Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’article 1er du texte qui nous est présenté aujourd’hui n’est pas sans soulever certaines questions qui ont d’ailleurs été largement évoquées.
La première est liée à la cohérence du mandat.
Le conseiller territorial sera un élu schizophrène à la double mission, régionale et départementale. Quel sera son point d’ancrage ? Privilégiera-t-il sa dimension régionale ou sa vocation départementale ? Aujourd’hui, on sait que ces deux échelons de collectivités seront déstabilisés ; or ce n’est l’intérêt de personne !
La création du conseiller territorial vise à supprimer la moitié des conseillers généraux et régionaux. C’est faire fi de leurs rôles respectifs et de leurs différences fondamentales. Ces deux collectivités n’ont pas les mêmes compétences. Ce projet de loi vise à mettre en place un couple artificiel. Au regard de l’efficacité et de la réalité quotidienne des citoyens et des territoires, c’est un contresens et un profond manque de rigueur dans l’analyse.
En effet, alors que l’État transfère de plus en plus de compétences et de tâches contraignantes aux régions et aux départements, on réduirait en même temps les acteurs en diminuant le nombre des élus ? Veut-on jeter la confusion en ne permettant pas à ces derniers de maîtriser suffisamment leurs dossiers ? Le conseiller territorial, qui ne pourra être qu’un professionnel de la politique, sera, par définition, éloigné du quotidien, voire de la population et de ses problèmes. Il sera dépourvu d’ancrage territorial réel et ne saura pas bien s’il doit privilégier l’échelon régional ou l’échelon local. Or la proximité est fondamentale et le rapport aux citoyens nécessaire. Nos élus territoriaux doivent rester des élus de terrain, surtout dans la période que nous vivons.
Ensuite, la dilution des départements est en germe. L’objectif poursuivi devient clair : il s’agit, à terme, de leur disparition progressive.
Quant à la région, qui n’a ni les mêmes fonctions, ni les mêmes enjeux que le département, mais qui doit offrir à celui-ci une vision stratégique complémentaire, sera-t-elle en mesure, face à la recentralisation annoncée, prévisible, de jouer le rôle que lui ont attribué les lois de décentralisation ? Quoi qu’il en soit, le conseiller territorial modifiera de manière profonde l’action de nos collectivités et la manière d’aborder le lien territorial.
Ce texte présente bien d’autres incertitudes et, parmi celles-ci, le mode de scrutin n’est pas le moindre des sujets de préoccupation ! On évoque un scrutin mixte aux contours incertains et à un tour ! La combinaison d’un scrutin uninominal à un tour, qui est parfaitement incohérent, contraire à nos traditions, et qui ne s’inscrit pas dans notre vision républicaine de la société, et d’un scrutin proportionnel dans les départements en fonction de la taille des circonscriptions, institutionnaliserait une inégalité flagrante entre les départements.
Le citoyen risque d’être perdu au vu de la nouvelle organisation et plus encore décontenancé par ce mode de scrutin qui lui semblera incompréhensible et, pour tout dire, illisible. Le conseiller territorial portera en lui les germes de la confusion !
Ce texte signe la fin d’une époque qui a débuté avec la loi de décentralisation de 1982 et qui a connu plusieurs lois par la suite. Le conseiller territorial ne présage rien de bon, ni pour nos territoires, ni pour nos concitoyens, ni pour l’action publique. C’est un recul historique de la démocratie territoriale !