Mesdames, messieurs les sénateurs, vous commencez à me connaître suffisamment pour savoir que mes opinions sont tranchées et mes idées claires. Je prends le temps du dialogue, de l’écoute réciproque et de l’explication.
L’amendement déposé à l’Assemblée nationale, examiné tardivement parmi un millier d’autres, peut donner l’impression qu’il n’a pas été suffisamment travaillé, ce qui n’est pas le cas. Toutefois, je reconnais, après avoir relu les débats, qu’il a manqué d’explication. Quelquefois, on a tant le sujet en tête qu’on pense qu’il en va de même pour tout le monde et qu’il n’est pas nécessaire d’en débattre.
Cet amendement a donc provoqué des « sur-réactions », qui, je n’hésite pas à le dire, ne sont pas justifiées. Vos différentes interventions montrent que vous avez pris conscience de ces situations d’abus de droit ou, en tout cas, de situations « limites », qui ne sont saines ni pour nos recettes ni pour l’équité. D’autres solutions que celles qui sont prévues par cet amendement pourraient être proposées, mais je me félicite de cette prise de conscience collective, peut-être due aux explications ayant suivi l’adoption de ce dispositif.
Je voudrais retracer rapidement l’évolution de la législation sur ce point. En 2009, ont été visées les sociétés d’exercice libéral et ceux qui, au travers de ce type de sociétés, en « profitaient » pour convertir des salaires en dividendes, afin d’obtenir des réductions en matière de contributions sociales. Ce problème a été réglé à cette époque par qui vous savez… Le même dispositif a été adopté en 2013 pour les SARL, les sociétés à responsabilité limitée, c'est-à-dire essentiellement pour les commerçants et les artisans. En 2014, il a été étendu aux SARL agricoles.
Que s’est-il passé par la suite ? Je vais vous donner un chiffre qui va probablement vous faire réfléchir. Il restait à traiter le cas des sociétés par actions simplifiées et des sociétés anonymes. En 2010, on dénombrait dans notre pays 11 000 SAS à associé unique, lequel, par définition, est majoritaire, puisqu’il est seul, contre 36 000 en 2013 !
En analysant ces chiffres et en discutant avec les uns et les autres – monsieur Delattre, vous y avez fait allusion –, nous avons observé que de nombreux cabinets d’expertise comptable recommandaient à certains dirigeants de transformer leur SARL en SAS. On les comprend quand on sait que les dividendes sont assujettis à un taux de 15, 5 % de contribution sociale, alors que les salaires le sont à des taux bien supérieurs. C'est la raison pour laquelle a émergé l’idée de ce dispositif introduit par voie d’amendement à l’Assemblée nationale.
Vous demandez s’il y a eu une étude d’impact. M. Barbier l’a reconnu lui-même, elle est difficile à réaliser. Si l’on ne prend que les sociétés par actions simplifiées à associé unique, dont je vous ai rappelé le nombre, et qu’on relève le montant des dividendes versés au-delà du seuil de 10 % du capital social en 2013, on obtient des sommes de l’ordre de 300 millions à 400 millions d’euros. Il faudrait cependant faire un calcul plus fin, car les montants qui ont donné lieu à versement de dividendes ont parfois déjà été assujettis à l’impôt sur les sociétés.
Après calcul, et l’estimation a été faite il y a déjà plusieurs jours, cette mesure rapporterait de l’ordre de 50 millions à 100 millions d’euros au budget. On est loin du milliard d’euros évoqué dans la presse par certaines organisations ! J’aurais probablement dû le dire à l’Assemblée nationale, mais je ne suis pas sûr que j’aurais évité les débats qui ont eu lieu après.
Dans ces conditions, que faut-il faire aujourd'hui ? J’ai confirmé ce que d’autres avaient pu dire avant moi : le Gouvernement est prêt à revoir ce dispositif. Néanmoins, si le seuil de 10 % du capital social n’est peut-être pas le bon, je ne suis pas sûr non plus, monsieur Delattre, que votre proposition, qui consiste à prendre comme référence le plafond de la sécurité sociale, soit pertinente. En effet, si on l’appliquait à l’ensemble des sociétés, cela reviendrait à attribuer la même franchise à toutes les entreprises, sans considération pour leur taille ou pour leur capital social.
Il faut donc probablement travailler sur d’autres types de solutions. Nous avons quelques idées sur le sujet, mais nous ne sommes pas prêts aujourd'hui à vous proposer une solution de substitution.
Concernant les amendements de suppression de l’article 12 bis, le Gouvernement s’en remet à la sagesse de votre assemblée. Il prend acte de la bonne compréhension dont cette question fait désormais l’objet. Toutefois, il rappelle, pour ceux qui ne seraient pas spécialistes de la question, que le dispositif ne concerne pas tous les dividendes de toutes les sociétés, tant s’en faut : il ne concerne que les dirigeants qui possèdent, seuls ou avec leur famille, plus de 50 % des parts d’une société, ce qui n’est évidemment que très exceptionnellement le cas des très grandes sociétés – je ne sais même pas si le cas se rencontre –, et que n’est visée que la fraction de dividendes qui dépasse 10 % du capital social. Vous le voyez, les interprétations qui ont pu être faites du dispositif se sont parfois fortement éloignées de sa réalité.
Voilà, en toute transparence et en toute franchise, quelle est la situation. Au demeurant, le Gouvernement n’exclut pas, sur ce sujet, dont je vous remercie d’avoir constaté qu’il était, parfois, un vrai sujet, de vous proposer un autre dispositif ou d’approuver un dispositif qui serait proposé, dans le cadre du présent PLFSS ou dans un texte à venir.