Intervention de Bernadette Bourzai

Réunion du 26 janvier 2010 à 14h30
Réforme des collectivités territoriales — Article 1er

Photo de Bernadette BourzaiBernadette Bourzai :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’idée de créer le mandat de conseiller territorial illustre parfaitement, de mon point de vue, l’incompréhension profonde du Gouvernement à l’égard des défis qui se posent quotidiennement à notre pays et à nos concitoyens.

Ces défis renvoient à des valeurs : la démocratie, la parité, l’égalité, l’efficacité de l’action publique, la décentralisation et la crédibilité institutionnelle de l’État. Pour chacune de ces valeurs, la création du mandat de conseiller territorial marquera un net recul et l’annonce de la casse de la démocratie locale.

Certes, aucun système électoral n’est parfait mais la coexistence actuelle des scrutins départementaux et régionaux permet d’assurer la proximité de l’élu et des citoyens, pour le scrutin départemental, et de représenter les différents courants politiques, pour le scrutin régional.

Or, d’après ce que nous comprenons de vos intentions, sous réserve d’une meilleure connaissance de la négociation menée sur l’amendement du groupe de l’Union centriste, et dont il aurait fallu discuter avant de nous proposer la création du conseiller territorial, vous voulez faire disparaître le scrutin à la proportionnelle, qui est le mieux à même de garantir la parité, et faire élire les conseillers territoriaux sur la base de cantons élargis.

Outre le fait que le conseiller territorial sera, par définition, un cumulard puisqu’il aura à siéger dans deux assemblées différentes et à voter deux budgets, cette création portera un coup très sévère à la proximité. Il n’y a donc rien à gagner à échanger deux modes de scrutins complémentaires et lisibles contre un mode de scrutin que vous avez choisi d'ailleurs de ne pas présenter en même temps que la création du nouveau mandat.

J’ai même compris qu’il s’agirait d’utiliser le prétexte de l’introduction d’une dose de proportionnelle pour faire siéger des candidats auxquels il manquerait des voix, c’est-à-dire des « battus-élus » ou des « élus-battus » – choisissez l’ordre que vous préférez ! Après les « reçus-collés » de l’histoire des études universitaires, nous aurons désormais des « battus-élus » ! Quelle étrange tournure d’esprit il nous faudrait pour soutenir une telle proposition qui, par ailleurs, affaiblit considérablement la parité !

Là encore, les propositions de rafistolages que l’on a pu entendre, loin d’améliorer la situation, l’aggravent.

M. le secrétaire d’État avait évoqué la possibilité que les suppléantes – car c’est le cas le plus fréquent depuis la pseudo-parité instaurée pour les élections cantonales – puissent siéger dans des conseils d’administration à la place des titulaires. C’est une idée curieuse : quand on détient un mandat, c’est pour l’exercer soi-même, et pleinement. Du moins est-ce ma conception.

Cette proposition constitue une reconnaissance du fait que le conseiller territorial, dépourvu, en l’occurrence, du statut d’élu, n’aura pas le temps d’assumer son double mandat de conseiller général et de conseiller régional, sauf à être doté du don d’ubiquité, à ma connaissance peu répandu.

Cette proposition visait donc à donner un peu de consistance à la suppléance. Pourquoi ? Tout simplement pour tenter de faire croire que, dès lors qu’il y a parité entre titulaire et suppléant, il y aurait parité tout court. Avoir une grande majorité d’élus masculins et une grande majorité de suppléantes, ce serait cela, la parité ! En fait, c’est le machisme institutionnalisé !

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