Oui, on peut toujours rire ! Il vaut mieux, non ?
Nous essayons de vous faire comprendre que ce n’est pas au canon que vous ferez passer cette réforme, alors que vous connaissez les inquiétudes et les mécontentements des élus sur le terrain. Ce n’est pas en dénonçant les conseils généraux qui, selon vous, utiliseraient des moyens contraires à la loi – que pourrait-on dire de l’Élysée qui prend ses décisions en fonction des sondages ?
Vous n’avez pas fini de nous entendre. À force de pédagogie et de répétition, peut-être en restera-t-il quelque chose.
Nous débattons de la création des conseillers territoriaux qui siégeront à la fois au sein du conseil général du département d’élection et au sein du conseil régional. Pour le moment, on nous dit surtout : « Votez, vous verrez après ! », ce à quoi obéit une partie de cet hémicycle.
Dans son discours de Saint-Dizier, le 20 octobre dernier, le Président de la République présentait ce nouvel élu comme le premier pilier de la réforme, fruit d’un long travail et d’une longue réflexion en réponse à la question : « Faut-il supprimer un niveau de collectivité ? ».
On nous explique que la solution préconisée n’est pas la suppression du département ou de la région mais le rapprochement des deux. Pour nous, il s’agit non pas d’une simplification ou d’une amélioration mais plutôt d’un très mauvais compromis voire d’un contresens.
Si le rapprochement de deux collectivités peut se concevoir, il eut été préférable de distinguer, d’un côté, le bloc des investissements stratégiques avec l’Europe, l’État et la région et, de l’autre, le bloc des partenariats de proximité, composé de la commune, des intercommunalités et des départements.
Rapprocher le conseiller général et le conseiller régional ne correspond à aucune logique. Cela ne répond pas non plus aux attentes de clarification du citoyen, qui ne verra qu’un élu pour deux collectivités qu’il a déjà du mal à distinguer.
Chaque élection fera l’amalgame entre des projets et des bilans contradictoires, défendus par des élus cumulards chargés du département et de la région, qui ne pourront pas être sur le terrain autant qu’ils le sont aujourd’hui. Ils seront, hélas pour eux, toujours sur les routes, entre deux réunions et entre deux commissions. On parlera d’absentéisme alors que c’est la loi qui l’organise !
Ce conflit d’intérêts permanent se traduira inéluctablement par un recul démocratique et un affaiblissement du rôle stratégique de la région, qui, pourtant, depuis la décentralisation de 1982, a su démontrer les atouts formidables de développement qu’elle offrait.
Le conseiller territorial est aussi censé mettre fin aux dépenses redondantes et aux actions rivales. Il me semble important de le rappeler, moins de 10 % des financements des régions sont croisés avec le département, et ce ratio monte à 30 % avec l’État ! Ce dernier est le premier à susciter les collectivités pour financer ses propres investissements, je pense par exemple au TGV-Est dans ma région.
Certes, la création du conseiller territorial réduira de moitié le nombre d’élus locaux dans les régions et les départements : de 6 000 nous passerons à 3 000. Mais est-ce une bonne chose ?
Nous l’avons dit, cette réforme ne permettra pas une meilleure organisation et nous ne sommes pas persuadés qu’elle favorisera des économies.
En effet, une question d’arithmétique se pose. Une région qui, par exemple, compte actuellement 400 conseillers régionaux et départementaux verra le nombre de ses élus divisés par deux. Ainsi, on comptera 200 conseillers territoriaux dans la nouvelle assemblée. Faudra t-il alors construire un nouvel hémicycle ?
Sur le statut de ce nouvel élu des questions se posent également : quelle sera son indemnité ou sa couverture sociale ? Nous en sommes persuadés, cela reviendra aussi cher qu’avant.
La question de la constitutionnalité doit aussi être soulevée.
Tout d’abord, le conseiller territorial, en siégeant à la fois au conseil général et au conseil régional, est en contradiction avec le principe de non-tutelle d’une institution sur une autre.
Ensuite, l’élection du conseiller territorial se fera, si j’en crois ce que j’entends, au scrutin uninominal à un tour majoritaire pour 80 % d’entre eux. Cela pose un réel problème de légitimité des élus, laissant supposer une volonté de reprise en main des collectivités perdues par la droite. En outre, la parité entre les hommes et les femmes sera mise à mal, malgré toutes les explications que peut nous donner M. Marleix.
Enfin, ce scrutin revient sur le principe des élections à deux tours en vigueur depuis le début de la République et ne respecte pas l’égalité des citoyens devant le vote.
En définitive, nous n’approuvons pas cet article, qui signifie aussi la fin des conseils généraux et régionaux et qui témoigne d’une volonté de recentralisation du pouvoir.
Réformer, oui, mais avant tout il faut faire confiance aux élus, aux territoires, et à l’intelligence territoriale qu’ils représentent ! Bref, il faut continuer la décentralisation et non pas vouloir liquider le moindre contre-pouvoir !