Intervention de Jean-Noël Cardoux

Réunion du 13 novembre 2014 à 9h30
Financement de la sécurité sociale pour 2015 — Articles additionnels après l'article 12 quinquies

Photo de Jean-Noël CardouxJean-Noël Cardoux :

Il est vrai que ce débat est récurrent, mais il est vrai également qu’il n’y a pas pire sourd que celui qui ne veut pas entendre !

Mme la ministre nous a rappelé les règles générales s’appliquant en matière de retraite. Nous les connaissons, bien sûr. Cela étant, depuis plus de dix ans, nous débattons, notamment dans cet hémicycle, du problème de démographie médicale en France. À cet égard, c’est une évidence, la situation est exceptionnelle. Par conséquent, à situation exceptionnelle, règle dérogatoire exceptionnelle !

Permettez-moi d’évoquer les multiples mécanismes financiers que l’État et les collectivités territoriales ont mis en place en faveur à la fois des jeunes médecins dans le cadre de leurs études, mais aussi des praticiens désireux de se regrouper dans des maisons médicales. Tous ces mécanismes représentent beaucoup d’argent. Je ne pense donc pas, compte tenu de l’enjeu et des risques dans certaines régions, qu’il serait inacceptable de déroger aux règles du cumul emploi-retraite pour les médecins. J’estime au contraire que la population le comprendrait parfaitement et que d’autres professions ne connaissant pas la même situation de pénurie que les médecins ne pourraient pas revendiquer à leur tour la même dérogation.

J’ajoute simplement – pardonnez-moi d’évoquer mon expérience, mais on parle toujours mieux de ce que l’on vit – que le conseil général du Loiret, dont je suis le vice-président, cherche depuis des années à résoudre ce problème de pénurie de médecins. À cette fin, il a lancé une vaste consultation auprès des médecins retraités du département, en accord avec le président de l’ordre.

Il s’agit de permettre à ces professionnels ou bien de s’installer dans certaines zones défavorisées, en association avec d’autres médecins, mais à temps partiel, ou bien de travailler à la vacation pour la collectivité départementale, puisque, vous le savez bien, mes chers collègues, l’évolution de la législation en matière de protection maternelle et infantile et de prise en charge des personnes âgées et handicapées impose des groupes de médecins pour évaluer les handicaps ou pour déterminer dans quels GIR rentrent les patients.

Certains médecins retraités acceptent de travailler comme vacataires, et c’est une bonne chose, car alors nous n’avons pas besoin de recourir aux services de médecins plus jeunes.

Toutefois, régulièrement, ces professionnels nous opposent l’argument suivant : « Nous voulons bien continuer à travailler, mais à la condition soit que nous ne cotisions pas aux caisses de retraite, soit que les cotisations que nous versons au titre de la retraite nous ouvrent de nouveaux droits que nous pourrons cumuler une fois que nous cesserons toute activité. »

Madame le ministre, vous dites que les professionnels ont le choix : bien sûr ! En effet, on n’est pas obligé de faire valoir ses droits à la retraite à l’âge légal. Néanmoins, de nombreuses personnes exerçant dans le milieu médical – la situation est la même dans d’autres professions – aspirent à prendre leur retraite parce qu’elles ont travaillé très longtemps, plus de quarante ans. Elles demandent alors la liquidation de leur pension, ce qui ne les empêche pas, par la suite, de reprendre une activité à temps partiel au cours de laquelle elles sont beaucoup moins sollicitées et pratiquent des temps choisis. Et c’est précisément à ce moment-là que les médecins peuvent apporter une aide indispensable dans la lutte contre la désertification médicale.

À mon avis, le principal frein n’est pas une question de gros sous. Il s’agit en réalité de rationalité : demander à quelqu’un qui rend service à l’ensemble de la collectivité de travailler tout en cotisant à une caisse de retraite sans contrepartie ne peut que choquer un esprit cartésien ; or les médecins sont souvent très cartésiens…

C’est la raison pour laquelle nous aurons encore beaucoup de peine à recruter tant que cet obstacle subsistera.

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