Cet article, introduit par voie d’amendement à l’Assemblée nationale, vise à appliquer aux dirigeants de sociétés anonymes, les SA, et de sociétés par actions simplifiées, les SAS, un mécanisme anti-abus sur les versements de dividendes aux dirigeants qui détiennent la majorité du capital. Concrètement, il s’agit de prévoir que les dirigeants de ces entreprises, lorsqu’ils détiennent la majorité du capital social, peuvent percevoir des dividendes dans la limite de 10 % du capital social. La part qui excède ce seuil de 10 % doit être réintégrée dans leur rémunération habituelle et soumise à cotisations sociales. L’objet de ces dispositifs, qui existent déjà depuis plusieurs années, est d’éviter que des dirigeants qui sont en même temps actionnaires majoritaires puissent transformer leur rémunération en dividende pour réduire fortement leurs cotisations.
J’ai entendu plusieurs prises de parole qui dénaturaient la portée réelle de l’amendement ayant permis l’insertion de cet article et qui accusaient la majorité de ne pas respecter la prise de risque. Il faut se garder des caricatures ! Il s’agit au contraire de faire respecter la différence entre la rémunération du dirigeant, d’une part, et celle de l’actionnaire, d’autre part, cette dernière devant être en rapport avec le capital investi et ne pas se substituer à la première.
Il est assez difficile d’estimer les effets financiers de ce plafonnement, qui dépendent du comportement du chef d’entreprise : s’il réintègre la part excédentaire dans sa rémunération habituelle, il paiera davantage de cotisations sociales mais réduira aussi le montant de son impôt sur les sociétés et il paiera aussi moins de prélèvements sur le capital.
Nous avons tous constaté que les chefs d’entreprise avaient vu dans cette mesure une forme de défiance à leur égard. En la regardant un peu rapidement peut-être, beaucoup de chefs d’entreprise ou de spécialistes du sujet ont cru qu’il s’agissait de soumettre tous les dividendes à cotisations.
Le Gouvernement a annoncé que, dans ces conditions, et dans la mesure où cette disposition n’a pas pour objectif d’augmenter significativement les recettes des régimes sociaux, il était préférable que cet article introduit par voie d’amendement soit retiré du projet de loi. Cela laissera le temps de travailler de manière plus approfondie sur les modalités d’arbitrages qui existent dans certains statuts entre rémunération personnelle et dividendes et de proposer une régulation adaptée.
Nos collègues de la commission des finances, qui proposent la suppression de l’article, ont d’ailleurs reconnu qu’il y avait là un véritable problème et que le principe d’une régulation n’était pas illégitime. Le sujet ne doit pas être abordé au travers de postures partisanes, et nous pouvons tous reconnaître la nécessité véritable que tous les chefs d’entreprise contribuent de manière juste et équilibrée au financement de la protection sociale, de façon équitable, quelle que soit la forme juridique de leur entreprise.