Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, à mon tour, je regrette que nos rappels au règlement n’aient pas rencontré un écho plus favorable au sein de cette assemblée. Nous nous retrouvons en effet dans une situation assez ubuesque où un amendement, devenu article additionnel, met en place un système électoral pour des élus dont le statut n’a pas encore été adopté !
L’article 1er du présent texte tend en effet à instituer une nouvelle catégorie d’élus, les conseillers territoriaux, qui doivent siéger tout à la fois au conseil général et au conseil régional, et se substituer aux conseillers généraux et régionaux. Ces femmes et ces hommes – ou plutôt ces hommes, car, au vu du mode de scrutin proposé, et malgré l’amendement présenté par M. About, la parité sera bien maltraitée – seront élus sur la base du premier mandat qui impose le cumul, mes chers collègues !
De surcroît, il n’y aura plus que 3 000 élus, contre 6 000 actuellement, pour piloter les dossiers d’aménagement et représenter la population de ces territoires. Vous m’objecterez qu’ils seront assistés de suppléants, ou de remplaçants, mais l’on ignore encore tout des missions et des compétences de ces derniers ! Là encore, une clarification s’impose. On peut néanmoins s’interroger légitimement sur la capacité de ces conseillers territoriaux à conserver un lien avec les territoires, leurs populations et leurs acteurs économiques.
Cumul des mandats, non-respect de la parité, difficile représentation des populations et de leurs territoires, surtout s’il s’agit de territoires ruraux ou de montagne, atteinte au pluralisme et à notre démocratie : je ne vois que des mauvaises réponses dans ce nouveau dispositif, qui prétend renforcer le couple département-région, mais qui s’apparente en réalité à une fusion-absorption à laquelle les départements ne survivront pas !
Associée à la réduction de la représentation des communes au sein des intercommunalités, à la disparition de la clause générale de compétence et au renforcement des pouvoirs des préfets, la création du conseiller territorial organise en réalité la destruction de notre République et de ses valeurs.
À l’instar des « citoyens de la modernité », rassemblés en comité, je prétends qu’être moderne aujourd’hui, c’est tout faire pour redonner le pouvoir aux citoyennes et aux citoyens. Or c’est tout le contraire que cette réforme met en œuvre ! Oui, la modernité passe par la réappropriation des valeurs et des institutions républicaines ! Il s’agit de redonner le pouvoir aux citoyennes et aux citoyens, depuis la commune, maillon fondamental de notre République, jusqu’à la nation, en passant par les départements comme niveaux structurants de l’aménagement du territoire et de la décentralisation, en phase avec les agglomérations communales, les régions et l’Europe !
Décembre 1789 a vu la naissance des communes et des départements, destinés à casser les provinces et à donner le pouvoir aux citoyennes et aux citoyens. Décembre 2009 voudrait casser les départements et les communes pour retirer le pouvoir aux citoyennes et aux citoyens et le donner aux préfets !
Je refuse, avec d’autres, cette trahison des valeurs de liberté, d’égalité, de laïcité et de solidarité, qui ont façonné notre pays depuis 1789, et de toutes les grandes avancées que nous avons connues jusqu’au Conseil national de la résistance ! Deux cent vingt et un ans après l’assemblée des trois ordres du Dauphiné qui, à Vizille, dans mon département de l’Isère, fit se lever le vent révolutionnaire en réclamant la convocation des états généraux, je vous appelle, mes chers collègues, à entrer en résistance face à ce coup d’État.
Cette réforme ne se discute pas, elle se combat ! C’est pourquoi je vous invite à voter contre l’article 1er.