Intervention de Bruno Retailleau

Réunion du 4 novembre 2014 à 21h30
Simplification de la vie des entreprises — Articles additionnels après l'article 2 quinquies

Photo de Bruno RetailleauBruno Retailleau :

Comme cela vient d’être indiqué, le concept de pénibilité est entré dans le droit du travail grâce à la réforme de 2010, qui a établi le lien entre la pénibilité et la retraite.

Ne donnez pas à penser aux Français qu’il n’y aurait qu’une façon d’aborder la question de la pénibilité, ni que le dispositif allemand est le même que le dispositif français ! Il y a entre ces deux systèmes des différences non seulement de degré, mais aussi de nature. §Je vous remercie de le reconnaître, monsieur le secrétaire d’État.

On compte chaque jour 500 chômeurs de plus en France. Nous le savons bien, sans avoir besoin d’écouter les grandes confédérations patronales, car nous sommes, sur le terrain, au contact des PME : les contraintes réglementaires et administratives sont en train d’étouffer l’emploi dans notre pays.

Permettez donc que nous utilisions le véhicule législatif que constitue ce texte de simplification pour faire entendre notre voix ! Depuis deux ans et demi, nous avons vu tant de ministres nous expliquer doctement, péremptoirement, qu’ils détenaient la panacée, sur le logement et bien d’autres sujets ; puis, quelques mois plus tard, on se rendait compte que les mesures qu’ils avaient présentées allaient à l’encontre de l’intérêt général ! Permettez-nous donc de douter, de faire valoir un certain nombre d’arguments et d’affirmer des positions d’ailleurs tout à fait cohérentes.

Deux dispositifs nous semblent jouer contre l’emploi.

Tout d’abord, le droit d’information des salariés en cas de cession de l’entreprise, dont nous parlerons tout à l’heure, est une catastrophe pour les entreprises, en particulier les PME ! Ce dispositif a été introduit dans le texte à la suite de l’adoption par la commission d’un amendement de notre collègue Jean-Jacques Hyest ; nous y reviendrons.

Ensuite, il y a le dispositif relatif à la pénibilité. Nous voulons que celle-ci soit prise en compte, bien sûr, mais nous contestons formellement votre façon de le faire.

Sur le fond, nous pensons très honnêtement que ce dispositif constitue effectivement une usine à gaz, un sommet de complexité. Dès la première étape, celle du diagnostic, les petites entreprises seront confrontées à d’énormes problèmes. Et cela continuera ! Qui dit complexité administrative, dit nids à contentieux juridiques. Je pense que vous êtes de bonne foi, monsieur le secrétaire d’État, mais cela est en totale contradiction avec votre souhait de provoquer un choc de simplification.

Ainsi, qu’est-ce qu’une « donnée collective utile » ? Comment définissez-vous cette notion ? Que dira la jurisprudence dans les années à venir si le compte de prévention de la pénibilité est mis en œuvre dans les conditions que vous souhaitez ? Nul ne le sait, et certainement pas le Gouvernement aujourd’hui ! Ce sont les juges qui traceront les contours de ce concept de « données collectives utiles ».

Les contentieux tiendront aussi au fait que la technicité des risques est extrêmement pointue, difficile à aborder. Sans doute la jurisprudence posera-t-elle, là encore, un certain nombre de repères. Il en ira de même pour les mesures relatives aux seuils, elles aussi source de complexité.

Cette complexité engendrera une augmentation du coût du travail, directe et indirecte, à travers la charge administrative. Un certain nombre de fédérations l’ont évaluée à près de 2 %. Ce n’est pas rien ! On le sait, le problème de compétitivité de notre pays tient aussi au droit du travail. Il faut également citer la nouvelle distorsion de concurrence que le dispositif créera entre secteur public et secteur privé, qui n’auront pas à supporter les mêmes contraintes.

Vous-même avez d’ailleurs fait la déclaration suivante au journal Les Échos, le 29 octobre : « J’ai voté la loi sur la pénibilité, qui fonctionne bien dans d’autres pays, entre autres en Allemagne, mais le ministre que je suis n’est pas satisfait de cette loi, car une loi qui ne peut pas s’appliquer n’est pas une bonne loi. » Sur ce point, je vous donne raison.

Sur la forme, vous vous étiez engagé à ce que les quatre critères ne posant pas problème fassent rapidement l’objet d’un décret. Pourquoi pas ? Nous n’y sommes pas opposés. En revanche, le Gouvernement n’a pas tenu l’engagement qu’il avait pris de discuter sur les six autres critères avant la parution des décrets – Michel de Virville avait été missionné à cette fin. Vous avez parlé tout à l’heure de volte-face ; si volte-face il y a, c’est celle du Gouvernement. Dans ces conditions, comment voulez-vous, monsieur le secrétaire d’État, susciter la confiance des partenaires sociaux ?

Voilà ce que je voulais vous dire, de façon non pas doctrinaire mais pragmatique : il faut bien sûr prendre la pénibilité en compte, monsieur le secrétaire d’État, mais pas de manière aussi complexe, au risque de rendre le dispositif inapplicable ! §

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