Intervention de Najat Vallaud Belkacem

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 6 novembre 2014 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2015 — Audition de Mme Najat Vallaud-belkacem ministre de l'éducation nationale de l'enseignement supérieur et de la recherche

Najat Vallaud Belkacem, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche :

Un grand journal du soir a mis en doute, dans son édition d'hier, la création effective des postes annoncés par le Gouvernement. Or 24 666 ont déjà été créés au 1er septembre 2014. Si 18 070 de ces nouveaux enseignants sont encore stagiaires, ils ne le demeureront pas à vie ! Ils seront titularisés au bout de deux ans. Nous prévoyons la création de 10 561 postes supplémentaires en 2015. La montée en charge de ces recrutements ne peut être que progressive.

Nous confirmons la priorité que nous donnons au premier degré : c'est essentiellement là que les postes nouveaux ont été distribués. Oui, le nombre d'élèves augmente : où en serions-nous si les suppressions de postes avaient été poursuivies ! Je veux vous rassurer, les 3 350 postes « devant élèves » supplémentaires ne sont pas absorbés par l'évolution démographique. Nous aimerions certes en faire plus pour la préscolarisation des enfants en zones prioritaires, mais toutes les familles ne sont pas intéressées. C'est une culture à installer.

Le métier d'enseignant manque certes d'attractivité, mais moins que ces dernières années, qui avaient vu la suppression de 80 000 postes en dix ans et celle de la formation initiale - sans oublier les propos dévalorisants tenus à l'endroit des professeurs. Notre travail depuis 2012 a consisté à revaloriser le métier, par l'ouverture de postes et par l'augmentation des salaires. Les enseignants du premier degré reçoivent désormais une prime de 400 euros annuels. Est-ce insuffisant ? Sans doute. Lorsque nous en aurons les moyens, nous ferons plus. Quatorze métiers de l'éducation nationale, notamment ceux d'enseignant, de conseiller principal d'éducation (CPE) ou de directeur d'école, ont fait l'objet de chantiers « métiers » avec les syndicats, afin de redéfinir les missions et les moyens. Une première série de conclusions sera rendue la semaine prochaine. Les directeurs d'établissements, par exemple, bénéficieront de davantage de décharges horaires et du renfort de contrats aidés pour les tâches administratives.

La notation des épreuves des concours n'est pas une évaluation absolue, mais relative, visant à classer les candidats. Ayant tous obtenu un master, ils sont diplômés et ont le niveau requis pour exercer. Les ÉSPÉ sont là pour compléter cet acquis disciplinaire par une formation pédagogique : félicitons-nous d'avoir réussi à les mettre en place dès la rentrée 2013. Elles sont certes perfectibles, mais le gouvernement a tenu à les installer au plus tôt. Si nous avions tardé, nous aurions connu les mêmes difficultés... plus tard. Je rappelle que les universités sont des entités autonomes, non des opérateurs de l'État susceptibles de recevoir des instructions. Nous avons créé un comité de suivi présidé par le recteur Filâtre, et les inspections générales ont rendu un pré-rapport sur la mise en oeuvre de cette réforme.

La formation continue des enseignants est l'un des points sur lesquels nous pouvons avancer. Les personnes en exercice ont besoin d'être renforcées dans leurs pratiques. Nous le faisons au moyen d'un outil en ligne, Magistère, qui devra être complété par des formations spécifiques, à destination notamment des enseignants en zone prioritaire.

Nous introduisons, dans le cadre de la réforme des collèges, un parcours nouveau d'information, d'orientation et de découverte du monde économique et professionnel (PIODMEP), conçu par le Conseil supérieur des programmes et destiné à devenir une étape systématique dans toutes les classes du collège. Nous en sommes au stade de l'appel à projets. Il sera expérimenté en janvier dans une centaine d'établissements volontaires, dans toutes les académies.

L'éducation nationale accueille aujourd'hui 40 000 élèves sous statut d'apprentis, nous en voulons 60 000 en 2017. Il est pour cela nécessaire de changer les réflexes des enseignants, des parents et des élèves qui tendent considérer que l'apprentissage est réservé aux cas d'échec scolaire et débouche sur des métiers mal payés. C'est faux ! Les offres d'apprentissage apparaîtront désormais dans tous les outils d'orientation post-troisième et post-bac. J'ai en outre demandé à chaque recteur de réfléchir à une stratégie de développement de l'apprentissage. Nous ferons le point tous ensemble lors d'une réunion qui se tiendra le 19 novembre prochain.

Un travail interministériel est en cours afin de simplifier la règlementation relative à l'usage des machines dangereuses par les élèves. On s'orienterait vers un régime de déclaration pour faciliter la tâche aux entreprises et ouvrir aux élèves l'accès à des expériences utiles.

Vous connaissez mon attachement à la laïcité : elle doit être défendue et promue à l'école, non seulement comme une règle de neutralité religieuse imposée, mais comme une culture à acquérir afin de pouvoir se forger une liberté de conscience et de jugement. Nous pouvons nous appuyer pour cela sur la charte de la laïcité, dont l'affichage a été très opportunément décidée par Vincent Peillon ; un enseignement moral et civique est en cours de conception, il s'adressera à tous les élèves ; des référents laïcité, dans toutes les académies, ont été désignés pour conseiller les enseignants et répondre à leurs interrogations ; enfin les ÉSPÉ comportent des modules « Laïcité » grâce auxquels les enseignants pourront aborder le sujet plus sereinement en classe.

Comme l'a précisé le Conseil d'État, les parents ne sont pas soumis à la règle de neutralité religieuse qui s'impose au personnel de l'éducation nationale, mais sont tenus de s'abstenir de tout prosélytisme, conformément à la circulaire Chatel, sur laquelle il n'est pas question de revenir. Les mères d'élèves voilées sont donc autorisées à accompagner les sorties scolaires, d'autant que tout rapprochement entre l'école et les familles est vertueux, bénéfique pour les enfants.

Pour avoir longtemps été élue locale, je sais que la mise en oeuvre des nouveaux rythmes scolaires est compliquée et je ne prétends pas que l'accompagnement financier de l'État couvre tous les coûts. Mais c'est une bonne réforme : l'étalement des enseignements sur cinq matinées améliore la qualité des apprentissages ; et l'instauration des activités périscolaires, culturelles, artistiques ou sportives, est pour tous les enfants une ouverture sur le monde. De telles activités ne sont plus réservées aux enfants des familles aisées. Chaque jour, la revue de presse de la presse quotidienne régionale m'apprend d'ailleurs que la réforme ne pose pas seulement des difficultés : je suis étonnée de lire tous ces témoignages de familles, d'enseignants et d'élus qui se disent ravis. Restent évidemment quelques cas particuliers, comme celui d'une commune des Bouches-du-Rhône qui a refusé de la mettre en oeuvre...

Nous avons à nouveau provisionné 400 millions d'euros pour l'accompagnement de l'État en 2015 et 2016, mais il sera réservé aux communes signataires d'un projet éducatif territorial. C'est simplement une question d'engagement et de volontarisme : nous ne voulons pas verser d'argent à ceux qui ne font aucun effort pour proposer des activités de qualité. Je signale que les communes rurales sont beaucoup plus nombreuses que les grandes villes à y avoir souscrit.

Sur les 60 000 nouveaux postes prévus, 1 000 iront à l'enseignement agricole : 685 auront été créés entre 2012 et 2015 ; et 25 nouveaux AVS s'ajoutent cette année aux 100 recrutés depuis 2012. De nouvelles classes ont été ouvertes dans les lycées agricoles et la capacité des classes de BTSA a été augmentée. Stéphane Le Foll a dû vous parler hier du plan d'action « Enseigner à produire autrement ». L'enseignement agricole s'ouvre mieux à l'international avec le renforcement de ses classes européennes. Les nouveaux enseignants bénéficient d'un cycle spécifique d'un an à l'école de formation de Toulouse.

Les dérogations accordées aux communes pour l'application de la réforme des rythmes scolaires feront l'objet, après un an, d'une évaluation.

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