Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, si l’enthousiasme de notre collègue Françoise Gatel a été tempéré par le manque de fiabilité des équilibres budgétaires, peut-on trouver dans les pistes tracées par le Gouvernement des raisons de se réjouir ?
Le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale a des résonances très concrètes dans la vie des Français. Ces derniers sont attachés à leur modèle social, mais ils savent également que la fuite en avant n’est plus possible.
Notre sentiment général est le suivant : certaines mesures proposées vont dans le bon sens. Las, une fois de plus, les réformes structurelles qui s’imposent sont ajournées. Ce constat se vérifie, hélas, pour chacune des branches, à commencer par l’assurance maladie.
Certes, nous ne pouvons que souscrire à l’extension du tiers payant intégral aux bénéficiaires de l’assurance complémentaire santé. C’est une mesure de solidarité que nous soutenons. Cependant – c’est une évidence –, pour garantir la solidarité, il faut également parvenir à réduire les dépenses sans altérer la qualité des soins.
C’est dans cette perspective que le Gouvernement souhaite accentuer le « virage ambulatoire », en accroissant le nombre de retours à domicile le jour même des interventions chirurgicales et en accélérant la mise en œuvre des programmes de retour à domicile déjà existants, comme pour les sorties de maternité. Pourquoi pas ? Deux questions méritent toutefois d’être posées de prime abord.
Premièrement, sommes-nous sûrs que les solutions envisagées ne dégraderont pas la qualité des soins ? Aujourd’hui, nous n’avons aucune garantie. J’admets que l’accentuation du « virage ambulatoire » est digne d’intérêt, tant on connaît les contraintes en termes de places et de personnels dans les hôpitaux. Néanmoins, qu’en est-il de la sécurisation de la sortie du patient ?
Deuxièmement, le gain escompté est-il à la mesure des enjeux ? À l’évidence, tel n’est pas encore le cas. M. le rapporteur général, Jean-Marie Vanlerenberghe, l’a clairement exposé : selon une étude de la Fédération hospitalière de France, la FHF, reprise dans le rapport de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale – la MECSS – sur le financement des établissements de santé, quelque 28 % des actes médicaux sont inutiles ou redondants. Ces actes superflus représentent un gaspillage de 30 milliards d’euros, un montant nettement supérieur au milliard espéré de la chasse aux soins et prescriptions inutiles qui est menée au travers du présent texte.
Comment expliquer un tel décalage ? Certes, ces 30 milliards d’euros ne sont en aucun cas une fin en soi et ne seront probablement jamais atteignables. Néanmoins, un tel constat prouve bien qu’il existe un gisement d’économies à réaliser.
C’est la même interrogation qui, au total, s’impose en matière de médicaments. Le Gouvernement entend accroître l’effort accompli pour réduire le prix de ces derniers et développer les génériques.
Sur le principe, nous ne pouvons qu’être favorables à cette initiative, car les génériques permettent de réduire significativement le coût des traitements pour les patients. Toutefois, si l’on pose à ce domaine comme au précédent la question de la qualité, on doit admettre que certaines molécules ne sont pas substituables. Aussi le système mis en place en la matière est-il d’une complexité kafkaïenne.
En effet, le médecin doit systématiquement spécifier par écrit sur l’ordonnance les princeps n’étant pas substituables pour permettre au patient de bénéficier du tiers payant, puisque la règle qui prévaut aujourd’hui est celle du « tiers payant contre générique ». Cette procédure est particulièrement contraignante pour les traitements de longue durée.
On nous parle sans cesse du choc de simplification. Ce dernier n’est visiblement pas à l’œuvre pour les médicaments génériques, et l’on ne peut que le déplorer pour le patient.
Plus fondamentalement, l’incitation toujours croissante au recours aux génériques ne risque-t-elle pas de devenir une fin en soi, au détriment de la santé du patient ? Qu’adviendra-t-il quand le pharmacien préfèrera fournir un générique afin de respecter les quotas, alors que ce médicament est moins performant qu’un princeps ou mal adapté à la pathologie du patient ?
Ces questions relatives à la qualité étant posées, interrogeons les gains attendus des mesures avancées, qui, eux aussi, sont incertains.
Est-on sûr de pouvoir dégager un milliard d’euros d’économies, alors que ce plan de développement des médicaments génériques est le énième d’une longue série ? Quelles garanties avons-nous que ces actions iront plus loin que les précédentes ? Dans l’ensemble, l’impression qui se dégage est celle d’un bégaiement législatif.
Je rappelle que les principales mesures du PLFSS pour 2014 visaient déjà à favoriser le développement de la chirurgie ambulatoire, à baisser les prix des médicaments et à promouvoir l’usage des génériques. Ces actions ont-elles donné des résultats ? N’y aurait-il pas d’autres pistes d’avenir ? À nos yeux, la réponse est oui. Il existe en effet des solutions véritablement innovantes.
Je pense à la totale fragmentation du médicament, déjà adoptée par de nombreux pays européens. Je pense à l’essor de la médecine génomique, qui nous permettrait de passer dans les faits d’une logique de réparation à une logique de prévention. Je pense, enfin, à une réforme structurelle de l’exercice libéral de la médecine.
Mes chers collègues, on accable l’hôpital de tous les maux, on l’accuse de tous les déficits, alors que, en réalité, il représente moins de la moitié de la consommation des soins et biens médicaux et seulement le tiers des dépenses globales de santé. En réalité, l’heure n’est pas à la remise en cause des hôpitaux, même s’il reste beaucoup à faire sur ce front. Pourquoi ne pas rétablir le jour de carence ? Selon la Fédération hospitalière de France, on économiserait ainsi jusqu’à 75 millions d’euros.
Beaucoup plus sûrement, l’heure est à la remise à plat du système de médecine libérale. Je rappelle que les médecins libéraux ont une mission de service public à assumer. Or de plus en plus de territoires sont confrontés à la désertification médicale. Le rapport d’information qu’Hervé Maurey a consacré à ce sujet est remarquable, et je vous invite, mes chers collègues, à le relire.
Faisant leurs les conclusions de ces travaux, les membres du groupe UDI-UC souhaitent étendre aux médecins le conventionnement sélectif, qui existe déjà pour les principales autres professions de santé, en fonction de la nature des zones d’installation, selon qu’elles sont surdotées ou sous-dotées. Il s’agirait d’une véritable réforme de structure.
A contrario, l’article 38 du présent PLFSS n’a qu’une portée incitative. Aussi, je crains que, comme ceux qui l’ont précédé, le dispositif qu’il contient ne se révèle inefficace. J’ajoute que les représentants des infirmiers, tout comme ceux des masseurs-kinésithérapeutes, auditionnés lors de l’élaboration du rapport sur la désertification médicale, se déclarent satisfaits du dispositif de régulation par le conventionnement sélectif. En quelques années, ce système a prouvé son efficacité pour réduire les écarts de densité.
Je ne dirai qu’un mot du secteur médico-social : le flou entretenu au sujet du calendrier du projet de loi relatif au vieillissement n’est-il pas en décalage avec les besoins criants qu’éprouvent de nombreux EHPAD sur notre territoire ?
Au sujet de la branche vieillesse, nous ne pouvons que souscrire aux mesures de solidarité proposées.
Je songe tout d’abord au versement d’une prime – son montant est si modeste que je peine à le rappeler : 40 euros – aux retraités percevant moins de 1 200 euros bruts par mois, soit 6, 5 millions de Français et 42 % des pensionnés. De même, le relèvement de l’allocation de solidarité aux personnes âgées de 792 euros à 800 euros par mois pour une personne seule reçoit notre soutien, tout comme, enfin, le passage au taux réduit de CSG des retraites les plus modestes.
Toutefois, au-delà de ces avancées sociales, se pose la question de la pérennité et de l’avenir de notre système de retraite. En effet, la branche devrait être à l’équilibre à l’horizon 2017, mais cette joie sera de courte durée, puisque le déficit devrait repartir dès l’année suivante, pour atteindre 1, 6 milliard d’euros…
Face à ce constat, le groupe UDI-UC propose de fixer un calendrier pour la mise en œuvre d’une réforme systémique des retraites visant à établir un régime universel par points, ou en comptes notionnels, à partir du premier semestre de 2018.
Le Sénat avait déjà fait adopter le principe de ce système lors de l’examen de la réforme de 2013. Il pourrait s’appuyer sur le septième rapport du Conseil d’orientation des retraites du 27 janvier 2010, qui en détaille les options et les modalités techniques. Cette évolution serait bien sûr précédée d’une conférence sociale et d’un débat national, afin que partenaires sociaux et société civile y soient pleinement associés. Je le rappelle, le régime par point est un système universel qui garantit l’équilibre financier des retraites et assure l’équité, la transparence et la justice pour tous.
Enfin, faute d’avoir fait tout le reste, le Gouvernement décide de s’attaquer à la seule politique qui fait l’unanimité en France et que l’on nous envie dans le monde entier : la politique familiale. L’Assemblée nationale a voté la modulation des allocations en fonction du revenu. Je vous propose, mes chers collègues, de revenir sur cette mesure et de réaffirmer l’universalité et l’uniformité des allocations.