Intervention de Laurence Hézard

Commission des affaires économiques — Réunion du 5 novembre 2014 : 1ère réunion
Transition énergétique pour la croissance verte — Audition de M. Jean-Paul deleVoye président du conseil économique social et environnemental de M. Jean Jouzel et Mme Laurence Hézard rapporteurs d'un avis du cese

Laurence Hézard, rapporteure pour avis du CESE (section des activités économiques) :

Dans la préparation de cet avis, nous avons voulu hiérarchiser les objectifs énoncés par le projet de loi. Certains objectifs de court terme peuvent être rapidement mis en oeuvre et ils concernent les secteurs les plus énergivores, le bâtiment et les transports ; d'autres, de plus long terme, exigent de se prononcer collectivement sur un scénario de mix énergétique, ce qui nécessite de l'information et de la pédagogie. Cette hiérarchisation des objectifs demande de la cohérence entre les décisions, entre les réglementations, de la transparence sur les décisions, du suivi et de l'évaluation dans la durée. Nous savons combien la prise en compte du long terme est nécessaire à la réussite, la France en a fait l'expérience puisque notre situation énergétique actuelle résulte de décisions prises dès avant la dernière guerre mondiale.

Nous avons apprécié que le bâtiment figure au premier rang pour les mesures concrètes de ce texte. La notion de performance énergétique du bâtiment est de nature à mobiliser l'ensemble des acteurs concernés, de la maîtrise d'ouvrage aux artisans, avec des enjeux très importants sur les matériaux, aussi bien que sur la formation. Si ces mesures sont d'application relativement simple pour le logement neuf, les choses se compliquent pour la rénovation ; comment inciter les propriétaires à rénover par des travaux coûteux, quand les loyers sont de plus en plus contraints ?

Nous avons également pointé les difficultés pour les ménages précaires, qui sont souvent logés dans des logements énergivores. Il nous a paru utile de bien distinguer deux sujets : l'aide sociale pour aider ces ménages à payer leurs factures d'énergie, par exemple le chèque énergie, d'une part, et les moyens à mobiliser pour rénover le logement, le rendre plus sobre. Ces deux sujets ne se confondent pas, il est important de le préciser.

Dans les transports, autre poste très consommateur d'énergie, nous ne sommes pas favorables au « tout électrique » ; d'autres solutions ont un faible impact sur l'environnement, par exemple les moteurs hybrides, le gaz naturel méthane, ou encore le bio-méthane carburant ; surtout, l'impact global du transport électrique n'est pas présenté, de l'extraction du lithium au retraitement des batteries, en passant par les réseaux électriques : la recherche doit progresser, pour s'assurer que la bonne idée d'aujourd'hui soit aussi une bonne idée pour demain. Nous devons nous adapter à la géographie et à l'usage : le transport sur de longues distances et le transport urbain, par exemple, n'appellent pas les mêmes solutions. Sur les biocarburants, nous avons considéré aussi qu'il est devenu nécessaire d'arrêter ceux de première génération, qui ne répondent pas à nos objectifs de réduction des gaz à effet de serre. Nous avons indiqué encore que les pratiques évoluent : les jeunes n'ont pas le même rapport à la voiture que leurs parents, le covoiturage se développe, la location entre particuliers, tout ceci a des incidences sur les modalités d'action, par exemple sur les aménagements urbains à réaliser.

Pour la gouvernance proposée dans le cadre des plans pluriannuels de l'énergie, nous avons eu ce leitmotiv : la simplification. Il nous a semblé que de nouvelles instances allaient s'ajouter, se superposer à celles qui existent, alors qu'il vaudrait mieux commencer par remettre à plat le système actuel. Nous avons encore souhaité que la programmation pluriannuelle porte sur l'ensemble des énergies, y compris le pétrole : c'est nécessaire pour atteindre nos objectifs.

Nous avons apprécié que des mesures soient prises pour le nucléaire en exploitation : améliorer l'information, la transparence, le rôle de l'Autorité de sûreté nucléaire, voilà autant de sujets importants qui ont fait consensus au CESE. En revanche, les avis ont divergé sur le nucléaire de demain : certains conseillers pensent que le scénario proposé est irréaliste, d'autres pensent qu'il faut aller plus loin. Nous avons réussi à sortir du dogmatisme, en disant que les objectifs généraux sont suffisamment crédibles pour avancer et travailler sur les scénarios de mix énergétiques, en les évaluant plus complètement - ce qui n'est pas fait aujourd'hui.

Nous avons voulu que le vocable de la transition énergétique paraisse explicitement dans le projet de loi, ce qui avait paru un temps incertain. Car c'est bien de transition énergétique qu'il s'agit, d'une mobilisation collective à construire ensemble, pour aller vers un modèle énergétique que nous ne connaissons pas et qui a de très nombreuses implications dans notre société. Il nous faut de la pédagogie pour que chacun puisse choisir, afin que chacun, individu ou collectivité, s'inscrive dans le projet d'ensemble - c'est aussi l'enjeu de la cohérence

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