Intervention de Jean-Jacques Lozach

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 13 novembre 2014 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2015 — Mission « sport jeunesse et vie associative » - crédits « sport » - examen du rapport pour avis

Photo de Jean-Jacques LozachJean-Jacques Lozach, rapporteur pour avis des crédits du programme sport :

L'examen des crédits consacrés au sport dans la mission « Sports, jeunesse et vie associative » s'inscrit dans un contexte riche en événements et en bouleversements.

Les bouleversements concernent, bien entendu, la situation économique et financière de notre pays, qui appelle des efforts de la part de l'ensemble des opérateurs publics. Mais ces bouleversements sont également engendrés par la réforme territoriale, qui ouvre un débat sur les missions respectives de l'État et des collectivités territoriales, et les moyens afférents pour les exercer, un débat qui ne peut manquer d'interpeller également les acteurs du sport. Pour ce qui est des événements sportifs à venir qui impactent les perspectives budgétaires, je reviendrai sur la préparation de l'Euro 2016 de football, mais également sur les réflexions inhérentes à une éventuelle candidature de Paris pour l'organisation des Jeux olympiques de 2024.

Les crédits consacrés au sport au sein de la mission « Sports, jeunesse et vie associative », inscrits au programme 219, s'élèvent à 228,3 millions d'euros en crédits de paiement dans le projet de loi de finances pour 2015 contre 236,72 millions dans la loi de finances initiale pour 2014. Le programme « sport » supporte donc l'essentiel de la diminution des crédits de la mission.

Toutefois, si l'on neutralise l'effet des crédits non reconductibles relatifs à la réserve parlementaire, qui représentaient, en 2014, 7,29 millions d'euros, la diminution observée cette année s'établit à - 0,5 % pour les crédits de paiement, ce qui marque une certaine stabilité. Ceci d'autant plus que cette baisse est imputable à l'action 2 et concerne la non-reconduction des crédits dédiés aux primes des médaillés olympiques et paralympiques de Sotchi ainsi qu'un ajustement des dotations d'investissement de l'Institut national du sport, de l'expertise et de la performance (INSEP).

Le montant des crédits du programme 219 est à comparer au budget du principal opérateur du programme, le Centre national pour le développement du sport (CNDS), qui atteint 270 millions d'euros en recettes de taxes affectées, soit davantage que le montant des crédits demandés.

Concernant le détail du programme, je constate que si les crédits sont globalement préservés, des incertitudes apparaissent ou se confirment sur les priorités comme le soutien au sport pour tous, voire le financement de l'Agence française de lutte contre le dopage - j'y reviendrai.

Les crédits reconductibles pour la promotion du sport pour le plus grand nombre sont en hausse sensible à 7,81 millions d'euros (+ 8,79 %) auxquels il convient d'ajouter les crédits issus du fonds de concours du CNDS à hauteur 19,5 millions d'euros. Au total, les crédits s'établissent à 27,3 millions d'euros, soit une hausse de 2,4 % par rapport à 2014 hors crédits non reconductibles. Ces crédits permettent de financer notamment les subventions de l'État aux actions nationales des fédérations sportives en faveur du sport pour le plus grand nombre (21,1 millions d'euros), le recensement des équipements sportifs et le fonctionnement du musée national du sport à Nice.

Ce musée a ouvert ses portes en juin dernier et on ne peut que se féliciter qu'il ait enfin trouvé un port d'attache au sein d'une région touristique, même si sa fréquentation (170 personnes par jour) est pour le moment modeste et devra encore être développée. La nouvelle clé de répartition de son financement, négociée avec la ville de Nice, est satisfaisante pour les deux parties. L'État verse une redevance d'occupation de 500 000 euros qui est équivalente au loyer qu'il payait à Paris. Par ailleurs, afin d'accompagner le lancement du musée, une subvention supplémentaire de 200 000 euros est prévue pour 2015.

Plus fondamentalement, le soutien financier global de l'État aux fédérations sportives devrait rester stable par rapport à 2014, à 63,5 millions d'euros (83 millions d'euros en intégrant le fonds de concours du CNDS).

J'en viens maintenant au Centre national du développement du sport (CNDS). Son rôle, comme chacun sait, est essentiel pour aider les associations sportives et les collectivités territoriales dans leurs projets. Ses subventions constituent l'instrument privilégié du financement territorial de la politique du sport pour tous, à hauteur de 213 millions d'euros en 2014.

Le CNDS a déjà engagé un plan de redressement qui couvre la période 2013-2016 afin de réduire ses engagements mais aussi de les concentrer sur un nombre plus limité de projets. Un nouvel effort lui sera demandé l'année prochaine : ses recettes qui pourraient baisser de 13 millions d'euros, ce qui reviendrait à lui faire supporter l'essentiel de l'effort demandé au monde sportif dans le cadre du redressement des comptes publics. Le projet de loi de finances pour 2015 prévoit, en effet, trois dispositions concernant le CNDS :

- l'article 61, rattaché à la mission, propose d'allonger de deux ans le prélèvement supplémentaire exceptionnel sur les mises de la Française des jeux afin de compenser, à l'euro près, l'aide de l'État, supportée par le CNDS, pour les travaux de construction ou de rénovation des stades qui doivent accueillir l'Euro 2016. Cette ressource exceptionnelle sera plafonnée à hauteur de 16,5 millions d'euros en 2016 et 15,5 millions d'euros en 2017 et permettra d'atteindre l'objectif de 152 millions d'euros mobilisés pour la préparation des stades.

- par ailleurs, l'article 15 du projet de loi de finances diminue de 2,2 millions d'euros le montant des taxes affectées au CNDS dans le cadre de ses actions ordinaires ;

- enfin, le même article impute au CNDS 10,8 millions d'euros au titre des frais d'assiette et de recouvrement des taxes prélevées par l'État qui, jusqu'alors, n'étaient pas appliqués.

Compte tenu de la baisse des dotations aux collectivités locales et des critères très sélectifs des autres dotations du type « dotation d'équipement des territoires ruraux » (DETR) et « dotation de développement urbain » (DDU), l'enveloppe nationale « Équipements » reste essentielle pour moderniser notre parc d'équipements sportifs. Comme le souligne l'Association nationale des élus en charge du sport (ANDES) dans un courrier qu'elle vient d'adresser au secrétaire d'État en charge des sports : « la suppression des aides à l'investissement aux collectivités locales entraînera de facto une dégradation inéluctable des installations, une baisse accentuée des licenciés pour les associations et, par voie de conséquence, pour les fédérations ».

Compte tenu de sa situation financière, le CNDS se retrouve aujourd'hui confronté à un dilemme, ne pouvant à la fois soutenir les investissements dans les grands équipements nationaux structurants dont la France a besoin et aider au développement des équipements de proximité tels que les salles multisports, les piscines et toutes les installations qui concourent au développement de la pratique du sport pour tous.

Je crois pouvoir dire, mes chers collègues, que notre commission souhaite le maintien de la vocation du CNDS en faveur du développement du sport pour tous, du sport des territoires, qui passe par la préservation d'une enveloppe nationale « Équipements ».

Nous ne sommes d'ailleurs pas les seuls à nous préoccuper de l'avenir des équipements sportifs locaux. La commission des finances a, en effet, adopté le 20 octobre dernier - sur proposition de son rapporteur spécial, Claude Raynal - un amendement qui prévoit de diminuer de 2,2 millions d'euros les crédits de l'action n° 2 consacrée au développement du sport de haut niveau du programme « sport ».

Dans l'esprit de notre collègue « cette diminution devra s'appliquer sur les fédérations les plus importantes, pour lesquelles le financement de l'État ne constitue qu'une part minime du budget (moins de 1 %) ». Cet amendement prévoit de rétablir le montant nominal des taxes affectées au CNDS ; il constitue, à mon sens, une initiative qui traduit bien l'attachement du Sénat au soutien à l'investissement local.

Par ailleurs, j'observe que les interrogations de notre collègue rapporteur spécial sur l'intérêt de continuer à soutenir les fédérations les plus riches rejoignent les réflexions de la mission commune d'information sur le sport professionnel et les collectivités territoriales - à laquelle plusieurs d'entre nous ont participé - qui s'est interrogée sur l'utilité de maintenir les subventions des collectivités territoriales aux clubs professionnels qui pratiquent essentiellement le « sport business », clubs pour lesquels ces subventions, très limitées en proportion de leurs ressources, sont devenues accessoires.

Pour terminer sur le CNDS, un mot concernant plus particulièrement les aides à l'emploi. L'opérateur public participe à la prise en charge des salaires des éducateurs sportifs afin, en particulier, de réduire les inégalités dans l'accès au sport (4 300 emplois en 2015). Il prévoit, en 2015, d'aider au recrutement d'apprentis par les clubs en lien avec des centres de formation d'apprentis (CFA).

Même si l'on ne peut que partager le projet de favoriser la professionnalisation des clubs afin de leur permettre de conduire leurs projets de développement, il y a lieu de s'interroger sur le fait de savoir si le CNDS est véritablement le plus mieux placé pour financer ces actions. Est-il bien raisonnable, en effet, de réduire la voilure sur les investissements et, en parallèle, de s'engager dans une politique de soutien à l'emploi des jeunes et à la formation qui constitue une prérogative des régions ? Bien entendu, on pourra nous dire que ces cofinancements sont toujours les bienvenus et peuvent être utiles mais je ne suis pas sûr qu'ils renforcent la lisibilité de l'action du CNDS.

Plus généralement, le rôle et le fonctionnement du CNDS mériteraient sans doute d'être davantage clarifiés afin de mieux identifier les priorités et d'éviter le saupoudrage. Le CNDS n'a pas les moyens d'accompagner toutes les collectivités qui possèdent, rappelons-le, 81 % des équipements sportifs et dont les dépenses d'investissement s'élèvent à 5 milliards d'euros par an. Dans ces conditions, le mouvement sportif appelle à une réforme de la gouvernance du CNDS afin de la rendre plus partenariale. J'imagine que nous aurons l'occasion de reparler de ce sujet lors de l'examen du projet de loi sur l'organisation territoriale de la République dans quelques jours.

Je souhaite également vous dire un mot de la taxe Buffet. J'avais évoqué l'année dernière la nécessité « d'étendre le champ des redevables de cette contribution à l'ensemble des personnes physiques ou morales qui cèdent des droits de retransmission de manifestations sportives aux télévisions françaises, qu'elles soient ou non implantées en France ». Cette idée a fait l'objet d'un amendement dans le cadre du projet de loi de finances rectificatif pour 2013, à l'initiative du rapporteur spécial de la commission des finances de l'Assemblée nationale, Régis Juanico. Il apparaissait, en effet, important de mettre un terme à l'anomalie consistant à ne pas pouvoir percevoir le produit de cette contribution - qui constitue le seul mécanisme de solidarité financière entre le sport professionnel et le sport amateur - lorsque la cession des droits de télévision est réalisée par une fédération internationale ou par des organisateurs qui ne sont pas établis en France.

Pour sécuriser le recouvrement de cette taxe, l'amendement prévoyait que celle-ci serait acquittée non par le cédant établi à l'étranger, mais par le cessionnaire des droits établi en France, à savoir le diffuseur de manifestations sportives. Le gain de cet élargissement était estimé à 1 million d'euros en 2015 et 2 millions d'euros les années suivantes.

Cet amendement, qui avait reçu un avis favorable du Gouvernement et n'avait pas été modifié par le Sénat, a été déclaré contraire à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2013-684 du 29 décembre 2013, au motif qu'il méconnaissait le principe d'égalité devant les charges publiques puisque le redevable de la taxe n'était pas le même selon que le détenteur des droits était établi en France ou à l'étranger. Il me semble souhaitable de ne pas abandonner l'objectif de non-discrimination dans le recouvrement de cette taxe et de réfléchir à un nouveau dispositif qui permettra de répondre aux objections du Conseil constitutionnel.

J'en viens maintenant au sport de haut niveau, en commençant par l'INSEP. L'institut, qui accueille et forme les futurs champions, poursuit sa rénovation de grande ampleur avec pour objectif de l'achever à l'horizon de 2016 pour la préparation des Jeux de Rio. 2014 a vu, en particulier, la reconstruction du centre aquatique Émile Schoebel et les prochains travaux devraient concerner deux gymnases ainsi que le stand de tir. La subvention de fonctionnement accordée à l'INSEP baisse à 22,13 millions d'euros tandis que, en application du contrat de partenariat public-privé (PPP), le ministère des sports versera en 2015 un loyer d'exploitation de 8,88 millions d'euros à la société Sport Partenariat.

Le sport français disposera donc bientôt d'un outil de premier ordre, mais le coût des travaux a eu pour conséquence d'augmenter le tarif facturé aux fédérations qui, parfois, réduit le nombre d'athlètes qu'elles y envoient. Par ailleurs, certaines fédérations s'inquiètent du préjudice que pourrait leur occasionner le développement de la politique de « sponsoring » de l'INSEP. Des sponsors de fédération ont, en effet, découvert que l'exclusivité dont ils pensaient pouvoir bénéficier en signant un partenariat avec une fédération était remise en cause par un concurrent ayant obtenu de la visibilité dans les locaux de l'INSEP. Là encore, il sera sans doute nécessaire à l'avenir de favoriser une gestion plus partenariale afin de concilier les initiatives des différents acteurs.

Concernant les centres de ressources, d'expertise et de performance sportives (CREPS), leurs moyens de financement sont préservés à un niveau de 53,9 millions d'euros ainsi que le niveau d'emplois. Cette préservation des moyens intervient dans un contexte marqué par le projet du Gouvernement de les transférer aux régions à compter du 1er janvier 2016. A cette fin, un amendement devrait être discuté lors de l'examen du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe). Nous aurons donc l'occasion d'évoquer prochainement ce sujet.

Toujours dans le domaine de la formation, notons le fait que les crédits consacrés au fonctionnement des écoles nationales - l'Institut français du cheval et de l'équitation (IFCE), l'École nationale des sports de montagne (ENSM) et l'École nationale de voile et des sports nautiques (ENVSN) - et les moyens dédiés aux actions des fédérations sportives en faveur de la formation connaissent une légère augmentation, liée au plan de titularisation des personnels des écoles nationales.

Un mot sur l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD), dont les crédits sont stables à 7,8 millions d'euros sur un budget total de 9 millions d'euros. J'évoquais l'année dernière mes inquiétudes concernant la soutenabilité de son financement compte tenu de ce que l'agence était de plus en plus amenée à solliciter son fonds de roulement pour boucler son budget. Ces inquiétudes se confirment pour l'année prochaine, car le fonds de roulement de l'agence n'est pas inépuisable et le produit de la taxe Buffet ne sera pas conforté par un élargissement de l'assiette, comme je l'ai expliqué à l'instant.

Cette année, l'AFLD a été obligée de puiser près de 900 000 euros dans son fonds de roulement pour financer son programme d'investissement. En 2015, compte tenu de la mise en réserve annoncée de 8 % de ses crédits, l'agence n'aurait pas d'autre solution que de baisser de 10 à 15 % le nombre de ses contrôles et de recourir une nouvelle fois à une ponction sur son fonds de roulement. Dans ces conditions, les moyens de l'agence en euros courants reviendraient au niveau de 2010-2011, tandis qu'en termes réels ils seraient inférieurs de 10 % à ce qu'ils étaient lors de la création de l'agence.

Nous veillerons à ce que, pour des raisons budgétaires, il ne soit pas décidé de lever le pied sur la lutte contre le dopage ce qui est, bien évidemment, contraire à l'esprit qui nous anime, comme l'a montré notre unanimité lorsque nous avons eu, le 14 octobre dernier, à nous prononcer sur le projet de loi habilitant le Gouvernement à prendre les mesures relevant du domaine de la loi, mesures nécessaires pour assurer dans le droit interne le respect des principes du code mondial antidopage.

J'évoquerai, enfin, la question du Stade de France, qui reste à ce jour une préoccupation de moyen terme. En effet, l'accord de 2013 a permis à l'État de ne plus verser d'indemnité pour absence de club résident pendant quatre ans (pour une économie de l'ordre de 16 millions d'euros par an), jusqu'en 2017, qui marque le terme des conventions passées avec les fédérations de football et de rugby ; mais l'incertitude demeure pour la suite.

Le projet de Grand Stade de la fédération de rugby dans l'Essonne reste d'actualité ; elle invite même d'autres fédérations sportives à la rejoindre sur le site. Si l'on ne peut que trouver de l'intérêt au projet de mutualisation des moyens des fédérations sportives, il faut rester vigilant sur l'avenir du Stade de France.

Les travaux de la mission commune d'information sur le sport professionnel et les collectivités territoriales ont montré, en effet, que les perspectives de voir un club de football « résident » s'y installer étaient très faibles du fait de l'inadaptation du Stade de France aux besoins d'un grand club européen en matière de services à haute valeur ajoutée (loges VIP, espace hospitalité premium) et de sa trop grande taille (les stades du Bayern de Munich et d'Arsenal ont chacun moins de 70 000 places). Il faut donc envisager d'autres solutions comme, par exemple, la vente du stade à la Fédération française de football, pour laquelle il a été construit en 1998.

Mon dernier mot concernera le débat sur une candidature de Paris pour l'organisation des Jeux olympiques de 2024. Un tel projet pourrait constituer l'aboutissement des efforts déployés depuis quelques années pour doter notre pays des infrastructures nationales indispensables pour faire émerger des champions au niveau international et avoir un effet d'entrainement sur le nombre de pratiquants. Mais il faudra que cette candidature s'articule, sur la durée, avec les moyens mobilisés pour le sport dans notre pays. C'est pourquoi, une éventuelle candidature devra s'appuyer sur un plan de financement crédible et transparent, ne portant pas préjudice au développement du sport pour tous ; le Parlement devra y veiller.

Si cette candidature pourrait être un formidable catalyseur pour le développement du sport français et l'image de notre pays, veillons à ce qu'elle ne révèle pas une difficulté à faire des choix, à mobiliser des moyens et à moderniser la gouvernance du mouvement sportif.

En conclusion, je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits du programme « sport » ainsi qu'à l'article 61 rattaché en raison de la préservation globale des moyens qui est prévue, tout en mentionnant la nécessité pour notre commission de demeurer vigilante sur les évolutions qui pourraient se faire jour en 2015.

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