et, d’autre part, l’ensemble formé par les régions, l’État et l’Europe, c’est-à-dire le niveau des grands équipements, de la stratégie, de la compétitivité.

Et c’est bien dans cette logique que M. le ministre de l’intérieur avait indiqué combien il serait indispensable de maintenir la possibilité, pour les départements, de soutenir financièrement l’échelon local. J’ajoute que c’est avec les régions que l’État signe les contrats de projets.

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, le conseiller territorial n’apportera pas une meilleure lisibilité de l’action publique pour les citoyens. Éloigné, moins disponible, il sera moins porteur de la réalité quotidienne des habitants qu’il représentera. Il sera au contraire source de confusions et créateur, dans de futures assemblées régionales pléthoriques, de situations peu propices à l’élaboration de grandes stratégies.

Cet EGM, comprenez « élu génétiquement modifié », qui siégerait dans deux assemblées, avec des compétences distinctes, représentant deux territoires différents, dont l’un est inclus dans l’autre – il n’existe à ma connaissance aucun précédent et la constitutionnalité de cet élu pourrait être mise en doute – marquerait un recul de la démocratie, une atteinte aux principes de décentralisation, la négation du concept de collectivité territoriale. Il serait l’instrument de moins d’action publique territoriale, de moins de services pour les habitants, de moins d’équipements pour les territoires.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bonnefoy

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous abordons, avec l’article 1er, le cœur de la réforme du Gouvernement : la création du conseiller territorial.

Depuis le début de notre discussion, le groupe socialiste s’est fermement opposé à la création de ces nouveaux élus dont nous ignorons le nombre, le mode d’élection ou encore le principe de répartition. Notre démocratie locale en pâtira, car la proximité entre le conseiller territorial et ses administrés va forcément se distendre, ce qui le coupera des réalités locales. Ces risques ont déjà été largement mis en avant par de nombreux collègues depuis le mois de décembre.

Je tiens à revenir aujourd’hui sur un des arguments phares utilisé par le Gouvernement pour défendre sa réforme, et plus précisément pour justifier la création de ce fameux conseiller territorial, à savoir la réduction des coûts. Ce nouvel élu permettrait de réaliser des économies.

Nous avons pu entendre à maintes reprises que le conseiller territorial, fruit de la fusion du conseiller général et du conseiller régional, engendrerait moins de dépenses et permettrait donc à l’État de constituer des économies importantes. Démagogie !

Beaucoup d’entre nous, et j’en fais partie, se sont intéressés à la légitimité d’un tel argument et aux incidences financières réelles de la mise en place de ce nouvel élu. Nos interrogations sont nombreuses. J’en évoquerai quelques-uns.

En instituant le conseiller territorial, vous créez un « super-élu » dont la charge de travail sera multipliée par deux. En outre, vous institutionnalisez le cumul des mandats.

Ce nouvel élu devra répondre à des problématiques aujourd’hui traitées à l’échelon départemental et au niveau régional. Il devra donc assumer seul les fonctions de deux élus actuels.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bonnefoy

Il devra par ailleurs couvrir un espace beaucoup plus important, naviguer de réunions en réunions au sein de son territoire – son département et sa région – afin de remplir l’ensemble des tâches et des représentations qui lui seront confiées.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bonnefoy

Cette situation aboutira inévitablement à une explosion de ses frais de déplacement.

Par ailleurs, si cet élu souhaite, sans trop se couper des réalités locales – je doute qu’il y parvienne – remplir pleinement l’ensemble de ses fonctions, il devra soit se dédoubler, soit s’entourer de suppléants, d’adjoints, de conseillers. Cette perspective semble inévitable, sauf à créer un élu « fantôme » ne pouvant satisfaire à l’ensemble des sollicitations auxquelles répondent aujourd’hui les conseillers généraux et les conseillers régionaux. Or, s’entourer d’une équipe importante, se faire assister d’un suppléant impliquera obligatoirement des dépenses supplémentaires.

Ensuite, si nous restons fidèles à la politique du Gouvernement et au slogan du Président de la République, cet élu, qui travaillera plus, devra donc gagner plus ! Si cette logique est respectée, il devra percevoir une indemnité proportionnelle à sa charge de travail, substantiellement supérieure à celle des actuels conseillers généraux et régionaux. Comme cela a été souligné, cette réforme aboutira donc à une professionnalisation de la politique.

Le présent projet de loi soulève aussi des difficultés d’ordre matériel. Dans de nombreux territoires, la taille des hémicycles départementaux et régionaux ne sera plus adaptée aux besoins. D’une manière générale – sans compter la sous-représentation du monde rural –, beaucoup de conseils généraux seront surdimensionnés tandis que de nombreux conseils régionaux ne pourront plus accueillir l’ensemble des élus. Faudra-t-il construire de nouvelles infrastructures ? En tout état de cause, il faudra à tout le moins prévoir leur aménagement. Qui paiera : l’État, les collectivités, les ménages ?

Ces aspects concrets ont été soulevés par de nombreux élus locaux et nationaux. Il me semblait important de les rappeler en cet instant.

Une fois encore, le Gouvernement se cache derrière de faux arguments – parfois démagogiques, comme je viens de le montrer – afin de faire voter une loi d’inspiration profondément politique. Cette réforme territoriale n’engendrera pas d’économies substantielles. Présenter la création du conseiller territorial comme une réponse à des coûts considérés comme excessifs est une supercherie.

Tous ces éléments me confortent dans l’idée que le Gouvernement s’est précipité dans une réforme pour des raisons purement électoralistes et que ses conséquences n’ont pas été suffisamment évaluées.

Pour toutes les raisons que je viens d’évoquer, je ne voterai pas cet article.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Dominique Voynet, sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Voynet

Monsieur le président, au début de cette séance, vous nous avez invités à faire preuve de raison et à engager le débat sur l’article 1er. Toutefois, vous ne nous avez apporté aucun élément tangible susceptible de nous rassurer après le fait d’armes de la soirée de jeudi dernier.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Voynet

Mme Dominique Voynet. À vrai dire, monsieur le président, nous sommes stupéfaits que le Sénat ait pu se prêter à une telle opération alors que vous vous étiez porté garant de la sérénité de nos discussions, alors que M. le ministre rappelait urbi et orbi que, sur des questions d’une telle importance, il faut prendre le temps du débat. Nous avons été stupéfaits, pour ne pas dire plus, de constater qu’il était possible d’adopter un amendement qui visait à fixer le mode d’élection d’un élu qui n’existera qu’après l’adoption de cet article 1er.

M. Jean-Pierre Sueur applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Voynet

D’une façon ou d’une autre, la discussion est « pliée », si je puis m’exprimer ainsi, du fait de l’adoption de cet amendement mal fichu, ambigu, qui dit tout et son contraire sur le mode d’élection des futurs conseillers territoriaux, et ce aux seules fins de constituer une majorité de façade et d’intérêt sur ce texte.

Que restera-t-il de la réforme d’envergure censée rendre plus lisible et plus efficace l’organisation territoriale de la France, annoncée par le Président de la République ? Les cinq premiers alinéas de ce texte auront suffi à ruiner les espoirs des citoyens et de leurs élus en la matière.

En effet, la création des conseillers territoriaux s’effectue dans les pires conditions qui soient. Un premier texte a eu pour effet d’amputer la durée du mandat des conseillers régionaux élus cette année, et des conseillers généraux qui le seront l’an prochain.

L’objet du présent texte est de créer des conseillers territoriaux avant que – un jour peut-être, après les élections régionales, dans un autre contexte, dans une autre ère démocratique …– il soit discuté des compétences et du mode de scrutin. Tout cela est préoccupant.

Mais, au fond, ce qui me préoccupe davantage encore, c’est que vous semblez vous-même ne pas savoir quoi faire de votre réforme, et n’avoir pas la moindre idée des répercussions à moyen et long termes des décisions prises aujourd’hui dans la confusion.

Je ne fais pas partie de ceux qui ne veulent rien changer. L’idée que des points de vue différents puissent se confronter ne m’inquiète pas. Il est évidemment de notoriété publique que, parmi nous, certains défendent plutôt la cohérence du triptyque intercommunalités-régions-Europe, quand d’autres sont davantage attachés à la commune, au département et à l’État-nation.

Au regard de l’ancrage multiséculaire du département, d’aucuns parmi nous craignent que ce dernier ne soit affaibli par votre réforme, qu’il ne soit miné par l’érosion de son autonomie financière et par la montée en puissance du fait métropolitain. D’autres, au contraire, considérant la taille et la place des régions chez nos principaux partenaires européens, déplorent qu’elles soient, chez nous, privées à terme de ressources dynamiques et de crédibilité.

Mais ce qui me soucie vraiment, c’est que personne, à cette heure, ne sait sur quel pied danser. Que voulez-vous exactement ? Puisque vous prétendez réformer, vous ne pouvez tout de même pas vous contenter des économies de bout de chandelle que vous réaliserez sur les indemnités de 3 000 des 550 000 élus français… Vous avez forcément un autre dessein. Entendez-vous, en complément de l’intercommunalité, privilégier les régions ou les départements ?

En vérité, la confusion règne, chacun spéculant sur les intentions affichées, les tentations subliminales et les conséquences inattendues du bricolage proposé.

Finalement, que restera-t-il de tout cela ? Une remise en cause de la parité, à rebours du mouvement historique en faveur de l’égal accès des hommes et des femmes aux mandats électoraux en France…La suppression de la clause générale de compétence, dont on ne sait pas à cette heure si elle pourra simplifier quoi que ce soit, compromettra d’abord la dynamique des territoires…

Il faut réformer, mais sans casser. Il faut délester la France des frilosités qui la paralysent parfois, mais sans ignorer les mises en garde de ceux qui, à droite comme à gauche, plaident pour une organisation cohérente.

Alors, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, je vous le redis : il ne s’agit pas de transformer le mille-feuille administratif français en tarte à la crème, mais de travailler sérieusement, pour l’histoire, à une organisation cohérente, c’est-à-dire fonctionnelle, et démocratique, c’est-à-dire compréhensible par nos concitoyens.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste ainsi que sur plusieurs travées du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, à mon tour, je regrette que nos rappels au règlement n’aient pas rencontré un écho plus favorable au sein de cette assemblée. Nous nous retrouvons en effet dans une situation assez ubuesque où un amendement, devenu article additionnel, met en place un système électoral pour des élus dont le statut n’a pas encore été adopté !

L’article 1er du présent texte tend en effet à instituer une nouvelle catégorie d’élus, les conseillers territoriaux, qui doivent siéger tout à la fois au conseil général et au conseil régional, et se substituer aux conseillers généraux et régionaux. Ces femmes et ces hommes – ou plutôt ces hommes, car, au vu du mode de scrutin proposé, et malgré l’amendement présenté par M. About, la parité sera bien maltraitée – seront élus sur la base du premier mandat qui impose le cumul, mes chers collègues !

De surcroît, il n’y aura plus que 3 000 élus, contre 6 000 actuellement, pour piloter les dossiers d’aménagement et représenter la population de ces territoires. Vous m’objecterez qu’ils seront assistés de suppléants, ou de remplaçants, mais l’on ignore encore tout des missions et des compétences de ces derniers ! Là encore, une clarification s’impose. On peut néanmoins s’interroger légitimement sur la capacité de ces conseillers territoriaux à conserver un lien avec les territoires, leurs populations et leurs acteurs économiques.

Cumul des mandats, non-respect de la parité, difficile représentation des populations et de leurs territoires, surtout s’il s’agit de territoires ruraux ou de montagne, atteinte au pluralisme et à notre démocratie : je ne vois que des mauvaises réponses dans ce nouveau dispositif, qui prétend renforcer le couple département-région, mais qui s’apparente en réalité à une fusion-absorption à laquelle les départements ne survivront pas !

Associée à la réduction de la représentation des communes au sein des intercommunalités, à la disparition de la clause générale de compétence et au renforcement des pouvoirs des préfets, la création du conseiller territorial organise en réalité la destruction de notre République et de ses valeurs.

À l’instar des « citoyens de la modernité », rassemblés en comité, je prétends qu’être moderne aujourd’hui, c’est tout faire pour redonner le pouvoir aux citoyennes et aux citoyens. Or c’est tout le contraire que cette réforme met en œuvre ! Oui, la modernité passe par la réappropriation des valeurs et des institutions républicaines ! Il s’agit de redonner le pouvoir aux citoyennes et aux citoyens, depuis la commune, maillon fondamental de notre République, jusqu’à la nation, en passant par les départements comme niveaux structurants de l’aménagement du territoire et de la décentralisation, en phase avec les agglomérations communales, les régions et l’Europe !

Décembre 1789 a vu la naissance des communes et des départements, destinés à casser les provinces et à donner le pouvoir aux citoyennes et aux citoyens. Décembre 2009 voudrait casser les départements et les communes pour retirer le pouvoir aux citoyennes et aux citoyens et le donner aux préfets !

Je refuse, avec d’autres, cette trahison des valeurs de liberté, d’égalité, de laïcité et de solidarité, qui ont façonné notre pays depuis 1789, et de toutes les grandes avancées que nous avons connues jusqu’au Conseil national de la résistance ! Deux cent vingt et un ans après l’assemblée des trois ordres du Dauphiné qui, à Vizille, dans mon département de l’Isère, fit se lever le vent révolutionnaire en réclamant la convocation des états généraux, je vous appelle, mes chers collègues, à entrer en résistance face à ce coup d’État.

Cette réforme ne se discute pas, elle se combat ! C’est pourquoi je vous invite à voter contre l’article 1er.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le conseiller territorial constitue le plat de résistance de ce projet de loi de réforme des collectivités territoriales. Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, le reste s’apparente à de la garniture.

Je note que, cette semaine, les préfets ont reçu pour instruction de faire des interventions médiatiques dans chaque département pour présenter ce projet de loi, alors même que nous sommes en train d’en discuter…

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Ou plutôt le Troisième…

Le Président de la République a également indiqué très clairement que le résultat du référendum en Guyane et en Martinique préfigurait ce qui allait se passer demain en métropole.

Il s’agit en réalité d’un projet de loi sans père nommé. Nous avons eu la loi Defferre, l’excellente loi Chevènement, mais aucun ministre ne semble revendiquer la paternité de ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

M. Jacques Mézard. Après tout, le conseiller territorial est peut-être un enfant non reconnu : c’est à la mode, surtout lorsqu’il existe une suspicion de paternité du côté de l’Olympe !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Jean-Pierre Chevènement a rappelé, avec beaucoup de pertinence, les raisons de notre opposition à ce texte, en particulier à l’article 1er, l’organe essentiel de la réforme, greffé sur un texte dont les autres articles n’ont pas grand-chose à voir avec lui.

J’ai consulté par curiosité le site du ministère de l’intérieur : c’est toujours intéressant…

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat marque son approbation.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

On y explique, premièrement, que tous les rapports publics relatifs aux collectivités territoriales sont unanimes et convergent pour dire qu’il faut en finir avec l’empilement des structures et l’enchevêtrement des compétences.

Deuxièmement, on peut lire que ces chevauchements institutionnels ont un coût exorbitant, et qu’il convient de maîtriser la dépense publique locale ; en d’autres termes, les collectivités devront se serrer la ceinture !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Enfin, troisièmement, il est précisé que l’État local est lui-même engagé dans un processus de modernisation, à travers la RGPP, la révision générale des politiques publiques.

De son côté, la commission des lois justifie la création du conseiller territorial en prétendant, d’une part, qu’elle permettra d’améliorer la coordination entre les départements et les régions et, d’autre part, qu’elle constitue – avouez, monsieur le rapporteur, que le propos est quelque peu provocateur ! – « un signal positif lancé aux élus locaux, qui représentent avec un esprit de responsabilité remarquable les citoyens », et que ces conseillers territoriaux bénéficieront de « responsabilités plus larges ». Mais si ces élus sont si responsables et si efficaces, pourquoi vouloir en supprimer la moitié ?

Je rappelle au ministre de l’intérieur qu’il fut une époque où le président Giscard d’Estaing interdisait aux conseillers généraux de la majorité d’être candidats aux régionales.

Les motivations évoluent donc substantiellement.

Nous allons assister, avec la création du conseiller territorial, à un gigantesque charcutage, avec, à la clef, des découpages problématiques dans chaque département.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

M. Jacques Mézard. Vous prétendez que le débat en séance publique permettra d’améliorer le texte. En réalité, les événements de la semaine dernière nous ont montré que tout était déjà « bouclé ». Je vous rappelle en effet, mes chers collègues, qu’un amendement centriste relatif aux modalités du scrutin a été adopté, au motif qu’il posait un principe, tandis qu’un sous-amendement présenté, en réplique, par le groupe du RDSE, a été rejeté. Il n’y a donc pas de discussion possible sur les éléments essentiels du projet de loi.

Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Jacqueline Gourault, sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

J’ai toujours dit, dès le début des travaux de la commission présidée par M. Belot, que je n’étais pas opposée à l’idée même du conseiller territorial, et je maintiens cette position.

De même, j’ai toujours manifesté mon opposition au mode de scrutin proposé par le Gouvernement, et je continuerai de m’y opposer de toutes mes forces.

Naturellement, j’ai voté l’amendement présenté par notre groupe, qui pose un certain nombre de principes. J’espère toutefois très sincèrement – je me permets de le dire très gentiment au Gouvernement – que nous ne nous ferons pas avoir à la sortie !

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG – M. Jean-Pierre Michel applaudit vigoureusement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Je regrette le sort réservé aux amendements des autres groupes. J’ai bien entendu les protestations de mon collègue Jacques Mézard : pour une fois, l’amendement centriste a été adopté !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Mme Jacqueline Gourault. Tout amendement est recevable, quel que soit le groupe dont il émane.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, la création du conseiller territorial doit naturellement s’accompagner d’un mode de scrutin qui respecte les territoires. Il faut un mode de scrutin proportionnel pour garantir le pluralisme et la parité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Naturellement, la proportionnelle ne peut pas s’appliquer à trois conseillers territoriaux parce que, dans ce cas, il ne s’agit plus de proportionnelle.

Il faudra donc trouver un mode de scrutin équitable, sinon il sera impossible de voter la création du conseiller territorial car il y a, dans notre assemblée, une majorité pour s’opposer au mode de scrutin envisagé.

Applaudissements sur certaines travées de l ’ Union centriste et du RDSE, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

M. Hervé Maurey. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je répondrai, d’abord, à M. Sueur qui, dans son prêche, a donné des informations qui ne sont pas tout à fait exactes.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Monsieur Sueur, l’amendement que vous avez appelé « l’amendement About » a été déposé par l’ensemble du groupe de l’Union centriste, qui a été unanime sur ce point.

Par ailleurs, comme je l’ai déjà fait lors de mon explication de vote sur cet amendement, je rappelle que, loin de cautionner le système électoral proposé par le Gouvernement, il est au contraire l’expression de notre refus.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

En effet, le Gouvernement proposait non pas un mode de scrutin mixte, je le répète, mais un scrutin « alibi », …

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

… c'est-à-dire un scrutin uninominal à un tour destiné à instaurer le bipartisme dans notre pays, ce à quoi nous sommes tout à fait opposés.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Deuxième point, j’ai également été très étonné que M. Sueur se fasse l’écho des élus de terrain, lui qui, pas plus tard que jeudi soir, a proposé un amendement allant à l’encontre des attentes des élus, à savoir la généralisation du scrutin de liste dans les petites communes, sans aucune condition de seuil.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

C’est l’Association des maires ruraux qui l’a proposé !

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

M. Hervé Maurey. Monsieur Sueur, vous rencontrez peut-être l’Association des maires ruraux de France, mais ce genre d’amendement montre que vous ne rencontrez pas souvent des élus locaux.

Vives protestations sur les travées du groupe socialiste. – Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Ce n’est pas le point de vue de l’Association des maires ruraux !

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

J’en viens maintenant à la création du conseiller territorial. Cette création va, me semble-t-il, dans le bon sens, dans la mesure où elle permettra de renforcer la cohérence des politiques publiques entre le département et la région, sans pour autant affecter aucune de ces collectivités locales.

Toutefois, je regrette que nous soyons obligés de nous prononcer sur cette création sans avoir plus d’éléments sur le mode de scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

C’est la raison pour laquelle l’adoption de cet amendement, qui pose au moins des principes, est une bonne chose.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Néanmoins, un certain nombre d’inconnues demeurent et j’espère que le Gouvernement nous apportera, au moins à ce stade de la discussion, quelques éléments.

Le problème, c’est aussi la taille des cantons car, en milieu rural, ce qui compte, ce n’est pas tant le nombre d’habitants que la taille du canton et le nombre de ses communes. Des cantons qui compteraient, demain, cinquante ou soixante communes seraient trop importants.

Autre problème qui a déjà été évoqué, la tâche du conseiller territorial sera très importante et, par là même, certains conseillers territoriaux ne seront vraisemblablement plus en situation d’exercer une activité professionnelle, libérale ou salariée.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

On risque donc de se priver de certaines compétences et de n’avoir plus que des conseillers territoriaux qui seront soit des retraités, soit des professionnels de la politique, soit des fonctionnaires. Il est très important que des assurances nous soient données sur le statut de cet élu qui garantissent qu’il aura le temps d’exercer ses fonctions et d’être candidat aux élections.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

M. Hervé Maurey. Tels sont les points sur lesquels, je l’espère, le Gouvernement pourra, à ce stade, nous apporter quelques informations.

Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’examen de l’article 1er nous plonge au cœur de la réforme des collectivités territoriales, les conseillers territoriaux étant le corollaire de l’idée centrale de fusion des départements et des régions.

Si l’on peut comprendre la volonté de simplification des institutions locales, en revanche, il est illusoire de nous demander de croire aux bienfaits de la création d’un « super-élu » qui va en remplacer deux.

Comment le conseiller territorial va-il gagner en efficacité puisqu’il sera écartelé entre deux échelons aux fonctions très différentes ? Les régions, qui mettent en œuvre les politiques économiques sur leur territoire, et les départements, qui exercent une mission de solidarité sociale auprès de nos concitoyens, nécessitent deux types d’élus aux rôles bien distincts.

À ce stade de la réforme, puisqu’il n’est pas encore question de clarification des compétences, vous nous demandez, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, à l’aveuglette, de charger les épaules des élus locaux et de créer une confusion dans leurs missions.

Pourtant, vous le savez – je n’en doute pas –, tous ces hommes et toutes ces femmes qui ont choisi de s’investir localement ne ménagent pas leur temps. Demain, s’ils doivent siéger à la fois au conseil régional et au conseil général, ils seront moins disponibles pour se rendre dans les écoles, dans les maisons de retraite, dans les gymnases… N’oublions pas que les élus actuels, en particulier les conseillers généraux, font tout cela aussi en dehors des moments de prise de décisions au sein de leur organe délibérant.

Dès lors, quand j’entends que les élus coûtent cher – c’est un discours récurrent – et que, à ce titre, il en faudrait deux fois moins, je m’interroge sur la pertinence d’un tel argument. Est-ce du gaspillage d’avoir dans notre pays des élus qui prennent quotidiennement le pouls de nos concitoyens, qui les écoutent, qui répertorient leurs besoins et tentent de répondre à leurs difficultés ?

Ce qu’a fait, exceptionnellement, le Président de la République hier soir, en direct à la télévision, nos élus locaux le font tous les jours sur le terrain dans l’ombre et sans publicité. La proximité avec les Français est le ressort de leur mandat : elle doit le rester.

J’ajoute que cet argument économique ne tient que si les conseillers territoriaux arrivent à tout mener de front, leur mandat et leur profession. Or, nous pouvons déjà imaginer que leur double casquette institutionnelle obligera nombre d’entre eux à abandonner leur métier. Dans ces conditions, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, la mise en place du statut de l’élu sera incontournable. Ce statut aura forcément un coût financier. Par conséquent, les économies que vous escomptez devront nécessairement être réinvesties.

Confusion, fausses économies : ces deux raisons condamnent sur le fond l’article 1er. Mais la méthode avec laquelle le Gouvernement mène cette entreprise fait également débat, mes chers collègues.

Tout d’abord, il est regrettable que la mission Belot n’ait pas été entendue sur ce point. Elle a dit « non » au conseiller territorial. À l’instar de ce qui s’est passé lors de l’examen de la réforme de la taxe professionnelle, le Gouvernement fait encore la sourde oreille. Il avait réussi à faire taire les voix discordantes qui émanaient de sa propre majorité. Parce que « chat échaudé craint l’eau froide », les voix sont aujourd’hui devenues chuchotantes par prudence.

Mais nous savons bien ici que le consensus est fragile, à tel point qu’un compromis a brutalement surgi en fin de semaine dernière. L’amendement présenté jeudi soir par nos collègues centristes et adopté par la majorité, qui encadre le mode d’élection du conseiller territorial avant même sa création, transpire la négociation.

Sur la forme, il est tout de même étonnant de s’être entendus dire, lors de l’examen du projet de loi organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux, puis au début de l’examen du présent texte, que le mode de scrutin des conseillers territoriaux n’était pas à l’ordre du jour, pour finalement voir apparaître un amendement prétendument porteur de principes alors que – cessons l’hypocrisie – il pose clairement le débat sur le mode de scrutin.

Toutes ces discussions souterraines démontrent bien les limites du choix de l’éclatement en trois textes pour l’adoption d’un dispositif phare de la réforme des collectivités locales.

Mes chers collègues, vous l’aurez compris, la grande majorité du RDSE est défavorable à la création du conseiller territorial. Parce que cet article 1er va compliquer le paysage institutionnel local au lieu de le simplifier et parce qu’il prévoit une nouvelle catégorie d’élus dont le mode de scrutin comporte encore des incertitudes et même des risques d’affaiblissement de la démocratie locale, je demanderai tout à l’heure sa suppression. Bien sûr, l’espoir est mince, mais je me battrai jusqu’au bout, avec mes collègues, pour que l’organisation décentralisée de la République gagne en clarté et en efficacité.

Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et certaines travées du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, sur l'article.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Mirassou

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’article 1er a pour finalité de créer le conseiller territorial, figure emblématique, en minuscule, de ce projet de loi. Mais nous constatons que ce débat est, depuis le début, singulièrement placé sous le signe de la confusion.

J’ai eu l’occasion, lors de l’examen du projet de loi organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et régionaux, de dénoncer le fait que ce débat était comme un bateau ivre, sans véritable cap, sans capitaine, mais avec un équipage dont la composition – on l’a compris récemment – était variable, puisque, si certains veulent monter à bord, d’autres auraient l’intention de le quitter.

Si le cap n’est pas défini, en revanche, l’objectif est clair : il consiste – c’est ainsi que nous le percevons dans les rangs de l’opposition – à s’acheminer lentement mais sûrement vers la suppression des départements, à travers ce qui pourrait s’apparenter à une pièce en cinq actes.

Nous avons vécu le premier, c'est-à-dire la suppression de la taxe professionnelle, qui procède de l’étouffement financier des collectivités territoriales.

Le deuxième acte, c’était le projet de loi organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et régionaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Mirassou

Le troisième acte, c’est la création, voire la « sacralisation » du conseiller territorial. Plus on avance, plus on s’aperçoit que cette pièce vire au drame pour nos concitoyennes et nos concitoyens.

La véritable raison, qui est la moins « avouable », c’est que, au plus haut sommet de l’État, on ne supporte pas les contre-pouvoirs locaux. Ainsi, d’une manière un peu édulcorée, à travers des prouesses sémantiques, M. Copé fait état d’une « fusion-absorption » – c’est un nouveau concept – tandis que M. Balladur avait évoqué « l’évaporation » des conseils généraux et des conseils régionaux.

Pourtant, cela a été dit tout à l’heure, les Françaises et les Français n’ont jamais eu plus qu’aujourd'hui l’occasion de dire leur confiance dans leurs collectivités territoriales et leurs élus de proximité.

Dernièrement, lors des récentes perturbations climatiques, leur perception a à juste titre été renforcée par la présence sur le terrain d’un grand nombre d’élus locaux qui ont ainsi témoigné de leur disponibilité à l’égard de leurs administrés.

Mais au-delà, dans cette période de crise, les collectivités territoriales se sont comportées, eu égard au montant de leurs investissements, à la fois comme un moteur économique et – ce n’est pas la moindre des choses –, comme un amortisseur social sur lequel ont pu s’appuyer, grâce à la pertinence des services publics locaux, les plus démunis d’entre nous.

Vous avez donc embrassé une logique qui va à contre-courant de l’histoire, car le fameux conseiller territorial sera élu – ou désigné – dans des conditions plus que douteuses, puisqu’il y aura un mélange des genres : la négation de la parité, suraggravée par la négation de l’égalité des territoires en ce qui concerne tant le volet démographique que la réalité géographique.

Cet élu de plus, écartelé entre ses différents mandats et ses multiples compétences, à force de vouloir et de devoir être partout, finalement ne sera nulle part.

En votant contre cet article 1er et contre la création du conseiller territorial, nous voulons épargner à nos concitoyennes et à nos concitoyens une expérience sinistre qui ferait mal.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Claude Bérit-Débat, sur l'article.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, à la suite de Jean-Jacques Mirassou, je voudrais à mon tour dire tout le mal que m’inspirent cet article 1er et la création des conseillers territoriaux.

Je veux revenir sur la méthode employée, que j’ai qualifiée, la semaine dernière, de « saucissonnage » : ce projet de loi est en effet pris en étau entre un texte visant à supprimer la taxe professionnelle et, par voie de conséquence, comme cela vient d’être souligné, à asphyxier les collectivités territoriales, notamment, contrairement à ce que l’on pense, les intercommunalités, et différents projets de loi tendant à parachever la création des conseillers territoriaux, sans, pour autant, que soit connu leur mode d’élection.

L’examen du mode d’élection a en effet été repoussé à une date ultérieure, même si un amendement vise à esquisser, comme certains de mes collègues l’ont indiqué, le principe de ce mode de scrutin, donnant ainsi des assurances au groupe centriste notamment. D’ailleurs, deux de mes collègues se sont félicités tout à l'heure des avancées qu’ils y ont vues.

La méthode retenue est donc incompréhensible sur le plan du droit, sauf à considérer que le seul objectif qui sous-tend ce projet de loi est, comme cela vient d’être souligné, de prendre une revanche, de reconquérir le pouvoir des départements et des régions gérés par la gauche.

Au sujet du conseiller territorial lui-même, on peut s’interroger sur son efficacité, car il sera le représentant à la fois des départements et de la région.

Ainsi, en Dordogne, troisième département français par sa superficie, qui se trouve dans la région de l’Aquitaine, une région particulièrement importante sur le plan géographique, le conseiller territorial devra siéger au sein du conseil général – et ce département comprendra des cantons redécoupés – et du conseil régional. L’éloignement compliquera la situation et coupera le lien existant entre le citoyen et l’élu.

Ainsi, quelle sera la légitimité de ce conseiller territorial ? Quid du mode de scrutin proposé : un scrutin uninominal à un tour, permettant à un candidat d’être élu avec 25 % ou 30 % des voix – une première dans notre République ! –, mâtiné d’une dose de proportionnelle, 20 % des sièges étant attribués à la représentation proportionnelle. C’est ainsi que certains conseillers territoriaux seront élus – c’est, là encore, une première ! – grâce aux voix des battus !

Si, par exemple, dans des départements à faible densité de population, on élit quinze conseillers territoriaux, où sera l’égalité entre les citoyens eu égard à d’autres départements ou régions plus peuplés, telles les régions Rhône-Alpes ou Midi-Pyrénées ?

Par ailleurs, quel mode de fonctionnement retiendra-t-on ?

Les conseillers territoriaux seront conduits, au niveau de la région, à travailler sur des perspectives économiques, incluant notamment le développement économique, ou encore sur la formation, tandis qu’ils seront amenés à défendre, au niveau du département, les carrefours à sens giratoire installés dans leur commune ! Quelle vision l’emportera ?

Enfin, quelle sera l’égalité entre les citoyens ? Que dire de la parité ? Et quel sera le coût réel d’une telle réforme ? En divisant par deux le nombre des conseillers généraux et des conseillers régionaux, pourra-t-on vraiment diminuer le coût de fonctionnement de ces instances ?

À toutes ces questions, la réponse est « non ». C’est pourquoi je voterai donc contre l’article 1er de ce projet de loi et la création des conseillers territoriaux !

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

M. Roger Romani remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à M. Roland Povinelli, sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

On ne va pas recommencer la discussion générale ! Ce n’est pas possible !

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Povinelli

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mes propos seront empreints d’une certaine solennité.

Je me sens exclu – j’espère que ce n’est qu’une impression ! – du groupe socialiste auquel je suis très attaché. En effet, mes chers collègues, comme la plupart d’entre vous, j’ai regardé, hier soir, la magnifique prestation du Président de la République.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Povinelli

J’étais, comme vous toutes et tous, ému aux larmes ! Ce fut un discours lamartinien, empreint d’une détresse, d’un romantisme exacerbé ! Que dis-je, lamartinien ? C’était du Zola !

Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Povinelli

Rappelez-vous, mes chers collègues, la question posée à un retraité : « Mon brave, combien gagnez-vous ? » Lorsque celui-ci a répondu : « 400 euros, monsieur le président ! », on a tout de suite perçu dans le regard du Président de la République qu’il se demandait s’il s’agissait de 400 euros par jour !

Rires sur les travées du groupe socialiste. – M. Jean-Pierre Michel applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Povinelli

Il est tout de même assez paradoxal, pour ne pas dire scandaleux, que le Président de la République, qui fut maire de la commune de Neuilly-sur-Seine, explique que l’État, que je représente, réalise des économies en faveur des Françaises et des Français, en ne remplaçant qu’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite – même si on se plaint que les infirmières ou les policiers ne sont pas assez nombreux ! –, tandis que l’opposition n’a eu de cesse de recruter en 2009 des milliers et des milliers de fonctionnaires ! Je conseille au Président de la République de venir dans nos quartiers, dans nos villages, pour se rendre compte de la réalité du terrain.

Comme tant d’autres dans cet hémicycle, je suis maire. Or un maire est élu sur la base d’un programme qui doit répondre à l’attente des électrices et des électeurs !

À cet égard, je prendrai un exemple.

Une commune qui décide d’ouvrir une crèche accueillant cinquante enfants doit recruter vingt personnes ! De même, un gymnase ne fonctionne pas seul, pas plus qu’une piscine !

Exclamations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Povinelli

Il ne doit pas y avoir beaucoup de maires du côté droit de l’hémicycle !

Vives protestations sur les mêmes travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Povinelli

Si vous étiez des élus municipaux, vous ne pourriez pas voter cette réforme ! La vérité vous fait mal !

M. Jean-Pierre Michel applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Povinelli

Lorsque l’on est maire d’une commune, on ne recrute pas pour le plaisir ! On recrute pour faire fonctionner les équipements municipaux mis au service de la population ! Arrêtez de dire que nous sommes des dépensiers et que, vous, vous êtes des économes !

Protestations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Povinelli

Concernant l’action des conseillers territoriaux, je prendrai l’exemple de ceux qui siègeront à la fois dans un département que je connais bien, les Bouches-du-Rhône, et dans la région PACA.

Bravo ! sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Povinelli

Le matin, le conseiller territorial sera à Marseille et, l’après-midi, il sera à Briançon !

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Povinelli

Où sont les économies, en termes de carburant notamment ? Il parcourra 900 kilomètres aller-retour !

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Povinelli

M. Roland Povinelli. Et quand aura-t-il le temps de s’occuper de ses concitoyens, de les rencontrer sur les marchés, de tenir ses permanences ? Ce n’est pas possible !

Exclamations sarcastiques sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Povinelli

Je terminerai mon intervention en posant une question simple, qui, j’en suis persuadé, fera sans doute hurler mes collègues. Mais il faut bien qu’ils s’expriment …

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Povinelli

M. Roland Povinelli. Si la droite détenait aujourd'hui vingt des vingt-deux régions, on ne nous aurait pas présenté cette réforme !

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Brigitte Gonthier-Maurin applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Povinelli

La vérité, chers collègues, c’est que ce projet de loi, dont les Français se moquent complètement d’ailleurs

Protestations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Povinelli

… l’emploi, la sécurité, l’avenir de nos enfants !

Je dis à tous les élus présents ici : faites en sorte que cette réforme ne soit pas votée, parce que le Gouvernement fait fi des pétitions et des délibérations des conseils municipaux !

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Povinelli

M. Roland Povinelli. Et je lance un appel à tous les maires de France, aux présidents des conseils généraux et régionaux : fermons nos mairies, nos conseils généraux et régionaux

Vives protestations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Povinelli

M. Roland Povinelli. … pour que le pouvoir recule au bénéfice de nos populations !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – Brouhaha sur les travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à M. Yves Krattinger, sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Krattinger

Monsieur le ministre, je tiens à attirer votre attention sur un cas de figure qui se reproduira dans la plupart des régions de notre pays si vous parvenez à vos fins en créant vos fameux conseillers territoriaux !

Debut de section - Permalien
Un sénateur socialiste

Fameux, fameux…

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Krattinger

Dans une assemblée régionale que la droite aura enfin gagnée, …

Debut de section - Permalien
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste

Mais non !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Krattinger

… il y aura des représentants de chacun des départements, lesquels n’auront pas tous, je l’espère, été remportés par la droite !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Krattinger

Ce président, ou cette présidente, de droite fera voter son budget par sa majorité, formée d’élus de droite, ce qui tombe sous le sens. Toutefois, les représentants de tous les départements qui constituent la région, notamment ceux dont la majorité aurait une couleur politique autre que celle de l’UMP, ne seront pas forcément en accord avec le contenu du budget. Avec qui le président négociera-t-il ? Dans le débat régional, respectera-t-il ces exécutifs légitimement élus ? Qui informera-t-il en priorité dans ces départements dont l’exécutif n’appartiendrait pas à la même majorité que la sienne ?

Debut de section - Permalien
Un sénateur du groupe socialiste

Eh oui !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

M. Alain Gournac. Pour construire les piscines et les crèches ?

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Krattinger

Les exécutifs en place, pour respecter la démocratie, et donc les citoyens ? Ou dialoguera-t-il avec les minorités ?

Monsieur le ministre, cette question est essentielle pour le bon fonctionnement de nos institutions. Vous prétendez donner plus de souplesse, d’efficacité, de légitimité à ces élus. Je crains que cette réforme ne conduise à des jeux très subtils dans des assemblées bien byzantines ! Nous éprouvons de réelles craintes, que vous n’êtes pas parvenu à apaiser.

Par ailleurs, au-delà de ces nombreuses contradictions, se pose aussi la problématique de la tutelle d’une collectivité sur une autre.

Très bien ! sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Krattinger

Si, demain, M. Mercier est élu président de la région Rhône-Alpes

Non ! sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Krattinger

Y aura-t-il, oui ou non, tutelle d’une collectivité sur une autre ? La question est toute simple ! Mais je puis en poser d’autres. Allez-vous introduire, et ce en contradiction avec la Constitution, la tutelle d’une collectivité sur une autre ?

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Krattinger

M. Yves Krattinger. Avec cette réforme, les majorités départementales seront-elles respectées ? Vous savez bien qu’elles le seront de temps en temps, lorsqu’il s’agira, de part et d’autre, d’élus républicains, ouverts ! Mais tel ne sera pas toujours le cas, et cela posera inévitablement des problèmes importants. Monsieur le ministre, que va-t-il se passer ?

Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Botrel

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’article 1er du texte qui nous est présenté aujourd’hui n’est pas sans soulever certaines questions qui ont d’ailleurs été largement évoquées.

La première est liée à la cohérence du mandat.

Le conseiller territorial sera un élu schizophrène à la double mission, régionale et départementale. Quel sera son point d’ancrage ? Privilégiera-t-il sa dimension régionale ou sa vocation départementale ? Aujourd’hui, on sait que ces deux échelons de collectivités seront déstabilisés ; or ce n’est l’intérêt de personne !

La création du conseiller territorial vise à supprimer la moitié des conseillers généraux et régionaux. C’est faire fi de leurs rôles respectifs et de leurs différences fondamentales. Ces deux collectivités n’ont pas les mêmes compétences. Ce projet de loi vise à mettre en place un couple artificiel. Au regard de l’efficacité et de la réalité quotidienne des citoyens et des territoires, c’est un contresens et un profond manque de rigueur dans l’analyse.

En effet, alors que l’État transfère de plus en plus de compétences et de tâches contraignantes aux régions et aux départements, on réduirait en même temps les acteurs en diminuant le nombre des élus ? Veut-on jeter la confusion en ne permettant pas à ces derniers de maîtriser suffisamment leurs dossiers ? Le conseiller territorial, qui ne pourra être qu’un professionnel de la politique, sera, par définition, éloigné du quotidien, voire de la population et de ses problèmes. Il sera dépourvu d’ancrage territorial réel et ne saura pas bien s’il doit privilégier l’échelon régional ou l’échelon local. Or la proximité est fondamentale et le rapport aux citoyens nécessaire. Nos élus territoriaux doivent rester des élus de terrain, surtout dans la période que nous vivons.

Ensuite, la dilution des départements est en germe. L’objectif poursuivi devient clair : il s’agit, à terme, de leur disparition progressive.

Quant à la région, qui n’a ni les mêmes fonctions, ni les mêmes enjeux que le département, mais qui doit offrir à celui-ci une vision stratégique complémentaire, sera-t-elle en mesure, face à la recentralisation annoncée, prévisible, de jouer le rôle que lui ont attribué les lois de décentralisation ? Quoi qu’il en soit, le conseiller territorial modifiera de manière profonde l’action de nos collectivités et la manière d’aborder le lien territorial.

Ce texte présente bien d’autres incertitudes et, parmi celles-ci, le mode de scrutin n’est pas le moindre des sujets de préoccupation ! On évoque un scrutin mixte aux contours incertains et à un tour ! La combinaison d’un scrutin uninominal à un tour, qui est parfaitement incohérent, contraire à nos traditions, et qui ne s’inscrit pas dans notre vision républicaine de la société, et d’un scrutin proportionnel dans les départements en fonction de la taille des circonscriptions, institutionnaliserait une inégalité flagrante entre les départements.

Le citoyen risque d’être perdu au vu de la nouvelle organisation et plus encore décontenancé par ce mode de scrutin qui lui semblera incompréhensible et, pour tout dire, illisible. Le conseiller territorial portera en lui les germes de la confusion !

Ce texte signe la fin d’une époque qui a débuté avec la loi de décentralisation de 1982 et qui a connu plusieurs lois par la suite. Le conseiller territorial ne présage rien de bon, ni pour nos territoires, ni pour nos concitoyens, ni pour l’action publique. C’est un recul historique de la démocratie territoriale !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

M. le président. La parole est à M. Claude Jeannerot, sur l’article.

Protestations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Le règlement permet à un orateur de s’inscrire à tout moment !

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Jeannerot

Monsieur le président, je peux comprendre la réaction de mes collègues, car, lors de l’examen de la motion référendaire, je suis déjà intervenu assez longuement sur cette question du conseiller territorial.

Mais il est d’autant plus nécessaire d’y revenir, monsieur le ministre, que vous en avez fait le cœur de votre réforme. Par conséquent, il faut marteler les arguments qui, tous, convergent vers une analyse unique.

Après tout, monsieur le ministre, où sont la simplification, la clarification ? Nous les cherchons vainement... Mais revenons aux leitmotive de votre démarche.

Au moment même où, dans la loi, vous posez le principe du retrait de la clause générale de compétence, n’était-il pas nécessaire, élémentaire même, de revisiter d’abord les compétences des collectivités ? Étrange logique que celle qui consiste à remettre à plus tard ce qui devrait constituer le fondement de vos choix !

Simplification, clarification, dites-vous. Je crois, au contraire, que vous allez institutionnaliser la confusion ; mes collègues l’ont dit éloquemment. Vous allez immanquablement rétrécir les régions sur des logiques « cantonalistes », alors qu’elles devraient aujourd’hui développer des logiques stratégiques.

En même temps, monsieur le ministre, vous qui connaissez pourtant la réalité départementale, vous allez éloigner les élus départementaux de ce qui fait la spécificité de leur collectivité, à savoir cette proximité qui leur permet de construire des solidarités non seulement sociales, mais aussi territoriales.

Pour illustrer mon propos, permettez-moi de prendre en exemple mon département.

Sur les trente-cinq cantons qu’il compte, dix-sept, soit quasiment la moitié, ont une superficie trois fois plus grande que le département des Hauts-de-Seine. C’est une proportion parlante ! Comment assurer, demain, une vraie proximité ? Sauf à considérer la France à l’aune de Neuilly-sur-Seine, où sont – je vous le demande ! – la simplification, la clarification ?

Voilà quelques jours, monsieur le ministre, j’ai tenu dans mon département une conférence de presse pour sensibiliser l’opinion aux risques de cette réforme. J’étais entouré non seulement de tous les membres de ma majorité, mais aussi de la majorité des membres de mon opposition ainsi que du président de l’Association des maires ruraux du Doubs, que vous connaissez, et de la présidente de l’Association des maires de mon département. Monsieur le ministre, cette quasi-unanimité devrait vraiment vous troubler !

En résumé, je reprends à mon compte cette phrase que j’ai relevée voilà quelques jours dans Le Monde : « En reportant à plus tard la réflexion sur la répartition des compétences des uns et des autres – qui devrait être le socle de l’ensemble –, le Gouvernement a signifié à tout le monde qu’il se soucie comme d’une guigne du fond de la réforme et de sa cohérence. » Singulier manque de hauteur de vues pour qui prétend inventer la France du XXIe siècle !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Miquel

M. Gérard Miquel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette réforme est un contresens historique.

La voix de l’orateur est couverte par le brouhaha des conversations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Piras

Un peu de silence ! Cela ne vous intéresse pas ?

Debut de section - PermalienPhoto de René-Pierre Signé

Ils n’ont qu’à s’inscrire, s’ils veulent parler !

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Miquel

M. Gérard Miquel. Mes chers collègues de la majorité, le temps vous semble long et vous trouvez que nous intervenons souvent. Mais si vous croyez très fort à cette réforme, inscrivez-vous et défendez-la !

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Ils ne le veulent pas, car cette réforme leur fait honte !

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Miquel

Cette réforme est un contresens historique car, après trois décennies de décentralisation, vous vous apprêtez à mettre à mal tous les efforts que nous avons accomplis au service de nos concitoyens dans toutes nos collectivités. Monsieur le ministre, ayez le courage de dire la vérité !

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Miquel

Quelle est la vérité ? Vous voulez que s’évaporent les communes dans les communautés de communes et les métropoles, ce que prévoyait le texte initial, et les conseils généraux dans les régions !

Cette suppression des conseils généraux dont on parle…

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Miquel

… viendra probablement très vite, car vous les aurez asphyxiés financièrement.

Mais, monsieur le ministre, pour le plan de relance, vous avez été très satisfait de trouver aux côtés du Gouvernement les collectivités, qui ont fait des efforts d’investissement considérables. Les départements, notamment, ont consenti de nombreux efforts.

Nous allons détruire un lieu de solidarité sociale et territoriale indispensable à nos concitoyens, ce lieu où nous faisons aujourd’hui la péréquation en direction des zones les plus reculées de nos territoires, des petites communes, des petits territoires à faible densité de population.

Cette réforme, si elle était adoptée, marquerait un recul de la démocratie de proximité, à laquelle les Français sont très attachés, vous le savez, et éloignerait l’élu du citoyen. De nombreux orateurs, y compris ceux qui m’ont précédé, ont mentionné tous les dégâts qu’engendrerait votre réforme dans la représentativité des territoires ruraux.

Cette réforme vise aussi à brouiller l’image de deux assemblées qui ont pourtant des compétences très différentes, cela pour mieux justifier leur fusion. Nous serons dans l’impossibilité de faire fonctionner les régions.

La région Midi-Pyrénées, qui compte huit départements, est plus grande que la Belgique. Nous aurions une assemblée composée de cent quatre-vingts, voire deux cents élus conseillers territoriaux. Ils auront en même temps la charge des conseils généraux. Croyez-moi, cela ne durera pas très longtemps. Au bout du compte, j’en suis convaincu, les conseils généraux disparaîtront.

Qui aura le pouvoir ? Ces élus seront peu nombreux dans certains départements. C’est la technostructure régionale qui reprendra la main, comme le faisait la technostructure nationale avant la décentralisation qu’elle n’a jamais acceptée !

Nous aurions été mieux inspirés de faire le bilan de cette décentralisation et de voir où nous en étions de l’exercice des diverses compétences. En effet, il existe deux catégories de compétences. M. Michel Mercier connaît bien ce sujet, puisqu’il est président d’un conseil général.

Monsieur le ministre, vous savez bien que nous avons des compétences de plein exercice : les routes, les collèges, les transports scolaires. Pour celles-là, nous décidons, en fonction de nos moyens, de réaliser des investissements, de mettre en place des services.

Mais nous avons d’autres compétences pour lesquelles nous ne maîtrisons rien, par exemple les compétences sociales. En effet, le tarif des prestations telles que le revenu minimum d’insertion, l’allocation personnalisée d’autonomie ou encore l’allocation de parent isolé est fixé à l’échelon national. D’ailleurs, c’est heureux ; sinon nous aurions une France à deux vitesses ! Mais les conseils généraux paient.

Au Sénat, nous serions sans doute bien placés pour voter une loi imposant à l’État une compensation à l’euro près pour toutes les compétences transférées quand les décisions tarifaires se prennent à l’échelon national. On nous avait dit que cela se ferait, mais nous en sommes très loin ! Tous les présidents de conseil général et tous les conseillers généraux le savent bien !

S’agissant des sapeurs-pompiers, par exemple, une négociation est en cours au plus haut niveau. Sera bientôt créé, m’a-t-on dit, le grade de général de sapeurs-pompiers.

Exclamations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Miquel

Certes, c’est une avancée que l’on peut saluer. Mais, lorsque les sapeurs-pompiers négocient un certain nombre d’avantages, souvent mérités, la décision est prise à l’échelon national. Et qui paie ? Les conseils généraux ! Dans ces deux catégories de compétences, nous devons faire le ménage et nous y sommes prêts.

Monsieur le ministre, vous qui gérez un département important dans notre pays et qui connaissez bien les collectivités territoriales, je ne voudrais pas, parce que vous avez porté ce projet et fait adopter la loi, que vous soyez considéré, à l’avenir, comme le fossoyeur de la décentralisation.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à M. Yannick Bodin, sur l’article. (Plusieurs sénateurs de l’UMP quittent l’hémicycle.)

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Bodin

M. Yannick Bodin. Monsieur le président, dois-je intervenir tout de suite ou attendre le départ – ou le retour – du groupe UMP ?

Sourires sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Bodin

Restez donc, mes chers collègues ! On parle de l’avenir de la France, cela peut vous intéresser !

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ces derniers jours, et plus particulièrement cet après-midi, nous avons quelque peu le sentiment, il faut bien l’avouer, d’assister à un débat surréaliste.

En fin de compte, la question qui nous est posée par le Gouvernement sur ce sujet est très simple : êtes-vous favorables à la création du conseiller territorial ? Chacun se demande alors, de façon tout à fait légitime : qu’est-ce qu’un conseiller territorial ? Le Gouvernement nous répond : votez, et on vous le dira après !

Nous avons alors échafaudé toute une série d’hypothèses, à propos desquelles le Gouvernement, jusqu’à présent, ne nous a absolument pas tranquillisés.

Monsieur le ministre, on aurait pu penser, puisque vous avez daigné – j’insiste sur ce mot – répondre à M. About, ce que vous n’avez pas eu l’obligeance de faire pour l’opposition, que nous en saurions un peu plus sur le mode de scrutin. Mais nous avons simplement appris que les conseillers territoriaux seraient élus dans des « super cantons », au scrutin uninominal, qu’il y aurait une dose de proportionnelle et qu’il serait tenu compte de la parité. Aucune réponse précise et concrète n’a été apportée !

J’en veux pour preuve les propos des intervenants appartenant au même groupe que M. About : ils ont rappelé leur inquiétude sur cette question – n’est-ce pas, madame Gourault ? §en se demandant si les engagements – mais lesquels ?– seraient tenus.

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Bodin

M. About, quant à lui, a l’air tranquillisé ! Je l’ai aperçu hier soir sur France 3 Paris-Île-de-France, embarquant sur la péniche de Mme Pécresse, à qui il a fait la bise avant de partir vers les élections régionales.

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Bodin

Voilà au moins un homme heureux ! Sans doute a-t-il les réponses que vous n’avez pas ! Je suis sûr que même M. Maurey ne les a pas non plus, ce qui est tout de même bien dommage !

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Bodin

Dans ces conditions, vous comprendrez, monsieur le ministre, que nous soyons, pour notre part, un peu plus inquiets.

J’évoquerai également un autre aspect, qui a déjà été abordé, puisque nous en sommes réduits aux hypothèses et aux supputations.

Hier soir – il convient d’insister sur ce point –, le Président de la République n’a abordé qu’à une seule occasion cette réforme, et durant vingt secondes seulement, bien qu’il la considère, paraît-il, comme très importante. Il s’est félicité du résultat du référendum organisé à la Martinique et à la Guyane, affirmant au passage – chacun l’a noté – que cela préfigurait la réforme territoriale qu’il proposait. Nous nous dirigeons donc vers une assemblée unique !

Devinez, mes chers collègues, entre le conseil général et le conseil régional, quelle structure sera amenée à disparaître, dans l’esprit de M. Sarkozy ? Je suppose que ce sera plutôt le département ! Si seulement il s’agissait de mettre en place une nouvelle structure régionale forte, dans le cadre de l’Europe et du monde ! Au contraire, vous voulez l’affaiblir : ses capacités financières seront amoindries, car elle subira de plein fouet le contrecoup de la réforme sur le plan fiscal ; ses compétences seront remises en cause ; enfin, la tutelle de l’État sera renforcée !

Franchement, si telle est la fonction dévolue aux conseillers territoriaux, mieux eût valu qu’elle n’existât point !

Nous avons consacré dans la Constitution, voilà quelques années, le principe selon lequel la France est une République décentralisée. Aujourd’hui, nous assistons à une entreprise de recentralisation. La situation étant parfaitement claire, il est inutile de recourir à des termes compliqués : le projet que vous nous présentez est, tout simplement, antirépublicain. À ce titre, nous ne pouvons l’accepter !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à Mme Christiane Demontès, sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à mon tour, j’exprimerai les plus vives réserves sur ce projet de loi, s’agissant notamment de la création du conseiller territorial. Cela a été dit, c’est un mauvais coup porté non seulement à la décentralisation, mais aussi à l’ensemble des collectivités territoriales – communes, départements et régions –, et à la parité.

J’évoquerai tout d’abord la décentralisation.

Monsieur le ministre, comment penser une seconde que l’élection du conseiller territorial permettra la poursuite d’un fonctionnement régional en faveur de l’aménagement du territoire, du développement économique, des transports et de la formation professionnelle initiale et continue ?

Comment penser une seconde que l’élection du conseiller territorial permettra la poursuite d’un fonctionnement départemental – que vous connaissez bien, monsieur le ministre – au service des solidarités et de la protection maternelle, infantile et de la jeunesse, laquelle, nous le savons bien, a particulièrement besoin d’être protégée ?

Tous ces sujets font l’objet du processus de décentralisation engagé au cours de ces trente dernières années, qui vise à rapprocher le pouvoir du citoyen. Comment le conseiller territorial, écartelé entre le conseil régional et le conseil général, lesquels, comme je viens de le rappeler, ont des compétences essentielles pour la vie quotidienne de nos concitoyens, pourra-t-il traiter en connaissance de cause tous les domaines que je viens d’évoquer et trouver, en outre, le temps indispensable pour aller à la rencontre de nos concitoyens ?

Ce texte porte également un mauvais coup aux régions, sous prétexte que celles-ci sont, dans la grande majorité des cas, gouvernées par des majorités de gauche. Comment ne pas y voir la volonté cachée de porter tort au travail accompli depuis plusieurs années par les conseils régionaux, et ce pour des raisons strictement électoralistes ? Ceux-ci se sont investis dans leurs compétences sans arrière-pensée, qu’il s’agisse des transports régionaux ou de la formation professionnelle initiale et continue, pour ne citer que deux compétences essentielles transférées par le législateur.

Comment ne pas penser que les régions deviendront des fédérations de cantons, perdant ainsi leur capacité à penser globalement ?

Cela a déjà été dit, ce projet de loi porte en outre un mauvais coup à la parité, c'est-à-dire à la démocratie. Un pas de géant avait été franchi en 1999 avec l’inscription dans la Constitution d’une nécessaire parité dans les scrutins électoraux, tout particulièrement pour les élections municipales, régionales, sénatoriales et, dans un certain nombre de départements, cantonales.

La parité – je défie quiconque de me prouver le contraire – apporte par ailleurs une approche politique élargie, celle que nos concitoyens attendent.

Monsieur le ministre, pour ces trois raisons, la création du conseiller territorial relève pour le moins de l’improvisation, au pire – j’ose à peine y songer ! – d’une attaque en règle contre les collectivités territoriales, lesquelles, face au Gouvernement, constituent aujourd’hui de véritables contre-pouvoirs.

Le conseiller territorial, qui fait l’objet de l’article 1er de ce projet de loi, est le chiffon rouge de l’ensemble du texte. Il faut donc, mes chers collègues, voter dès maintenant contre cet article, c'est-à-dire, symboliquement, contre la création du conseiller territorial.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Mauroy

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’ai bien souvent eu l’occasion, au cours de ces vingt dernières années, de faire connaître mes idées, celles de mes amis et du parti auquel j’appartiens.

Bien souvent, nous avons été, vous dans la majorité et nous dans l’opposition, sur des positions différentes mais qui étaient clairement définies. Nous savions exactement où nous voulions aller de même que vous saviez jusqu’où nous pourrions aller et où nous ne voulions pas aller…

Cet article, comme le titre même de conseiller territorial, est, cela vient d’être dit, un chiffon rouge, mais aussi un marqueur. En effet, il est évident que vous ne voulez pas avancer. Au fond, vous voulez à peine discuter, vos idées étant arrêtées. Pour notre part, nous avons également quelques idées arrêtées, mais ce sont celles que nous avons portées, avec beaucoup d’entre vous, pendant plus de vingt ans : elles portent sur la décentralisation et les grands changements opérés dans la République. Aujourd’hui, on a l’impression que vous ne voulez plus poursuivre dans ce sens !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Mauroy

Finalement, c’est cela qui importe ! À cet égard, je regrette que certains de nos collègues soient partis. N’ayant pas pressenti que nous sommes sans doute à un moment crucial, à la fois pour les collectivités territoriales, les élus et la République, il leur devient insupportable de nous écouter !

Mêmes mouvements.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Mauroy

Dans ces conditions, mes chers collègues, je n’ai pas envie d’entrer dans les détails, de revenir sur tel ou tel point, parfaitement explicité par mes collègues, d’autant que je me suis exprimé bien souvent, parmi vous, mais aussi dans la presse. Tout simplement, je fais le constat que vous ne voulez pas avancer, que ce que vous acceptez n’émane pas de cette enceinte ni même de l’Assemblée nationale.

J’ai connu la même situation au sein du comité Balladur ! Durant un mois, nous avons pu penser que notre travail pourrait déboucher sur quelques résultats. Ensuite sont venues des instructions, dont vous pouvez certainement, mes chers collègues, deviner la provenance !

Protestations sur les travées de l ’ UMP. – Rires sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Mauroy

Or, sur ce sujet, capital puisqu’il met en cause la République, les élus et les territoires, vous ne voulez rien entendre ! Dans ces conditions, c’est le peuple qui se prononcera ! Et j’appelle tous les élus, tous ceux qui ont voulu la décentralisation, à se rassembler lors des élections régionales pour vous faire savoir, au-delà de nous, ce qu’en pensent les Français.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Mauroy

C’est cela, l’État ! Puisque l’arbitrage n’est pas possible dans cette assemblée, eh bien, c’est le peuple qui décidera s’il veut continuer la décentralisation, s’il veut continuer à respecter les élus, les territoires et s’il veut continuer à préparer l’avenir, non pas avec cet OVNI qu’est le conseiller territorial dont on ne sait même pas selon quel mode de scrutin il sera élu, dont on ne sait pas davantage sur quel territoire il exercera ses compétences – lesquelles ne sont d'ailleurs pas précisément définies –, dont on ne sait rien, …

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Mauroy

M. Pierre Mauroy. … sinon votre détermination à le créer ! Nous n’en voulons pas et nous le dirons au cours d’une campagne menée avec les élus, dans les territoires, auprès du peuple ! Car ce rassemblement aura lieu lors des élections régionales !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à Mme Bernadette Bourzai, sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Bourzai

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’idée de créer le mandat de conseiller territorial illustre parfaitement, de mon point de vue, l’incompréhension profonde du Gouvernement à l’égard des défis qui se posent quotidiennement à notre pays et à nos concitoyens.

Ces défis renvoient à des valeurs : la démocratie, la parité, l’égalité, l’efficacité de l’action publique, la décentralisation et la crédibilité institutionnelle de l’État. Pour chacune de ces valeurs, la création du mandat de conseiller territorial marquera un net recul et l’annonce de la casse de la démocratie locale.

Certes, aucun système électoral n’est parfait mais la coexistence actuelle des scrutins départementaux et régionaux permet d’assurer la proximité de l’élu et des citoyens, pour le scrutin départemental, et de représenter les différents courants politiques, pour le scrutin régional.

Or, d’après ce que nous comprenons de vos intentions, sous réserve d’une meilleure connaissance de la négociation menée sur l’amendement du groupe de l’Union centriste, et dont il aurait fallu discuter avant de nous proposer la création du conseiller territorial, vous voulez faire disparaître le scrutin à la proportionnelle, qui est le mieux à même de garantir la parité, et faire élire les conseillers territoriaux sur la base de cantons élargis.

Outre le fait que le conseiller territorial sera, par définition, un cumulard puisqu’il aura à siéger dans deux assemblées différentes et à voter deux budgets, cette création portera un coup très sévère à la proximité. Il n’y a donc rien à gagner à échanger deux modes de scrutins complémentaires et lisibles contre un mode de scrutin que vous avez choisi d'ailleurs de ne pas présenter en même temps que la création du nouveau mandat.

J’ai même compris qu’il s’agirait d’utiliser le prétexte de l’introduction d’une dose de proportionnelle pour faire siéger des candidats auxquels il manquerait des voix, c’est-à-dire des « battus-élus » ou des « élus-battus » – choisissez l’ordre que vous préférez ! Après les « reçus-collés » de l’histoire des études universitaires, nous aurons désormais des « battus-élus » ! Quelle étrange tournure d’esprit il nous faudrait pour soutenir une telle proposition qui, par ailleurs, affaiblit considérablement la parité !

Là encore, les propositions de rafistolages que l’on a pu entendre, loin d’améliorer la situation, l’aggravent.

M. le secrétaire d’État avait évoqué la possibilité que les suppléantes – car c’est le cas le plus fréquent depuis la pseudo-parité instaurée pour les élections cantonales – puissent siéger dans des conseils d’administration à la place des titulaires. C’est une idée curieuse : quand on détient un mandat, c’est pour l’exercer soi-même, et pleinement. Du moins est-ce ma conception.

Cette proposition constitue une reconnaissance du fait que le conseiller territorial, dépourvu, en l’occurrence, du statut d’élu, n’aura pas le temps d’assumer son double mandat de conseiller général et de conseiller régional, sauf à être doté du don d’ubiquité, à ma connaissance peu répandu.

Cette proposition visait donc à donner un peu de consistance à la suppléance. Pourquoi ? Tout simplement pour tenter de faire croire que, dès lors qu’il y a parité entre titulaire et suppléant, il y aurait parité tout court. Avoir une grande majorité d’élus masculins et une grande majorité de suppléantes, ce serait cela, la parité ! En fait, c’est le machisme institutionnalisé !

Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Bourzai

Par ailleurs, votre projet porte aussi atteinte à l’égalité du suffrage. Avec le cumul, la charge de travail de représentation de l’élu va doubler. Savez-vous combien il y a de délégations ou de représentations officielles à pourvoir dans une assemblée locale ? Pas moins de 250 pour le conseil général de Corrèze et plus de 300 pour le conseil régional du Limousin, sans compter les invitations quotidiennes !

Comment voulez-vous que des élus puissent, entre Marseille et Briançon, par exemple, être présents dans les conseils d’administration et dans tous les lieux où la représentation des collectivités est indispensable à la vie quotidienne des citoyens ? Pour avoir pratiqué l’exercice pendant sept ans, je peux vous dire que je ne souhaite cela à personne, pas même à mon pire ennemi politique ! En effet, on n’a ni le temps ni le recul nécessaires pour assumer des compétences qui relèvent effectivement de la vie quotidienne de nos concitoyens.

C’est la raison pour laquelle je voterai contre cet article 1er, qui vise à créer le conseiller territorial.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à M. Gérard Longuet, pour un rappel au règlement. (Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la démocratie parlementaire, est naturellement l’occasion d’examiner le fond des textes qui nous sont soumis dans le cadre de notre travail de législateur.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Mais c’est également le respect de la forme. C’est en effet la forme qui permet à une assemblée de travailler.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

M. Gérard Longuet. Or, à cet instant, nous observons un mépris affiché des décisions prises collectivement en conférence des présidents.

Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste. – Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

En revenant, par des demandes de parole incessantes, sur une décision prise en commun lors de la conférence des présidents…

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

C’est un scandale que d’entendre cela !

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

…– où, chers collègues du groupe socialiste, vous êtes représentés par l’un des vôtres de grand talent –, vous méconnaissez les conséquences des décisions auxquelles vous avez accepté de participer. En réorganisant une discussion générale sur chacun des articles, …

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

…vous faites preuve d’une attitude totalement désinvolte au regard des décisions collectives prises en conférence des présidents pour conduire ce débat !

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

C’est une honte d’entendre cela ! Voilà la démocratie ! Voilà comment on va bâillonner les collectivités territoriales !

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Nous ne voyons aucun inconvénient à approfondir ce débat sur le conseiller territorial. Mais j’imaginais que les centaines d’amendements que vous avez déposés sur ce texte vous donneraient l’occasion d’intervenir sur le fond.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

M. Gérard Longuet. Pourtant, manifestement, ce temps ne vous suffit pas. À travers cette attitude, vous apportez de l’eau au moulin de ceux qui trouvent le règlement du Sénat trop libéral – ce qui n’est pas mon cas, je suis très libéral de conviction et de pratique – et vous travaillez contre l’esprit de respect mutuel qui caractérise notre vie parlementaire !

Bravo ! et applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP. – Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur Longuet, vous qui êtes président du groupe de l’UMP, vous me paraissez très mal placé pour nous faire la leçon !

Protestations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. N’a-t-elle pas voté un amendement de M. About, venu se faire féliciter du marchandage qui lui a permis de figurer sur une liste UMP aux élections régionales ?

Protestations sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste. – Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas About

M. Nicolas About. Moi aussi, on veut me bâillonner !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Je vous adresse donc mes félicitations, monsieur About !

La majorité a voté, avec la complicité du Gouvernement, un amendement permettant de passer outre la discussion sur les conseillers territoriaux. La même majorité avait pourtant, toujours avec le soutien du Gouvernement, refusé tout article additionnel avant l’article 1er posant des principes relatifs au mode de scrutin des conseillers territoriaux.

Mme Dominique Voynet applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Et voilà que M. Longuet nous fait la leçon le jour même où le Conseil d’État vient de faire droit au recours de notre groupe contre une décision de la majorité qui avait autorisé la suppression de la publicité à la télévision publique avant même le vote du Parlement !

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Franchement, c’est une honte, c’est un scandale ! Nous continuerons à exercer nos droits de parlementaires avec toutes les possibilités dont nous disposons encore …

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. …pour défendre la démocratie parlementaire que vous bafouez tous les jours !

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste. – Protestations sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour un rappel au règlement. (Exclamations sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les choses sont claires : notre groupe a déposé 125 amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Mes chers collègues, nous entendons mener ce débat de manière extrêmement sérieuse parce que c’est un sujet important.

De quoi s’agit-il dans cet article 1er ?

Marques d’exaspération sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Si nos collègues, sur ces travées, souhaitent s’exprimer, c’est parce que le sujet est important, essentiel, vital même ! Et nous nous conformons au règlement qui permet à chaque membre de cette assemblée de s’exprimer sur l’article pendant la durée prévue.

Alors que nous sommes nombreux à vouloir nous exprimer sur l’avenir des départements et des régions, il nous paraît bizarre de remarquer, monsieur Longuet, un certain mutisme sur les travées de la majorité. Mais c’est votre droit, et nous le respectons.

Quant à nous, nous appliquons scrupuleusement le règlement de manière à dire ce que nous portons dans notre cœur ! C’est ainsi que vous avez entendu Pierre Mauroy s’exprimer sur les départements, les régions et l’avenir de la décentralisation.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Je demande la parole pour un rappel au règlement. (Protestations sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.)

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Monsieur Fortassin, vous êtes déjà inscrit sur l’article 1er. Vous avez le droit de demander à faire un rappel au règlement, mais j’aimerais savoir sur quel article il porte.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Oui, sur l’ensemble.

Même si la majorité pousse des cris de rosière effarouchée

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

M. François Fortassin. … la situation devrait plutôt les attrister : pour avoir discuté avec plusieurs d’entre eux, je peux dire que je n’ai pas trouvé 10 % de nos collègues de la majorité pour défendre avec enthousiasme ce texte

Protestations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - Permalien
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste

C’est déjà beaucoup !

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

… que, malgré tout, ils vont certainement voter !

Cela signifie, chers collègues de la majorité, que vous transformez le Sénat en une assemblée de suivistes.

Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Et vous voudriez que nous acceptions cette transformation sans nous exprimer ?... C’est totalement impossible !

Debut de section - Permalien
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste

Absolument !

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Sur le fond, le conseiller territorial est un non-sens, mais il y a aussi tout ce que l’on ne dit pas. On assèche complètement les finances des collectivités, et notamment celles de la région…

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Monsieur Fortassin, vous êtes en train d’intervenir à propos de l’article 1er, sur lequel vous êtes inscrit. Pensez, s’il vous plaît, à vos collègues inscrits avant vous sur cet article !

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

M. François Fortassin. Monsieur le président, je croyais que, lorsque l’on avait la parole et tant que l’on ne dépassait pas le temps imparti, on pouvait s’exprimer !

Protestations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Sido

Mais on n’a pas le droit de dire n’importe quoi !

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

On a voulu nous rappeler à l’ordre, en nous tirant les oreilles comme à de vilains garnements. Eh bien, nous allons nous organiser pour dire néanmoins que le système ne fonctionnera pas, …

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

…, car ce texte est complètement « piégeux ».

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Cela, on ne nous le dit pas, et il faut le dénoncer !

Vous aurez l’occasion, chers collègues de la majorité, de m’écouter à nouveau et je dois dire que cette séance a quand même un grand mérite, celui de vous avoir fait revenir en force dans cet hémicycle que vous aviez déserté !

Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à M. Bruno Sido, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Sido

M. Bruno Sido. Monsieur le président, il s’agit d’un véritable rappel au règlement.

Ah ! sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Mmes Éliane Assassi et Nicole Borvo Cohen-Seat. Sur la base de quel article ?

Sourires sur les mêmes travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Sido

Je suis en effet – et je tiens à le lui dire – sincèrement étonné par l’attitude de notre opposition, …

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Sido

…car je la sais très constructive et très mobilisée sur ce sujet, …

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Sido

M. Bruno Sido. …ce qui est tout à fait son droit et tout à son honneur, mais le Gouvernement avait, lui, le droit, après avoir mené une réflexion à laquelle, d’ailleurs, une commission dont M. Mauroy faisait partie a contribué, de déposer un projet de loi sur le bureau de notre assemblée. Reconnaissez-le, mes chers collègues !

Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Sido

Si déposer des projets de loi ne sert à rien, c’est que l’on a changé de régime !

J’ai cru noter que l’opposition n’était pas d’accord sur le fond de ce projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Sido

Nous en avons pris acte.

Reste que lorsque les débats se seront déroulés dans le respect – qu’a évoqué le président de notre groupe, Gérard Longuet – de notre règlement, nous nous prononcerons. Je n’ai donc pas compris que M. Mauroy dise qu’après le vote du Parlement viendra le vote du peuple.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Sido

Que sous-entend un tel propos ? Que vous êtes plus démocrates que quiconque ? Alors, sauf à faire appel à la rue…

Permettez-moi de dire que, ce qui n’est pas normal dans ce genre de débats, c’est que l’opposition, qui, bien sûr, a le droit d’exprimer ses opinions, fasse de l’obstruction

Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG

C’est faux ! sur les mêmes travées

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Sido

M. Bruno Sido. Je profite de cette intervention pour dire qu’il n’est pas normal non plus que l’opposition utilise – naturellement lorsqu’elle y est majoritaire – les moyens des conseils généraux.

Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Sido

On verra, mais, mes chers collègues, cela pourra aller très loin !

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Sido

M. Bruno Sido. C’est utiliser les moyens du contribuable pour faire de la politique politicienne, et je tenais à le dire.

Nouvelles protestations sur les mêmes travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Sido

Je regrette que M. Mauroy ait quitté l’hémicycle, car je lui aurais dit que, bien entendu, le peuple allait se prononcer mais qu’il allait le faire aux élections régionales, et je l’aurais aussi appelé à un peu de modestie, car il ne peut préjuger du résultat, il ne sait pas ce que le peuple va dire !

Exclamations sur les mêmes travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Sido

Discutons donc ici au Sénat, calmement, en respectant le règlement, le texte qui nous est proposé.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux quelques instants pour permettre les derniers préparatifs de la retransmission par Public Sénat et France 3 des questions cribles thématiques, point suivant de l’ordre du jour.

Nous reprendrons la discussion du présent projet de loi à dix-huit heures.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à seize heures cinquante, est reprise à dix-sept heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

L’ordre du jour appelle les questions cribles thématiques portant sur « Copenhague et après ? ».

Ce débat est retransmis en direct sur la chaîne Public Sénat et sera rediffusé ce soir sur France 3, après l’émission Ce soir (ou jamais !) de Frédéric Taddéï.

L’auteur de la question et le ministre pour sa réponse disposent chacun de deux minutes. Une réplique d’une durée d’une minute au maximum peut être présentée soit par l’auteur de la question, soit par l’un des membres de son groupe politique.

Chacun des orateurs aura à cœur de respecter son temps de parole. À cet effet, des afficheurs de chronomètres ont été récemment installés à la vue de tous.

La parole est à M. François Fortassin.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, voilà un peu plus d’un mois s’achevait la conférence dite de Copenhague. Conformément à la feuille de route adoptée en 2007, elle devait être l’occasion pour les 192 pays ayant ratifié la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques de renégocier un accord international sur le climat, remplaçant le protocole de Kyoto de 1997. Cette conférence avait pour objectif de réduire de moitié les émissions de gaz à effet de serre en 2050 par rapport à leur niveau de 1990, afin que la température moyenne de la planète ne dépasse pas en 2100 de plus de deux degrés celle de l’ère préindustrielle.

Durant la conférence, certains pays ont proposé des mesures chiffrées, mais l’accord final est considéré comme peu contraignant pour les parties. La conférence de Copenhague, c’est une grande espérance déçue, et même, comme disent nos amis espagnols, « un verdadero fracaso », un véritable échec !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

L’accord final n’inclut pas d’objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre, puisque la cible de réduction de 50 % de ces émissions avant 2050 a été retirée de la déclaration. Il n’évoque plus l’Organisation mondiale de l’environnement, qui aurait notamment pu vérifier la mise en œuvre des engagements des États et croiser ces objectifs avec ceux de la protection de la biodiversité.

À la suite des négociations menées par vingt-six pays industrialisés et émergents – essentiellement les États-Unis, la Chine, l’Inde, le Brésil et l’Afrique du Sud, à l’exclusion des pays membres de l’Union européenne – la conférence s’est achevée sur une simple déclaration d’intention.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Tout en saluant votre engagement personnel, monsieur le ministre d’État, je vous demande quelle action peut mener la France, dès 2010, pour parvenir, avec l’ensemble de la communauté internationale, à un accord collectif concret, contraignant et ayant force exécutoire pour tous ?

Debut de section - Permalien
Jean-Louis Borloo, ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat

Monsieur le sénateur, Copenhague a été rêvé par les Européens sous la même forme que les accords et les engagements qu’ils ont conclus sous présidence française, au mois de décembre 2009, c’est-à-dire un système chiffré et contraignant, prévoyant l’intervention de juges et de pénalités.

Vous conviendrez qu’obtenir un tel accord de la part de 193 pays était une tâche extrêmement difficile et périlleuse. En effet, et c’est le fond du problème, un tel accord touche à la souveraineté nationale de chaque État. Loin de moi l’idée de rejeter le principe d’engagements garantis et automatiques ; toutefois, dans la perspective du prochain sommet sur le climat qui se tiendra à Cancun, au Mexique, et que nous préparons actuellement, nous devrions tirer les leçons de la difficulté culturelle que pose un tel accord mondial.

Comment avancer ? La France avait anticipé que la méthode onusienne serait délicate à mettre en œuvre. C’est pour cette raison que le Président de la République avait souhaité que les chefs d’État et de gouvernement soient présents ; cela n’avait jamais été le cas lors des précédentes conventions de l’ONU sur le climat, et ils sont tous venus.

Il est pour le moins étonnant, j’en conviens, que 130 chefs d’État s’invitent à une telle conférence, avec l’ambition et la volonté de bâtir un protocole, qui est désormais globalement achevé.

Debut de section - Permalien
Jean-Louis Borloo, ministre d’État

Je suis heureux de vous annoncer qu’à New Delhi, avant-hier, la Chine, l’Inde, le Brésil et l’Afrique du Sud viennent de confirmer leur volonté d’amplifier et de soutenir l’accord obtenu à Copenhague, dans la perspective du prochain sommet de Cancun, qui aura lieu dans un an.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. François Fortassin, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Comme je l’ai dit, je ne mets nullement en cause l’action de la France et la vôtre, monsieur le ministre d’État. Mais on a tout de même fait preuve d’un peu de naïveté : croire qu’on allait pouvoir imposer notre vision, pour le moins idyllique, à des États dont les objectifs diffèrent sensiblement des nôtres, c’était une erreur.

Plutôt qu’annoncer par avance des résultats, il eût été plus réaliste, monsieur le ministre d’État, de fixer des objectifs. Certains ont fait preuve d’un peu trop de triomphalisme avant même l’ouverture de la conférence de Copenhague...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Emorine

Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, c’est avant le 31 janvier prochain que les États présents lors de la conférence internationale de Copenhague sur les changements climatiques devront confirmer leur adhésion à l’accord et transmettre leurs objectifs de réduction ou leurs actions d’atténuation. Cette étape essentielle constitue un véritable test de la volonté politique des parties de s’engager résolument en faveur du climat.

Le Président de la République et le gouvernement français paraissent, d’ores et déjà, convaincus qu’il est possible de porter l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre de l’Union européenne de 20 % à 30 % d’ici à 2020, alors même que de nombreux pays pollueurs n’ont pas encore mis sur la table leurs objectifs de réduction.

Monsieur le ministre d’État, faut-il en rester à l’objectif de réduction de 20 %, ou bien aller jusqu’à 30 % pour tenter de débloquer les négociations, dans la perspective du sommet sur le climat qui se tiendra en décembre, au Mexique ?

Un certain nombre d’élus, dont je fais partie, considèrent qu’il serait suicidaire pour l’Union européenne de prendre des engagements unilatéraux. En effet, nos entreprises ne pourront pas supporter de nouvelles atteintes à leur compétitivité sans répercussions majeures sur le niveau d’emploi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Emorine

M. Jean-Paul Emorine. Ne pensez-vous pas, monsieur le ministre d’État, qu’il conviendrait d’attendre de nos partenaires des engagements comparables aux nôtres avant d’adopter toute décision d’effort supplémentaire proposée au niveau européen ?

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - Permalien
Jean-Louis Borloo, ministre d’État

Monsieur le sénateur, l’ensemble des pays de l’Union européenne se sont réunis à Séville, la semaine dernière, pour définir une position commune.

Je ferai deux observations préalables.

En premier lieu, le monde industriel n’est responsable que d’une partie des émissions de gaz à effet de serre ; je suis également heureux de rappeler que ce secteur, grâce à la mise en place du dispositif des quotas d’émissions de gaz à effet de serre, qui a fait débat au sein du Conseil constitutionnel, est le seul à les avoir réduites. Aucun autre secteur d’activité n’en avait fait autant !

Le Gouvernement est, bien sûr, très attentif à la compétitivité des entreprises. Or celles-ci n’étant à l’origine que du quart des émissions, si l’on décidait au niveau européen de fixer à 30 % l’objectif de réduction, ce serait à d’autres secteurs, comme le logement et les transports, de fournir des efforts supplémentaires.

En second lieu, il est faux de croire que la fixation par l’Europe d’un objectif de 30 % aura un effet de levier sur les autres États en les incitant à agir. Les États étant souverains, ils fixeront eux-mêmes cet objectif pour des raisons internes liées à leurs propres émissions et à la compétitivité de leurs entreprises.

L’important est de savoir s’il est bon que l’Europe fixe cet objectif à 30 %, non pas nécessairement selon les mêmes règles que celles du « paquet énergie-climat » ou celles prévues pour atteindre les 20 %, c’est-à-dire de manière dispersée. En tout état de cause, il nous faut rester attentifs à la compétitivité.

La France défend l’idée que tous les pays qui participent au concert des nations devront avoir des quotas d’émissions ; à défaut, il faudra instaurer une taxe carbone aux frontières de l’Europe, sauf à voir notre compétitivité largement entachée.

Notre position est donc claire : nous avons la plus haute ambition pour la planète, tout en veillant à préserver la compétitivité de nos entreprises.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Jean-Paul Emorine, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Emorine

Je tiens à rappeler qu’au sein même de l’Union européenne les positions divergent : plusieurs États, comme le Royaume-Uni, l’Allemagne et la Belgique, plaident pour un objectif de 30 % de réduction des émissions de gaz à effet de serre, tandis que l’Italie, la Pologne, la Hongrie et l’Autriche préfèrent s’en tenir à celui de 20 %. Il paraît délicat, alors que l’Europe ne parle pas d’une seule voix, d’aborder de nouvelles négociations internationales sur le climat.

Votre réponse m’a toutefois rassuré, monsieur le ministre d’État, et je vous en remercie.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

« Échec », « faillite » « désastre », « flopenhague » : que n’a-t-on entendu à l’issue de ce sommet ! Si ses résultats sont effectivement décevants, comme cela a été rappelé, pouvions-nous attendre autre chose d’un rassemblement de 192 pays ? En tout état de cause, les mesures contraignantes font défaut.

Tout d’abord, monsieur le ministre d’État, la France et l’Union européenne seront-elles capables, après la conférence de Copenhague, de reprendre la main afin de remettre la communauté internationale en mouvement pour sauvegarder la planète ?

Par ailleurs, je constate que jamais un sommet des Nations unies n’avait suscité des attentes aussi fortes et un intérêt aussi intense de la part des peuples, des citoyens du monde, et notamment des Français. La déception, cruelle, a été à la mesure de ces attentes.

Que comptez-vous faire pour remobiliser nos concitoyens, auxquels on demande toujours plus : rouler moins, fermer le robinet pour économiser l’eau, se chauffer moins, trier les déchets... alors même que les taxes d’enlèvement ne cessent d’augmenter. Ils constatent que les chefs d’État et de gouvernement sont incapables de se mettre d’accord pour sauver la planète et se demandent s’ils doivent continuer à accomplir ces gestes quotidiens et à assumer cette responsabilité individuelle, sur laquelle la responsabilité collective n’a pu prendre le pas.

Alors qu’ils risquent de payer une nouvelle taxe, la taxe carbone, comment faire pour les remobiliser et les inciter à défendre notre planète ?

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

M. Didier Guillaume. La France a un rôle particulier à jouer au sein de l’Union européenne. Pouvez-vous nous dire comment elle agira dans les semaines et les mois à venir ?

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Jean-Louis Borloo, ministre d’État

Monsieur le sénateur, au risque d’être politiquement incorrect, ...

Debut de section - Permalien
Jean-Louis Borloo, ministre d’État

... permettez-moi de vous dire que je ne partage pas cette vision, largement répandue depuis la fin du mois de décembre, de la conférence de Copenhague.

Debut de section - Permalien
Jean-Louis Borloo, ministre d'État

En effet, une réunion s’analyse par rapport à la situation de la veille. Il s’agit de savoir, en réalité, si le schéma retenu pour la première phase du protocole de Kyoto allant jusqu’à 2012 a avancé significativement. Auparavant, un financement international destiné à aider les pays les plus vulnérables avait-il été prévu ? Tel n’était pas le cas pour ce qui concerne la forêt et les énergies renouvelables. Lors de la conférence de Copenhague, une aide de 10 milliards de dollars par an, portée à 100 milliards de dollars à partir de 2012, a été retenue. Le problème est de mettre effectivement en place cette véritable révolution.

Par ailleurs, avant la conférence de Copenhague, les Chinois, les Brésiliens, les Indiens raisonnaient-ils en termes d’engagement, voire d’information ? La réponse est non. Désormais, ils se sont engagés, à compter du 31 janvier, à réduire l’intensité de leurs émissions de CO2 dues à leur croissance, position conforme aux engagements adoptés lors de la conférence de Bali.

Enfin, s’agit-il d’engagements contraignants à la mode européenne ? La réponse est non. En fait, c’est de notre propre projection culturelle sur la forme des accords que résulte notre déception ! Qui pouvait imaginer sérieusement que de grands pays auraient conclu des engagements sous la forme retenue par les pays européens, lesquels ont accepté, dans le cadre d’une Europe de la Paix, de reconnaître la souveraineté de l’Europe dans le domaine du climat ?

Debut de section - Permalien
Jean-Louis Borloo, ministre d'État

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. Pour relancer la mobilisation des citoyens, il faut des victoires et analyser la situation avec une parfaite lucidité.

Applaudissementssur les travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

L’issue de la conférence de Copenhague ne m’a pas trop surpris. Elle a eu un résultat positif : amplifier le besoin de gouvernance mondiale.

En tous les cas, l’ensemble des 193 pays rassemblés avaient sans doute des préoccupations autrement plus prioritaires que la réduction des gaz à effet de serre. La ville d’Angers, dont je suis conseiller municipal, étant jumelée avec Bamako, je peux vous affirmer, monsieur le ministre d’État, que les préoccupations premières du Mali sont tout autres !

De fait, l’évolution démographique de notre planète posera, à terme, de véritables problèmes. En effet, lorsque la population mondiale atteindra neuf milliards d’habitants, comment pourra-t-on lui assurer l’alimentation et la fourniture d’énergie nécessaires ?

Je peux donc admettre les réticences de certains pays qui n’avaient pas compris la nécessité d’une gouvernance mondiale pour maîtriser non seulement la consommation d’énergie mais aussi la consommation courante. On a évoqué l’eau. On pourrait aussi viser les denrées alimentaires, sujet de préoccupation bien plus important pour eux que les gaz à effet de serre.

Debut de section - PermalienPhoto de Évelyne Didier

Monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, quelle que soit la façon dont le Gouvernement a pu présenter l’issue de la conférence de Copenhague, il est indéniable que cette dernière aura été un échec. En effet, même si un accord a minima a pu y être trouvé, le résultat est bien en deçà des attentes qu’elle avait fait naître, à juste titre, dans le monde entier.

Nous connaissons, monsieur le ministre d’État, votre engagement sur ce dossier. La France n’a pas à rougir au vu de son implication dans la diplomatie climatique dans les mois qui ont précédé la conférence. Pour autant, elle n’est pas exempte de critiques.

Il est maintenant nécessaire de nous demander ce que nous pouvons apprendre de l’échec de la conférence de Copenhague, pour préparer au mieux les échéances à venir.

Avant cette conférence, le président Sarkozy s’était fait l’avocat de la création d’une organisation mondiale de l’environnement. Par la suite, il a déclaré que l’échec des négociations était imputable aux institutions de l’ONU, où tous les pays sont représentés également et les décisions prises par consensus. Cette remise en cause du multilatéralisme onusien n’est-elle pas dangereuse ? Où en est le projet de création d’une organisation mondiale de l’environnement défendu par la France ? Comment une telle organisation résoudrait-elle le problème de la gouvernance multilatérale de l’environnement ?

Debut de section - Permalien
Jean-Louis Borloo, ministre d'État

Madame la sénatrice, le multilatéralisme n’est nullement remis en cause. En réalité, se pose un problème d’organisation. En effet, selon la mécanique organisationnelle actuelle, l’ONU délibère par consensus. Ce terme n’est d’ailleurs pas défini. Signifie-t-il unanimité ou large accord ? Cette instance est la seule à n’avoir pas défini juridiquement le consensus. Si l’unanimité est requise, la situation est quasiment bloquée.

La création de l’organisation mondiale de l’environnement a été proposée par la France. Nous y sommes très attachés. Il s’agit de mettre le monde en mouvement. Si la contrainte, par le biais de pénalités, demeure la règle, je ne suis pas sûr que le prochain Sommet de Cancun obtienne de meilleurs résultats que la conférence de Copenhague du mois de décembre dernier. En revanche, il est indispensable que chaque continent sache ce que les autres font et que tous s’engagent sur la même voie, ce qui implique la création de l’organisation mondiale de l’environnement.

Sur l’invitation de la Chine, pays avec lequel notre partenariat est extrêmement efficace, je serai à Pékin lundi matin pour traiter de ce sujet.

Avant-hier, à New Delhi, les quatre grands pays émergents ont adopté une position globale de soutien à Copenhague ; ils ont demandé à la France de participer à une réunion traitant de la mise en place du fast start, c’est-à-dire l’affectation des premiers dix milliards de dollars consacrés aux pays les plus vulnérables.

À un moment donné, l’organisation mondiale de l’environnement devra sinon contrebalancer, du moins agir en parallèle avec l’Organisation mondiale du commerce. Il faudra du temps. Y arriverons-nous d’ici au Sommet de Cancun ? Je ne sais pas. Quoi qu’il en soit, c’est indispensable.

Une telle évolution du monde est lourde, forcément un peu chaotique. Le plus important, selon moi, est de respecter la culture des autres.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Évelyne Didier, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Évelyne Didier

Nous ne pouvons tous qu’appeler de nos vœux la création d’un tel organisme. Le monde ne pourra pas éternellement s’organiser à partir du commerce sans tenir compte ni de l’environnement, ni des questions sociales.

Pour autant, l’Europe devra bien savoir parler d’une seule voix par le biais d’un représentant. Et, selon moi, ce n’est pas gagné !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Gaudin

Monsieur le ministre d’État, la conférence de Copenhague a montré la difficulté de faire accepter aux États-Unis et à la Chine, notamment, des objectifs contraignants en termes de réduction d’émissions des gaz à effet de serre. Les États-Unis ont, en effet, un objectif de réduction de seulement 4 % en 2020, alors qu’il est demandé à l’ensemble des pays de diminuer leurs émissions de moitié. Les négociations diplomatiques habituelles ont échoué à instaurer un ordre international du climat.

En revanche, un pas a été réalisé avec l’adoption du plan « justice climat ». Proposé par la France, ce plan vise à instaurer une solidarité entre les pays du Nord et du Sud. Ainsi, 30 milliards de dollars devraient être débloqués entre 2010 et 2013 au profit des pays en développement ; l’objectif est d’atteindre 100 milliards de dollars en 2020. Si ces montants devraient favoriser l’accès de tous à l’énergie, à l’eau, notamment sur le continent africain, et la lutte contre la déforestation, aucun objectif précis et contraignant n’a été fixé une fois encore.

Bref, le constat aujourd’hui, à l’approche des conférences de Bonn et de Mexico, est le suivant : la communauté internationale semble trop réticente vis-à-vis d’une politique ambitieuse du climat.

Monsieur le ministre d’État, à défaut d’un cadre universel contraignant, l’Union européenne peut-elle être un échelon pertinent pour la mise en œuvre d’une politique climatique et environnementale ambitieuse, contraignante et efficace ?

En outre, pensez-vous que, dans ce cadre européen, la France puisse jouer un rôle de locomotive pour soutenir, voire pour initier, des mesures concrètes en faveur de la lutte contre le réchauffement de la planète ?

Pensez-vous que si l’Union européenne parle d’une voix unique, forte et ferme, elle puisse « sauver » les prochains sommets internationaux de Bonn et de Mexico traitant de cette problématique ?

Debut de section - Permalien
Jean-Louis Borloo, ministre d'État

Monsieur le sénateur, à la lumière de la conférence de Copenhague, on peut aujourd'hui mesurer à quel point l’accord européen conclu voilà un an, appelé en termes technocratiques le « paquet énergie-climat », par lequel chacun des pays d’Europe s’est engagé à une réduction des gaz à effet de serre vérifiable année par année, pays par pays, secteur par secteur, susceptible de sanctions par la Cour de justice et de pénalités, était une performance extraordinaire.

Pour autant, ce n’est pas parce que l’Union européenne s’est engagée à réduire de 30 % ses émissions de gaz à effet de serre qu’elle doit avoir l’obsession de reproduire à l’échelle mondiale le mode formel qu’elle s’est imposé et de considérer ce dernier comme universel. L’Europe a une culture occidentale du papier, monastique ou notariale, qui n’est pas forcément commune au reste du monde. Par conséquent, elle doit accepter de ne pas imposer au monde entier la forme qu’elle s’est imposée.

Au reste, monsieur le sénateur, comme nous avons pu le constater au moment de la conclusion de l’accord européen, nombre de pays européens acceptent de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, mais sans contrainte formelle.

Pourquoi la France veut-elle aller plus loin ? Tout simplement parce que l’adoption, par un vote solennel au Parlement, du Grenelle de l’environnement, après concertation avec les industriels, les organisations syndicales, les organisations non gouvernementales, les collectivités et les pouvoirs publics, est allé dans le sens de l’intérêt de la France et des Français. Notre pays avait fait mutation intellectuelle et psychologique, voire sa psychanalyse.

Ainsi, de manière unilatérale, la France se positionnera très au-delà de l’éventuel seuil de 30 % européen. Elle atteindra probablement 35 % ou 36 %.

Cela dit, il est vrai que l’Europe doit parler d’une même voix. N’oubliez pas que plus de la moitié des pays européens n’ont pas respecté le protocole de Kyoto, ce qui rend la situation difficile.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Christian Gaudin, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Gaudin

Je souhaite que l’Union européenne puisse devenir un leader crédible de la lutte contre le réchauffement climatique, notamment en mettant en œuvre, comme vous l’avez rappelé, un mécanisme d’inclusion carbone aux frontières, afin de pouvoir s’affranchir, au niveau international, de l’immobilisme politique des grandes puissances, et de commencer à œuvrer concrètement dans la lutte contre le réchauffement climatique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Muller

Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, nous nous retrouvons plus d’un mois après la fin de la conférence de Copenhague. Si l’intérêt des médias décroît, drame de Haïti oblige, force est de constater que l’urgence climatique demeure d’actualité.

Cette urgence nous impose de ne pas nous abriter derrière l’échec de cette conférence pour rester les bras croisés : si ces négociations ont capoté, c’est surtout parce que le club des pays industrialisés a refusé de reconnaître et d’honorer sa dette écologique à l’égard du reste de la planète. Face à la Chine et aux États-Unis, l’Europe n’a pas su ou voulu assumer le leadership que l’humanité pouvait attendre.

La majeure partie des habitants du monde affichent des émissions encore inférieures à un niveau « soutenable », soit moins de deux tonnes de CO2 par an, tout simplement parce qu’ils sont pauvres.

L’actuel dérèglement climatique, qui entraîne sécheresses, ouragans, notamment, doit donc être inscrit au passif des pays du Nord, qui polluent l’atmosphère depuis plus de 150 ans. Gardons à l’esprit que les gaz que nous avons émis demeurent toujours.

Monsieur le ministre d’État, je souhaite vous poser deux questions.

Tout d’abord, le gouvernement français est-il prêt à reprendre et à défendre lors du prochain Conseil européen, avec toute la volonté politique requise, la résolution adoptée par le Parlement européen le 25 novembre 2009, qui fixe, d’une part, un objectif de réduction des gaz à effet de serre émis par l’Union européenne de 40 % d’ici à 2020 et, d’autre part, des transferts massifs de moyens financiers vers les pays du Sud – 30 milliards d’euros par an – pour les aider à financer des systèmes écologiques plus respectueux de l’environnement ?

Par ailleurs, pour être un tant soit peu crédible vis-à-vis de ses partenaires européens et pour commencer d’honorer sa propre dette écologique, quel effort budgétaire spécifique la France est-elle prête à engager dans le cadre de la prochaine modification budgétaire ?

Debut de section - Permalien
Jean-Louis Borloo, ministre d'État

J’ai beaucoup de mal à comprendre ce principe de flagellation permanente, contraire à la mobilisation que vous souhaitez. Ce n’est pas parce que vous répéterez dix fois que Copenhague a échoué ou que la position européenne était mauvaise que cela deviendra un début de vérité !

Monsieur Muller, la France, tout d'abord, respecte le protocole de Kyoto, ce que font très peu de pays. Ensuite, elle s’est dotée d’un ensemble législatif et fiscal…

Debut de section - Permalien
Jean-Louis Borloo, ministre d'État

… qui lui permet d’enregistrer aujourd'hui la plus importante baisse des émissions de gaz à effet de serre en Europe.

Enfin, la France a affirmé qu’elle voulait aller plus loin, et qu’elle en était capable. C’est elle qui a proposé le plan « justice-climat » entre les pays du Nord et ceux du Sud, c'est-à-dire une aide annuelle de dix milliards d'euros, qui sera portée graduellement à cent milliards d'euros en 2020, donc bien au-delà des trente milliards d'euros que vous évoquiez. Qui a imaginé le plan « énergies renouvelables-forêts » au profit des pays africains, du Bangladesh, du Cambodge et du Laos ? C’est la France !

Monsieur Muller, je comprends et respecte parfaitement les mouvements internes à notre pays. Toutefois, j’attire votre attention sur un point : attention à ne pas devenir le porte-parole de « l’à-quoi-bonisme », cette attitude qui consiste à se demander à quoi bon agir puisque les autres ne font pas le nécessaire, ne respectent pas les engagements, ne sont pas conscients de l’enjeu.

Monsieur Muller, je ne mets absolument pas en doute vos intentions : je sais que vous êtes un passionné de cette cause. Mais attention : nous devons conserver à celle-ci un peu de sa magie.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Sauf nous, peut-être !

Sourires sur les travées du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Muller

Monsieur le ministre d’État, je ne veux rien moins que faire de l’autoflagellation ! Si Copenhague a échoué, me semble-t-il, c’est justement parce que, au-delà des discours, nous ne nous sommes pas engagés concrètement, à la hauteur des enjeux.

En matière de dette écologique, je me suis amusé à réaliser un petit calcul. Voilà tout de même quelque cent cinquante ans que nous rejetons des gaz à effet de serre. Toutefois, si nous prenons simplement en compte les émissions produites depuis vingt ans, soit depuis 1990, car c’est à partir de cette date que l’on a commencé à les comptabiliser, il apparaît que la France a rejeté, selon les chiffres officiels, 7, 4 milliards de tonnes de carbone, soit environ 370 millions de tonnes par an.

Si nous convertissons ces quantités en euros, en retenant le chiffre de la feue taxe carbone « Sarkozy », c'est-à-dire 17 euros par tonne, nous obtenons, pour la seule France, un total de 126 milliards d'euros en vingt ans, soit 6, 3 milliards d'euros par an.

Monsieur le ministre d’État, très concrètement, êtes-vous prêt, à l'occasion du prochain collectif budgétaire, à augmenter de 6, 3 milliards d'euros …

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Muller

M. Jacques Muller. … l’aide publique au développement

Murmures désapprobateurs sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Monsieur le ministre d’État, je tiens tout d’abord à saluer l’engagement diplomatique de la France dans la préparation de la conférence de Copenhague. Réunir les représentants de 193 pays, dont 130 chefs d’État, pour maîtriser les conséquences de l’activité humaine sur l’environnement de notre planète constitue, en soi, un événement d’une importance exceptionnelle, qu’il convient de souligner.

J’estime ensuite que ce Sommet doit être appréhendé comme une étape dans un long processus. En effet, le nouvel ordre environnemental mondial que l’Union européenne a voulu mettre en œuvre à travers l’après-Kyoto est une tâche si ardue qu’elle nécessitera d’autres Copenhague, autant de rendez-vous qu’il faudra aborder en considérant que, si les pôles de décisions se sont déplacés, l’Union européenne devra toujours jouer un rôle clef.

N’oublions pas que, si nous n’avons certes pu obtenir un traité, nous avons suscité une prise de conscience planétaire !

Je souhaiterais donc, monsieur le ministre d’État, que vous puissiez nous préciser quelle part la France entend prendre dans la mise en œuvre de deux dispositions qui me semblent essentielles à l'échelle communautaire.

Premièrement, bien que l’énergie ait joué un rôle moteur dans les débuts de la construction européenne, on déplore encore aujourd’hui trop de différences entre les politiques énergétiques des États membres, et cela malgré les objectifs fixés par le Conseil européen de mars 2007.

Or nous ne pourrons faire longtemps l’économie d’une politique énergétique commune. Quels efforts peuvent donc être entrepris pour obtenir davantage de cohérence et d’harmonisation dans ce domaine ?

Deuxièmement, afin d’éviter à nos entreprises de subir une distorsion de concurrence par rapport aux firmes situées hors de la zone européenne, l’Union européenne ne devrait pas hésiter à recourir, sans pour autant glisser vers une attitude trop protectionniste, aux dispositions de l’article XX du GATT, l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, qui permettraient à un pays d’instaurer …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

… un mécanisme d’inclusion carbone aux frontières, afin d’inciter l’ensemble de la communauté internationale à s’engager dans une démarche vertueuse au regard de l’environnement.

Debut de section - Permalien
Jean-Louis Borloo, ministre d'État

Monsieur le sénateur, vous avez abordé deux aspects du problème.

Votre question porte tout d'abord sur la politique énergétique commune. Celle-ci est en marche, même s’il s'agit d’un processus difficile. Toutefois, vous savez que notre pays est attentif à ce que cette démarche ne se fasse pas au détriment du modèle français, qui est relativement intégré.

En effet, je me méfie comme de la peste de l’uniformisation des démantèlements européens ou d’une forme de concurrence qui, vous le savez, susciterait des augmentations de tarifs ou une faiblesse de l’investissement, ou du moins risquerait de le faire.

Je suis donc favorable à la mise en place d’un marché harmonisé et surtout à la création de capacités de transport communes et réversibles entre l’est et l’ouest du continent, mais, de grâce, restons prudents quant aux modalités de ce processus !

Monsieur le sénateur, vous avez évoqué également le mécanisme d’inclusion carbone. Celui-ci est incontournable. Nous ne pouvons pas, d'une part, attribuer une valeur au carbone, lancer un « signal prix », demander à nos industriels de réduire leurs émissions par l’application de quotas, et, d'autre part, accepter que des mécanismes similaires ne soient pas appliqués dans d’autres parties du monde, parfois aux mêmes entreprises internationales.

Autrement dit, si un grand groupe sidérurgique possède des usines à la fois en occident, où s’appliquent des quotas, et en extrême-orient, où aucun mécanisme semblable n’est en vigueur, ses investissements se dirigeront naturellement vers cette dernière région, et nous observerons ce que nous appelons une « fuite de carbone », c'est-à-dire des délocalisations.

D'ailleurs, comme vous l’aurez noté, monsieur Bizet, de façon étrange – ou, plus exactement, selon une logique subtile –, ceux qui sont opposés à l’inclusion carbone, qui permet au fond une concurrence loyale, …

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Plus que quelques secondes, monsieur le ministre d’État…

Debut de section - Permalien
Jean-Louis Borloo, ministre d'État

… le sont également aux efforts de réduction de gaz à effet de serre, parce qu’un tel mécanisme est précisément ce qui rend possibles ces derniers !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

M. Jean Bizet. Monsieur le ministre d’État, je voudrais saluer votre engagement, votre talent et votre perception de ce dossier

Marques d’ironie sur les travées du groupe socialiste

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Je dois dire que les négociations menées sur ce sujet à l’OMC sont très lentes. Or, plus elles avanceront, et plus la cause de l’environnement progressera dans notre pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Nous avons le temps d’aborder une dernière question. Je donne donc la parole à Mme Bernadette Bourzai.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Bourzai

Monsieur le ministre d’État, que l’on considère Copenhague comme un demi-succès ou comme un demi-échec, notre déception est à la hauteur des attentes qu’avait suscitées la préparation de ce Sommet.

Il est temps de tenir un langage de vérité sur l’environnement, me semble-t-il : les négociations internationales sur le climat mettent en jeu des intérêts nationaux, qui peuvent paraître négligeables au regard du temps long et à l’échelle de la planète, mais que les négociateurs ne sont pas prêts à sacrifier à court et à moyen terme.

Si notre pays considère qu’une politique ambitieuse de réduction des émissions de gaz à effet de serre est incontournable et nécessaire, comme je le crois, il doit cesser de délocaliser ses pollutions et consentir aux efforts de mise en valeur de ses propres ressources.

En dehors de tout accord global et juridiquement contraignant à l’issue de Copenhague, et alors que le marché des quotas de C02 n’est pas sérieusement régulé, que fait la France, en tant qu’acteur important de l’Union européenne, pour s’opposer aux importations de produits fabriqués et acheminés dans des conditions plus défavorables, en termes de bilan carbone, qu’ils ne le seraient en Europe, hormis, je vous l’accorde, monsieur le ministre d’État, défendre les engagements d’aide que vous avez cités ? Et que fait-elle sur son propre territoire ?

Je pense en particulier à l’engagement du Président de la République de tripler le tarif d’achat de l’électricité produite à partir de la biomasse. Cet objectif s’est traduit par un arrêté tarifaire qui pose des conditions si restrictives, notamment une puissance électrique minimale de 5 mégawatts, que, dans la pratique, la plupart des entreprises concernées, qui sont pourtant proches des ressources du terrain et les mieux à même de mettre en œuvre des réseaux de chaleur et d’électricité de proximité favorisant le développement local, perdent le bénéfice de cette annonce, qui est dès lors réservé aux seuls grands groupes des secteurs du papier ou de la chimie !

Debut de section - Permalien
Jean-Louis Borloo, ministre d'État

Madame la sénatrice, vous avez posé deux questions.

J’aborderai tout d'abord les négociations internationales. Je le répète, Copenhague constitue une étape sur le chemin du post-Kyoto. Le week-end dernier, les représentants des grands pays émergents réunis à New Delhi ont déclaré qu’ils soutiendraient et amplifieraient Copenhague.

Dans trois jours, à Addis-Abeba, cinquante-quatre pays africains, menés, vous le savez, par le Premier ministre éthiopien, M. Meles Zenawi, et le ministre de l’environnement algérien, M. Chérif Rahmani, demanderont, du moins je le pense, que le processus de Copenhague soit confirmé et amplifié.

Ainsi, en quelques semaines, avant le 31 janvier prochain, les pays souhaitant confirmer, soutenir et amplifier Copenhague seront passés de 28 à 130 ou 140 ! Notre problème, à présent, est d’engager des actions concrètes et de mettre en œuvre, notamment, le plan « justice-climat ».

J’en viens à la politique que nous menons dans le cadre national. Je vous remercie, madame la sénatrice, d’avoir évoqué brièvement la biomasse. Vous le savez, nous avons élaboré un plan ambitieux en la matière. La semaine dernière, nous avons d'ailleurs sélectionné, dans le cadre d’un appel d’offres, trente-deux centrales de biomasse.

Le point particulier que vous évoquez fait partie de nos contradictions, et celles-ci sont habituelles en pareille matière : nous devons concilier le développement de la biomasse avec les dispositions du plan « santé-environnement » relatives aux particules.

Vous le savez, les entreprises qui produisent plus de 5 mégawatts, et qui bénéficient donc de tarifs plus élevés, puisque ceux-ci ont été triplés conformément aux engagements, possèdent des filtres à particules. En dessous de ce seuil, elles n’en disposent pas. Or, pour l’instant, nous ne souhaitons pas un développement massif de la biomasse produite sans filtres à particules. Ce point fait partie des difficultés que nous rencontrons, mais j’espère que nous surmonterons bientôt cette contradiction.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Monsieur le ministre d’État, nous pourrions en effet considérer que le demi-échec de Copenhague n’empêchera pas d’arriver un jour à un traité global.

Toutefois, ce qui est certain, c’est que l’idée que l’on puisse fixer un prix mondial pour le carbone a reculé à Copenhague. Nous sommes donc au pied du mur, et nous attendons des États, et surtout de l’Union européenne, qu’ils fixent un cadre aux agents économiques privés, qu’il s’agisse des entreprises ou des ménages, pour que ceux-ci s’organisent en vue de la transition énergétique.

Or, depuis les années 1990, l’Union européenne a tout misé sur le marché du carbone, puisqu’elle a refusé en son temps une taxation européenne de ces émissions.

Dès lors, soit nous continuons de privilégier le marché, et alors donnons-nous les moyens de le réguler et de le superviser, soit, et cette idée revient aujourd'hui en force, nous nous dotons d’une fiscalité – je n’évoque pas la taxe aux frontières, qui constitue un mécanisme de protection –, ce qui suppose que les États membres de l’Union européenne soient unanimes, et donc que nous soyons capables de convaincre !

En tout cas, nous devrons accomplir ce travail, d’autant qu’il nous faudra, à partir de 2012, fixer les enchères pour le marché des quotas, car, à 13 euros la tonne, celui-ci ne peut fixer le prix du carbone ni à l'échelle de l’Europe ni à celle du monde !

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Mes chers collègues, nous en avons terminé avec les questions cribles consacrées au thème de l’après-Copenhague.

Monsieur le ministre d’État, je vous remercie des réponses que vous avez apportées au Sénat cet après-midi sur une question dont nous aurons à débattre de nouveau au cours des prochains mois.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-sept heures quarante-cinq, est reprise à dix-huit heures, sous la présidence de M. Roger Romani.

(Texte de la commission)

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Nous reprenons la discussion du projet de loi de réforme des collectivités territoriales.

Dans la discussion des articles, nous poursuivons l’examen de l'article 1er.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à M. Jean-Jacques Lozach, sur l'article.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Lozach

M. Jean-Jacques Lozach. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je commencerai par exprimer l’étonnement, sinon le regret, que, sur un projet de loi aussi important que celui-ci, qui réforme toute l’organisation territoriale de la République, le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales ne soit pas présent. Je trouve cette absence pour le moins incongrue.

Exclamations sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Lozach

Tous les intervenants précédents l’ont répété, la colonne vertébrale de cette réforme, c’est l’instauration du conseiller territorial. C’est le moyen – l’artifice, oserais-je dire – imaginé par le Gouvernement pour réduire tant les pouvoirs locaux que le nombre d’élus. Cette création n’a d’ailleurs été préconisée, demandée ou sollicitée par personne, association nationale d’élus comme formation politique.

Cependant, ces dernières années se dégageait un accord sur la nécessaire clarification entre les collectivités locales, en termes aussi bien de compétences que de financements. Il faut bien admettre que plus personne ne s’y retrouve, et ce constat ne date pas d’hier : on ne sait plus très bien qui fait quoi, qui décide quoi, qui contrôle qui, qui prélève quoi, etc.

C’était d’ailleurs l’objectif premier de cette réforme, quand elle a émergé voilà douze à dix-huit mois. Force est de constater que tel n’est plus le cas aujourd'hui. Loin d’apporter de la lisibilité, ce texte créera de la confusion entre deux échelons, le département et la région, ce qui ne sera pas sans conséquences sur les communes ou les groupements de communes, que ce soit en termes de faisabilité de projets, de coopération entre les exécutifs locaux, de positionnement auprès des administrés ou bien dans les relations quotidiennes avec les services déconcentrés de l’État. Il nous faut redouter un effet domino.

Nous sommes nombreux à craindre que, dans un second temps, la confusion introduite n’entraîne une lutte d’influence, un rapport des forces entre les différents échelons, voire la tutelle ou la mainmise d’un échelon sur l’autre. Dans cette configuration-là, la logique voudrait que les régions l’emportent sur les départements. En réalité, ces dernières ne sortiront pas renforcées de cette réforme. Comme les conseils généraux, elles subissent une asphyxie financière et l’affirmation du fait régional comme pouvoir émergent connaît un brutal coup d’arrêt après vingt-cinq ans de montée en puissance.

En outre, la suppression de la clause de compétence générale concerne aussi bien la région que le département. Bien plus, avec cette réforme, il est à craindre que les présidents de conseil régional ne passent leur temps à arbitrer entre les présidents de conseil général, avec tous les risques de paralysie, voire de polémique qu’une telle situation comporte. Par ailleurs, n’est-ce pas contraire à la libre administration des collectivités, érigée pourtant en principe constitutionnel ?

Personne ne comprend davantage le mode de scrutin à un tour retenu – il n’est qu’à tenter de l’expliquer à son entourage ! –, qui est si éloigné de notre tradition électorale, pas plus que le redécoupage des cantons qui succède au redécoupage inique des circonscriptions législatives. Tout cela crée de la suspicion, tout cela sent la manipulation électorale et la manœuvre politicienne. Nous nous trouvons dans une situation institutionnelle analogue à celle de 1997, qui a vu une certaine dissolution de l’Assemblée nationale dont les conséquences politiques n’ont pas porté chance à leurs auteurs, voire à son auteur.

J’insisterai sur deux points.

En premier lieu, avec cette réforme, c’est la fin de la proximité. Nous mettons le doigt dans un engrenage qui provoquera inévitablement l’effacement de cette notion. C’est sur ce point que divergent le plus la majorité et l’opposition. Pour notre part, nous voulons aller plus loin en matière de décentralisation, c’est-à-dire permettre plus de proximité. Or la disparition programmée des élus locaux de proximité, et leur remplacement par les conseillers territoriaux, traduit une vision des relations entre l’État et les collectivités préméditée, orchestrée, qui va à contresens de l’histoire.

En effet, en cette période de mondialisation, de perte de repères et de références pour nombre de nos concitoyens, la notion de proximité est plus vitale que jamais. Le sort qui l’attend rejoint d’ailleurs tout un ensemble d’autres initiatives, allant malheureusement dans le même sens – disparition des services publics de proximité, changement de statut de La Poste, suppression des pays etc. –, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Lozach

... qui éloigneront les usagers.

En second lieu, s’il a pour objet de créer un nouvel élu et de lui donner les moyens d’exercer son mandat, ce texte est inapplicable. En d’autres termes, mes chers collègues de la majorité, vous prenez la responsabilité d’affaiblir la démocratie locale. C’est pourquoi il est à nos yeux nécessaire de voter contre la création du conseiller territorial !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Guy Fischer applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

M. Jacky Le Menn. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, parlant du conseiller territorial, l’un de nos collègues a tout à l’heure souligné qu’il serait un élu « génétiquement modifié ». Pour ma part, je considère qu’il apparaîtra à nos concitoyens comme un OVNI, un objet volant non identifié !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

Ôtons pour quelques instants nos manteaux partisans et faisons taire nos passions et nos émotions pour examiner sereinement le mode de gestion à venir des collectivités territoriales, régionales et départementales. Nous avons une certaine expérience en la matière, ici, au Sénat : nombre d’entre nous ont été ou sont encore conseillers régionaux ou conseillers généraux et connaissent très bien cette matière. Je fus moi-même conseiller régional de Bretagne et suis actuellement vice-président du conseil général d’Ille-et-Vilaine, département qui compte un million d’habitants, en charge de l’action sociale.

Lorsque l’on occupe les fonctions de conseiller régional, on doit appréhender des politiques fortes, les politiques publiques régionales, qui demandent d’autant plus notre attention qu’elles doivent être en cohérence avec les politiques publiques nationales et être croisées avec les politiques départementales. À l’avenir, elles devront en outre l’être avec des réflexions concernant les métropoles. Cela exige une forte attention : il faut créer, comparer, aller sur le terrain, procéder à des auditions, travailler beaucoup.

Parallèlement, les conseillers généraux ont à gérer le domaine de l’action sociale et de la solidarité ; je me cantonne à dessein à ce seul champ auquel nous risquons d’être limités si nous perdons la compétence générale, ce que je ne peux manquer de regretter. Il s’agit de politiques de proximité qui exigent du temps, de la disponibilité et un important travail de terrain.

Il nous faudra certainement continuer à nous occuper de politique familiale, qu’il s’agisse de la petite enfance, de la protection maternelle et infantile, du large problème du vieillissement de la population. Ainsi devrons-nous mettre en place des politiques relatives au maintien à domicile, à la création de places en établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes. Nous aurons également à mettre en œuvre la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées – c’est loin d’être une mince affaire ! –, afin que nos concitoyens handicapés deviennent des citoyens à part entière. Cela suppose la création de maisons départementales des personnes handicapées – nous en connaissons les difficultés ; une proposition de loi sera d’ailleurs déposée sur ce sujet –, mais surtout un très important suivi de la part des conseillers généraux.

Il en va de même pour ce qui concerne le large champ de l’insertion, notamment le revenu de solidarité active, si nous voulons que celui-ci soit une réussite. Il n’en prend malheureusement pas le chemin dans de nombreux départements. Là encore, cela entraîne une charge de travail qui mobilise très fortement chaque conseiller général et qui les mobilisera davantage encore à l’avenir ; je ne vois pas pourquoi il en serait autrement.

En termes de management, pour reprendre une terminologie entrepreneuriale à laquelle sont attachés nos collègues de la majorité, comment la fonction de conseiller territorial est-elle tenable ? Pour ma part, je préfère parler de « métiers ». Les métiers de conseiller régional et de conseiller général sont différents. Certes, du point de vue de l’engagement politique – au sens noble du terme – qu’ils exigent, ils sont proches, mais, en termes de pratique sur le terrain, ils sont très éloignés. Et je ne me m’attarde pas, car d’autres l’ont fait avant moi, sur les distances que le conseiller territorial devra parcourir et qui, on le sait bien, sont à la fois fatigantes et mangeuses de temps.

Si nous raisonnons sereinement et si nous voulons tous faire en sorte que les collectivités territoriales soient à l’avenir au moins aussi bien gérées qu’actuellement, force est de reconnaître que le dispositif que la majorité veut mettre en place, à savoir la création des conseillers territoriaux, est une erreur. Je ne pense pas que la majorité du Sénat s’entêtera à mettre dans le rouge la gestion de nos collectivités territoriales !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à M. Didier Guillaume, sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, sur un débat aussi important, qui concerne l’organisation des collectivités territoriales et qui dépend du ministère de l’intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, nous sommes nombreux à déplorer l’absence de Brice Hortefeux. Voilà qui nous semble participer d’une étrange conception de l’administration territoriale.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Puisque c’est vous qui êtes présent, monsieur le ministre de l’espace rural, mon intervention portera sur la ruralité.

Ce projet de loi n’est pas anodin, d’une part, parce qu’il concerne tous les territoires et tous les élus, d’autre part, parce qu’il ne veut pas dire son nom. En effet, cela a déjà été souligné, c’est un véritable cheval de Troie : derrière cette réforme avec laquelle on amuse les parlementaires se cache le démantèlement de notre organisation administrative et politique, la remise en cause de la décentralisation amorcée en 1982, la disparition des départements et des régions par la fusion de ces deux échelons. Pour en être convaincu, il suffit d’avoir écouté hier soir le Président de la République, qui a admis que ce qui venait de se passer en Guyane et en Martinique était la préfiguration de ce qui pouvait arriver en métropole.

Vous imaginez bien que notre opposition à ce démantèlement, à cette fusion et à cette disparition des départements ou des régions est totale !

J’axerai mon propos sur la ruralité et la proximité. Dans les départements ruraux, que nous discutions avec les associations de maires ou les conseillers généraux, nous n’avons encore jamais rencontré d’élu de droite favorable à la création du conseiller territorial.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

M. Didier Guillaume. À l’exception d’Éric Doligé dans le Loiret !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Pour quelle raison ? Parce c’est la fin de la ruralité, la fin de la proximité, la fin du lien entre un élu et un territoire.

Si le territoire d’un conseiller territorial compte 20 000 ou 25 000 habitants, que se passera-t-il dans les départements ruraux, par exemple la Loire, que vous connaissez, monsieur le ministre, mais surtout l’Ardèche ou la Drôme, où la population est très dispersée dans les zones de montagne ? Il devra parcourir cinquante, soixante ou soixante-dix kilomètres dans des cols et des lacets !

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Pour les députés, la situation est différente !

C'est une des raisons pour lesquelles nous nous opposons à la création du conseiller territorial !

Au moment où les communes rurales et les cantons ruraux rencontrent des difficultés, où les services publics – gendarmerie, trésorerie, tribunaux – disparaissent, il ne reste que le département et le conseiller général pour les défendre. Avec ce texte, ce sera fini !

Le débat qui est soulevé à l’occasion de la discussion de cette loi est assez clair : voulons-nous poursuivre la décentralisation ? Voulons-nous affirmer que la France, certes, est une et indivisible mais qu’elle est en même temps diverse et décentralisée ?

Les collectivités – communes, intercommunalités, départements, régions – jouent un rôle d’aménagement du territoire, de solidarité territoriale, sociale et humaine. Les départements jouent un rôle d’innovation sans précédent.

Aussi, outre le fait que c’est une manœuvre démagogique et populiste que de sous-entendre que les élus coûtent trop cher, vouloir diminuer de moitié le nombre de conseillers territoriaux est une manière d’imposer une nouvelle conception de la République, M. Pierre Mauroy l’a bien expliqué.

C’est pourquoi tous les membres de notre groupe sont opposés à la création du conseiller territorial. Nous exprimerons cette opposition dans les amendements que nous défendrons et nous voterons contre l’article.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Mes chers collègues, je n’avais pas l’intention d’intervenir sur cet article, mais je ne peux pas ne pas réagir après les interventions de MM. Longuet et Maurey.

Selon M. Longuet, nous traiterions avec désinvolture ces questions fondamentales. Mais comment traitez-vous nos travaux ? Que reste-t-il des travaux de la mission Belot et du rapport Krattinger-Gourault ?

Nous avons déposé des amendements qui soulevaient un certain nombre de problèmes et qui visaient à répondre à des lacunes de cette loi. Le rapporteur leur a consacré cinquante-huit secondes !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Vous savez bien que nous n’en avons jamais discuté !

Que les amendements posent des questions fondamentales ou non, ils reçoivent toujours la même réponse : le Gouvernement a déposé un texte, il faut le faire voter !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Si nos interventions vous déplaisent, ne vous en prenez qu’à vous-mêmes !

Je conçois la difficulté qu’éprouve notre collègue Hervé Maurey à ramener dans le giron gouvernemental des brebis égarées. Mais cela ne l’autorise pas à dire n’importe quoi, s’agissant notamment des modes de scrutin applicables aux petites communes de moins de 500 habitants !

Vouloir que le mode de scrutin désormais applicable à toutes les autres communes s’applique aux communes de moins de 500 habitants, ce serait leur faire insulte, dites-vous ? Ce serait donc faire insulte à ces communes que de vouloir qu’elles aient, comme toutes les autres, un maire, une équipe et un programme ? Ce serait leur faire insulte que de ne plus vouloir de ce mode de scrutin qui est un « assassinat entre amis » ?

Vous connaissez le système : dans une commune de 200 habitants où un clan contrôle cinquante voix, on s’inscrit sur la liste du maire sortant, on fait ensuite voter contre lui et on devient maire à sa place ! Vous avez tous vécu cela !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

C’est pourquoi il faut revenir sur ce mode de scrutin.

On nous dit que les maires ruraux ne veulent pas de cette modification. Mais quels maires ruraux ?

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Certes, monsieur le président de la commission, tous les maires ruraux ne sont pas d’accord sur ce point. En tout cas, l’Association des maires ruraux de France, l’AMRF, est favorable à cette modification, comme elle était, il y a vingt ans, favorable à l’intercommunalité alors que peu l’étaient.

Selon vous, il faudrait donc conserver ce mode de scrutin, qui pose en outre des problèmes en termes de parité.

Je le répète, il faut présenter aux électeurs des équipes constituées avec un maire, pour lesquelles ils pourront voter sans se livrer à l’actuel jeu de massacre !

Vous écoutez les maires ruraux, du moins certains, quand il s’agit de ne pas changer le mode de scrutin. Mais les écoutez-vous quand il s’agit de faire disparaître progressivement le département et la compétence générale pour les départements et les régions ? Les écouterez-vous pour mettre en place le mode de désignation des délégués dans les intercommunalités ? Nous verrons si vous leur prêterez autant d’attention !

Certes, il y débat, mais ne caricaturons pas. Aligner toutes les communes sur le même mode de scrutin nous permettrait d’aller de l’avant. C’est cette position que je défendrai.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à M. Jean-Marc Todeschini, sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Todeschini

Je reviendrai d’abord sur le rappel au règlement de notre collègue Bruno Sido, selon qui nous ne respecterions pas le règlement. Mais, mon cher collègue, nous faisons de la pédagogie, pas de l’obstruction !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Todeschini

Oui, on peut toujours rire ! Il vaut mieux, non ?

Nous essayons de vous faire comprendre que ce n’est pas au canon que vous ferez passer cette réforme, alors que vous connaissez les inquiétudes et les mécontentements des élus sur le terrain. Ce n’est pas en dénonçant les conseils généraux qui, selon vous, utiliseraient des moyens contraires à la loi – que pourrait-on dire de l’Élysée qui prend ses décisions en fonction des sondages ?

Vous n’avez pas fini de nous entendre. À force de pédagogie et de répétition, peut-être en restera-t-il quelque chose.

Nous débattons de la création des conseillers territoriaux qui siégeront à la fois au sein du conseil général du département d’élection et au sein du conseil régional. Pour le moment, on nous dit surtout : « Votez, vous verrez après ! », ce à quoi obéit une partie de cet hémicycle.

Dans son discours de Saint-Dizier, le 20 octobre dernier, le Président de la République présentait ce nouvel élu comme le premier pilier de la réforme, fruit d’un long travail et d’une longue réflexion en réponse à la question : « Faut-il supprimer un niveau de collectivité ? ».

On nous explique que la solution préconisée n’est pas la suppression du département ou de la région mais le rapprochement des deux. Pour nous, il s’agit non pas d’une simplification ou d’une amélioration mais plutôt d’un très mauvais compromis voire d’un contresens.

Si le rapprochement de deux collectivités peut se concevoir, il eut été préférable de distinguer, d’un côté, le bloc des investissements stratégiques avec l’Europe, l’État et la région et, de l’autre, le bloc des partenariats de proximité, composé de la commune, des intercommunalités et des départements.

Rapprocher le conseiller général et le conseiller régional ne correspond à aucune logique. Cela ne répond pas non plus aux attentes de clarification du citoyen, qui ne verra qu’un élu pour deux collectivités qu’il a déjà du mal à distinguer.

Chaque élection fera l’amalgame entre des projets et des bilans contradictoires, défendus par des élus cumulards chargés du département et de la région, qui ne pourront pas être sur le terrain autant qu’ils le sont aujourd’hui. Ils seront, hélas pour eux, toujours sur les routes, entre deux réunions et entre deux commissions. On parlera d’absentéisme alors que c’est la loi qui l’organise !

Ce conflit d’intérêts permanent se traduira inéluctablement par un recul démocratique et un affaiblissement du rôle stratégique de la région, qui, pourtant, depuis la décentralisation de 1982, a su démontrer les atouts formidables de développement qu’elle offrait.

Le conseiller territorial est aussi censé mettre fin aux dépenses redondantes et aux actions rivales. Il me semble important de le rappeler, moins de 10 % des financements des régions sont croisés avec le département, et ce ratio monte à 30 % avec l’État ! Ce dernier est le premier à susciter les collectivités pour financer ses propres investissements, je pense par exemple au TGV-Est dans ma région.

Certes, la création du conseiller territorial réduira de moitié le nombre d’élus locaux dans les régions et les départements : de 6 000 nous passerons à 3 000. Mais est-ce une bonne chose ?

Nous l’avons dit, cette réforme ne permettra pas une meilleure organisation et nous ne sommes pas persuadés qu’elle favorisera des économies.

En effet, une question d’arithmétique se pose. Une région qui, par exemple, compte actuellement 400 conseillers régionaux et départementaux verra le nombre de ses élus divisés par deux. Ainsi, on comptera 200 conseillers territoriaux dans la nouvelle assemblée. Faudra t-il alors construire un nouvel hémicycle ?

Sur le statut de ce nouvel élu des questions se posent également : quelle sera son indemnité ou sa couverture sociale ? Nous en sommes persuadés, cela reviendra aussi cher qu’avant.

La question de la constitutionnalité doit aussi être soulevée.

Tout d’abord, le conseiller territorial, en siégeant à la fois au conseil général et au conseil régional, est en contradiction avec le principe de non-tutelle d’une institution sur une autre.

Ensuite, l’élection du conseiller territorial se fera, si j’en crois ce que j’entends, au scrutin uninominal à un tour majoritaire pour 80 % d’entre eux. Cela pose un réel problème de légitimité des élus, laissant supposer une volonté de reprise en main des collectivités perdues par la droite. En outre, la parité entre les hommes et les femmes sera mise à mal, malgré toutes les explications que peut nous donner M. Marleix.

Enfin, ce scrutin revient sur le principe des élections à deux tours en vigueur depuis le début de la République et ne respecte pas l’égalité des citoyens devant le vote.

En définitive, nous n’approuvons pas cet article, qui signifie aussi la fin des conseils généraux et régionaux et qui témoigne d’une volonté de recentralisation du pouvoir.

Réformer, oui, mais avant tout il faut faire confiance aux élus, aux territoires, et à l’intelligence territoriale qu’ils représentent ! Bref, il faut continuer la décentralisation et non pas vouloir liquider le moindre contre-pouvoir !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à M. Jean-Jacques Pignard, sur l'article.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Pignard

Quitte à peiner M. Fischer, je ne voterai pas l’amendement de suppression. En effet, je fais peut-être partie des 10 % d’élus de la majorité qui, aux dires de M. Fortassin, approuvent fondamentalement le conseiller territorial.

Ma démarche n’est pas dictée par je ne sais quelle négociation occulte mais par des convictions, puisque j’ai soutenu, lors de la dernière campagne présidentielle, un candidat qui faisait des propositions analogues.

Je comprends parfaitement les interrogations qui se sont exprimées sur ces bancs depuis bientôt huit jours concernant le mode de scrutin, la compétence générale, les diverses compétences… Je partage ces préoccupations mais je voudrais dénoncer le faux procès qui est alimenté ici à chaque instant.

Je veux parler de l’incompatibilité qui existerait entre l’enracinement dans un territoire et le souci de la prospective. À entendre certains orateurs, aujourd’hui en France, il y aurait deux types d’assemblées et deux types d’élus : des conseils généraux qui n’auraient que le souci du local, voire du subalterne, et des conseils régionaux qui auraient le souci de la noblesse et de la prospective.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Pignard

M. Jean-Jacques Pignard. Il existerait des élus de cantonniers et des élus d’ingénieurs.

Protestations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Pignard

Certains élus auraient les pieds dans la glaise et d’autres la tête dans les étoiles !

Mêmes mouvements.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Pignard

On a entendu parler de la « République des giratoires », de la « cantonisation des régions » ; Mme Christiane Demontès a même affirmé que seuls les conseillers régionaux pouvaient penser globalement !

Je suis conseiller général depuis seize ans et, permettez-moi de le dire, il m’est arrivé parfois de penser globalement, notamment au sujet de grands dossiers culturels que les élus du Rhône connaissent bien et que j’ai en partie initiés. Les conseillers généraux peuvent donc penser globalement, comme les conseillers régionaux peuvent avoir le souci de leur territoire !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Pignard

Cette opposition doit cesser !

Nous tous ici sommes à la fois parlementaires et élus locaux. C’est une tradition démocratique, républicaine et française – presque exclusivement française puisque, dans la plupart des pays d’Europe, on ne peut pas être élu local et parlementaire en même temps. Le fait que nous siégions à Paris nous empêche-t-il de faire un travail de proximité, de parcourir des dizaines de kilomètres pour aller voir des électeurs, des concitoyens, des maires ? Bien sûr que non !

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Pignard

M. Jean-Jacques Pignard. Dès lors, et je fais peut-être entendre une musique discordante dans l’ensemble des propos qui ont été tenus, je suis fondamentalement optimiste et je pense que l’on peut retrouver dans un même homme le souci du territoire, de la proximité et le souci de la prospective. En d’autres termes, ce futur conseiller territorial, qui a été abondamment caricaturé, peut être tout à la fois un peu cantonnier et un peu ingénieur, avoir les pieds dans la glaise et la tête dans les étoiles !

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et sur certaines travées de l ’ Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Je voudrais dire pourquoi, au sein de mon groupe, nous sommes totalement opposés à ce projet de loi qui vise, en son article 1er, à la création du conseiller territorial, avec pour conséquence mécanique la réduction de moitié du nombre des élus, qui passerait de 6 000 à 3 000.

On ne peut que dénoncer une politique qui, par le biais d’une loi, tend en fait à opérer une réduction drastique des dépenses publiques ….

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

… et le démantèlement des trois fonctions publiques que sont la fonction publique d'État, la fonction publique territoriale et la fonction publique hospitalière.

Le Gouvernement affirme qu’il faut lancer cette réforme. Nous, nous sommes absolument contre, parce qu’elle signifie la remise en cause de la démocratie locale, de notre enracinement, notamment en matière de gestion, dans les quartiers, les villes, les départements, les régions, dans leur grande diversité, qui nous permet d’appréhender, par exemple, les problèmes des grands quartiers populaires, trop souvent ignorés, notamment par l’actuelle majorité.

Mon département, le Rhône, compte 293 communes. Comme la plupart des sénateurs, j’ai écrit à tous les maires et j’en ai rencontré autant que possible. Il ressort de tous les contacts que j’ai eus avec eux qu’ils ont de nombreuses interrogations, voire de vives oppositions concernant ce projet, ce qui me paraît tout à fait normal.

La question que je me pose, pour ma part, est de savoir, concrètement, quelles politiques sociales pourront être mises en œuvre avec ce texte qui vise, à terme, la disparition des départements.

Dans ce domaine, qu’il s’agisse du revenu de solidarité active, le RSA, qui a remplacé le revenu minimum d’insertion, le RMI, de l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA, ou de la prestation de compensation du handicap, la PCH, autrement dit de toutes ces dépenses qui sont supportées par le département au fur et à mesure du désengagement, au fil des ans, de l’État, nous nous apercevons que l’une des questions majeures qui se posent touche les populations les plus défavorisées, les plus pauvres, les plus démunies : comment seront-elles réellement prises en compte ?

Je citerai un exemple. En 2010, chacun le sait, l’un des problèmes majeurs sera le devenir de 600 000 à 1 million de chômeurs qui arriveront en fin de droits.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Tous ces Français vivent dans la peur du lendemain, et ce n’est pas avec le démantèlement de l’Agence nationale pour l’emploi, l’ANPE, et des Associations pour l'emploi dans l'industrie et le commerce, les ASSEDIC, afin de créer Pôle emploi, déjà submergé, que le Gouvernement leur apportera des réponses concrètes. Dès lors, que vont-ils devenir ? Ils vont essentiellement basculer dans la catégorie des bénéficiaires soit de l’allocation de solidarité spécifique, l’ASS, soit du revenu de solidarité active.

Avec le texte qui nous est proposé, les départements auront-ils véritablement les moyens, en termes de budget et d’effectifs, de faire face à ce surcroît de charges ? Certainement pas !

Il y a là une véritable bombe à retardement. Comme le savent les présidents de conseils généraux, nombreux dans cet hémicycle, si l’on analyse la situation des chômeurs en fin de droits, seulement 16 % seront éligibles à l’ASS, 22 % au RSA, de sorte que 600 000 Français risquent de se retrouver sans aucun revenu de remplacement. Je le répète, c’est l’un des problèmes majeurs à résoudre.

Or quelle est la réalité aujourd'hui ? Il n’a échappé à personne que la conférence sur les finances publiques, qui doit se tenir le jeudi 28 janvier, sera en réalité la conférence sur les déficits, ou plutôt le déficit public. Il s’agit, pour le Président Sarkozy, de récupérer 50 milliards d'euros sur 1 000 milliards d'euros de dépenses globales, c'est-à-dire de faire payer aux plus pauvres ce qu’il a donné aux banquiers cet été lors de la crise financière.

Ce mouvement de réduction du nombre de collectivités territoriales aboutira, de toute évidence, à moins de démocratie et moins de proximité pour nos concitoyens les plus défavorisés.

Pour toutes ces raisons, il faut dire « non » à l’article 1er et « non » à ce projet de loi.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à M. François Fortassin, sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Nous assistons à un spectacle tout de même extraordinaire…

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

… avec ce projet d’institution du conseiller territorial, dont tout le monde s’accorde à dire qu’il est plutôt ubuesque.

Ainsi, nous aurons la catégorie des élus qui seront enracinés dans le terrain et celle des conseillers territoriaux hors sol, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Comme les conseils régionaux le sont ! On ne peut pas dire tout et son contraire !

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

… pour lesquels personne n’aura voté, mais qui seront tout de même élus, ce qui est assez étonnant.

Au fond, tout se passe comme si l’on voulait, d’une manière quasi mécanique, sinon faire disparaître, du moins réduire le rôle des régions et des départements.

Alors que les départements auront des assemblées croupions, trop peu nombreuses, dans les régions, au contraire, les assemblées seront pléthoriques.

Si l’on prend l’exemple de la région Midi-Pyrénées, on peut estimer grosso modo que 200 à 250 conseillers territoriaux au minimum siégeront au conseil régional. Je souhaite bien du plaisir à son président ! Il sera, par nature, un élu de base dans son département et il présidera une assemblée régionale comprenant les huit présidents de conseils généraux, ainsi que le président de la métropole.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Il lui faudra un talent certain pour prononcer des arbitrages !

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

En outre, si l’on songe au fait que les ressources des régions sont pratiquement réduites de moitié, voire davantage, …

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

… on peut s’interroger sur les politiques qui pourront être menées.

Finalement, tout se passe comme si un État à bout de souffle, dans une situation financière catastrophique proche de la ruine, devenu une sorte de bateau ivre faisant eau de toutes parts, manifestait sa jalousie envers les collectivités dont on peut dire, qu’elles soient de droite ou de gauche, qu’elles sont globalement bien gérées, qu’elles assurent l’essentiel des investissements dans notre pays et qu’elles ne sont pas endettées, ce qui est un miracle ! Et elles se voient reprocher d’avoir créé trop d’emplois !

M. Pierre-Yves Collombat s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Par rapport aux représentants de l’État, les élus de ces collectivités doivent tout de même posséder quelques qualités pour obtenir de tels résultats ! Et c’est précisément au moment où celles-ci leur sont reconnues de façon éclatante, du moins dans le domaine de la gestion, qu’on vient leur couper les ailes. C’est une curieuse conception de la démocratie !

Ajoutons à cela le renforcement, par petites touches, du rôle des préfets, …

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

… qui réduit un peu plus la décentralisation.

Messieurs les ministres, il est encore temps de vous reprendre : une loi que l’opinion publique comprend difficilement porte par nature les stigmates de la non-démocratie.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Or, à l’heure où l’individualisme triomphe, la démocratie a besoin d’être renforcée dans notre pays.

Telles sont les raisons pour lesquelles la plupart des membres de mon groupe ne votera pas ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Nous espérons néanmoins que l’intelligence finira par l’emporter au sein de ce Gouvernement, qui comprend un certain nombre de personnes raisonnables.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

M. François Fortassin. Départissez-vous un peu de votre suivisme derrière le Chef de l’État, ce sera une bonne chose pour notre pays !

Rires et applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

J’ai écouté très attentivement durant cet après-midi les critiques formulées sur la création du conseiller territorial et j’ai même pris des notes.

Cet élu nouveau, dont vous avez parlé depuis la reprise de nos travaux, aurait une double casquette institutionnelle : quelle horreur ! Il courrait même le risque d’être atteint de schizophrénie ! Excusez du peu ! C’est vraiment très grave ! Ce serait un élu écartelé entre deux collectivités ayant des compétences essentielles… Mais c’est tout à fait impossible !

Et pourtant, mes chers collègues, une telle situation existe déjà ! Les maires et les élus municipaux que vous êtes pour beaucoup la connaissent. Pour être moi-même maire, je siège en partie dans le conseil municipal de ma ville et en partie au sein de ma communauté d’agglomération.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Cela ne me pose pas de problème : je n’ai pas d’états d’âme et je ne me sens pas schizophrène.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, ministre de l’espace rural et de l’aménagement du territoire

Cela a tout à voir !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. D’ailleurs, je n’ai entendu aucun d’entre vous déclarer que le fait de siéger dans deux collectivités différentes aux compétences essentielles lui posait des problèmes.

Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Vraiment, votre argumentation est d’une pauvreté affligeante…

Vives protestations sur les mêmes travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Permettez-moi de vous le dire, vos arguments sont absurdes !

Nouvelles protestations.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

En matière de transport, pour avoir été conseiller régional avant d’être députée, de 1986 à 2002, je connais quelque peu la question.

Pour le conseiller territorial qui va siéger en formation départementale, rien ne changera par rapport à la situation actuelle puisque, aujourd'hui, le conseiller général se rend dans le chef-lieu de son département.

Pour le conseiller territorial qui va siéger en formation régionale, les choses ne changeront pas non plus.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Le conseiller régional sérieux se déplace partout. En Aquitaine, comme je l’ai fait, il se rend dans les Pyrénées-Atlantiques, en Dordogne, dans le Lot-et-Garonne… Quant aux conseillers généraux du Lot-et-Garonne, ils viennent dans la capitale, à Bordeaux. Il n’y a pas de problème de transport !

Je le répète, la pauvreté de vos arguments est affligeante !

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Gonthier-Maurin

Nous devons, au sein de cet hémicycle, nous en tenir à la vérité.

Or la vérité, c’est que l’un des objectifs majeurs de la réforme engagée est la réduction drastique du nombre des élus régionaux et départementaux, qui diminuerait de moitié, passant, ainsi que l’a rappelé Guy Fischer, de 6 000 actuellement à 3 000 élus conseillers territoriaux.

Nous vivons un moment très important, parce qu’il faut avoir conscience que, par cette modification, nous touchons à l’organisation fondamentale de notre République, aux fondements institutionnels et démocratiques qui régissent la vie de nos concitoyens.

En outre, cette réforme est très dangereuse en ce qu’elle ne manquera pas d’installer un véritable bipartisme au sein des collectivités territoriales. De surcroît, qu’on le veuille ou non, il est probable que le conseiller territorial, rencontrant des difficultés pour cumuler action régionale et action départementale, finira par déléguer la prise de décision à des techniciens. D’autant que, selon le projet de loi, même s’il siège dans deux instances à la fois, il ne comptera que pour un mandat au regard de la règle du non-cumul.

Pour toutes ces raisons, je veux redire, après Guy Fischer et d’autres, notre totale opposition à ce démantèlement. On a parlé de « bombe à retardement » : c’est vraiment le vocable qui convient !

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à M. René-Pierre Signé, sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Pierre Signé

Monsieur le ministre, la création du conseiller territorial serait vraiment une idée saugrenue et malvenue si elle n’était dictée par des considérations politiques inavouées et porteuse de nombreux non-dits.

C’est pour cela que vous la plaidez si mal. La ficelle est si grosse que les non-dits sont aisés à deviner : il s’agit non pas seulement de faire des économies, mais aussi de passer la corde autour du cou des départements et, par la même occasion, des communes, puis de serrer petit à petit pour les supprimer.

Je n’irai pas jusqu’à vous raconter ma vie, mais sachez que j’ai moi-même été en quelque sorte le témoin de la naissance de la décentralisation, qui s’est en effet déroulée pour partie dans la Nièvre, au temps où j’avais l’honneur de siéger au conseil général au côté de François Mitterrand. Ce dernier s’était insurgé contre le pouvoir exorbitant du préfet, qui nous faisait voter un budget dont nous ne pouvions pas disposer. Nous allions donc, casquette à la main, lui demander poliment s’il n’avait pas quelque petite subvention à consacrer, par exemple, à un projet routier. À l’époque, c’était le représentant de l’État dans le département qui avait la mainmise sur les finances.

La décentralisation est donc née de cette irritation ressentie par François Mitterrand. Une fois élu Président de la République, il en fit l’une de ses priorités politiques, et il choisit de confier sa mise en œuvre immédiate à notre ami Pierre Mauroy et à Gaston Defferre. Et avec quel succès, puisque l’on sait combien cette réforme fut appréciée par tous les élus, de droite comme de gauche.

Auparavant, les élus locaux voyaient leur pouvoir rogné et étaient traités comme des enfants, pour reprendre l’image utilisée par François Mitterrand, puisqu’ils votaient le budget sans pouvoir en disposer. Lui-même voulait que les élus deviennent des « adultes ».

Votre projet de loi, par un chemin détourné, va déboucher sur une nouvelle infantilisation, en dépossédant les conseils généraux de tout pouvoir et de toute autonomie. La création du conseiller territorial en est la mesure emblématique, qui porte en germe tout le danger de la réforme, c’est-à-dire le retour, déjà largement dénoncé, à une centralisation.

Les nouveaux élus siégeront dans deux assemblées dont les compétences, bien qu’on les ignore, seront sans nul doute différentes ; elles risquent même d’être appliquées différemment selon les territoires ! Cela n’a absolument rien à voir, madame Des Esgaulx, avec les conseillers municipaux et intercommunaux, qui se préoccupent des mêmes questions et font partie de ce que l’on appelle le bloc communal.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Pierre Signé

Le conseiller territorial, c’est un élu pour deux assemblées. Autant dire des assemblées sans élu ! Et je ne parle même pas du problème constitutionnel que cela pose et qu’a rappelé Jean-Marc Todeschini.

Des conseillers territoriaux appelés à prendre en charge des secteurs différents devront être polyvalents pour traiter aussi bien de l’action sociale, de la formation, de la scolarité, des lycées, des collèges, du logement étudiant, et que sais-je encore. Et tout cela sans compter le temps perdu à effectuer de nombreux déplacements !

À cet égard, on peut redouter deux évolutions : soit une « cantonalisation » des régions, dont les interventions seraient réduites à de petits périmètres ; soit, plus vraisemblablement, une régionalisation des départements, qui, dans l’un et l’autre des cas, seront perdants.

Comment ces élus pourraient-ils être efficaces, si tant est que cet adjectif puisse s’appliquer à des personnes placées ainsi sous tutelle ? Les conseillers territoriaux seront chargés de compétences régionales et départementales affichées, mais, dans les faits, ils ne pourront pas les exercer puisque leur autonomie politique et financière sera considérablement réduite.

Le budget, en particulier dans le département, que je connais mieux que la région, sera dicté et imposé par l’État, non seulement sur le plan social, notamment avec l’extension de l’APA et du RMI, mais également sur celui de l’entretien des collèges et des routes.

Quelle place restera-t-il au département pour prendre ses propres initiatives, pour marquer sa volonté et ses choix politiques, pour valoriser son territoire, en dehors des charges qui lui seront imposées et dont le chiffrage sera imposé par l’État ?

Un département géré de cette manière peut l’être par un fonctionnaire. Dès lors qu’il n’y aura plus d’élus spécifiquement départementaux, on pourra supprimer le président !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

Le temps de parole est écoulé, monsieur le président !

Debut de section - PermalienPhoto de René-Pierre Signé

On se dirige vers une suppression pure et simple de l’assemblée départementale, qui sera donc remplacée par un fonctionnaire apte à régler les problèmes puisque les décisions lui seront dictées d’en haut !

Debut de section - Permalien
Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales

C’est l’Apocalypse !

Debut de section - PermalienPhoto de René-Pierre Signé

M. René-Pierre Signé. N’est-ce pas là une recentralisation ?

Murmures sur les travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Le temps de parole est dépassé, monsieur le président !

Debut de section - PermalienPhoto de René-Pierre Signé

La création du conseiller territorial est le symbole de la destruction des grandes lois de décentralisation comme de celle sur l’intercommunalité, qui fut votée dix ans après les premières.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Pierre Signé

Je m’arrête, monsieur le président.

Cette réforme marque une démarche politique archaïque, alors que les Français sont très attachés à la politique locale. Cela a été dit, elle préfigure un recul de la démocratie, qui sera, je vous l’affirme, fort mal perçu !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à M. Philippe Madrelle, sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Madrelle

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, cette réforme portant création du conseiller territorial est habile, voire diabolique. Elle détourne l’attention sur le statut des élus locaux pour anticiper une révolution, au sens étymologique du terme, institutionnelle.

Le projet de loi porte en effet en germe ce que M. Balladur qualifie d’« évaporation » progressive, mais inéluctable, des départements et, par voie de conséquence, des communes. C’est la réalisation d’un vieux rêve « rationalisateur » ayant toujours animé certains esprits au cours de notre histoire, ceux-là même qui, souvent déconnectés des réalités de nos territoires, ont toujours poussé en faveur de la fusion systématique des départements et des régions.

Il est alors aisé d’imaginer que, dans vingt ou trente ans, la République ne sera ni plus ni moins qu’une féodalité républicaine aux mains d’une puissante oligarchie, laquelle ne tardera pas à exiger et à revendiquer des pouvoirs réglementaires, voire législatifs, dans de nombreux domaines.

Certes, un tel système existe et fonctionne déjà : c’est le système fédéral. Mais pour notre pays, pour la France, il constituerait un changement brutal et total de régime, et ce pour deux raisons.

D'une part, la démocratie française prend ses racines dans ses 550 000 élus locaux plutôt que dans ses partis politiques et ses syndicats, à l’audience plus faible que dans la plupart des autres démocraties occidentales. Est-il possible de se passer de cette formidable école d’engagement républicain dans les périodes de crise ou de catastrophe naturelle, au moment où l’on a plus que jamais besoin de la démocratie de proximité et d’élus de terrain, à la ville comme à la campagne ?

D'autre part, le fédéralisme a deux visages : celui qui tisse l’unité nationale, en unissant des États indépendants, comme en Allemagne ; celui qui défait l’unité nationale, en centrifugeant les pouvoirs locaux, comme en Belgique.

C’est incontestablement la nature de la République et son évolution qui sont en jeu.

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, en créant ce mandat de conseiller territorial, vous êtes en train de jouer avec le feu, de recentraliser, comme cela vient d’être dit, les pouvoirs de ce pays, de briser les lois de la décentralisation républicaine impulsée par Gaston Defferre et Pierre Mauroy, sous l’autorité de François Mitterrand, cette décentralisation qui a été un formidable arc-en-ciel dans la vie quotidienne des Françaises et des Français.

C’est un terrifiant retour en arrière de trente ans. Il est triste de penser que le Sénat, au-delà des clivages politiques tout à fait naturels, ne puisse pas rassembler, comme il l’a pourtant fait si souvent dans son histoire républicaine, une majorité pour rejeter cet article 1er portant création du conseiller territorial, un véritable monstre à deux têtes qui va affaiblir considérablement la démocratie !

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Rachel Mazuir

M. Rachel Mazuir. Mes chers collègues, quitte à déplaire à M. Longuet, j’aborderai le fond du problème.

Ah ! sur les travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Rachel Mazuir

J’ai le sentiment d’assister à un bal des faux-cul, …

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Sido

M. Bruno Sido. Oh ! Comment cela peut-il figurer au procès-verbal ?

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Rachel Mazuir

… dont les maîtres danseurs seraient aussi des avaleurs de couleuvres.

Participant, comme beaucoup d’entre vous, à de nombreuses cérémonies des vœux, j’entends des maires, de petites communes ou de villes plus importantes, s’inquiéter de la réforme territoriale.

Debut de section - PermalienPhoto de Rachel Mazuir

J’entends aussi les parlementaires de la majorité, dans mon département, défendre bien mollement – quand ils la défendent ! – cette réforme. Ceux qui s’y dévouent le font en tous les cas avec beaucoup de tiédeur.

Debut de section - PermalienPhoto de Rachel Mazuir

Tout à l’heure, madame Des Esgaulx, vous vous êtes posée en défenseur de la réforme, mais vous avez en fait surtout critiqué nos positions et nos arguments. Je n’ai pas à proprement parler entendu de votre part une défense du projet de loi !

Debut de section - PermalienPhoto de Rachel Mazuir

Je ne doute pas que vous repreniez la parole pour nous dire tout le bien que vous en pensez…

Chers collègues de la majorité, par cette réforme, vous imaginez gagner à terme, à moindres frais. Gagner, peut-être, mais rien n’est moins sûr. Vous-mêmes semblez d’ailleurs en douter.

Debut de section - PermalienPhoto de Rachel Mazuir

Alors, pour nous convaincre autant que pour vous convaincre de la pertinence de la réforme, vous nous administrez la méthode Coué.

Debut de section - PermalienPhoto de Rachel Mazuir

Voilà, pour l’instant, ce que nous avons entendu, et nous connaissons tous, bien sûr, les limites d’une telle méthode.

Je suis de ceux qui pensent que les Français ne souhaitent pas le retour d’un État réglementant de manière autoritaire, voire discriminatoire, leur quotidien.

C’est ce que vous proposez, en asphyxiant les communes et les départements, ces deux collectivités dépendant l’une de l’autre, avant leur fusion-absorption ou leur « évaporation », pour reprendre le terme employé par l’un des vôtres.

L’État distribuera alors l’aumône, …

Debut de section - Permalien
Alain Marleix, secrétaire d'État

L’État verse 97 milliards d'euros, soit le budget de la Belgique !

Debut de section - PermalienPhoto de Rachel Mazuir

… que les maires et les présidents de département iront quémander auprès des préfets, situation qu’ont déjà connue les plus anciens d’entre nous.

C’est un changement de République auquel vous nous conviez. À la République des citoyens, celle de la décentralisation, vous voulez substituer la « République de quelques-uns ».

Cette contre-réforme est un véritable danger pour la vie de nos territoires, pour la France des citoyens responsables et engagés que nous aimons.

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, ce projet de loi est mauvais, et je continuerai de le combattre, comme je combattrai la naissance envisagée de cette sorte d’OGM que serait le conseiller territorial !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Mathon-Poinat

Je tiens à mon tour à réitérer notre ferme opposition à la création des conseillers territoriaux, en lieu et place des conseillers généraux et régionaux. Elle va déstructurer profondément nos institutions locales et constituer une régression démocratique sans précédent.

En effet, selon le rapport, ce texte permettra de réduire de près de moitié le nombre des élus locaux. Une telle réforme est tout simplement une aberration, car comment voir une once de modernité dans ce nouveau potentat local ?

Monsieur le secrétaire d’État, le cumul de fonctions que vous mettez en place ne permettra pas une plus grande efficacité. Bien au contraire, cela risque de créer de la confusion et un absentéisme patent, vu les nombreuses tâches dévolues actuellement aux conseillers généraux et régionaux.

Ces deux collectivités ont d’ailleurs des compétences et par suite des missions bien différentes : le département remplit une mission de solidarité, le rôle de la région est plutôt centré sur le développement économique.

De plus, cette création ne vise aucunement à « améliorer la coordination entre les départements et les régions », comme vous le prétendez, mais constitue surtout un premier pas vers la suppression à plus ou moins long terme des départements, qui se voient d’ailleurs attaqués de toute part par ce projet de loi.

Cette création va donc pousser à la professionnalisation de la politique, ce qui est le contraire d’une avancée démocratique. Nous refusons cette mesure, car nous défendons une démocratie au plus près des citoyens, une démocratie qui ait les moyens de répondre aux besoins de plus en plus importants suscités par votre politique de remise en cause systématique des services publics.

En plus de conduire à la fin du pluralisme politique et de la parité compte tenu du mode de scrutin que vous envisagez, messieurs les ministres, cette réforme accomplit un recul démocratique et une reprise en main de l’État sur les collectivités.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et sur certaines travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à Mme Françoise Cartron, sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, avec cet article 1er, nous sommes au cœur de la réforme.

En effet, la création par cet article du conseiller territorial constitue l’objectif principal de ce texte et de toute la réforme, laquelle aura d’ailleurs pour conséquence première de mettre à mal l’ensemble de l’action publique locale : recentralisation, perte d’autonomie pour nos collectivités, ruralité méprisée, tous ces éléments ont déjà été évoqués par mes collègues.

Aussi je voudrais revenir plus précisément sur ce nouvel élu.

Qui sera-t-il ? Je ne risque pas beaucoup de me tromper en affirmant qu’il sera le plus souvent un homme.

Jusqu’à présent, monsieur le secrétaire d’État, vous avez cherché à tout prix à éviter le sujet : soit vous n’avez pas répondu aux questions des parlementaires ; soit vous avez répondu à côté ; soit vous avez tout simplement nié la vérité, sans avancer d’argument probant.

Il faut pourtant se rendre à l’évidence : votre projet est une atteinte au principe de parité, une véritable régression par rapport à l’objectif d’égalité entre les hommes et les femmes. Les délégations aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes des deux assemblées s’en sont émues. Quand Mme Michèle André vous a questionné sur ce point, monsieur Marleix, vous nous avez donné lecture d’une fiche sur un tout autre sujet. Cela montre bien le peu d’intérêt que vous portez à la parité.

D’ailleurs, dans un communiqué de presse du mois de décembre, vous niez ce recul de la parité, sans pour autant apporter des chiffres probants. L’effet du mode de scrutin sur la représentation des femmes sera pourtant quasi automatique. Puisqu’il s’agira d’un scrutin uninominal, aucun moyen contraignant ne permettra d’assurer l’égalité de représentation. Nous le savons bien : seul le scrutin de liste permet de faire progresser la parité, comme le montre la proportion de femmes existant dans les assemblées régionales, qui s’élève à 47 %. Pour mémoire, je rappelle qu’elles ne représentent que 12, 3 % des élus dans les conseils généraux. Je n’ose évoquer le classement de notre pays, qui figure dans les bons derniers concernant la place des femmes en politique, et qui ne remontera d’aucune place grâce à votre réforme.

Les projections faites sur la base des élections cantonales de 2008 permettent d’espérer au mieux 20 % de femmes parmi les futurs conseillers territoriaux. Avant de nier ces chiffres, monsieur Marleix, vous affirmiez lors d’une audition au Sénat que cet objectif de 20 % pouvait apparaître comme satisfaisant.

D’ailleurs, cerise sur le gâteau, le conseiller territorial aura droit à une suppléante pour l’aider dans sa tâche. Voilà une vraie marque de progression !

Vous nous avez répété lors de cette audition que les femmes n’avaient pas à se plaindre car elles seraient mieux représentées dans les instances communales, puisque le scrutin de liste aurait cours dans toutes les communes de plus de 500 habitants.

Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, pour votre ouverture d’esprit quant à la place des femmes. Vous inventez la répartition des tâches en politique : les femmes pour la proximité, les hommes pour les enjeux stratégiques. Quelle belle reconnaissance pour toutes ces femmes qui s’engagent au quotidien, qui font preuve de compétence, et qui sont reconnues dans l’exercice de leur mandat électif !

Alors que la Constitution prévoit que la loi favorise l’égalité d’accès des hommes et des femmes aux mandats électifs, vous organisez au travers de cette loi la régression. J’y vois un motif puissant d’inconstitutionnalité ; j’y vois aussi un mépris certain pour la parité. Et c’est pour toutes ces raisons que je voterai contre ce projet de loi.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Cela fait près de trois heures que les orateurs successifs nous livrent une vision apocalyptique du conseiller territorial, de l’organisation des conseils généraux et des conseils régionaux.

Je me suis moi-même posé certaines des questions qui ont été soulevées par les orateurs, puisque le Gouvernement m’avait demandé il y a un peu plus de six mois de réfléchir avec Dominique Perben à l’organisation territoriale.

Nous nous sommes pas mal déplacés en France et nous avons rencontré un certain nombre de conseillers généraux.

J’ai rencontré notamment un président de conseil général qui m’a fait part de la position adoptée par la majorité de son conseil. Ce président m’indiquait ne pas avoir rencontré d’opposition quant au fait que les élus départementaux, choisis par les électeurs dans le cadre de circonscriptions cantonales élargies, puissent également devenir sur la base d’un même scrutin des élus régionaux.

Il estimait d’ailleurs que le mode de scrutin devait être complètement rénové, en évoluant par exemple vers un scrutin mixte, sur la base de nouveaux périmètres électoraux plus peuplés et plus représentatifs, afin d’assurer la représentation égalitaire des territoires et la représentation paritaire des citoyens.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

J’ai été séduit par cette analyse, qui, je l’avoue, a largement inspiré les propositions que l’on m’a demandé de faire par la suite.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Me faisant une deuxième confidence quelques jours plus tard, ce président de conseil général a déclaré que le renouvellement partiel nuisait à la vision à long terme des responsables politiques et créait une relative instabilité dans la conduite des affaires locales. Le nouveau système, en prévoyant le renouvellement des assemblées locales en une fois, contribuerait à la continuité des politiques publiques.

Murmures sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Je partage son opinion.

Enfin, ce président de conseil général se déclarait favorable à ce que les nouveaux élus, siégeant à la fois au niveau départemental et au niveau régional, décident en commun des modalités de répartition et de mise en œuvre de la clause de compétence générale ; il allait donc plus loin que moi. Je lui avais alors répondu que je doutais que sa majorité le suivre. Il m’avait répliqué qu’il m’enverrait le texte que sa majorité avait voté.

Il se trouve que je suis un républicain, que je suis maire de Mâcon, ville située dans le département de Saône-et-Loire à majorité socialiste, et que le président du conseil général de ce même département, qui a tenu ces propos, n’est autre qu’Arnaud Montebourg.

Et alors ? sur les travées du groupe socialiste. – Rires et applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à M. Claude Domeizel, sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Domeizel

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je vais intervenir, comme vous vous en doutez, sur les conseillers territoriaux, dont nous avons commencé à parler lors de l’examen du projet de loi organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux, et dont nous traitons aujourd’hui au sujet de la réforme des collectivités territoriales.

Je fais partie de ceux qui souhaiteraient savoir combien de conseillers territoriaux seront élus dans tel ou tel département, en particulier dans celui que je représente – vous verrez pourquoi je me pose ces questions –, et quel sera leur mode d’élection.

Ce conseiller territorial, qui siégera à la fois au conseil régional et au conseil général, deviendra de toute évidence un permanent, parce qu’un élu qui sera conseiller territorial de Briançon, par exemple, devra circuler sur les routes et aller de Briançon à Marseille, de Marseille à Cannes, etc.

Certains affirment que cette situation est similaire à celle qui prévalait avec les établissements publics régionaux, mais ce n’est pas du tout le cas. La loi du 5 juillet 1972 portant création et organisation des régions avait créé l’établissement public régional, composé pour une moitié de tous les parlementaires de la région, et pour l’autre moitié de représentants élus par les conseils généraux et par les communes de 30 000 habitants et plus. Les représentants élus par les conseils généraux n’étaient cependant pas obligatoirement des membres de l’assemblée départementale, puisque certains de ces représentants – j’étais l’un d’entre eux – étaient membres de l’établissement public sans être conseillers généraux.

Je me demande en outre dans quelle atmosphère se dérouleront les réunions dans les conseils généraux où siégeront en même temps, autour de la même table, le président du conseil général, le président du conseil régional – celui-ci sera en effet lui-même élu d’un département – et plusieurs vice-présidents. Vous imaginez les difficultés rencontrées lors des délibérations !

Je ne dirai que deux mots concernant le mode d’élection parce que le sujet a été abordé par d’autres avant moi. L’élection au suffrage uninominal à un tour pénalisera fortement la parité, puisque les simulations montrent qu’il y aurait entre 15 % et 20 % de femmes élues conseillères territoriales, alors qu’elles sont aujourd’hui près de 48 % au sein des conseils régionaux. Ce mode de scrutin ne s’appliquerait qu’à 80 % des conseillers, puisque les 20 % restant seraient élus à la proportionnelle ; j’y reviendrai.

En ce qui concerne le nombre de conseillers territoriaux, les choses se compliquent. Lorsque le nombre total de conseillers régionaux et de conseillers généraux aura été divisé par deux et après la répartition du nombre d’élus proportionnellement à la population, le département des Alpes-de-Haute-Provence, que je représente, devrait avoir six conseillers territoriaux. Le cocasse de la situation apparaît lorsque l’on examine comment ils seront élus : 20 % d’entre eux seront élus à la proportionnelle ; mais 20 % de 6 c’est 1, il y aura donc un conseiller élu à la proportionnelle, les autres étant élus par canton.

Dans ma région, la région PACA, tout le monde reconnaît que nous ne pourrons fonctionner avec six conseillers territoriaux. Dans un conseil général à six, tous les conseillers seront ou président ou vice-président et, s’il y a quatre élus de la majorité et deux de l’opposition, le département tournera avec quatre élus.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Domeizel

M. le secrétaire d’État a précisé qu’il y aurait au moins quinze ou vingt conseillers territoriaux par département. Soit ! Dans mon département, il y aura donc quinze conseillers territoriaux. Les Hautes-Alpes en auront quinze. Mais il faudra alors effectuer une nouvelle répartition si l’on veut en rester aux 180 conseillers territoriaux de la région : les Alpes-Maritimes n’en auront que 35, le Vaucluse de mon cher collègue Claude Haut en aura 18, le Var 33, et les Bouches-du-Rhône 64. Le Conseil constitutionnel se posera alors des questions ; comment pourra-t-il admettre que la proportionnalité par rapport à la population ne soit pas préservée ?

Si on rétablit la proportionnalité, il faudra 75 conseillers pour les Alpes-Maritimes, 120 pour les Bouches-du-Rhône, 60 pour le Var et 45 pour le Vaucluse, ce qui donnera une assemblée de 330 élus au conseil régional. C’est la quadrature du cercle !

Monsieur le ministre, je vous souhaite beaucoup de plaisir pour trouver une solution à la question que je vous pose : combien y aura-t-il de conseillers territoriaux dans chacun des départements ? J’ai pris l’exemple de ma région et de mon département, mais le problème se pose dans beaucoup d’autres régions et départements.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Teston

Si j’ai bien compris certains de ses arguments, le Gouvernement considère que la jurisprudence du Conseil constitutionnel au sujet de la Nouvelle-Calédonie serait transposable au présent projet de loi. Or ce raisonnement me paraît inexact. Dans un premier temps, je rappellerai les principes qui ont conduit le Conseil constitutionnel à valider le dispositif applicable en Nouvelle-Calédonie ; dans un second temps, je détaillerai les raisons pour lesquelles, selon moi, sa jurisprudence ne me paraît pas pouvoir s’appliquer au projet de loi relatif à la réforme des collectivités territoriales.

Pourquoi le Conseil constitutionnel a-t-il validé le dispositif applicable à la Nouvelle-Calédonie ?

Je rappelle que l’article 72 de la Constitution pose le principe de l’administration des collectivités territoriales par des conseils élus. La formulation semble impliquer des élus distincts pour des collectivités distinctes. En 1985, le Conseil constitutionnel n’a pas suivi cette logique s’agissant de la Nouvelle-Calédonie. Estimant que ce territoire était représenté par une seule assemblée, il en a conclu que rien n’empêchait de confier aux élus une double fonction territoriale et régionale.

Dès lors, peut-on estimer que ces conclusions sont transposables au présent texte et peut-on nous opposer, à nous qui sommes contre la création du conseiller territorial, cette jurisprudence ? Je ne le pense pas et c’est ce que je vais tenter de vous démontrer.

Premièrement, la création du conseiller territorial opère une quasi-fusion entre le département et la région, mais les deux échelons de collectivité subsistent, formant deux personnes morales distinctes, avec des budgets et des compétences distincts.

Ce projet de loi ne respecte donc pas pleinement la lettre de l’article 72 de la Constitution : en effet, ou l’on fusionne les deux échelons pour créer une collectivité nouvelle gérée par un « conseil territorial », ou l’on respecte la séparation en deux personnes morales distinctes et, partant, l’existence de deux assemblées d’élus.

Deuxièmement, ce texte touche à un principe reconnu par la Constitution, à savoir l’interdiction de la tutelle d’une collectivité sur une autre.

Ce principe, inscrit dans la Constitution, est tellement ancré dans notre droit que, en cas de coopération entre collectivités, seule est autorisée l’existence d’un « chef de file ». Or la mission des conseillers territoriaux pourrait leur permettre d’orienter la prise de décision régionale en fonction d’intérêts départementaux – hypothèse possible, voire probable – ou la prise de décision départementale dans un sens favorable à la région.

Ainsi, la tutelle est inhérente au dispositif qui découlera de cette réforme institutionnelle si, par malheur, celle-ci est adoptée. Or le droit public français n’autorise pas la tutelle d’une collectivité sur une autre.

Par ailleurs, indépendamment et en sus des arguments précédents, le mode d’élection soulève également un problème.

Traditionnellement, l’élection au scrutin uninominal se fait à deux tours. Guy Carcassonne déduit de cette « habitude » un principe fondamental reconnu par les lois de la République qui lui paraît de nature à conduire le Conseil constitutionnel à s’opposer à la mise en place du conseiller territorial tel qu’il est prévu dans ce projet de loi. Je vous renvoie à cet égard à son excellent article paru dans l’édition du 10 novembre 2009 du journal Libération.

Quant à l’analyse juridique que je fais sur la question de la tutelle, beaucoup de juristes l’ont développée avant moi. En particulier, la présente intervention s’inspire largement d’un excellent article de doctrine rédigé par Géraldine Chavrier, professeur de droit, paru dans la revue L’actualité juridique du droit administratif.

Bien entendu, je m’oppose totalement à la création des conseillers territoriaux. Je suis persuadé que cette mesure soulèvera d’innombrables problèmes, à commencer par des problèmes d’ordre constitutionnel.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à M. Jean-Luc Fichet, sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Fichet

Au cours de cette période de vœux, qui touche à sa fin, nombre d’élus nous ont interrogés sur cette réforme des collectivités territoriales et nous ont demandé de la leur détailler. Aussi, je leur ai expliqué que les communes, les intercommunalités et, pour l’instant, les départements subsistaient, que les régions, ma foi, n’étaient pas menacées. Enfin, j’ai ajouté que le projet de loi créait une nouvelle structure, la métropole. J’ai conclu que le fameux mille-feuille dont on parle tant ne s’en trouvait aucunement modifié.

Les maires m’ont ensuite interrogé sur le conseiller territorial. Je leur ai répondu que, pour ce que j’en ai compris, celui-ci serait une sorte d’élu, un hybride, à mi-chemin entre le conseiller général et le conseiller régional tels que nous les connaissons aujourd’hui. La majorité des élus locaux, actuellement, conservent un ancrage dans la vie professionnelle, où ils puisent notamment une partie de leurs compétences. Le futur conseiller territorial, quant à lui, sera un professionnel, même s’il n’est pas présenté comme tel, qui siégera à la fois au sein de l’assemblée départementale et de l’assemblée régionale, au sein de syndicats, d’associations ou d’organisations professionnelles. Il sera omniprésent et devra parcourir d’innombrables kilomètres pour se rendre en tout point de son département et de sa région.

Les élus m’ont alors répondu que le futur conseiller territorial serait un « super-homme », ce à quoi je leur ai répondu que tel devrait être effectivement son profil.

Le Gouvernement nous explique que la création du conseiller territorial a pour objectif de diminuer le nombre d’élus. Sachez que ce raisonnement a fortement déplu aux élus locaux, qui se sont offensés qu’on puisse considérer qu’ils coûtaient cher. Aussi, je leur ai expliqué que cette réforme ne réduira aucunement les coûts, puisqu’il est envisagé d’adjoindre au conseiller territorial un suppléant afin de le décharger du travail qui lui incombera. Ce suppléant siégerait dans les assemblées en lieu et place du titulaire dès lors que celui-ci aurait un empêchement. Comme ce suppléant n’exercera pas sa fonction gratuitement, ayant compris qu’il pouvait en tirer quelques subsides, il sera indemnisé. Résultat : les 3 000 titulaires et leurs 3 000 suppléants formeront un ensemble de 6 000 élus. Aussi, nous ne devons attendre aucune économie de ce côté-là.

La création du conseiller territorial ne menace pas les élus en tant que tels, mais elle représente une menace pour la qualité du service que ceux-ci peuvent rendre. Toute réforme a théoriquement pour but une meilleure organisation pour un travail plus efficace et un service de meilleure qualité pour le profit du plus grand nombre. Or le futur conseiller territorial, compte tenu de son statut de professionnel, sera tellement absorbé par ses missions et son mandat qu’il ne sera absolument pas disponible. Aussi, les élus de terrain ne doivent pas espérer qu’il relaie leurs préoccupations au sein des instances élues, parce qu’il n’en aura pas la capacité.

Cette réforme n’aura d’autre conséquence que de bouleverser notre paysage politique et démocratique, simplement pour servir les intérêts d’un parti dans les années à venir, sans considération pour les dégâts collatéraux de cette réorganisation.

Vous l’aurez compris, je ne voterai pas pour la création de ce conseiller territorial.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Haut

Je m’opposerai, moi aussi, à la création de cet élu hybride, non encore identifié, qu’est le conseiller territorial.

Monsieur le rapporteur, vous avez rapporté tout à l’heure les quelques confidences que vous a faites un président de conseil général. Nous verrons, en temps utile, quel sera son vote. Cela étant dit, je ne suis pas certain que, parmi nos collègues de la majorité, il ne se trouve pas un président de conseil général hostile lui aussi à cette réforme…Mais, passons !

Je voudrais mettre l’accent sur plusieurs points de cette réforme qui me paraissent importants.

Tout d’abord, elle conduira à placer côte à côte deux collectivités qui n’ont rien à voir l’une avec l’autre et dont les champs de compétences sont totalement différents. Le conseiller général effectue un travail de grande proximité et assure le lien social, tandis que le conseiller régional, pour sa part, est chargé des grands dossiers d’aménagement du territoire et a donc un rôle très différent de son collègue départemental.

Il sera impossible au futur conseiller territorial d’être omniprésent, d’être à la fois dans son canton, dans son département, dans sa région.

En outre, la création du conseiller territorial programme, à terme, la disparition des départements. Pour autant, les régions s’en trouveront non pas renforcées, mais considérablement affaiblies. C’est donc à une recentralisation déguisée et à une régression démocratique que nous assistons.

Bien sûr, cette régression démocratique se traduira notamment par le recul de la parité.

Il serait bon, s’il en est encore temps, de se ressaisir.

Les collectivités sont des entités de la République à part entière, inscrites, en tant que telles, dans la Constitution de notre pays. Il serait de mauvais augure de les supprimer purement et simplement ou bien, comme c’est à craindre, de les regrouper d’office, après leur avoir retiré leur autonomie.

Pour toutes ces raisons, comme l’ensemble des collègues de mon groupe, je voterai contre l’article 1er du projet de loi.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt-et-une heures trente-cinq, sous la présidence de M. Jean-Léonce Dupont.