Intervention de Michel Sapin

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 5 novembre 2014 : 3ème réunion
Audition de M. Michel Sapin ministre des finances et des comptes publics préalable au g20 de brisbane sur la croissance et la régulation financière

Michel Sapin, ministre :

Trop faible croissance, trop faible inflation, chômage trop important : telle est la situation dans la zone euro, alors que les observateurs prévoyaient une reprise de la croissance en 2014 et l'affirmation de cette reprise en 2015. Nous devions sortir fin 2013 de la deuxième crise, celle qui menaçait la zone euro d'éclatement. Ce n'est pas le cas. Le PIB de l'Italie est plus bas qu'en 2009. Idem pour l'Espagne, la Grèce et l'Irlande. En France, le taux de croissance est très faible, à 0,2 ou 0,3 %. Le redémarrage que tout le monde attendait en 2014 n'a pas eu lieu. Il n'y aura pas non plus de reprise forte en 2015, puisqu'on prévoit 1,1 % de croissance pour la zone euro. Cela ne suffira pas pour résoudre les problèmes économiques, sociaux et budgétaires auxquels nous devons faire face.

Pour répondre à Richard Yung, nous disposons effectivement de l'outil monétaire. Heureusement que la Banque centrale européenne existe ! Elle a été la première à prendre des décisions audacieuses, en 2008-2009, devançant les États et leurs politiques budgétaires. Elle continue aujourd'hui. Elle a fait le bon diagnostic, en juin dernier, pas tant sur les taux d'intérêt que sur la manière de transmettre des liquidités à l'économie. La BCE est allée au maximum et même au-delà de ce que son mandat l'autorisait à faire, en mettant en place des mécanismes de liquidités considérables. Encore faut-il transmettre ces liquidités aux entreprises, d'où le débat sur la titrisation. La politique monétaire de la BCE est la bonne, mais elle ne peut pas tout faire. C'est du moins l'avis de Mario Draghi. Les politiques structurelles doivent favoriser une réforme en profondeur de la société et du fonctionnement de l'État, afin que notre économie fonctionne et produise mieux dans le moyen et le long terme. Elles ont aussi leurs limites. Quant à la politique budgétaire, tout l'enjeu est de l'adapter à la situation actuelle. Nous ne pouvons pas en rester à la problématique de 2011-2012 - comment éviter que la crise des déficits publics se répercute sur l'unité de la zone euro ? Je ne dis pas qu'il faut renverser la table et mener une politique de relance, comme en 2009-2010. Nous sommes dans une politique d'adaptation, tant pour le rythme de réduction des déficits que pour l'utilisation des marges de manoeuvre dans les pays qui en ont les capacités. À nous de trouver le rythme de réduction des déficits qui stimulera l'arme budgétaire dans notre pays. L'investissement, qu'il soit public ou privé, est un autre outil à notre disposition. Il offre une réponse au débat académique qui a cours - doit-on mener une politique de l'offre ou de la demande ? - puisque l'investissement est une combinaison des deux.

En ce qui concerne la politique européenne, je ne suis pas capable de détailler le contenu des 300 milliards d'euros. Jean-Claude Juncker ne préside la Commission européenne que depuis lundi ; laissons-lui le temps de préciser le dispositif. Nous devrions avoir une vision claire de la méthode d'ici la fin de l'année. Une task force oeuvre auprès de la Banque européenne d'investissement pour définir la méthode d'identification des meilleurs investissements, ceux grâce auxquels nous pourrons moderniser en profondeur les infrastructures, par exemple. Les territoires ont un rôle à jouer. Cette question de l'investissement a déjà été portée en 2012 ; on avait alors augmenté le capital de la Banque européenne d'investissement de 10 milliards d'euros, avec un effet d'entraînement du secteur privé estimé à 100 milliards d'euros. Force est de constater que l'effet de levier est lent à se faire sentir ; il commence seulement à porter ses fruits. Il faut identifier les processus et les financements pour aller plus vite cette fois-ci. Deux solutions s'offrent à la Banque européenne d'investissement, augmenter son capital pour exercer un effet de levier, ou augmenter ses risques, ce qui n'est guère dans ses habitudes, car elle reste très attachée à son triple A.

La France est regardée par tous comme le pays de l'investissement public-privé : j'en veux pour preuve la délégation de service public, créée par la loi Sapin mais reprenant de très vieilles traditions qu'on appelle « concession » ou autre.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion