Intervention de Joël Labbé

Réunion du 5 novembre 2014 à 14h30
Simplification de la vie des entreprises — Article 11 bis suite

Photo de Joël LabbéJoël Labbé :

Je ne répéterai pas aujourd’hui les arguments que j’ai développés hier soir, centrés autour de la sécurité, de l’environnement et des conflits d’usage. Je ne répéterai pas non plus la critique à laquelle notre assemblée devrait être la plus sensible : cette dérogation n’entraînera pas un surcroît d’activité économique, mais un simple transfert d’activité des restaurants de station vers les restaurants d’altitude, ce qui me paraît très important. Je développerai donc de nouveaux arguments.

Tout d’abord, il n’y a pas lieu de prévoir que la circulation des véhicules à moteur soit soumise à un régime différent en été et en hiver, les enjeux étant identiques, qu’il s’agisse de la protection de la faune et de la flore, de la sécurité des randonneurs, de l’engagement de la responsabilité des élus locaux et notamment des maires et de la promotion d’un usage durable des espaces naturels.

La circulation des motoneiges a des effets tout aussi néfastes que celle des quads ou autres véhicules motorisés. À la prochaine occasion, les restaurateurs pourraient demander une dérogation pour transporter leurs clients en quad l’été – pourquoi pas ? Il faut donc maintenir l’interdiction des véhicules à moteur en dehors des voies et chemins ouverts à la circulation, sauf exception déjà prévue pour des raisons de service public.

Ensuite, la dérogation prévue à l’article 11 bis porte atteinte au principe d’égalité devant la loi et crée un risque de revendication d’une extension de la dérogation, faisant perdre tout effet au principe d’interdiction. En quoi la situation des restaurateurs est-elle réellement différente de celle que connaissent les autres opérateurs touristiques qui souhaitent proposer des activités en altitude, comme le parapente ?

Enfin, en quoi cette mesure relève-t-elle de la simplification ? En effet, elle conduira inévitablement à un accroissement du volume réglementaire, les collectivités locales étant alors contraintes de prendre des arrêtés spécifiques pour réglementer la circulation sur les espaces naturels et de contrôler leur mise en œuvre. Vous allez donc augmenter la charge financière de ces collectivités afin de satisfaire des intérêts économiques privés, sans pour autant augmenter leurs recettes fiscales, puisque cette dérogation ne fera que provoquer un transfert d’activité des restaurants de station vers les restaurants d’altitude. Les restaurants de station pourraient d’ailleurs s’en plaindre !

Nous ne pouvons qu’encourager les initiatives des professionnels de la montagne visant à diversifier et sécuriser leurs activités tout au long de l’année, mais ils doivent le faire en adoptant une démarche de tourisme durable respectueuse de l’intérêt général. Le transport nocturne de clients par motoneige ne s’inscrit pas dans cette perspective au regard des difficultés que je viens d’évoquer.

Pourquoi ne pas privilégier l’hébergement d’altitude qui aurait pour effet positif de limiter les problèmes de sécurité et de circulation puisque l’accès des clients se ferait dans des conditions habituelles, c’est-à-dire de jour, aux restaurants et aux hébergements ?

Hier soir, on nous a opposé une comparaison avec les autres pays européens. Outre qu’il convient de remettre les choses en perspective, les arguments développés hier soir à ce propos étaient malheureusement incomplets.

Conformément au protocole tourisme de la Convention alpine précisant, dans son article 15, alinéa 2, que « les parties contractantes s’engagent à limiter au minimum et, si nécessaire, à interdire les activités sportives motorisées en dehors des zones déterminées par les autorités compétentes, » ces activités sportives motorisées sont limitées et doivent s’exercer dans des zones ad hoc.

En ce qui concerne les motoneiges particulièrement, la comparaison des législations est délicate, les règles à l’intérieur d’un même pays étant, de surcroît, souvent différenciées selon les régions ou les Länder.

Soit les motoneiges sont considérées comme des engins motorisés tout terrain et leur circulation dans les espaces naturels est interdite, exception faite des cas liés aux besoins de l’agriculture, de la sylviculture, de la pêche ou de la chasse ; soit elles sont l’objet d’une législation spécifique qui en limite l’utilisation à des cas ou des espaces particuliers : c’est, par exemple, le cas en Autriche.

En Allemagne, la loi fédérale interdit l’utilisation des engins motorisés pour progresser sur la neige, en particulier des motoneiges, mais des dérogations peuvent être accordées seulement par les autorités locales à condition de ne pas porter préjudice aux intérêts publics.

La question de l’Italie et de la proximité avec ce pays se pose. Effectivement, au regard de la définition stricte que le code de la route italien donne aux diverses catégories de véhicules, les motoneiges ne sont actuellement pas réglementées en Italie. De nombreuses requêtes ont été adressées au Gouvernement, en particulier par les associations de défense de l’environnement, pour que le code de la route reconnaisse les motoneiges comme des véhicules à part entière. Sur les domaines skiables, même si l’activité est réglementée de façon restrictive, la pratique est différente et la loi, peu appliquée en réalité. En fait, au lieu de copier les Italiens, à nous de faire en sorte que ce soit les Italiens qui nous copient dans le sens de l’intérêt général et du bien public !

Pour certains, cette disposition pourrait paraître anecdotique, voire relever d’un acharnement dont nous ferions preuve sur les travées de cette assemblée. En fait, nous constaterons que son maintien, en cette période d’urgence climatique et écologique, est un très mauvais signe adressé à nos populations. En effet, nous sommes là non pour défendre des intérêts particuliers, mais pour défendre l’intérêt général et le bien public !

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