Intervention de Michel Sapin

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 5 novembre 2014 : 3ème réunion
Audition de M. Michel Sapin ministre des finances et des comptes publics préalable au g20 de brisbane sur la croissance et la régulation financière

Michel Sapin, ministre :

Le montant global des investissements en Europe est inférieur de 18 % à ce qu'il était en 2007. Cette situation résulte d'un déficit de demande, mais aussi d'une diminution de notre croissance potentielle. Tous pays confondus, l'investissement public est resté à peu près constant, après une légère hausse en 2009 et 2010 ; l'investissement privé - celui des ménages dans l'immobilier comme celui des entreprises - a chuté. Comment le relancer ? Maintenir l'investissement public est certes indispensable - et je sais que le Sénat est particulièrement sensible à l'investissement des collectivités locales -, mais le sujet fondamental, c'est celui de l'investissement privé. Je n'oppose pas public et privé, d'autant que pour déclencher l'investissement privé, il faut souvent une mise d'investissement public. Mais il y a également une question de nature réglementaire.

A cet égard, je ferai le lien avec vos questions sur Bâle III : depuis l'entrée en vigueur de ces normes dites « Bâle III », le bilan de certaines banques, notamment françaises, est encombré, ce qui obère leur capacité à accorder de nouveaux prêts et à soutenir l'investissement. Que faire ? Une des réponses serait la titrisation. La mauvaise titrisation est la titrisation opaque, incompréhensible, qui ne permet pas d'identifier le risque intrinsèque et qui conduit à l'écroulement du système financier tel qu'on l'a connu en 2008 ; personne n'en avait correctement évalué, pas même les agences de notation qui donnent des notes à ces titres comme elles le font aux États. En revanche, une titrisation permettant à des banques de vendre sur le marché des créances identifiées et au risque connu permettrait d'alléger leur bilan et de leur donner ainsi des marges de manoeuvre pour soutenir l'activité économique.

Sans régulation, le monde est dangereux, mais trop de régulation dissuade la prise de risque. C'est vrai que l'Europe se montre toujours bonne élève, elle en fait souvent plus que les exigences internationales - et il arrive même à la France d'en faire encore un peu plus ! Au début, les États-Unis ont semblé s'exonérer des normes dites « Bâle 3 ». Finalement, ils ont pris les textes d'application. Le comité de Bâle fera son rapport sur la conformité à Bâle III des pays qui y sont soumis en décembre prochain. Il y a cependant une nuance importante : les États-Unis n'appliquent ces règles qu'aux grandes banques internationales, l'Union européenne les applique à toutes les banques, étant entendu que la quasi-totalité des banques françaises est de nature internationale.

Actuellement, la France emprunte pour dix ans au taux de 1,17 %. C'est extrêmement bas. Faut-il s'en réjouir ? Ce taux très bas reflète aussi l'insuffisance de l'activité économique et la faiblesse de l'inflation. Il est toujours difficile, pour un homme politique, de commenter l'inflation : pour les consommateurs, la vie moins chère est bienvenue ! Cependant, une inflation aussi faible qu'aujourd'hui signifie qu'il y a déjà déflation dans certains secteurs, comme dans le monde agricole ou certaines branches industrielles, voire certains services. La déflation incite à différer les achats, ce qui ralentit dangereusement l'économie. L'inflation basse est dangereuse : c'est pourquoi il vaut mieux prévoir des taux plus élevés, ce que nous faisons s'agissant de notre dette. Ainsi, pour cette année, la valeur prévue était de 2,3 % au moment où nous établissons le budget, mais les taux ont baissé considérablement depuis lors. C'est pourquoi, avec une nouvelle estimation prudente à 2 %, nous réalisons quelque 400 millions d'euros d'économies.

Je vous rappelle que nous n'empruntons pas seulement pour financer le déficit budgétaire, mais aussi pour renouveler les emprunts, considérables, qui ont été souscrits en 2009 et 2010, lorsque le déficit était de 7 % et que le taux était de 4 %... Il ne faut pas oublier que la charge de la dette représente plus de 40 milliards d'euros, c'est-à-dire plus que les crédits de la mission « Défense », soit 31,4 milliards d'euros selon la loi de programmation militaire que nous respecterons scrupuleusement...

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