La mission « Action extérieure de l'État » regroupe les crédits du ministère des affaires étrangères et du développement international (MAEDI), à l'exception de ceux dévolus à l'aide publique au développement, qui fait l'objet d'une mission spécifique. Cela représente une masse financière de l'ordre de 3 milliards d'euros.
Deux changements de périmètre sont à signaler pour cette année : d'une part, l'intégration de l'opérateur « Atout France », chargé de la promotion du tourisme en France, dont Richard Yung parlera plus précisément ; d'autre part, l'arrivée d'un nouveau programme provisoire dédié à la préparation et à l'organisation de la Conférence « Paris Climat 2015 » - que j'évoquerai moi-même plus longuement.
Au niveau de la mission, les crédits demandés diminuent de 2,1 % à périmètre constant par rapport à 2014. La baisse devrait s'établir à plus de 3 % sur l'ensemble de la période triennale 2015-2017 ; la mission « Action extérieure de l'État » participe donc pleinement à la maîtrise des finances publiques. Ces économies passeront notamment par la maîtrise de la masse salariale, qui représente un peu moins du tiers des crédits demandés (soit 902 millions d'euros), pour un total de 12 172 équivalents temps plein travaillés (ETPT).
À cet égard, on notera que l'objectif d'une réduction de 600 ETPT sur la période 2013-2015 a été atteint. Entre 2015 et 2017, la diminution des effectifs devrait être de 450 ETPT.
Il s'agira de poursuivre les mouvements engagés depuis plusieurs années en matière de format de nos réseaux à l'étranger, qu'il s'agisse du réseau diplomatique, du réseau consulaire ou du réseau culturel. En effet, le Gouvernement, tout comme son prédécesseur, a fait le choix de maintenir « l'universalité » de ce réseau, donc de ne pas complètement quitter des pays où nous disposons de postes. En revanche, la taille de ces postes s'adapte aux nouvelles réalités. Le symbole de cette politique reste le classement de nos ambassades en trois catégories, parmi lesquelles celle des « postes de présence diplomatiques », qui se réduisent à une poignée d'emplois. Selon les éléments dont nous disposons, treize nouvelles ambassades devraient devenir des postes de présence diplomatiques d'ici à 2017, ce qui représente un doublement. Dans le même temps, le MAEDI poursuit le basculement progressif des effectifs de certaines zones « historiques » vers les pays émergents les plus importants.
J'en viens à mes principales observations sur les deux programmes que j'ai plus particulièrement suivis.
Le programme « Action de la France en Europe et dans le monde » porte les crédits d'état-major du ministère, ceux du réseau diplomatique ainsi que les contributions de la France aux principales organisations internationales. Il « pèse » 1,8 milliard d'euros, soit un peu plus de 60 % de l'ensemble.
Ses crédits diminuent de 2,5 % en 2015, principalement sous l'effet de la diminution de 43 millions d'euros des contributions aux organisations internationales (OI) et aux opérations de maintien de la paix (OMP). Celle-ci s'explique par plusieurs facteurs : la stabilisation du budget des OI et des OMP, la révision du barème des Nations-Unies, la sortie de la France d'une organisation internationale (l'Organisation des Nations Unies pour le développement industriel - ONUDI), mais aussi l'hypothèse d'un taux de change moyen de 1,36 dollar pour un euro - au lieu de 1,31 en 2014. Là se situe d'ailleurs le principal point de fragilité de ce programme puisque le taux de change réel, hier soir, était de 1,25 dollar pour un euro. Or un écart de 10 centimes par rapport à la prévision annulerait complètement l'économie de 43 millions d'euros espérée sur cette ligne. J'ajoute, en passant, que l'application d'un taux de mise en réserve de 8 % à ces dépenses obligatoires se justifie peu, ces crédits ayant une très forte probabilité d'être débloqués en cours d'année pour honorer les engagements de la France.
L'autre point principal à mettre en lumière concerne les dépenses immobilières, qui devraient rester financées de manière dérogatoire, comme notre ancien collègue Roland du Luart nous l'avait expliqué ces dernières années. L'article 22 de ce projet de loi de finances prolonge ainsi de trois ans, jusqu'à fin 2017, le système selon lequel le produit des cessions du MAEDI à l'étranger retourne à ce ministère. Le principe est néanmoins écorné par une contribution forfaitaire au désendettement « d'au moins 25 millions d'euros par an » sera demandé au MAEDI - qu'il réalise ou non des cessions, du reste, et par le financement, grâce à ces produits, des dépenses qui auraient dû figurer dans les crédits de la mission (travaux de sécurisation de certains postes et rénovation lourde des postes), à hauteur d'une vingtaine de millions d'euros par an. Il importera d'organiser la sortie progressive de ce système d'ici à 2017. Le MAEDI n'en sort d'ailleurs gagnant qu'à condition de réaliser au moins 50 millions d'euros de cessions par an, ce qui présente la dimension d'un « pari » sur le potentiel d'optimisation qui reste encore à réaliser sur le parc immobilier à l'étranger.
S'agissant enfin du nouveau programme, intitulé « Conférence Paris Climat 2015 », je serai bref car je vous proposerai un amendement qui me permettra de résumer le fond de ma pensée. Ce programme a pour objet de porter les crédits consacrés à la préparation et à l'organisation de la 21e Conférence des parties (COP 21) à la Convention-cadre des Nations-Unies sur les changements climatiques (CNUCC), qui se tiendra du 30 novembre au 11 décembre 2015 à Paris. Cette création de programme suit la logique qui avait présidé, en 2011, à l'établissement d'un programme isolant les crédits dévolus à l'organisation du G8 et du G20 en France. Le montant des crédits demandés est loin d'être négligeable : 179 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 43,4 millions d'euros en crédits de paiement (CP), les dépenses devant, pour l'essentiel, être effectuées en 2016. Il s'agira d'un évènement au rayonnement mondial, réunissant des délégations venues du monde entier ; au total, plus de 40 000 participants sont attendus pendant ces deux semaines.
Comme l'a souligné Éric Doligé, le périmètre du programme « Diplomatie culturelle et d'influence » s'enrichit de l'arrivée d'un nouvel opérateur, le groupement d'intérêt économique (GIE) Atout France, l'agence de développement touristique de la France, qui a notamment succédé à la « Maison de la France ». L'intégration dans la mission de sa subvention de 30,4 millions d'euros symbolise la compétence du ministère du MAEDI en matière touristique. En revanche, les crédits du commerce extérieur restent pour l'heure au sein de la mission « Économie », notamment la subvention à Ubifrance et à l'Agence française des investissements internationaux (AFII).
C'est d'ailleurs l'arrivée de cet opérateur qui explique l'augmentation optique de 2,8 % des crédits du programme « Diplomatie culturelle et d'influence », qui devraient atteindre 745,5 millions d'euros. À périmètre constant, ces crédits diminuent de 0,6 % par rapport à l'année dernière.
Les choix budgétaires du Gouvernement sont d'ailleurs assez clairs sur ce programme. D'une part, les crédits d'intervention dits d'influence, comme les bourses de mobilité d'étudiants étrangers en France ou les échanges scientifiques, restent à leur niveau de l'année dernière, ce qui est bien. D'autre part, les opérateurs subissent uniformément un rabot de 2 % sur le montant nominal de leur subvention, selon le mécanisme que nous a présenté ce matin même le rapporteur général, en paraissant regretter son caractère indistinct ; ce rabot est d'ailleurs accentué par le passage de 7 % à 8 % du taux de mise en réserve des crédits. Cette toise concerne l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), bien que cette agence soit chargée d'une mission d'enseignement qui aurait pu la protéger, l'Institut français, qui promeut la culture française hors de nos frontières, Campus France, l'agence des échanges éducatifs et scientifiques, et donc le nouvel Atout France. En revanche, je ne dispose pas d'éléments sur la manière dont les opérateurs devront gérer cette diminution de leur subvention. J'espère que ces informations seront disponibles au moment de la séance publique.
Pour ce qui concerne le programme « Français à l'étranger et affaires consulaires », ses crédits diminueront également de 0,6 % à périmètre constant l'année prochaine.
Plusieurs facteurs expliquent cette baisse. Des facteurs conjoncturels, à commencer par l'absence, en 2015, d'élections concernant les Français établis hors de France. Mais aussi des facteurs plus structurels.
On note ainsi une légère diminution des crédits de personnel (- 0,3 %), du fait de la rationalisation du réseau consulaire, et malgré la création de 25 emplois dans les services de traitement des visas pour la troisième année consécutive. Les octrois de visas augmentent toujours d'environ 8 % par an, et devraient dépasser la barre des 3 millions l'année prochaine. Il faut préciser qu'il s'agit d'une activité lucrative pour l'État, la marge nette sur l'octroi d'un titre de court séjour étant d'environ 20 euros qui, au demeurant, ne profite pas au MAEDI. De plus, il s'agit d'une activité stratégique dans un contexte de forte concurrence dans le domaine touristique notamment. C'est donc une bonne politique.
Parmi les facteurs d'économies, je citerai enfin la réforme de la représentation des Français établis hors de France de juillet 2013. Ce changement se traduit par une économie de plus de 20 %, les crédits passant de 3,4 millions d'euros à 2,7 millions d'euros.
Pour mémoire, cette réforme s'est traduite par la forte diminution du nombre de membres de l'Assemblée des Français de l'étranger (AFE), passé de 190 à 90, par la création de 160 conseils consulaires.
En revanche, les crédits consacrés aux bourses scolaires augmentent de 5,6 %, passant de 118,8 millions d'euros à 125,5 millions d'euros. Il s'agit d'assurer le respect d'un engagement pris par le Président de la République en 2012 : le rattrapage en trois ans, sur le budget des bourses attribuées selon des critères sociaux, de la suppression de la prise en charge de tous les lycéens, quels que soient les revenus de leur famille, instaurée sous le précédent quinquennat. Nous verrons la suite, maintenant que ce rattrapage a été effectué. Le nombre d'enfants scolarisés ne cesse, lui, d'augmenter ; 60 % de ces enfants sont des non-nationaux, ce qui est excellent et conditionne d'ailleurs l'existence même des établissements.
Au regard de l'ensemble de ces éléments, je vous invite à adopter les crédits de la mission « Action extérieure de l'Etat ». Je vous présenterai toutefois un amendement de modification des crédits, relatif aux ambassadeurs thématiques.
Où en sommes-nous dans la localisation commune de postes à l'étranger avec des pays comme l'Allemagne ?
S'agissant des visas, quel est leur délai d'octroi, tout particulièrement avec des pays considérés comme stratégiques, tels que la Chine ?
Je voudrais savoir quelles sont les raisons qui ont conduit la France à quitter l'ONUDI.
Quelles seraient les conséquences d'un écart de dix centimes par rapport à la prévision budgétaire sur le taux de change entre l'euro et le dollar ?
Par ailleurs, nous avons quitté l'ONUDI. Y a-t-il d'autres organisations internationales dont nous pourrions partir ?
Enfin, quand se décidera-t-on à faire une véritable réforme de notre réseau à l'étranger ?
Au sujet des ambassadeurs thématiques, je voudrais témoigner de la qualité et de l'utilité de deux d'entre eux, dont j'ai pu apprécier les services : l'ambassadeur chargé de la lutte contre le virus du SIDA et les maladies transmissibles, à la mission transversale très utile ; et l'ambassadeur pour les commissions intergouvernementales, la coopération et les questions frontalières.
Au rapporteur général, je dirai tout d'abord que les ambassades communes sont des « éléphants blancs », dont on parle beaucoup mais qu'on ne voit pas. Les dossiers sont toujours très difficiles à monter, chacun voulant imposer ses normes. Même lorsqu'il s'agit de mutualiser l'octroi de visas, alors que l'on parle du même titre au sein de l'espace Schengen, on trouvera toujours vingt « bonnes raisons », ou prétendues telles, pour que cela ne se fasse pas.
S'agissant des visas, la réalité est très différente selon les pays. Le ministre a vraiment insisté sur l'importance de la Chine, et l'on a bien avancé, dans ce pays, pour que l'octroi du titre se fasse en vingt-quatre heures. À Tamanrasset, ce n'est pas la même chose...
L'ONUDI est une organisation basée à Vienne qui produit des rapports, mais au sein de laquelle notre présence n'est clairement pas indispensable. Quant au fait de quitter d'autres organisations... je vous laisserai avancer vos propositions, Monsieur Delahaye. Cela peut se révéler politiquement délicat.
Vous parlez également de réforme globale du réseau. Celui-ci se redimensionne, année après année, dans une logique de réorientation vers les pays les plus dynamiques. Dans d'autres pays, on ne supprime pas l'ambassade mais on laisse l'ambassadeur avec très peu d'emplois autour de lui. On supprime aussi des emplois dans la dizaine d'ambassades à format d'exception que compte notre réseau. Donc, le ministère agit. À mes yeux, le vrai débat porte sur les responsabilités et les compétences de chacun, en particulier le rôle des consulats à l'égard des communautés françaises. Des groupes de travail ont été créés, sans résultat, chacun semblant se satisfaire de l'existant.
Richard Yung ayant dit l'essentiel, je vais simplement compléter son propos sur quelques points.
Nous améliorons effectivement notre performance en matière de visas. Les représentants du MAEDI que nous avons rencontrés nous ont dit s'attendre à un doublement de l'octroi de titres de court séjour dans les dix prochaines années. Il s'agit, effectivement, d'une activité qui rapporte, environ 20 euros par visa.
S'agissant du risque associé au taux de change, on peut l'estimer à une quarantaine de millions d'euros pour un écart de dix centimes sur la seule ligne des organisations internationales, ce qui n'est donc pas négligeable. La mission « Action extérieure de l'État » finance la contribution française à 72 organisations. Disons qu'il serait difficile de quitter les plus importantes et que l'enjeu financier associé aux plus petites n'est pas considérable.
Au sujet des colocalisations, le sujet bouge peu mais n'est pas enterré, certains projets avec l'Allemagne avançant encore. Cela dit, il ne faut pas voir dans cette démarche un enjeu budgétaire.
Enfin, à propos des consulats, il est vrai que leur travail gagnerait à être redéfini. Les consulats d'Allemagne, par exemple, n'ont pas du tout la même charge que nos postes.
En somme, le MAEDI maîtrise ses dépenses mais procède pas vraiment à sa réforme de structure. Je partage ce qu'ont dit les rapporteurs spéciaux au sujet de la mutualisation des octrois de visas avec nos partenaires de l'espace Schengen. Certains postes ne se justifient pas. Faudra-t-il qu'un jour, nous coupions des crédits afin de nous faire entendre ?
Il faut, en tout cas, nous pencher sur le travail des consulats, d'ailleurs très différent en fonction des pays d'implantation. Certains postes semblent, avant tout, avoir pour mission d'organiser des mariages et de procéder aux contrôles préalables nécessaires... Ce n'est qu'à l'issue d'un tel travail que nous pourrions disposer d'éléments justifiant une baisse de crédits.
Oui, attention, les consulats ne font pas qu'octroyer des visas. Ils accomplissent aussi de nombreuses tâches en faveur des Français présents dans leur ressort, comme la délivrance de passeports biométriques, des visites dans des lieux privatifs de liberté, etc.
Et, comme je l'ai indiqué, nous devrions passer de 3 millions à 6 millions de visas dans un délai assez court.
Pour ma part, je tiens à souligner que le ministère « joue le jeu » du sérieux budgétaire et que nous devons prendre garde à ne pas nous montrer trop sévères. Il a entrepris de vraies réformes, que nous devrions saluer. La possible évolution du rôle des consulats fait d'ailleurs partie des réflexions du MAEDI. À mon sens, les efforts financiers sont globalement faits aux bons endroits, de même que les préservations de crédits - je pense notamment aux bourses de mobilité pour les étudiants étrangers.
Je mettrai un bémol à cette appréciation. Le MAEDI demande souvent une « rallonge » de crédits dans la dernière loi de finances rectificative de l'année. On ne saurait donc le qualifier d'exemplaire. En outre, il doit faire mieux, notamment en termes d'organisation.
Monsieur Delahaye, depuis sept ans, le nombre d'emplois du MAEDI diminue, bon an mal an, d'environ 200 par an en moyenne. Certes, on peut toujours faire mieux, mais sachons reconnaître que ce ministère a fait sa part, même s'il est vrai que les diplomates ne réservent pas toujours un bon accueil aux conseils d'organisation du réseau formulés par des non-diplomates.
Si, globalement, les emplois baissent, le nombre d'employés à statut précaire, comme les volontaires internationaux, affectés à de véritables missions, augmente, lui, dans les postes comme à Paris.
Par ailleurs, avec Yvon Collin, nous avons pu constater que l'Agence française de développement (AFD) et l'institution financière allemande, la KFW, ont mis en place, faute de moyens, un système assez astucieux de chef de filat dans lequel, selon les pays, un organisme instruit un dossier à fond, l'autre acceptant la délégation. Ne pourrait-on envisager un système de ce type pour les ambassades, ce qui supposerait, certes, une claire distinction des missions ?
Enfin, mon expérience personnelle, notamment à Haïti, me conduit à souligner que, dans certains postes, l'organisation et l'accueil de délégations en visite prennent un temps significatif au personnel de l'ambassade ou du consulat.
Mon expérience passée au sein de ce ministère me permet de vous affirmer que beaucoup d'efforts ont déjà été consentis. Le MAEDI ne roule pas sur l'or, il est même à l'os et, quand j'étais représentant permanent auprès de l'Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE), nous nous battions, avec mes homologues d'alors, pour obtenir « trois francs, six sous ». Il faut y prendre garde et être cohérents : on ne peut pas parler de la place de la France dans le monde et ne pas consacrer les moyens nécessaires à cette présence.
J'indique d'ailleurs à Fabienne Keller que les ambassadeurs reçoivent pour consigne d'embaucher du personnel local autant que faire se peut. Dans certaines ambassades, on ne trouve parfois que deux Français ! Sachons donc conserver un équilibre.
Enfin, disons quand même que des postes ferment, notamment des consulats. À la longue, cela entraîne un manque de débouchés dans la carrière diplomatique et le départ du MAEDI de fonctionnaires de grande qualité.
Ainsi se clôt la discussion générale. Monsieur Yung, pouvez-vous nous présenter votre amendement ?
Cet amendement a pour objet de diminuer de 150 000 euros en AE et en CP les crédits du programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde », action 7 « Réseau diplomatique ».
Comme le montant l'indique bien, le but premier n'est pas de réaliser d'importantes économies mais de donner suite à un contrôle budgétaire que j'ai réalisé il y a deux ans sur les ambassadeurs thématiques.
J'avais alors montré que ces ambassadeurs ne mobilisent que peu de crédits. Selon des éléments actualisés, leur budget « tout compris », incluant notamment la rémunération de ceux de ces ambassadeurs qui sont des agents du MAEDI, serait de 3,5 millions d'euros.
En outre, ils ne sont pas tous inutiles, le rôle positif de certains d'entre eux étant parfois souligné par plusieurs parties prenantes.
Néanmoins, on peut s'interroger sur leur nombre, même s'il a récemment diminué (de 28 à 21), ainsi que sur les fonctions de certains d'entre eux. Quels que soient les mérites des intéressés, avons-nous vraiment besoin d'un « ambassadeur chargé de l'adoption internationale », ou même d'un « ambassadeur chargé de la mobilité externe des cadres supérieurs » ? Pourquoi ces postes ne sont-ils pas de simples postes de chefs de service ?
En outre, leurs conditions de nomination apparaissent assez cavalières : alors que la Constitution prévoit une nomination en Conseil des ministres, plus de la moitié de ces ambassadeurs en fonctions il y a deux ans avaient été nommés par une simple note de service.
Il faut porter ce débat en séance publique et c'est dans cet esprit que je vous soumets cet amendement.
La commission adopte l'amendement proposé par M. Richard Yung, rapporteur spécial.
Monsieur Doligé, vous nous proposez également un amendement. Pouvez-vous le présenter à la commission ?
Cet amendement d'appel a pour objet de diminuer de 10 millions d'euros en AE et de 2 millions d'euros en CP les crédits du programme 341 « Conférence Paris Climat 2015 », action 2 « Organisation de la COP 21 ».
Je veux, par ce moyen, faire réagir le Gouvernement sur deux questions.
La première porte sur le montant important des crédits demandés, qu'il ne nous est pas possible de contre-expertiser. Je comprends que le cahier des charges d'une telle manifestation est exigeant. Pour autant, le ministre devra s'expliquer précisément sur le montant des crédits qu'il demande. Pourquoi 64 millions d'euros d'aménagement des espaces loués ? Pourquoi 11 millions d'euros de communication ? Et même, pourquoi plusieurs millions d'euros d'hébergement et de restauration pour la délégation française ? Nous avons besoin de davantage d'éléments afin de pouvoir juger si ces crédits sont correctement calibrés.
La seconde question porte sur le financement de l'évènement. Pour l'heure, aucun financement partenarial ne semble envisagé par le Gouvernement. Or, au vu de l'ampleur de ce sommet, de nombreux partenaires pourraient sans doute être recherchés avec profit, de nombreux groupes français étant susceptibles de vouloir montrer leur savoir-faire. Une telle démarche serait de nature à alléger, peut-être de 15 % à 20 %, la facture finale pour les contribuables. Il convient que le ministre s'exprime aussi là-dessus.
C'est pourquoi je vous propose cet amendement de diminution de crédits, qui, encore une fois, est un amendement d'appel et ne vise à pas à empêcher notre pays d'assumer ses obligations.
J'ai une hostilité de principe à une telle initiative. Je rentre du Canada, où j'accompagnais le Président de la République dans le cadre de la préparation de la COP 21. Nous devons tirer les leçons de l'échec du sommet de Copenhague, en 2009. Nous avons perdu cinq ans !
Si, comme le souhaite le rapporteur, des groupes privés actifs dans le domaine de l'énergie finançaient le sommet, ils pourraient bloquer un accord. Nous ne sommes pas aux Jeux olympiques. Nous avons été choisis pour organiser cette réunion, nous devons donc l'assumer, uniquement sur des fonds publics, même si des économies sont sans doute possibles. Espérons au moins que cette réunion se montrera exemplaire pour ce qui concerne son empreinte carbone...
Beaucoup d'autres sponsors que des groupes pétroliers sont envisageables dans mon esprit. De manière générale, quand on réclame au Parlement l'ouverture de 179 millions d'euros de crédits pour organiser un sommet international, j'estime que nous devons regarder les choses de près. Je le répète, dans mon esprit, il s'agit d'un amendement d'appel, qui nous permettra de débattre sur une base sérieuse.
Certains collègues ont remarqué que les élections régionales se tiendront pendant le sommet. Pourrons-nous tout organiser en même temps ? Avons-nous vraiment besoin de 40 000 participants ? Il nous faut des explications, y compris sur la recherche de possibles partenaires.
Je n'ai pas signé cet amendement même si je partage la préoccupation d'Éric Doligé. Il est vrai que l'on peut se demander ce que nous allons faire du parc des expositions du Bourget lorsqu'on demande 64,3 millions d'euros en location et aménagement des espaces... Mais je crains que diminuer une ligne budgétaire consacrée à la préparation d'un évènement au retentissement mondial, sur l'organisation duquel la France est attendue, envoie un mauvais message.
C'est pourquoi, au bout du compte, je ne soutiendrai pas cette initiative, même si j'en comprends la motivation.
La commission adopte l'amendement proposé par M. Éric Doligé, rapporteur spécial, puis décide de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission « Action extérieure de l'État ».
Puis la commission procède à l'examen du rapport M. François Marc, rapporteur spécial, sur la participation de la France au budget de l'Union européenne (article 30)
La contribution française au budget communautaire prend la forme d'un prélèvement sur les recettes de l'État, voté chaque année en loi de finances. Mon propos mettra l'accent sur quelques faits marquants que j'ai souhaité porter à votre connaissance.
Quelques mots tout d'abord sur le niveau de ce prélèvement en 2014, avant de vous parler de son évaluation par le projet de loi de finances pour 2015. Il a récemment été indiqué qu'une économie d'un milliard d'euros pourrait être constatée pour la contribution française, en raison du fait que la part du revenu national brut (RNB) de la France dans le RNB total de l'Union européenne s'est réduite. Le Royaume-Uni a, quant à lui, fait savoir qu'il refuserait de payer les probables 2 milliards d'euros supplémentaires qu'il devra au budget communautaire en raison des corrections opérées suite à ses bonnes performances économiques.
Mais en réalité, l'exécution 2014 de notre prélèvement dépendra surtout des huit projets de budgets rectificatifs présentés en 2014, qui pourraient conduire à augmenter les crédits ouverts sur l'exercice et donc appelés sur les contributions nationales. Compte tenu de ce contexte, la prévision d'exécution pour 2014 est particulièrement difficile à formuler et il pourrait s'agir, in fine, d'une exécution proche de la prévision en loi de finances initiale pour 2014, soit 20,22 milliards d'euros.
Cette situation serait assez atypique car des écarts considérables sont d'ordinaire constatés entre la prévision et l'exécution du prélèvement. En 2013, en particulier, la sous-estimation du prélèvement révélait un écart d'environ 2 milliards d'euros en exécution, portant notre contribution pour 2013 à plus de 22,4 milliards d'euros. Quelle que soit l'issue de l'exécution pour 2014, je plaide pour que l'estimation du prélèvement soumise au vote du Parlement soit la plus précise et la plus fiable possible. Mais sans doute est-ce là un voeu pieux compte tenu des méthodes mises en oeuvre pour calculer ces contributions...
L'article 30 du projet de loi de finances pour 2015 évalue notre contribution à 21,04 milliards d'euros. Ce montant est d'ores et déjà incertain puisque le Gouvernement a expliqué que notre futur prélèvement pourrait se trouver réduit au regard des différentiels de croissance en Europe.
Dans le contexte économique difficile que nous traversons, l'Union européenne doit apporter des leviers indispensables au relèvement de notre croissance potentielle. J'attends dès lors du budget communautaire qu'il s'oriente dans cette direction et qu'il mette l'accent sur les dépenses de compétitivité. Dans son discours du 15 juillet 2014 devant le Parlement européen, Jean Claude Juncker, président de la Commission européenne, a annoncé son intention de demander un plan d'investissements de 300 milliards d'euros sur les trois prochaines années. Un tel plan paraît utile, mais des incertitudes pèsent sur les modalités de financement de ce plan, ainsi que sur son contenu effectif.
D'une part, un recours à des financements indirects, par l'intermédiaire de garanties et de crédits de la Banque européenne d'investissement (BEI), pourrait être l'un des fondements de ce dispositif. L'impact sur les finances publiques européennes et nationales reste pour l'instant très incertain. D'autre part, il n'est pas sûr que ce plan d'investissements soit prioritairement orienté en faveur des entreprises innovantes. Il peut être imaginé que le plan fasse l'objet d'une utilisation pour financer le « mécanisme pour l'interconnexion en Europe » (MIE), c'est-à-dire des projets d'aménagements d'infrastructures en matière de transport, d'énergie et de numérique. Une telle mission avait été assignée aux obligations pour projet (ou « project bonds »), ces fameux emprunts obligataires émis par des investisseurs privés avec la garantie de la BEI, par délégation de la Commission européenne. J'estime qu'au moment où les finances publiques doivent être assainies, ce qui est de nature à fragiliser le financement de projets d'investissement ambitieux, l'initiative du plan d'investissements de 300 milliards d'euros, même s'il se révèle être in fine la simple réactualisation des project bonds, peut contribuer, en mobilisant les financements privés, à répondre à l'objectif de soutien à la croissance en Europe.
Pour le reste, je me félicite que le cadre financier pluriannuel (CFP), également appelé « perspectives financières de l'Union européenne », ait prévu des instruments de flexibilité. J'en donnerai deux exemples. D'une part, le fonds européen d'ajustement à la mondialisation, plafonné à 162 millions d'euros par an, vise à faciliter la réintégration sur le marché du travail de personnes privées d'emploi. Ainsi, 918 000 euros doivent nous être accordés pour aider 760 travailleurs licenciés par l'entreprise GAD suite à la fermeture des sites de Lampaul-Guimiliau, Saint-Martin et Saint-Nazaire. D'autre part, la réserve de crise pour le secteur agricole, destinée à soutenir le secteur agricole en cas de crises affectant la production ou la distribution, avec un maximum de 400 millions d'euros par an, soutiendra en 2014 les secteurs agricoles européens frappés par l'embargo russe sur les produits alimentaires occidentaux. 324 millions d'euros devraient ainsi être destinés aux filières fruits et légumes et 20 millions d'euros pour la filière laitière.
J'en arrive maintenant à la question du stock de « restes à liquider » (RAL). Ces derniers correspondent aux engagements pris par l'Union européenne non encore couverts par des paiements. Ce stock de RAL est estimé à 233 milliards d'euros pour la fin 2015 et il est probable que les RAL continueront d'augmenter sans qu'aucune mesure ne soit prise pour contrer cette évolution. À ce sujet, il conviendrait d'interroger le Gouvernement en séance afin de connaître l'impact précis des RAL sur notre contribution nationale et de clarifier les mesures qui seront prises pour résoudre ce problème. Notez que ces RAL doivent être distingués des restes à payer (RAP), qui correspondent à des factures reportées d'une année sur l'autre. Leur montant a tendance à augmenter très nettement, ce qui pourrait être le signe que les États membres ne cherchent pas tant à être remboursés rapidement, qu'à éviter des dépenses. Tout ce qui est mis en paiement à partir du mois de novembre donne lieu à report sur l'exercice suivant, ce qui a un effet mécanique favorable pour chaque État qui se trouve dans cette situation. Pour la seule politique de cohésion, il s'agit en 2014 d'un niveau record de 23 milliards d'euros de restes à payer.
J'en viens maintenant à la négociation budgétaire communautaire pour le budget 2015, négociation qui est toujours en cours. Comme à l'accoutumée, l'avant-projet de budget a été présenté par la Commission européenne au printemps. La Commission a proposé une augmentation de 2,1 % des crédits d'engagement par rapport à 2014, soit un budget de 145,60 milliards d'euros. Les crédits de paiement affichent, quant à eux, une hausse de 4,9 % et s'élèvent à 142,14 milliards d'euros. Ce projet de la Commission a été revu à la baisse par le Conseil. Les coupes réalisées par le Conseil, 522 millions d'euros en crédits d'engagement et, surtout, 2,14 milliards d'euros en crédits de paiement, contredisent les priorités adoptées par l'Union européenne en matière de soutien à la croissance et à l'emploi dans la mesure où la rubrique consacrée aux dépenses de compétitivité est la plus durement affectée par ces coupes sombres. Enfin, le Parlement européen a voté en séance plénière, le 22 octobre 2014, un budget plus ambitieux qui porterait ces engagements à 146,35 milliards d'euros et le niveau des paiements à 146,42 milliards d'euros, soit une augmentation de 2,6 % des crédits d'engagement et de 8,1 % des crédits de paiement par rapport à 2014. Il va sans dire que la proposition d'augmentation des crédits formulée par nos collègues députés européens rendra difficiles les négociations entre les deux branches de l'autorité budgétaire, lors de la phase de conciliation prévue par le traité de Lisbonne qui devrait aboutir dans le courant du mois de novembre.
Avant d'en arriver à ma conclusion, je voudrais formuler quelques remarques sur l'évolution de notre solde net. La France devrait demeurer en 2015 le deuxième bénéficiaire et le deuxième contributeur au budget communautaire, étant précisé qu'il ne s'agit pas de montants identiques. Si l'on rapporte notre contribution aux dépenses, l'évolution de la situation ne peut manquer d'interroger, voire d'inquiéter. Notre solde net dépasse les 9 milliards d'euros par an depuis 2012. En disant cela, je n'ignore pas les limites inhérentes à la notion de solde net, qui ne retrace qu'imparfaitement les gains économiques, et en aucune façon les gains politiques que les États membres retirent de leur adhésion à l'Union européenne.
Pour conclure, je souhaite plaider en faveur d'une plus grande reconnaissance du rôle des Parlements nationaux. J'estime que nous devons notamment prendre toute notre place dans la Conférence interparlementaire sur la gouvernance économique et financière (GEF) de l'Union européenne, créée en 2013. Il est vrai qu'elle a de la peine à se mettre au travail de manière effective, comme l'a montré la réunion qui s'est tenue à Rome en septembre dernier, à laquelle a participé notre ancien collègue Claude Belot et dont notre présidente a rendu compte le 15 octobre dernier.
Voilà ce que l'on peut dire à ce stade sur la situation qui n'est pas encore tout à fait stabilisée puisque les concertations se poursuivent et la conciliation devrait aboutir fin novembre. Sous réserve de ces différentes observations, je recommande à la commission d'adopter sans modification l'article 30 du projet de loi de finances pour 2015, en vous suggérant de conserver la foi dans la construction européenne.
Évidemment les écologistes soutiendront ce budget. Nous avons même le sentiment que ces crédits sont un peu insuffisants au regard des objectifs assignés à l'Europe en matière de développement et de relance de l'économie. Je suis toujours étonné d'un point de vue comptable que, à travers l'article 30, on n'appréhende la dimension européenne que sous l'angle des 20 ou 21 milliards d'euros de dépenses. Il n'y a aucun retour dans nos comptes des apports, que ce soit au niveau des collectivités territoriales ou de l'État. Y compris dans les travaux du secrétariat général des affaires européennes, il n'y a pas de mise en bilan. On parle d'un solde net négatif de 9 milliards d'euros, mais il faudrait prendre en compte l'effet d'entraînement sur le budget et l'économie nationale. Les 11 ou 12 milliards d'euros qui reviennent à travers les fonds européens en France n'entrent pas dans la comptabilité de l'État. Même s'ils transitent de plus en plus souvent par les régions et l'aide territoriale, je trouve que cela procède d'une mauvaise pédagogie auprès de nos concitoyens pour montrer l'importance de l'Europe.
Vous avez évoqué des crédits affectés par l'Europe à la filière fruits et légumes touchée particulièrement par la décision d'embargo russe. Vous avez cité un montant. Est-ce l'enveloppe globale européenne ou la part affectée à la filière française ?
Notre rapporteur spécial paraît un peu sceptique quant aux 300 milliards d'euros que l'Europe envisage d'investir les trois prochaines années et à leur ciblage. On a entendu parler d'un chiffre assez réduit de l'ordre de 10 milliards d'euros pour la France. A-t-il des chiffres plus précis ? Par ailleurs, il nous a indiqué qu'il n'était pas vraiment envisagé d'investissements pour améliorer la compétitivité générale de la zone euro. A-t-il quelques exemples d'investissements ? En réalité, même en améliorant les infrastructures de déplacements urbains, on améliore la compétitivité générale du pays. Il n'y a pas que les nouvelles technologies, les infrastructures elles aussi sont utiles à la compétitivité d'une économie. Je pense qu'il faut encourager, sur des sujets comme celui-ci, la Banque centrale européenne à desserrer son étreinte pour relancer la croissance dans la zone euro.
Beaucoup d'espoirs sont fondés aujourd'hui sur une possible reprise liée à ce plan d'investissements annoncé par le président de la Commission européenne. Pourriez-vous nous en préciser le montant, mais surtout dire quel en serait le mécanisme de financement ? Pour l'instant, il n'y a pas de financement autre que les contributions nationales, ce qui créerait de la dette à hauteur de 300 milliards d'euros dans les États membres. Quels en seraient les effets par ricochet sur les économies européennes, et notamment sur l'économie française ?
Le rapporteur spécial peut-il nous en dire plus sur les discussions semble-t-il un peu tendues avec les Britanniques ? J'ai entendu dire que Madame Angela Merkel était très en colère et menaçait Monsieur David Cameron qui refuse de payer la part supplémentaire demandée à la Grande-Bretagne, malgré le mécanisme de la correction britannique ou « chèque britannique » qui existe depuis vingt ans. Par ailleurs, à quoi correspondent ces 233 milliards d'euros de restes à liquider ? Cette somme est quand même époustouflante !
Il y a tout d'abord une interrogation sur le contenu des actions réalisées grâce aux fonds européens et André Gattolin regrettait le fait que les retours de la contribution européenne ne soient pas valorisés de manière forte. Cette question est totalement pertinente, mais je crains de ne pas pouvoir y répondre car avec cet article 30, nous sommes simplement confrontés à la décision sur le prélèvement et sur le financement que la France doit apporter à l'Union européenne. Ma note de présentation donne quelques indications sur les programmes et leurs évolutions. Mais il est vrai qu'il serait opportun, dans un but pédagogique pour mieux « vendre » à nos concitoyens l'intérêt à apporter cette somme considérable à l'Union européenne, de compléter l'information apportée.
Sur les montants d'enveloppes évoquées, il s'agit d'enveloppes plafond européennes. L'enveloppe de 400 millions d'euros sera partagée avec les Pays-Bas, le Danemark et plusieurs autres pays.
Les sinistres sont conséquents. Le lait est concerné et aujourd'hui ce sont les producteurs de porc qui indiquent subir des dégâts plus considérables. Sur le plan d'investissements, je conviens que c'est une ambition généreuse et nécessaire que de vouloir lancer un plan d'investissements à l'échelle européenne. Certains d'entre nous l'appellent depuis longtemps de leurs voeux. Nous l'avions évoqué avec les project bonds il y a deux ans. Si l'on trouve une concrétisation, ce sera une bonne chose, mais il y a des incertitudes quant aux catégories d'investissements qui seraient privilégiées puisque les arbitrages au niveau européen n'ont pas encore été rendus. Je me suis interrogé sur le fait que la compétitivité, qui est notre préoccupation première aujourd'hui, ne soit pas forcément l'objectif prioritaire. Il y a beaucoup de décideurs publics en Europe qui pèsent pour que ce soit les infrastructures, notamment de transport, qui soient très largement privilégiées pour la mise en oeuvre de ces moyens. Je m'interrogeais sur le bien-fondé d'une telle orientation, même si je ne disconviens pas qu'il y a beaucoup à faire sur les infrastructures, sur le ferroviaire par exemple. La compétitivité et l'emploi étant la priorité numéro 1, mon souhait est que cet argent puisse aller vers des entreprises innovantes de secteurs de pointe où sans doute l'Europe a à rattraper quelques retards. La question sur le financement de ce plan est une bonne question. Peut-on craindre que cela charge à nouveau l'endettement ? C'est justement ce que l'on essaye d'éviter. L'ingéniosité des uns et des autres en Europe est mise à contribution pour permettre de trouver les formules qui, au travers de la BEI et de la garantie européenne, permettraient l'intervention d'acteurs privés ou de partenariats public-privé et ainsi de s'extraire de cette spirale de l'endettement systématique. Dans quelques mois, on peut imaginer qu'on aura trouvé la bonne solution et que ce plan pourra être activé, car il y a urgence. En tout cas, le souhaite partagé est d'éviter l'incidence sur l'endettement.
Où en sommes-nous des discussions avec les Britanniques ? Il y a aujourd'hui une interrogation générale en Europe sur les rabais nombreux qui ont été accordés et sur leur légitimation. Je pense par exemple aux fameux moins 25 % accordés à la Suède. Dans ce contexte, un groupe à haut niveau a été mis en place pour rechercher un compromis pour clarifier les contributions de chaque État et essayer de mettre à plat ce système de rabais qui continue à empoisonner l'atmosphère au sein de l'Union européenne. Cette instance a commencé à travailler et une proposition sur la reformulation du dispositif des contributions nationales est attendue au printemps 2015. Vous avez noté à quel point ce dispositif est assez boiteux. Il a évolué. À l'origine, les recettes de TVA en constituaient l'essentiel. Maintenant il est fondé à 74 % sur le revenu national brut (RNB). Tout le monde voudrait que l'Europe se dote d'une ressource propre conséquente qui soit prélevée sur l'ensemble de l'économie européenne. Mais aucun accord n'a encore été trouvé pour aller vers cette solution idéale qui nous permettrait de nous extraire de ces débats récurrents sur les contributions, qui créent un climat défavorable.
Quant aux 233 milliards de RAL, ils proviennent de l'accumulation dans le temps de tout ce qui a été promis et n'a pas été payé. Certains programmes européens financés par des fonds européens sont étalés sur de très nombreuses années. De plus, ils financent parfois des projets d'infrastructures qui nécessitent en amont de lever certains obstacles, ce qui ajoute des causes de retard. La situation est rendue encore plus compliquée par l'existence des huit projets de budgets rectificatifs en 2014, qui nécessitent d'affiner au fur et à mesure la contribution de chacun.
A-t-on une idée du niveau de RAL concernant la France ? A-t-on un tel retard sur les réalisations des projets qui ont été engagés ?
Je n'ai pas le chiffre. J'essayerai de vous le communiquer ultérieurement.
À l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat d'adopter sans modification l'article 30.
Enfin, la commission procède à l'audition de M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics, préalable au G20 de Brisbane sur la croissance et la régulation financière.
Nous entendons Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics, à la veille du G20 qui se tiendra à Brisbane les 15 et 16 novembre. De même que le Sénat tient un débat en séance publique préalablement à chaque Conseil européen, nous organisons cette réunion avant le G20 pour que le Parlement soit pleinement informé des questions qui y seront à l'ordre du jour, de leurs enjeux et des positions qui y seront défendues par la France. Le G20 a acquis ces dernières années un rôle d'impulsion majeur en matière de politique monétaire, de politiques budgétaires et fiscales - notamment sur les paradis fiscaux - ou de régulation bancaire et financière.
La montée en puissance du G20 est une conséquence de la crise financière : il fallait une réponse mondiale à des problèmes mondiaux. Depuis la crise, les travaux du G20 se sont accélérés et son champ d'intervention s'est élargi.
Le premier sujet qui sera abordé à Brisbane est la faiblesse de la croissance mondiale, déjà constatée par les ministres des finances pendant leur réunion préparatoire à Cairns. En Chine, le taux de 7 % ou 8 % masque d'importants déséquilibres économiques et sociaux internes. Au Brésil, la croissance est atone. Et dans la zone euro, elle est bien trop faible. Pourquoi ? Le changement récent de politique monétaire y changera-t-il quelque chose ? La présidence australienne a invité les membres du G20 à réfléchir aux actions pouvant être prises pour qu'en 2018 la croissance soit supérieure de 2 % à ce qu'elle serait si nous ne faisions rien. C'est une démarche intéressante ! La solution passe sans doute par le développement de l'investissement, public comme privé. En Europe, Jean-Claude Juncker exposera demain des modalités de mise en oeuvre rapide du plan d'investissements de 300 milliards d'euros. Ces investissements porteront sur de grandes infrastructures de transport ou d'énergie, mais aussi sur la recherche et l'innovation.
Le deuxième point à l'ordre du jour sera la lutte contre le réchauffement climatique. Après le sommet de Lima cette année, nous organiserons le sommet de Paris fin 2015 et comptons bien appeler l'attention des membres du G20 sur cet enjeu, susciter des contributions publiques au Fonds vert pour le climat et mobiliser l'investissement privé, car il est aussi possible de participer à cette lutte au travers de projets rentables. Le Président de la République rentre du Canada : certains grands pays sont plus réticents que d'autres à s'engager dans ce combat...
Troisième sujet, la régulation financière, qui est l'ADN du G20. Avec la catastrophe de 2008 est apparue la nécessité d'encadrer la finance devenue folle. Le travail effectué depuis, qu'il s'agisse des banques ou des assurances, est remarquable, même s'il n'est pas achevé : nous devons réguler le shadow banking, si nous ne voulons pas voir les activités bancaires se vider au profit de l'extra-bancaire - phénomène qui pourrait être organisé par les banques elles-mêmes pour échapper à certaines contraintes -, ce qui créerait de nouveau des fragilités.
La coopération fiscale, enfin, doit renforcer la lutte contre la fraude fiscale et réduire l'optimisation fiscale. Chaque pays doit mobiliser son opinion publique, alors même que la plupart doivent accroître la pression fiscale, sur l'injustice que ces phénomènes représentent. L'OCDE a effectué un excellent travail. Un standard commun sera mis en place pour lutter contre le secret bancaire. La semaine dernière, à Berlin, 52 pays se sont engagés à mettre en oeuvre un système d'échange automatique d'informations le 1er janvier 2017. Une cinquantaine d'autres pays le feront le 1er janvier 2018. C'est dire que les pays qui ne le feront pas seront marginalisés. Comme l'échange automatique d'information devra porter sur les trois dernières années, c'est dès le 1er janvier 2015 que la donne va changer. D'ailleurs, les déclarations affluent à mon ministère, souvent accompagnées de gros chèques ! Cela nous procure 1,8 milliard d'euros de recettes supplémentaires pour cette année, auxquelles s'ajouteront 400 millions d'euros supplémentaires l'an prochain. C'est une vraie réussite.
L'OCDE a également travaillé sur l'optimisation fiscale et identifié quinze sujets, dont sept ont fait l'objet de travaux suffisamment précis pour faire l'objet de décisions à Brisbane. Les autres, plus complexes, seront examinés au prochain G20, en Turquie. Il s'agit par exemple des prix de transferts, des organisations mère-filles ou de la rémunération des brevets : les patent boxes ne doivent pas être des black boxes !
Nous vous entendons à un moment particulièrement opportun : après avoir examiné ce matin en commission les grandes lignes du projet de loi de finances, nous examinerons demain en séance publique le projet de loi de programmation des finances publiques.
L'un des grands objectifs du G20 est de soutenir l'investissement. On ne peut que s'en réjouir ; je lis dans le document de la présidence australienne que « que pour soutenir l'investissement, les pays du G20 devront prendre des mesures spécifiques au niveau national ». En France, l'investissement de l'État ne représente que 2,1 % du budget, et les crédits des collectivités territoriales sont en baisse. Dès lors, comment soutenir l'investissement ?
L'Europe semble être le seul continent à appliquer unilatéralement les nouvelles règles prudentielles applicables au secteur financier. Les capacités d'intervention de nos banques en sont-elles bridées ?
Enfin, vous avez annoncé la semaine dernière un effort supplémentaire de 3,6 milliards d'euros...
Sur ces 3,6 milliards d'euros, vous avez déclaré que 400 millions d'euros viendront de la diminution de la charge de la dette. Le Gouverneur de la Banque de France nous a récemment expliqué que les taux ne pourraient guère baisser davantage. Comment les annonces que vous avez faites seront-elles mises en oeuvre ? Dans quel texte budgétaire allez-vous les inscrire ?
De manière très française, vous pensez spontanément à l'investissement public...
Le montant global des investissements en Europe est inférieur de 18 % à ce qu'il était en 2007. Cette situation résulte d'un déficit de demande, mais aussi d'une diminution de notre croissance potentielle. Tous pays confondus, l'investissement public est resté à peu près constant, après une légère hausse en 2009 et 2010 ; l'investissement privé - celui des ménages dans l'immobilier comme celui des entreprises - a chuté. Comment le relancer ? Maintenir l'investissement public est certes indispensable - et je sais que le Sénat est particulièrement sensible à l'investissement des collectivités locales -, mais le sujet fondamental, c'est celui de l'investissement privé. Je n'oppose pas public et privé, d'autant que pour déclencher l'investissement privé, il faut souvent une mise d'investissement public. Mais il y a également une question de nature réglementaire.
A cet égard, je ferai le lien avec vos questions sur Bâle III : depuis l'entrée en vigueur de ces normes dites « Bâle III », le bilan de certaines banques, notamment françaises, est encombré, ce qui obère leur capacité à accorder de nouveaux prêts et à soutenir l'investissement. Que faire ? Une des réponses serait la titrisation. La mauvaise titrisation est la titrisation opaque, incompréhensible, qui ne permet pas d'identifier le risque intrinsèque et qui conduit à l'écroulement du système financier tel qu'on l'a connu en 2008 ; personne n'en avait correctement évalué, pas même les agences de notation qui donnent des notes à ces titres comme elles le font aux États. En revanche, une titrisation permettant à des banques de vendre sur le marché des créances identifiées et au risque connu permettrait d'alléger leur bilan et de leur donner ainsi des marges de manoeuvre pour soutenir l'activité économique.
Sans régulation, le monde est dangereux, mais trop de régulation dissuade la prise de risque. C'est vrai que l'Europe se montre toujours bonne élève, elle en fait souvent plus que les exigences internationales - et il arrive même à la France d'en faire encore un peu plus ! Au début, les États-Unis ont semblé s'exonérer des normes dites « Bâle 3 ». Finalement, ils ont pris les textes d'application. Le comité de Bâle fera son rapport sur la conformité à Bâle III des pays qui y sont soumis en décembre prochain. Il y a cependant une nuance importante : les États-Unis n'appliquent ces règles qu'aux grandes banques internationales, l'Union européenne les applique à toutes les banques, étant entendu que la quasi-totalité des banques françaises est de nature internationale.
Actuellement, la France emprunte pour dix ans au taux de 1,17 %. C'est extrêmement bas. Faut-il s'en réjouir ? Ce taux très bas reflète aussi l'insuffisance de l'activité économique et la faiblesse de l'inflation. Il est toujours difficile, pour un homme politique, de commenter l'inflation : pour les consommateurs, la vie moins chère est bienvenue ! Cependant, une inflation aussi faible qu'aujourd'hui signifie qu'il y a déjà déflation dans certains secteurs, comme dans le monde agricole ou certaines branches industrielles, voire certains services. La déflation incite à différer les achats, ce qui ralentit dangereusement l'économie. L'inflation basse est dangereuse : c'est pourquoi il vaut mieux prévoir des taux plus élevés, ce que nous faisons s'agissant de notre dette. Ainsi, pour cette année, la valeur prévue était de 2,3 % au moment où nous établissons le budget, mais les taux ont baissé considérablement depuis lors. C'est pourquoi, avec une nouvelle estimation prudente à 2 %, nous réalisons quelque 400 millions d'euros d'économies.
Je vous rappelle que nous n'empruntons pas seulement pour financer le déficit budgétaire, mais aussi pour renouveler les emprunts, considérables, qui ont été souscrits en 2009 et 2010, lorsque le déficit était de 7 % et que le taux était de 4 %... Il ne faut pas oublier que la charge de la dette représente plus de 40 milliards d'euros, c'est-à-dire plus que les crédits de la mission « Défense », soit 31,4 milliards d'euros selon la loi de programmation militaire que nous respecterons scrupuleusement...
Comment les annonces que vous avez faites seront-elles mises en oeuvre ? Dans quel texte budgétaire allez-vous les inscrire ?
Ce ne sera pas devant le Sénat dans le cadre de la loi de programmation ou du projet de loi de finances. La loi de finances rectificative sera présentée le 12 novembre prochain en Conseil des ministres. Elle sera l'occasion de constater la baisse des taux d'intérêt et de faire des projections pour l'année suivante. Nous y aborderons aussi la question de notre contribution à l'Union européenne.
Merci d'avoir eu la délicatesse de remercier vos prédécesseurs d'avoir emprunté à 4 %, ce qui vous permet d'améliorer aisément votre budget...
S'ils n'avaient pas emprunté, cela aurait été encore plus facile !
Même si les infrastructures sont souvent payées avec de l'argent public, ce sont des entreprises privées qui les construisent, ce qui crée de l'emploi. Est-il encore possible de réaliser de grandes infrastructures dans un pays où les freins se sont multipliés ? L'affaire Ecomouv' a bien montré que non. Comment relancer l'investissement ?
D'où vont venir les 300 milliards d'euros annoncés par le Président de la Commission européenne ? En 2012, 100 milliards d'euros avaient été évoqués. Finalement, cette somme s'est réduite à 100 millions d'euros...
La Banque centrale européenne va-t-elle enfin se lancer dans le Quantitative Easing pour soutenir l'économie ? C'est ce qu'ont fait ses homologues américaine et japonaise.
A-t-on trouvé un accord sur la contribution des banques au fonds de résolution unique ?
L'OCDE a fait des propositions intéressantes sur la fiscalité des grands groupes. Des décisions seront-elles prises à Brisbane ? Sur la convergence fiscale, l'Europe ne progresse plus : c'est désespérant.
Quand le programme européen d'investissement sera-t-il mis en oeuvre ? Quelle sera la part de la France dans ce programme ?
Quelles mesures envisagez-vous pour harmoniser la lutte contre la fraude ?
Renforcer la coopération fiscale est une excellente chose. Mais pour lutter contre l'optimisation, il faut rapprocher les taux et les assiettes. Gageons que s'il n'y a plus d'aberration en la matière, l'ampleur du phénomène diminuera. L'optimisation est un droit sacré, sauf à considérer que les citoyens dépendent exclusivement du pouvoir politique et qu'ils ne doivent pas pouvoir tirer parti de la concurrence internationale...
Je doute qu'avec un ordre du jour aussi chargé que celui de Brisbane vous puissiez faire des progrès significatifs en matière de lutte contre le réchauffement climatique. Ne vaudrait-il pas mieux investir les sommes considérables qui sont consacrées chez nous à la transition énergétique, avec un résultat douteux, dans le développement de l'hygiène, de la santé et de l'éducation dans les pays en voie de développement ?
Vous appelez au développement de l'investissement. Quelles mesures comptez-vous prendre pour faciliter en France la constitution, la détention et la transmission du capital, et pour encourager l'émergence d'entrepreneurs ?
Merci d'avoir rappelé la philosophie initiale du G20 : la régulation financière pour soutenir la croissance et l'emploi. Il y a dans le monde 62 millions d'emplois de moins que s'il n'y avait pas eu de crise. L'Union européenne contribuera à la relance de l'investissement par son plan de 300 milliards d'euros. Comment les arbitrages sur le contenu des investissements seront-ils pris ? Certains pays européens souhaitent favoriser les infrastructures : l'Allemagne, en particulier, a beaucoup de retard en la matière. Pour la France, mieux vaudrait investir dans les nouvelles technologies, les industries du futur, le numérique : comment orienter les investissements vers des secteurs innovants ?
Stimuler la croissance par l'investissement est une très bonne idée. Faire porter l'effort sur l'investissement privé, pourquoi pas, mais quelle est votre position sur les concessions, au sujet desquelles vous êtes à l'origine d'une loi solide, et les partenariats public-privé (PPP) ? La position de l'État sur le contrat Ecomouv' est très grave, car elle peut faire reculer de futurs investisseurs.
Les taux d'intérêt sont bas, tant mieux ! Mais nous ne remboursons pas le capital ! Depuis que je suis parlementaire, je n'ai jamais voté un budget en équilibre, et je n'en suis pas fière. Le Président de la République avait promis qu'il diminuerait le montant de la dette. Ce n'est évidemment pas possible, aussi longtemps que les budgets sont en déficit.
Chacun sait que les taux d'intérêt augmenteront l'an prochain, puisque la Fed met un terme à ses injections de liquidités. Comme nous sommes les derniers de la classe en matière de déficit, nous risquons d'avoir une mauvaise surprise.
Le Président de la République a fait une priorité de la réduction de la fracture numérique sur le territoire. Un guichet « France très haut débit » doté de 900 millions d'euros doit aider les collectivités territoriales à investir dans le numérique. Quelle part des 300 milliards d'euros pourra être consacrée à cet objectif en France ?
La croissance faible risque de perdurer et nous ne pouvons exclure une entrée en déflation. Peut-on envisager de nouvelles marges de manoeuvre dans les mois qui viennent, par exemple à la Caisse des dépôts et consignations ou sur des financements publics pour le logement social ? Croyez-vous nécessaire de préserver au mieux les possibilités d'investissement public des collectivités territoriales, quitte à opérer certains ajustements ?
Je me félicite de ce que la contribution des banques françaises au Fonds de résolution de l'Union bancaire soit équivalente et non supérieure à celle des banques allemandes, à hauteur de 15 milliards d'euros. Je reste inquiet, car la France permettrait la déductibilité de ces contributions de l'assiette de l'impôt sur les sociétés. Ce n'est pas le cas du côté allemand. En huit ans, le manque à gagner serait d'environ 650 millions d'euros pour l'État français. Pourquoi ne pas harmoniser les procédures entre la France et l'Allemagne sur ce sujet ?
L'échange automatique d'informations fiscales est un sujet qui nous tient à coeur. La France est entrée dans ce dispositif, copié sur la loi FATCA (Foreign account tax compliance Act), au mois de juillet dernier. Est-ce un mode de fonctionnement intéressant ?
Par ailleurs, qu'attendre du G20 pour l'encadrement du shadow banking ? Quelle est la position de la France ?
Trop faible croissance, trop faible inflation, chômage trop important : telle est la situation dans la zone euro, alors que les observateurs prévoyaient une reprise de la croissance en 2014 et l'affirmation de cette reprise en 2015. Nous devions sortir fin 2013 de la deuxième crise, celle qui menaçait la zone euro d'éclatement. Ce n'est pas le cas. Le PIB de l'Italie est plus bas qu'en 2009. Idem pour l'Espagne, la Grèce et l'Irlande. En France, le taux de croissance est très faible, à 0,2 ou 0,3 %. Le redémarrage que tout le monde attendait en 2014 n'a pas eu lieu. Il n'y aura pas non plus de reprise forte en 2015, puisqu'on prévoit 1,1 % de croissance pour la zone euro. Cela ne suffira pas pour résoudre les problèmes économiques, sociaux et budgétaires auxquels nous devons faire face.
Pour répondre à Richard Yung, nous disposons effectivement de l'outil monétaire. Heureusement que la Banque centrale européenne existe ! Elle a été la première à prendre des décisions audacieuses, en 2008-2009, devançant les États et leurs politiques budgétaires. Elle continue aujourd'hui. Elle a fait le bon diagnostic, en juin dernier, pas tant sur les taux d'intérêt que sur la manière de transmettre des liquidités à l'économie. La BCE est allée au maximum et même au-delà de ce que son mandat l'autorisait à faire, en mettant en place des mécanismes de liquidités considérables. Encore faut-il transmettre ces liquidités aux entreprises, d'où le débat sur la titrisation. La politique monétaire de la BCE est la bonne, mais elle ne peut pas tout faire. C'est du moins l'avis de Mario Draghi. Les politiques structurelles doivent favoriser une réforme en profondeur de la société et du fonctionnement de l'État, afin que notre économie fonctionne et produise mieux dans le moyen et le long terme. Elles ont aussi leurs limites. Quant à la politique budgétaire, tout l'enjeu est de l'adapter à la situation actuelle. Nous ne pouvons pas en rester à la problématique de 2011-2012 - comment éviter que la crise des déficits publics se répercute sur l'unité de la zone euro ? Je ne dis pas qu'il faut renverser la table et mener une politique de relance, comme en 2009-2010. Nous sommes dans une politique d'adaptation, tant pour le rythme de réduction des déficits que pour l'utilisation des marges de manoeuvre dans les pays qui en ont les capacités. À nous de trouver le rythme de réduction des déficits qui stimulera l'arme budgétaire dans notre pays. L'investissement, qu'il soit public ou privé, est un autre outil à notre disposition. Il offre une réponse au débat académique qui a cours - doit-on mener une politique de l'offre ou de la demande ? - puisque l'investissement est une combinaison des deux.
En ce qui concerne la politique européenne, je ne suis pas capable de détailler le contenu des 300 milliards d'euros. Jean-Claude Juncker ne préside la Commission européenne que depuis lundi ; laissons-lui le temps de préciser le dispositif. Nous devrions avoir une vision claire de la méthode d'ici la fin de l'année. Une task force oeuvre auprès de la Banque européenne d'investissement pour définir la méthode d'identification des meilleurs investissements, ceux grâce auxquels nous pourrons moderniser en profondeur les infrastructures, par exemple. Les territoires ont un rôle à jouer. Cette question de l'investissement a déjà été portée en 2012 ; on avait alors augmenté le capital de la Banque européenne d'investissement de 10 milliards d'euros, avec un effet d'entraînement du secteur privé estimé à 100 milliards d'euros. Force est de constater que l'effet de levier est lent à se faire sentir ; il commence seulement à porter ses fruits. Il faut identifier les processus et les financements pour aller plus vite cette fois-ci. Deux solutions s'offrent à la Banque européenne d'investissement, augmenter son capital pour exercer un effet de levier, ou augmenter ses risques, ce qui n'est guère dans ses habitudes, car elle reste très attachée à son triple A.
La France est regardée par tous comme le pays de l'investissement public-privé : j'en veux pour preuve la délégation de service public, créée par la loi Sapin mais reprenant de très vieilles traditions qu'on appelle « concession » ou autre.
Les Allemands nous envient cette qualité et en sont curieux. Ils réfléchissent par exemple à un système d'autoroutes à péage, grâce auquel ils mobiliseraient des capitaux d'investissement à long terme pour financer leurs infrastructures.
Quant à l'Union bancaire, c'est un bon moyen de mettre en place un système de surveillance harmonisé dans l'ensemble de la zone euro, avec les mêmes critères et les mêmes conditions - sur le modèle des stress tests qui viennent d'être faits. Le Fonds de résolution est indispensable pour aider les banques en difficulté, sans que les États aient à intervenir. C'est l'État qui a sauvé Dexia par des subventions ou des garanties. Avec le Fonds de résolution unique, les banques s'aideront elles-mêmes. Le système bancaire français a la particularité d'être concentré sur quelques grands établissements. On entend souvent que les plus grandes, « too big to fail », devraient être les principales contributrices : mais on a vu que les petites banques - encore récemment au Portugal - pouvaient déstabiliser tout un système bancaire dans leur chute. Contrairement à nos craintes, il ne sera pas plus sollicité que d'autres pour contribuer au Fonds de résolution ; l'Allemagne et la France, qui ont des systèmes bancaires de poids comparables, contribueront de manière comparable.
L'échange automatique d'informations est une bonne réponse à la fraude fiscale. C'est un droit souverain des pays que d'avoir une fiscalité propre. Cela devient problématique lorsque les différences de fiscalité favorisent l'évasion fiscale. Nous disposons désormais d'un dispositif extrêmement efficace contre ce type de fraude.
Nous avançons sur la voie de l'harmonisation et de l'établissement d'une taxe sur les transactions financières. Une coopération renforcée s'est mise en place : onze pays doivent se mettre d'accord sur la première étape de cette taxe. En effet, il ne faut pas être dans une logique du tout ou rien ; des étapes sont nécessaires. La première étape pourrait être consacrée aux actions et à un de leurs dérivés dangereux, le Credit Default Swap (CDS), c'est-à-dire les paris sur la chute d'un État ou d'une entreprise. Nous proposons également à compter de 2016 une diminution du taux d'imposition des sociétés françaises pour l'aligner sur la moyenne européenne. Dans le même temps, l'Irlande a décidé de mettre fin progressivement à son taux bas.
Pour répondre à André Gattolin, j'appelle votre attention sur le fait que nous avons fait des propositions de cette nature, qui prendront forme dans le projet de loi de finances rectificatives. Elles seront équilibrées, car nous ne sommes pas là pour mettre à mal nos banques, mais pour utiliser la bonne finance au service de la bonne économie.
Je ne suis pas sûr, Monsieur Longuet, que l'optimisation soit un droit sacré. Des dispositifs existent grâce auxquels les entreprises ne paient rien nulle part, notamment, celles du monde virtuel, dont le chiffre d'affaires et les bénéfices sont pourtant bien réels.
Les États-Unis sont les premiers à protester contre l'installation de ces entreprises aux Bahamas. Non, ce n'est pas un droit sacré pour les entreprises que de ne pas payer d'impôts, alors même qu'elles utilisent des infrastructures payées par l'impôt et une main d'oeuvre dont la formation est payée par l'impôt.
Merci, Monsieur le ministre. Nous vous souhaitons un grand succès au G 20.
La réunion est levée à 17 h 55