Intervention de Michel Sapin

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 5 novembre 2014 : 3ème réunion
Audition de M. Michel Sapin ministre des finances et des comptes publics préalable au g20 de brisbane sur la croissance et la régulation financière

Michel Sapin, ministre :

La montée en puissance du G20 est une conséquence de la crise financière : il fallait une réponse mondiale à des problèmes mondiaux. Depuis la crise, les travaux du G20 se sont accélérés et son champ d'intervention s'est élargi.

Le premier sujet qui sera abordé à Brisbane est la faiblesse de la croissance mondiale, déjà constatée par les ministres des finances pendant leur réunion préparatoire à Cairns. En Chine, le taux de 7 % ou 8 % masque d'importants déséquilibres économiques et sociaux internes. Au Brésil, la croissance est atone. Et dans la zone euro, elle est bien trop faible. Pourquoi ? Le changement récent de politique monétaire y changera-t-il quelque chose ? La présidence australienne a invité les membres du G20 à réfléchir aux actions pouvant être prises pour qu'en 2018 la croissance soit supérieure de 2 % à ce qu'elle serait si nous ne faisions rien. C'est une démarche intéressante ! La solution passe sans doute par le développement de l'investissement, public comme privé. En Europe, Jean-Claude Juncker exposera demain des modalités de mise en oeuvre rapide du plan d'investissements de 300 milliards d'euros. Ces investissements porteront sur de grandes infrastructures de transport ou d'énergie, mais aussi sur la recherche et l'innovation.

Le deuxième point à l'ordre du jour sera la lutte contre le réchauffement climatique. Après le sommet de Lima cette année, nous organiserons le sommet de Paris fin 2015 et comptons bien appeler l'attention des membres du G20 sur cet enjeu, susciter des contributions publiques au Fonds vert pour le climat et mobiliser l'investissement privé, car il est aussi possible de participer à cette lutte au travers de projets rentables. Le Président de la République rentre du Canada : certains grands pays sont plus réticents que d'autres à s'engager dans ce combat...

Troisième sujet, la régulation financière, qui est l'ADN du G20. Avec la catastrophe de 2008 est apparue la nécessité d'encadrer la finance devenue folle. Le travail effectué depuis, qu'il s'agisse des banques ou des assurances, est remarquable, même s'il n'est pas achevé : nous devons réguler le shadow banking, si nous ne voulons pas voir les activités bancaires se vider au profit de l'extra-bancaire - phénomène qui pourrait être organisé par les banques elles-mêmes pour échapper à certaines contraintes -, ce qui créerait de nouveau des fragilités.

La coopération fiscale, enfin, doit renforcer la lutte contre la fraude fiscale et réduire l'optimisation fiscale. Chaque pays doit mobiliser son opinion publique, alors même que la plupart doivent accroître la pression fiscale, sur l'injustice que ces phénomènes représentent. L'OCDE a effectué un excellent travail. Un standard commun sera mis en place pour lutter contre le secret bancaire. La semaine dernière, à Berlin, 52 pays se sont engagés à mettre en oeuvre un système d'échange automatique d'informations le 1er janvier 2017. Une cinquantaine d'autres pays le feront le 1er janvier 2018. C'est dire que les pays qui ne le feront pas seront marginalisés. Comme l'échange automatique d'information devra porter sur les trois dernières années, c'est dès le 1er janvier 2015 que la donne va changer. D'ailleurs, les déclarations affluent à mon ministère, souvent accompagnées de gros chèques ! Cela nous procure 1,8 milliard d'euros de recettes supplémentaires pour cette année, auxquelles s'ajouteront 400 millions d'euros supplémentaires l'an prochain. C'est une vraie réussite.

L'OCDE a également travaillé sur l'optimisation fiscale et identifié quinze sujets, dont sept ont fait l'objet de travaux suffisamment précis pour faire l'objet de décisions à Brisbane. Les autres, plus complexes, seront examinés au prochain G20, en Turquie. Il s'agit par exemple des prix de transferts, des organisations mère-filles ou de la rémunération des brevets : les patent boxes ne doivent pas être des black boxes !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion