Intervention de Jean-Noël Cardoux

Réunion du 12 novembre 2014 à 21h45
Financement de la sécurité sociale pour 2015 — Article 12 bis nouveau

Photo de Jean-Noël CardouxJean-Noël Cardoux :

Je voudrais rétablir un certain nombre de vérités et, sans avoir la prétention de vous faire un cours, vous expliquer quel est le statut d’un dirigeant majoritaire, mandataire social de société.

Premièrement, ces personnes investissent souvent des fonds personnels, parfois en vendant des biens immobiliers, pour constituer le capital de la société.

À cet égard, le taux de 10 % ne correspond à rien ! On se demande d’ailleurs d’où il sort. On sait très bien que, quand on investit beaucoup d’argent dans des sociétés à risque, dans des sociétés innovantes, le taux de perte du capital est extrêmement élevé. Je peux vous dire que, dans toutes les transactions que font les grands cabinets, les taux retenus – on appelle cela la « rente du goodwill » – sont de l’ordre de 15 %, 20 % ou 25 % ! Ce taux de 10 % n’a donc rien à voir avec la réalité financière des risques pris par ceux qui investissent dans des sociétés pour créer de l’activité et de l’emploi.

Deuxièmement, si l’on disposait d’une étude d’impact un peu plus aboutie, je pense que certains dirigeants majoritaires de sociétés hésiteraient entre percevoir leurs résultats sous forme de dividendes et les toucher sous forme de rémunération.

Rappelons que le statut d’un dirigeant de société mandataire social ne lui permet pas de bénéficier du chômage : si la société se casse la figure, il ne perçoit aucune indemnité ! Il est révocable ad nutum par ses actionnaires. Il ne bénéficie pas du droit du travail ni des procédures de licenciement. Si la société rencontre des difficultés de trésorerie empêchant que sa rémunération lui soit versée, bien qu’il ait acquitté les charges sociales correspondantes, il attend des jours meilleurs pour pouvoir se rémunérer, ce qui n’est quand même pas une situation très facile. Ajoutons que, s’il décide de ne pas soumettre une partie de sa rémunération à cotisations sociales, et c’est un calcul qu’il faut faire à terme, in fine, il sera aussi perdant ! En effet, il ne cotisera pas aux caisses de retraite ni, surtout, aux caisses de retraite complémentaire, ce qui le privera d’un certain nombre de ressources au moment où il liquidera sa retraite. Vous le voyez, la comparaison n’est pas facile.

Pour terminer, je reviens sur ce qu’a évoqué mon collègue Delattre au sujet de l’abus de droit : quand les rémunérations que se verse le dirigeant ne sont pas suffisamment élevées, la distribution de dividendes doit se déclencher. Mais, monsieur le secrétaire d'État, vous savez très bien que les vérificateurs fiscaux procèdent très fréquemment de manière inverse : quand ils se penchent sur une société dont le dirigeant se verse une rémunération sous forme de salaire – ce n’est pas un salaire, puisqu’il n’y a pas de contrat de travail ; c’est simplement un mandat social – et s’ils estiment que cette rémunération est trop élevée par rapport à ce qui se passe ailleurs, ils considèrent qu’une partie de cette rémunération est un bénéfice distribué et demandent à la société d’acquitter l’impôt sur les sociétés et l’impôt sur le revenu avec une pénalité importante. Bien entendu, dans cette hypothèse, le régime des dividendes ne s’applique pas !

Vous avez fait allusion aux sommes que le dispositif de l’article 12 bis pouvait rapporter au budget : ces sommes ne sont pas significatives. Pour ma part, je crois qu’il faut que l’on fiche enfin un peu la paix aux dirigeants d’entreprises qui prennent des risques, qui investissent des capitaux, qui peuvent perdre leur patrimoine, sans se rémunérer forcément, pour pouvoir rémunérer leurs salariés, quand la société va mal.

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