Merci pour votre accueil, je tâcherai d'être bref pour laisser la parole aux deux rapporteurs du CESE et au débat.
Le CESE s'est mobilisé très tôt sur la transition énergétique, en amont de ce projet de loi, nous avons travaillé en particulier sur l'efficacité énergétique, sur les transports, sur les perspectives énergétiques.
La campagne pour les élections européennes nous a laissés orphelins d'un grand débat sur l'énergie à l'échelle du continent ; c'est d'autant plus regrettable que l'énergie est au coeur de la compétitivité et de l'emploi industriel : si elle ne maîtrise pas le coût de son énergie, l'Europe perdra toute industrie énergivore. Nous sommes en phase de croissance faible et je crois que nous y sommes durablement - je n'ai jamais cru aux sirènes présidentielles, d'où qu'elles viennent, annonçant le retour d'une croissance forte... -, l'énergie est au coeur des crises internationales, voyez le Proche-Orient, la Russie, le réchauffement climatique dresse une perspective dramatique pour l'humanité tout entière : comment, dans ces conditions, imaginer pouvoir se passer d'un grand débat, comment penser que nous n'aurons pas à faire des choix ? Il est d'autant plus important de le comprendre aujourd'hui qu'il est encore possible de faire ces choix, nous devons y procéder non pas en restant campés sur des positions idéologiques et antagonistes, mais en recherchant les solutions avec réalisme. C'est ce que nous avons fait dans cet avis, par exemple sur le nucléaire où nous avons bien dit qu'en France, l'atteinte de nos objectifs ne pourrait se faire sans l'énergie nucléaire.
Quand la société française est traversée par des violences, quand les positions risquent de se radicaliser, quand toute réforme est désormais vécue comme punitive, de grâce, retrouvons un certain enthousiasme à réformer : la transition énergétique n'est pas une liste de contraintes, de punitions du consommateur, c'est un nouveau mode de vie à inventer, où chacun se mobilisera parce qu'il a quelque chose à y gagner ! Il faut dépasser les clivages, jouer l'apaisement, débattre des objectifs et pas seulement des conséquences. Considérons aussi que la France peut prendre une place de tout premier rang dans la compétition pour la digitalisation industrielle, qui est un atout décisif face à la précarité énergétique, tout autant que pour la maîtrise des réseaux. Il est choquant de constater qu'au moment où la Commission européenne lance un programme de 300 milliards d'euros d'investissements sur les infrastructures, nous n'avons pas de réflexion sur les connexions, sur les surproductions d'énergie, sur l'efficacité énergétique des différentes sources d'énergie... L'Europe doit être un modèle énergétique, cela suppose de modéliser l'ensemble des facteurs, de la production à la consommation d'énergie, en passant par le stockage et le transport : il y a beaucoup à faire en la matière et c'est d'autant plus motivant que la maîtrise énergétique est un facteur majeur de stabilité globale.
Dans notre pays, on regarde toujours ce que coûteraient l'action, la réforme, sans considérer ce qu'il en coûtera de ne rien faire. Le CESE s'est prononcé, officiellement et avant la réunion des chefs d'État à Bruxelles, pour que les engagements continentaux en matière d'environnement se traduisent par des obligations étatiques, ou bien nous savons déjà que les objectifs manqueront d'effectivité car, on ne peut pas laisser les pouvoirs locaux assumer une telle charge.
Nous avons également dit qu'il y avait un besoin de cohérence : les Français sont fatigués des lois d'affichage. Être ambitieux dans les objectifs, c'est bien, mais les outils fiscaux et financiers sont indispensables. Il faut également penser les outils de la mobilisation politique - c'est l'un des enjeux de la vaste réforme territoriale sur laquelle vous travaillez, que d'articuler cette mobilisation pour la transition énergétique avec la notion de responsabilité. Ne perdons pas de vue qu'avec une faible croissance, il va falloir apprendre à être heureux avec moins, nous avons besoin de maîtriser l'énergie bien plus que nous ne le faisons aujourd'hui.
Enfin, je vous confirme que deux dissensus ont été maintenus malgré le débat approfondi : nombre de conseillers ne croient pas à une baisse de la consommation d'énergie de moitié d'ici 2050, non plus qu'à l'objectif d'une électricité nucléaire à 50 % en 2025, contre 75 % aujourd'hui. Sur ces points, le débat reste bien entendu ouvert.